HOMÉLIE POUR LE 5E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « ALLONS AILLEURS » TEXTES : JOB 7, 1-4.6-7, 1 CORINTHIENS 9, 16-19.22-23 ET MARC 1, 29-39.
5 février, 2021HOMÉLIE POUR LE 5E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « ALLONS AILLEURS »
TEXTES : JOB 7, 1-4.6-7, 1 CORINTHIENS 9, 16-19.22-23 ET MARC 1, 29-39.
Pour décrire le déroulement de nos journées, en s’amusant on utilise parfois une formule un peu caricaturale, mais assez juste par ailleurs, et on dit avec une pointe d’humour : ma vie quotidienne c’est « métro, boulot, dodo ».
Dans l’évangile de ce jour on a le portrait d’une journée typique de Jésus que je résumerais, de façon plus sérieuse, avec une autre formule : « les trois P pour Présence, Prière et Parole ». Pendant tout le ministère public de Jésus ses journées seront vécues la plupart du temps sur ce modèle avec des variantes bien sûr, mais en retenant toujours ces trois priorités : présence, prière et parole.
I – Présence
Commençons par la présence. Il s’agit ici d’une présence de Jésus à la vie ordinaire des gens. Il vit avec ses disciples au fil des jours. Ici, on le voit s’arrêter avec eux dans la famille de deux d’entre eux, Simon – qui est un autre nom de saint Pierre – et André, son frère, les premiers qui l’ont suivi. Ils arrivent à l’Improviste et la maîtresse de maison – la belle-mère de Simon-Pierre – fait de la fièvre. Elle se désole de ne pouvoir s‘occuper d’eux. Jésus est touché et il s’approche simplement, lui prend la main et la fait se lever. La fièvre la quitte. Aussitôt elle est sur ses pieds.
Ce beau geste de Jésus n’est nullement une geste isolé. Devant des gens démunis et/ou mal pris, il apporte son aide. Ici, il libère cette femme de sa fièvre. Il le fait dans le cadre d’une proximité et d’une chaleur familiales. Il veut ainsi être présent à la vie et aux préoccupations de ceux et celles qu’il fréquente. Les gens le comprennent bien et saint Marc nous dit qu’ils courent après lui. « La ville entière se pressait à sa porte ».
Est-ce que nous prenons la peine de consacrer du temps à ceux et à celles que nous aimons? Est-ce que nous écoutons les peines de nos proches? Est-ce que les problèmes de notre monde comme celui des réfugiés ou celui de la pandémie de la coronavirus Covid-19 nous rejoignent ? Est-ce que nous regardons nos frères et sœurs humains comme des fils et des filles de Dieu, comme Jésus Christ lui-même parmi nous ainsi que nous y invite l’évangile de saint Mathieu que vous connaissez bien ? Saint Mathieu fait dire à Jésus au jour du jugement « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mathieu 25, 35-36).
À partir de cet épisode de la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre, retenons que Jésus n’est pas sur un nuage, il est à côté de moi, présent dans ma vie de chaque jour et toujours prêt à me sortir de mes maux. Il apporte paix et joie dans la vie de ceux et celles qui veulent bien l’accueillir comme la belle-mère de Simon-Pierre.
II – Prière
La présence aux autres ne peut se vivre en vase clos. Elle suppose une ouverture. Cette ouverture où la puiser ? La réponse que nous donne Jésus, par son exemple ici, est celle de la prière. Bien avant l’aube, il se rend dans un endroit désert pour prier. « Le lendemain, écrit saint Marc, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait ».
Quelle est sa prière ? L’évangile d’aujourd’hui ne donne pas de précision, mais nous savons par d’autres passages des évangiles que dans sa prière Jésus ne cessait de s’écrier « Abba, Père ». Il nous a laissé l’essentiel de sa prière dans le fameux et traditionnel Notre Père que nous récitons à chaque messe. Il l’a transmis de vive voix à ses apôtres comme nous le raconte l’évangile de saint Mathieu : « Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. ». (Mathieu 6, 9).
On peut penser aussi que sa prière était remplie d’abandon à la volonté de son Père. On le voit bien dans cette phrase qui nous est restée de sa prière au jardin des Oliviers avant qu’il soit livré par Judas : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Luc 22, 42). C’est aussi la même prière d’abandon qu’il fait sur la croix lorsque crie : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23, 46).
Vous voyez que les journées de Jésus ne se passaient pas sans ces moments de pause et de répit consacrés à la prière dans le brouhaha des activités.
Ne pourrions-nous pas, nous aussi dans notre « métro, boulot, dodo » prendre le temps de faire des pauses, d’utiliser une partie du temps de nos déplacements dans des moyens de transport public pour prier le chapelet ou lire sur notre téléphone intelligent un passage de l’Écriture et le méditer ? Au volant de notre voiture, sans perdre l’attention nécessaire à une conduite prudente, pourquoi ne pas écouter une musique qui élève notre esprit et notre cœur ou répéter une invocation comme celle du pèlerin russe « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur » ou une autre selon nos inspirations personnelles ?
III – Parole
Présence, prière, et comme troisième priorité des journées de Jésus nous décelons celle de la parole.
C’est bien normal me direz-vous. Jésus a consacré sa vie publique à la prédication. Vous avez raison. Dans son évangile saint Marc raconte la prédication de Jésus à partir de son baptême par Jean-Baptiste jusqu’à sa mort et sa résurrection. Il ne veut pas faire une biographie de Jésus. Avec les apôtres qui ont connu Jésus et les membres des premières communautés chrétiennes il veut nous aider à conserver le message de Jésus pour mieux le transmettre. Ces communautés dont il fait partie ne se considèrent pas comme des bénéficiaires favorisés et refermés sur eux-mêmes. Elles ont retenu qu’elles sont envoyées pour témoigner du message de Jésus, de sa parole : « Allons ailleurs dans les villages voisins, disait Jésus, afin que là aussi je proclame l’Évangile; car c’est pour cela que je suis sorti ».
Concernant le ministère de la prédication de Jésus, revenons à la première partie de l’évangile que nous venons de lire. Jésus, après la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre, multiplie les signes de l’origine divine de sa prédication, de son message qui marque la venue des temps nouveaux : guérisons des malades et expulsions de beaucoup de démons qu’il empêche de parler de lui, car ce qui est important pour lui ce ne sont pas ces guérisons et ces expulsions en elles-mêmes, c’est la main de Dieu qui est à l’œuvre dans ces gestes.
Il est difficile pour nous, dans une civilisation de l’immédiateté à travers les médias sociaux, de comprendre l’impact de ce ministère de guérison de Jésus dont saint Marc a conservé plusieurs exemples et sur lequel il revient souvent pour marquer le rayonnement du message de Jésus. Si saint Marc le fait c’est pour montrer que la parole, la prédication de Jésus, est une œuvre de l’Esprit et que la Bonne nouvelle c’est Jésus lui-même.
Conclusion
« Présence, prière, parole » tel fut le « métro, boulot, dodo » de Jésus. Ces trois temps : présence, prière, parole peuvent aussi se vivre par chacun et chacune dans sa condition de vie. Ils reflèteront notre identité chrétienne. Ils feront de nous des évangélisateurs et des évangélisatrices, des disciples-missionnaires. C’est saint Paul qui disait dans la deuxième lecture : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ». Nous ne sommes pas des saint Paul, mais nous pouvons témoigner de la Bonne Nouvelle qui nous fait vivre, de la présence du Christ ressuscité. Saint Paul y a consacré toute sa vie à la suite d’un appel particulier. Nous, nous pouvons le faire à notre façon en écoutant les appels que l’Esprit Saint met en nous et en essayant d’y répondre le mieux possible.
Que cette célébration eucharistique dominicale fasse de nous des disciples de plus en plus fascinés par Jésus et qu’elle nous soutienne par sa présence particulière dans le Pain et le Vin qui sont la nourriture qu’il nous a laissée pour accomplir cette mission d’annoncer l’Évangile, la Bonne Nouvelle, jusqu’aux extrémités de la terre.
Amen !
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec