Archive pour février, 2021

HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DU CARÊME ANNÉE B « LES TEMPS SONT ACCOMPLIS » TEXTES : GENÈSE 9 -15, 1 PIERRE 3, 18-22 ET MARC 1, 12-15.

19 février, 2021

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HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DU CARÊME ANNÉE B « LES TEMPS SONT ACCOMPLIS »
TEXTES : GENÈSE 9 -15, 1 PIERRE 3, 18-22 ET MARC 1, 12-15.

Nous venons de lire les premières phrases de l’évangile selon saint Marc en ce premier dimanche du Carême qui, cette année, nous amènera à scruter et à mieux connaître la vie de Jésus pour nous préparer à célébrer avec foi le mystère de sa Mort et de sa Résurrection.

I – Jésus au désert
Pour saint Marc tout commence au désert. Aujourd’hui il nous présente en trois lignes ce qu’il est convenu d’appeler la tentation de Jésus. Sa présentation est très différente du récit traditionnel des trois tentations de Jésus racontées par l’évangile de saint Mathieu où Satan offre à Jésus la satisfaction de tous ses désirs humains représentés pas le pain, puis le prestige et la première place dans la société et enfin le pouvoir sur tous les royaumes du monde.
Saint Marc n’entre pas dans les détails comme saint Mathieu. Il se contente de nous rappeler que, pendant son séjour au désert, Jésus a vécu un moment fort au départ de la mission qui sera la sienne et que Jean-Baptiste avait entrevue lorsqu’il le présentait comme l’ « Agneau de Dieu », mission confirmée par l’Esprit lors du Baptême de Jésus où il est révélé à tous et à toutes comme le « Fils bien-aimé » (Marc 1, 11).
Mettons-nous à la place de Jésus. Il sent peser sur ses épaules tout le poids de cette mission qu’il découvre de façon plus claire maintenant. Il s’y est préparé intérieurement jusqu’alors, peut-on penser, mais maintenant c’est le passage à l’action. Retiré au désert il va préparer ce qui s’en vient.
« Parmi les bêtes sauvages » il vit en harmonie avec la nature et « les anges le servaient » précise saint Marc pour indiquer la teneur spirituelle de ce temps de rencontre intérieure et de passage. Ainsi, Jésus affermit en lui la volonté de répondre totalement au plan de Dieu. Il triomphe des peurs et des attaques sournoises de Satan que saint Marc ne précisent pas. Au terme de ces quarante jours, Jésus, après l’arrestation de Jean-Baptiste, part en Galilée pour « proclamer l’Évangile de Dieu ».

II – La mission de Jésus
Jésus se lance donc avec confiance dans sa mission perçue avec plus de netteté au désert. Pour lui comme le souligne saint Marc « Les temps sont accomplis ». Sans hésitation, Jésus donne le signal de l’entrée dans les temps nouveaux. Il sait maintenant qu’il porte en lui depuis sa naissance une mission qui va maintenant se dévoiler tout au cours des trois prochaines années.
Les temps nouveaux dont il est question sont la réponse à l’attente du peuple d’Israël. « Le Règne est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Dieu se fait non seulement proche mais il se fait humain avec les humains portant leurs limites, leurs espoirs et leurs désirs les plus profonds. Jésus, Fils bien-aimé du Père, est l’un de nous. Il est l’Évangile, la Bonne Nouvelle ( cf. Marc 8, 35 et 1, 11).
Dans ses quarante jours de prière et de lutte au désert, Jésus porte en lui ces temps nouveaux. Ils les préparent dans son cœur. Il les habite. Il en dessine les contours. Il en voit la richesse et la profondeur. Son message alors prend forme. Sa prédication subséquente le présentera avec force dans ses paroles et dans ses gestes que saint Marc se plaît à nous raconter simplement sans commentaires.
L’évangile de saint Marc, en effet, ne se lance jamais dans de longs plaidoyers comme c’est le cas dans celui de saint Jean, par exemple. Saint Marc raconte la vie de Jésus en se contentant de rappeler les principaux faits qui nourrissent la foi des disciples de Jésus que furent les premiers chrétiens. Souhaitons que notre foi se laisse illuminer par la lumière de Dieu comme celle des premiers chrétiens.

III- Le carême : un chemin pascal
Le carême de cette année qui est l’année liturgique B est un chemin qui nous fait suivre Jésus de plus près. Il est explicitement pascal, en ce sens que l’horizon du parcours quadragésimal n’est pas seulement le Vendredi Saint, c’est aussi Pâques où le Ressuscité éclaire toute la route parcourue, la sienne et la nôtre. Le défiguré du Vendredi Saint devient le transfiguré de Pâques.
Pour nous aider dans le parcours de ce chemin pascal en ce carême 2021, après l’évangile sur la Tentation de Jésus le 1er dimanche du Carême et celui de sa Transfiguration le 2e dimanche, les évangiles des dimanches suivants tirés de l’évangile de Jean portent sur le mystère de la Mort-Résurrection du Seigneur : annonce du relèvement du temple de son corps (Jean 2, 13-25); fin de l’entretien avec Nicodème sur la vie nouvelle (Jean 3, 14-21) ; démarche des Grecs qui viennent trouver Jésus qui frémit à l’idée de sa Passion (Jean 12, 20-31).
Je me suis permis de vous indiquer la tonalité de notre Carême cette année dans la liturgie de l’Église qui nous accompagnera jusqu’à Pâques pour nous aider à y entrer résolument avec cœur. Comme Jésus au désert, nous sommes dans un temps de passage nous aussi en ce temps de pandémie. À chaque année le temps du Carême nous est donné comme un moment où nous pouvons faire le point pour aller plus loin, ce que nous permettent les pauses dues à la Coronavirus-19, nous l’espérons. Ce temps du Carême nous permet aussi de nous libérer de nos poids et de nos péchés en rencontrant le Seigneur dans le sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation, si cela est possible dans nos régions.

Conclusion
Est-il besoin, en terminant, de rappeler que le chemin du Carême se nourrit de la Parole de Dieu et des gestes que l’Église nous a proposés le Mercredi des cendres : la prière, l’aumône et le jeûne ? Ces trois gestes sont à la portée de toutes et de tous. Ils prennent les formes qu’on leur donne sous l’inspiration de l’Esprit. Je vous invite à les identifier pour vous-mêmes.
Que ce temps du Carême, comme le disait si bien la prière d’ouverture de ce premier dimanche, nous aide à « progresser dans la connaissance de Jésus-Christ » et à « nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle ».
Amen!

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES – 17 février 2021 – HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

17 février, 2021

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2021/documents/papa-francesco_20210217_omelia-ceneri.html

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES – 17 février 2021 –
HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Nous commençons le cheminement du Carême. Il s’ouvre par les paroles du prophète Joël, qui indiquent la direction à suivre. C’est une invitation qui naît du cœur de Dieu qui, avec les bras grands ouverts et les yeux pleins de nostalgie nous supplie : « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Revenez à moi. Le Carême est un voyage de retour à Dieu. Que de fois, affairés ou indifférents, lui avons-nous dit : « Seigneur, je viendrai vers toi après, attends… Aujourd’hui je ne peux pas, mais demain je commencerai à prier et à faire quelque chose pour les autres ». Et ainsi un jour après l’autre. Maintenant Dieu fait appel à notre cœur. Dans la vie nous aurons toujours des choses à faire et nous aurons des excuses à présenter, mais, frères et sœurs, aujourd’hui c’est le temps de revenir à Dieu.
Revenez à moi, dit-il, de tout votre cœur. Le Carême est un voyage qui implique toute notre vie, tout notre être. C’est le temps pour vérifier les chemins que nous sommes en train de parcourir, pour retrouver la voie qui nous ramène à la maison, pour redécouvrir le lien fondamental avec Dieu, de qui dépend toute chose. Le Carême n’est pas une collecte de bonnes actions, c’est discerner vers où est orienté notre cœur. Cela est le centre du Carême : vers où est orienté mon cœur ? Essayons de nous demander : où me mène le navigateur de ma vie, vers Dieu ou vers mon moi ? Est-ce que je vis pour plaire au Seigneur, ou pour être remarqué, loué, préféré, à la première place et ainsi de suite ? Ai-je un cœur “qui danse”, qui fait un pas en avant et un pas en arrière, qui aime un peu le Seigneur et un peu le monde, ou bien un cœur ferme en Dieu? Suis-je bien avec mes hypocrisies, ou est-ce que je lutte pour libérer mon cœur des duplicités et des faussetés qui l’enchaînent?
Le voyage du Carême est un exode, un exode de l’esclavage à la liberté. Ce sont quarante jours qui rappellent les quarante années durant lesquelles le peuple de Dieu a voyagé dans le désert pour retourner à sa terre d’origine. Mais comme il a été difficile de quitter l’Egypte ! Il a été plus difficile de quitter l’Egypte de cœur du peuple de Dieu, cette Egypte qu’ils portaient toujours en eux, que de quitter la terre d’Egypte … Il est très difficile de laisser l’Egypte. Durant la marche, il y avait toujours la tentation de regretter les oignons, de revenir en arrière, de se lier aux souvenirs du passé, à quelque idole. Pour nous aussi, il en est ainsi : le voyage de retour à Dieu est entravé par nos attachements malsains, il est retenu par les liens séduisants des vices, par les fausses sécurités de l’argent et du paraître, par la lamentation d’être victime, qui paralyse. Pour marcher, il faut démasquer ces illusions.
Mais demandons-nous : comment alors procéder dans le cheminement vers Dieu ? Les voyages de retour, que nous raconte la Parole de Dieu, nous viennent en aide.
Regardons le fils prodigue et comprenons qu’il est temps pour nous aussi de revenir vers le Père. Comme ce fils, nous avons, nous aussi oublié le parfum de la maison, nous avons dilapidé des biens précieux pour des choses de moindre valeur et nous sommes restés les mains vides et le cœur mécontent. Nous sommes tombés : nous sommes des enfants qui tombent continuellement, nous sommes comme des petits enfants qui essayent de marcher mais tombent par terre, et qui ont besoin d’être relevés à chaque fois par le papa. C’est le pardon du Père qui nous remet toujours debout : le pardon de Dieu, la Confession, est le premier pas de notre voyage de retour. J’ai dit la Confession, je recommande aux confesseurs : soyez comme le père, non avec le fouet, avec l’accolade.
Nous avons ensuite besoin de revenir vers Jésus, de faire comme ce lépreux purifié qui revint pour le remercier. Ils étaient dix à avoir été guéris, mais lui seul a été aussi sauvé, parce qu’il est revenu vers Jésus (cf. Lc 17, 12-19). Tous, tous nous avons des maladies spirituelles, nous ne pouvons pas les guérir tout seuls ; nous avons tous des vices enracinés, nous ne pouvons pas les éradiquer tout seuls ; nous avons tous des peurs qui nous paralysent, nous ne pouvons les vaincre tout seuls. Nous avons besoin d’imiter ce lépreux qui revint vers Jésus et se jeta à ses pieds. Nous avons besoin de la guérison de Jésus, il nous faut mettre devant lui nos blessures et lui dire : “Jésus, je suis ici devant toi, avec mon péché, avec mes misères. Tu es le médecin, tu peux me libérer. Guéris mon cœur”.
Encore : la Parole de Dieu nous demande de revenir au Père, nous demande de revenir à Jésus, et nous sommes appelés à revenir à l’Esprit Saint. La cendre sur la tête nous rappelle que nous sommes poussière et que nous retournerons en poussière. Mais sur notre poussière, Dieu a soufflé son Esprit de vie.Alors nous ne pouvons pas vivre en poursuivant la poussière, en suivant des choses qui aujourd’hui existent et qui demain disparaitront. Revenons à l’Esprit, dispensateur de vie, revenons au Feu qui fait renaître nos cendres, à ce Feu qui nous enseigne à aimer. Nous serons toujours poussière mais, comme dit une hymne liturgique, poussière amoureuse. Retournons prier l’Esprit Saint, redécouvrons le feu de la louange, qui brûle les cendres de la lamentation et de la résignation.
Frères et sœurs, notre voyage de retour à Dieu est possible seulement parce que son voyage aller vers nous a eu lieu. Autrement il n’aurait pas été possible. Avant que nous n’allions à lui, lui est descendu vers nous. Il nous a précédés, il est venu à notre rencontre. Pour nous, il est descendu plus bas que ce que nous pouvions imaginer : il s’est fait péché, il s’est fait mort. C’est ce que nous a rappelé Saint Paul : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché » (2 Co 5, 21). Afin de ne pas nous laisser seuls et pour nous accompagner dans notre marche, il est descendu dans notre péché et dans notre mort, il a touché le péché, il a touché notre mort. Alors notre voyage consiste à nous laisser prendre par la main. Le Père qui nous appelle à revenir est Celui qui sort de la maison pour venir nous rechercher ; le Seigneur qui nous guérit est Celui qui s’est laissé blesser en croix ; l’Esprit qui nous fait changer de vie est Celui qui souffle avec force et douceur sur notre poussière.
Voici alors la supplication de l’Apôtre : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (v. 20). Laissez-vous réconcilier : le chemin ne se fonde pas sur nos forces ; personne ne peut se réconcilier avec Dieu par ses propres forces, il ne peut pas. La conversion du cœur, avec les gestes et les pratiques qui l’expriment, n’est possible que si elle part de la primauté de l’action de Dieu. Ce ne sont pas nos capacités et nos mérites à exhiber qui nous font revenir à lui, mais sa grâce à accueillir. La grâce nous sauve, le salut est pure grâce, pure gratuité. Jésus nous l’a dit clairement dans l’Evangile : ce n’est pas la justice que nous pratiquons devant les hommes qui nous rend justes, mais la relation sincère avec le Père. Le début du retour à Dieu c’est de reconnaître que nous avons besoin de lui, que nous avons besoin de miséricorde, besoin de sa grâce. C’est la voie juste, la voie de l’humilité. Est-ce que je sens que j’ai besoin ou est-ce que je me sens autosuffisant ?
Aujourd’hui nous baissons la tête pour recevoir les cendres. A la fin du Carême, nous nous abaisserons encore plus pour laver les pieds de nos frères. Le Carême est une descente humble au-dedans de nous-mêmes et vers les autres. C’est comprendre que le salut n’est pas une escalade pour la gloire, mais un abaissement par amour. C’est nous faire petits. Sur ce chemin, pour ne pas perdre la route, mettons-nous devant la croix de Jésus : c’est la cathèdre silencieuse de Dieu. Regardons chaque jour ses plaies, les plaies qu’il a portées au Ciel et qu’il fait voir au Père, tous les jours, dans sa prière d’intercession. Regardons chaque jour ses plaies. Dans ces ouvertures, reconnaissons notre vide, nos manques, les blessures du péché, les coups qui nous ont fait mal. Et pourtant, justement là, nous voyons que Dieu ne pointe pas le doigt contre nous, mais qu’il nous ouvre tout grand les mains. Ses plaies sont ouvertes pour nous et par ces plaies nous avons été guéris (cf. 1 P 2, 25 ; Is 53, 5). Embrassons-les et nous comprendrons que c’est justement là, dans les vides de la vie les plus douloureux, que Dieu nous attend avec sa miséricorde infinie. Parce que là, là où nous sommes plus vulnérables, là où nous avons le plus honte, il est venu à notre rencontre. Et maintenant qu’il est venu à notre rencontre, il nous invite à revenir à lui, pour retrouver la joie d’être aimés.

 

HOMÉLIE POUR LE 5E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « ALLONS AILLEURS » TEXTES : JOB 7, 1-4.6-7, 1 CORINTHIENS 9, 16-19.22-23 ET MARC 1, 29-39.

5 février, 2021

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HOMÉLIE POUR LE 5E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « ALLONS AILLEURS »
TEXTES : JOB 7, 1-4.6-7, 1 CORINTHIENS 9, 16-19.22-23 ET MARC 1, 29-39.

Pour décrire le déroulement de nos journées, en s’amusant on utilise parfois une formule un peu caricaturale, mais assez juste par ailleurs, et on dit avec une pointe d’humour : ma vie quotidienne c’est « métro, boulot, dodo ».
Dans l’évangile de ce jour on a le portrait d’une journée typique de Jésus que je résumerais, de façon plus sérieuse, avec une autre formule : « les trois P pour Présence, Prière et Parole ». Pendant tout le ministère public de Jésus ses journées seront vécues la plupart du temps sur ce modèle avec des variantes bien sûr, mais en retenant toujours ces trois priorités : présence, prière et parole.

I – Présence
Commençons par la présence. Il s’agit ici d’une présence de Jésus à la vie ordinaire des gens. Il vit avec ses disciples au fil des jours. Ici, on le voit s’arrêter avec eux dans la famille de deux d’entre eux, Simon – qui est un autre nom de saint Pierre – et André, son frère, les premiers qui l’ont suivi. Ils arrivent à l’Improviste et la maîtresse de maison – la belle-mère de Simon-Pierre – fait de la fièvre. Elle se désole de ne pouvoir s‘occuper d’eux. Jésus est touché et il s’approche simplement, lui prend la main et la fait se lever. La fièvre la quitte. Aussitôt elle est sur ses pieds.
Ce beau geste de Jésus n’est nullement une geste isolé. Devant des gens démunis et/ou mal pris, il apporte son aide. Ici, il libère cette femme de sa fièvre. Il le fait dans le cadre d’une proximité et d’une chaleur familiales. Il veut ainsi être présent à la vie et aux préoccupations de ceux et celles qu’il fréquente. Les gens le comprennent bien et saint Marc nous dit qu’ils courent après lui. « La ville entière se pressait à sa porte ».
Est-ce que nous prenons la peine de consacrer du temps à ceux et à celles que nous aimons? Est-ce que nous écoutons les peines de nos proches? Est-ce que les problèmes de notre monde comme celui des réfugiés ou celui de la pandémie de la coronavirus Covid-19 nous rejoignent ? Est-ce que nous regardons nos frères et sœurs humains comme des fils et des filles de Dieu, comme Jésus Christ lui-même parmi nous ainsi que nous y invite l’évangile de saint Mathieu que vous connaissez bien ? Saint Mathieu fait dire à Jésus au jour du jugement « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » (Mathieu 25, 35-36).
À partir de cet épisode de la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre, retenons que Jésus n’est pas sur un nuage, il est à côté de moi, présent dans ma vie de chaque jour et toujours prêt à me sortir de mes maux. Il apporte paix et joie dans la vie de ceux et celles qui veulent bien l’accueillir comme la belle-mère de Simon-Pierre.

II – Prière
La présence aux autres ne peut se vivre en vase clos. Elle suppose une ouverture. Cette ouverture où la puiser ? La réponse que nous donne Jésus, par son exemple ici, est celle de la prière. Bien avant l’aube, il se rend dans un endroit désert pour prier. « Le lendemain, écrit saint Marc, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait ».
Quelle est sa prière ? L’évangile d’aujourd’hui ne donne pas de précision, mais nous savons par d’autres passages des évangiles que dans sa prière Jésus ne cessait de s’écrier « Abba, Père ». Il nous a laissé l’essentiel de sa prière dans le fameux et traditionnel Notre Père que nous récitons à chaque messe. Il l’a transmis de vive voix à ses apôtres comme nous le raconte l’évangile de saint Mathieu : « Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. ». (Mathieu 6, 9).
On peut penser aussi que sa prière était remplie d’abandon à la volonté de son Père. On le voit bien dans cette phrase qui nous est restée de sa prière au jardin des Oliviers avant qu’il soit livré par Judas : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Luc 22, 42). C’est aussi la même prière d’abandon qu’il fait sur la croix lorsque crie : « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23, 46).
Vous voyez que les journées de Jésus ne se passaient pas sans ces moments de pause et de répit consacrés à la prière dans le brouhaha des activités.
Ne pourrions-nous pas, nous aussi dans notre « métro, boulot, dodo » prendre le temps de faire des pauses, d’utiliser une partie du temps de nos déplacements dans des moyens de transport public pour prier le chapelet ou lire sur notre téléphone intelligent un passage de l’Écriture et le méditer ? Au volant de notre voiture, sans perdre l’attention nécessaire à une conduite prudente, pourquoi ne pas écouter une musique qui élève notre esprit et notre cœur ou répéter une invocation comme celle du pèlerin russe « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur » ou une autre selon nos inspirations personnelles ?

III – Parole
Présence, prière, et comme troisième priorité des journées de Jésus nous décelons celle de la parole.
C’est bien normal me direz-vous. Jésus a consacré sa vie publique à la prédication. Vous avez raison. Dans son évangile saint Marc raconte la prédication de Jésus à partir de son baptême par Jean-Baptiste jusqu’à sa mort et sa résurrection. Il ne veut pas faire une biographie de Jésus. Avec les apôtres qui ont connu Jésus et les membres des premières communautés chrétiennes il veut nous aider à conserver le message de Jésus pour mieux le transmettre. Ces communautés dont il fait partie ne se considèrent pas comme des bénéficiaires favorisés et refermés sur eux-mêmes. Elles ont retenu qu’elles sont envoyées pour témoigner du message de Jésus, de sa parole : « Allons ailleurs dans les villages voisins, disait Jésus, afin que là aussi je proclame l’Évangile; car c’est pour cela que je suis sorti ».
Concernant le ministère de la prédication de Jésus, revenons à la première partie de l’évangile que nous venons de lire. Jésus, après la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre, multiplie les signes de l’origine divine de sa prédication, de son message qui marque la venue des temps nouveaux : guérisons des malades et expulsions de beaucoup de démons qu’il empêche de parler de lui, car ce qui est important pour lui ce ne sont pas ces guérisons et ces expulsions en elles-mêmes, c’est la main de Dieu qui est à l’œuvre dans ces gestes.
Il est difficile pour nous, dans une civilisation de l’immédiateté à travers les médias sociaux, de comprendre l’impact de ce ministère de guérison de Jésus dont saint Marc a conservé plusieurs exemples et sur lequel il revient souvent pour marquer le rayonnement du message de Jésus. Si saint Marc le fait c’est pour montrer que la parole, la prédication de Jésus, est une œuvre de l’Esprit et que la Bonne nouvelle c’est Jésus lui-même.

Conclusion
« Présence, prière, parole » tel fut le « métro, boulot, dodo » de Jésus. Ces trois temps : présence, prière, parole peuvent aussi se vivre par chacun et chacune dans sa condition de vie. Ils reflèteront notre identité chrétienne. Ils feront de nous des évangélisateurs et des évangélisatrices, des disciples-missionnaires. C’est saint Paul qui disait dans la deuxième lecture : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ». Nous ne sommes pas des saint Paul, mais nous pouvons témoigner de la Bonne Nouvelle qui nous fait vivre, de la présence du Christ ressuscité. Saint Paul y a consacré toute sa vie à la suite d’un appel particulier. Nous, nous pouvons le faire à notre façon en écoutant les appels que l’Esprit Saint met en nous et en essayant d’y répondre le mieux possible.
Que cette célébration eucharistique dominicale fasse de nous des disciples de plus en plus fascinés par Jésus et qu’elle nous soutienne par sa présence particulière dans le Pain et le Vin qui sont la nourriture qu’il nous a laissée pour accomplir cette mission d’annoncer l’Évangile, la Bonne Nouvelle, jusqu’aux extrémités de la terre.
Amen !

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec