Archive pour octobre, 2020

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA TOUSSAINT ANNÉE A « UNE GRANDE NUÉE DE TÉMOINS  » TEXTES : APOCALYPSE 7, 2-4.9-14, 1 JEAN 3, 1-3 ET MATHIEU 5, 1-12A.

31 octobre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-la-fete-de-la-Toussaint-Annee-A-Une-grande-nuee-de-temoins_a975.html

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA TOUSSAINT ANNÉE A « UNE GRANDE NUÉE DE TÉMOINS « 
TEXTES : APOCALYPSE 7, 2-4.9-14, 1 JEAN 3, 1-3 ET MATHIEU 5, 1-12A.

fr

L’évangile de cette fête nous fait relire les Béatitudes en Mathieu 5, 1-12a qui sont le chemin incontournable de la sainteté, la « carte d’identité du chrétien » comme l’a écrit le pape François dans son Exhortation apostolique sur la sainteté intitulée Gaudete et Exultate publiée le 9 avril 2018.
Dans cette Exhortation, le pape François nous invite à considérer « la grande nuée de témoins » qui nous incitent à continuer de marcher vers la sainteté. « Et parmi eux, écrit-il, il peut y avoir notre propre mère, une grand-mère ou d’autres personnes proches (cf. 2 Timothée 1, 5). Peut-être leur vie n’a-t-elle pas toujours été parfaite, mais, malgré des imperfections et des chutes, ils sont allés de l’avant et ils ont plu au Seigneur. » (GE 3) Il les appelle « les saints de la porte d’à côté » ou « la classe moyenne de la sainteté » (GE 7).

I – Le sens de la fête de la Toussaint
Vous le voyez cette fête de la Toussaint qui arrive un dimanche cette année nous permet de nous associer de façon particulière aux saintes et saints connus et inconnus, à l’Église du ciel. Comme membres de l’Église ici-bas, sur terre, qui est le Corps mystique du Christ, nous ne sommes pas isolés. Nous sommes en lien continu et permanent avec nos frères et sœurs dans le Christ, non seulement avec ceux et celles qui sont sur la terre mais avec tous ceux et celles qui nous ont précédés et qui jouissent maintenant de la vie éternelle auprès de Dieu au ciel qu’on appelait autrefois l’Église triomphante.
Cette réalité merveilleuse de la « communion des saints » comme nous le confessons dans le Je crois en Dieu à chaque dimanche est au cœur de notre foi. Le christianisme, à l’inverse de plusieurs religions orientales qui se centrent sur la personne et son bien-être physique et spirituel, le christianisme, dis-je, est une religion de communion. Ce terme est parfois galvaudé et a servi à toutes les sauces, mais pour nous la communion n’est pas seulement le geste de partager le Corps du Christ à la messe. C’est beaucoup plus que cela et c’est des plus stimulants pour nous croyants et croyantes.
En effet, l’Église, Corps mystique du Christ, est d’abord et avant tout un rassemblement de communion dans la même foi et dans les mêmes liens. Comme le dit Saint Paul, il y a une seule foi, un seul baptême. « Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit, écrit-il aux Éphésiens. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. » (Éphésiens 4, 4-6)
La fête de la Toussaint fait lever nos regards vers cette multitude de personnes baptisées de toutes races, de toutes langues, de toutes nations, fils adoptifs et filles adoptives par la grâce divine et participants de la vie trinitaire. Dieu les connaît par leur nom car c’est lui qui les a appelés. Ils sont nos frères et soeurs rendus à la maison du Père et vivants pour Dieu éternellement avec le Christ ressuscité ( cf. Romains 6, 10-11 ).

II – Qui sont les saints et les saintes que nous fêtons à la Toussaint ?
Cette nué de saints et saintes de la Toussaint nous permet de regarder avec joie autour de nous et de voir, en particulier, les traces de Jésus chez des personnes que l’Église nous présente officiellement comme modèles en les canonisant. Le pape saint Jean- Paul II a voulu le manifester en canonisant au cours de ses voyages des personnes de toutes les contrées qu’il visitait comme aux Indes ou en Palestine. Au cours de son pontificat, il a ainsi procédé à plus de 1,300 béatifications et près de 500 canonisations. Hé oui! L’Église, par des gestes officiels reconnaît certaines personnes comme saintes en les proposant à notre vénération. Elle le fait parce qu’ils ont déjà reçu une reconnaissance de leur sainteté de leur vivant comme Marie de l’Incarnation et François de Laval au Québec qui ont été reconnus saints en 2014.
Outre ces saints et saintes canonisés, la fête de la Toussaint nous fait vénérer en bloc, comme le dit si bien le pape François, ceux et celles qu’il appelle les « les saints de la porte d’à côté » ou « la classe moyenne de la sainteté », car pour imiter Jésus il n’est pas nécessaire d’attirer l’attention. Comme le dit si bien le concile Vatican II lorsqu’il décrit l’appel universel à la sainteté dans la Constitution sur l’Église au chapitre cinq qui porte ce titre : « Tous les fidèles du Christ sont donc invités et tenus à chercher et à atteindre la sainteté et la perfection propres à leur état ». C’est dans la vie de tous les jours que les chrétiens arrivent à la sainteté qui est l’imitation de Jésus.

III – Application
Profitons de cette belle fête de la Toussaint pour laisser nos cœurs s’enflammer du même amour que ces saints et saintes, inconnus ou vénérés officiellement, qui nous ont précédés. Il est bon de les célébrer. car en le faisant c’est la richesse de la grâce de Dieu que nous reconnaissons. Elle se manifeste, en effet, sans relâche au cours des âges dans toutes les situations et dans tous les états de vie.
Si les saintes et les saints canonisés sont souvent issus de communautés religieuses, cela ne doit pas nous cacher le fait qu’elles sont très nombreuses les personnes saintes sans nom et qu’elles sont pour nous des modèles aussi bien que les premiers.

Conclusion
Notre célébration ce matin est une belle occasion de vivre la proximité avec tous les saints et saintes et de nous laisser inspirer par Dieu les gestes qui nous permettront de les rejoindre un jour dans la gloire du Père en union avec Jésus Ressuscité.

Bonne fête de la Toussaint!
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

 

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – Mercredi 21 octobre 2020 – Catéchèse – 11. La prière des Psaumes. 2

28 octobre, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20201021_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – Mercredi 21 octobre 2020 – Catéchèse – 11. La prière des Psaumes. 2

Salle Paul VI

fr la preghiera di gesù

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, nous devrons changer un peu la manière d’organiser cette audience en raison du coronavirus. Vous êtes séparés, également avec la protection du masque, et je suis un peu éloigné et je ne peux pas faire ce que je fais toujours, m’approcher de vous, car il arrive que chaque fois que je m’approche, vous venez tous ensemble et on perd la distance, le danger de la contagion existe alors pour vous. Je suis désolé de faire cela, mais c’est pour votre sécurité. Au lieu de venir près de vous et de serrer les mains et saluer, nous nous saluerons de loin, mais sachez que je suis proche de vous avec le cœur. J’espère que vous comprenez pourquoi je fais cela. Ensuite, alors que les lecteurs lisaient le passage biblique, mon attention a été attirée par ce petit garçon ou cette petite fille qui pleurait. Et je voyais sa mère qui caressait et allaitait l’enfant et j’ai pensé: «Dieu fait ainsi avec nous, comme cette mère». Avec combien de tendresse elle cherchait à déplacer l’enfant, à allaiter. Ce sont de très belles images. Et quand cela arrive à l’église, quand un enfant pleure, on sait que là, il y a la tendresse d’une mère, comme aujourd’hui, il y a la tendresse d’une mère qui est le symbole de la tendresse de Dieu avec nous. Il ne faut jamais faire taire un enfant qui pleure à l’église, jamais, car c’est la voix qui attire la tendresse de Dieu. Merci pour ton témoignage.
Nous complétons aujourd’hui la catéchèse sur la prière des Psaumes. Nous remarquons tout d’abord que dans les Psaumes apparaît souvent une figure négative, celle de l’“impie”, c’est-à-dire celui ou celle qui vit comme si Dieu n’existait pas. C’est la personne sans aucune référence au transcendant, sans aucun frein à son arrogance, qui ne craint pas les jugements sur ce qu’elle pense et ce qu’elle fait.
C’est pour cette raison que le Psautier présente la prière comme la réalité fondamentale de la vie. La référence à l’absolu et au transcendant – que les maîtres d’ascétique appellent la “sainte crainte de Dieu” – est ce qui nous rend pleinement humains, c’est la limite qui nous sauve de nous-mêmes, en empêchant que nous nous jetions sur cette vie de manière prédatrice et vorace. La prière est le salut de l’être humain.
Assurément, il existe également une prière fausse, une prière faite seulement pour être admirée par les autres. Celle de celui ou de ceux qui vont à la Messe uniquement pour faire voir qu’ils sont catholiques ou pour faire voir le dernier modèle qu’ils ont acheté, ou pour faire bonne figure socialement. Ils récitent une fausse prière. Jésus a admonesté avec force à cet égard (cf. Mt 6, 5-6; Lc 9, 14). Mais quand le vrai esprit de la prière est accueilli avec sincérité et descend dans le cœur, alors celle-ci nous fait contempler la réalité avec les yeux mêmes de Dieu.
Quand on prie, chaque chose acquiert de l’“épaisseur”. Cela est curieux dans la prière, nous commençons peut-être par une chose imperceptible, mais dans la prière cette chose acquiert de l’épaisseur, acquiert du poids, comme si Dieu la prenait par la main et la transformait. Le pire service que l’on puisse rendre à Dieu et également à l’homme, est de prier avec lassitude, de manière routinière. Prier comme des perroquets. Non, on prie avec le cœur. La prière est le centre de la vie. S’il y a la prière, notre frère, notre sœur, également notre ennemi, deviennent eux aussi importants. Un antique dicton des premiers moines chrétiens dit ainsi: «Bienheureux le moine qui, après Dieu, considère tous les hommes comme Dieu» (Evagrio Pontico, Traité sur la prière, n. 123). Celui qui adore Dieu aime ses enfants. Celui qui respecte Dieu, respecte les êtres humains.
C’est pourquoi la prière n’est pas un calmant pour atténuer l’anxiété de la vie; de toutes façons, une prière de ce genre n’est sûrement pas chrétienne. La prière responsabilise plutôt chacun de nous. Nous le voyons clairement dans le «Notre Père», que Jésus a enseigné à ses disciples.
Pour apprendre cette manière de prier, le Psautier est une grande école. Nous avons vu que les Psaumes n’utilisent pas toujours des paroles raffinées et gentilles, et ils portent souvent imprimées les cicatrices de l’existence. Pourtant, toutes ces prières ont été utilisées auparavant dans le Temple de Jérusalem et ensuite dans les synagogues; même celles plus intimes et personnelles. Le Catéchisme de l’Eglise catholique s’exprime ainsi: «Les expressions multiformes de la prière des Psaumes prennent forme à la fois dans la liturgie du temple et dans le cœur de l’homme» (n. 2588). Et ainsi, la prière personnelle puise et se nourrit tout d’abord à celle du peuple d’Israël, et ensuite à celle du peuple de l’Eglise.
Même les psaumes à la première personne du singulier, qui confient les pensées et les problèmes les plus intimes d’un individu, sont un patrimoine collectif, jusqu’à être priés par tous et pour tous. La prière des chrétiens a ce «souffle», cette «tension» spirituelle qui garde ensemble le temple et le monde. La prière peut commencer dans la pénombre d’une nef, mais ensuite elle termine sa course dans les rues de la ville. Et vice versa, elle peut germer pendant les occupations quotidiennes et arriver à son accomplissement dans la liturgie. Les portes des églises ne sont pas des barrières, mais des «membranes» perméables, disponibles à recueillir le cri de tous.
Dans la prière du Psautier, le monde est toujours présent. Les psaumes, par exemple, donnent voix à la promesse divine de salut des plus faibles: «A cause du malheureux qu’on dépouille, du pauvre qui gémit, maintenant je me lève, déclare Yahvé, j’assurerai le salut à ceux qui en ont soif» (12, 6). Ou bien, ils avertissent du danger des richesses mondaines, car «l’homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail qu’on abat» (48, 21). Ou bien encore, ils ouvrent l’horizon au regard de Dieu sur l’histoire: «Yahvé déjoue les plans des nations, il empêche les pensées des peuples; mais le plan de Yahvé subsiste à jamais, les pensées de son cœur, d’âge en âge» (33, 10-11).
En somme, là où Dieu est présent, l’homme doit aussi être présent. L’Ecriture Sainte est catégorique: «Quant à nous, aimons, puisque Lui nous a aimés le premier. Mais Lui va toujours avant nous. Il nous attend toujours, parce qu’Il nous aime le premier, Il nous regarde le premier, Il nous comprend le premier. Il nous attend toujours. Si quelqu’un dit: ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur: celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Si tu pries de nombreux chapelets chaque jour, mais qu’ensuite tu fais des commérages sur les autres et que tu as de la rancœur en toi, tu as de la haine contre les autres, c’est de l’artifice pur, ce n’est pas la vérité. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère» (1 Jn 4, 19-21). L’Ecriture admet le cas d’une personne qui, bien que cherchant sincèrement Dieu, ne réussit jamais à le rencontrer; mais elle affirme également que l’on ne peut jamais nier les larmes des pauvres, sous peine de ne pas rencontrer Dieu. Dieu ne supporte pas l’ «athéisme» de celui qui nie l’image divine qui est imprimée dans chaque être humain. Cet athéisme de tous les jours: je crois en Dieu, mais avec les autres je garde la distance et je me permets de haïr les autres. C’est de l’athéïsme pratique. Ne pas reconnaître la personne humaine comme image de Dieu est un sacrilège, c’est une abomination, c’est la pire offense que l’on peut faire au temple et à l’autel.
Chers frères et sœurs, que la prière des psaumes nous aide à ne pas tomber dans la tentation de l’«impiété», c’est-à-dire de vivre, et peut-être également de prier, comme si Dieu n’existait pas, et comme si les pauvres n’existaient pas.
Je suis heureux de saluer les personnes de langue française, en particulier les pèlerins de Toulouse, avec l’Archevêque Mgr Le Gall. La prière des psaumes est l’école de la vie avec Dieu et de la responsabilité vis-à-vis des personnes pauvres et vulnérables. Demandons la grâce de mettre Dieu et la personne humaine au centre de notre prière.

A tous, je donne ma bénédiction !

SOUFFRIR DANS LA BIBLE – par GIANFRANCO RAVASI ( chercheur biblique)

26 octobre, 2020

http://www.stpauls.it/fa_oggi00/1099f_o/1099fo39.htm

SOUFFRIR DANS LA BIBLE – par GIANFRANCO RAVASI ( chercheur biblique)

fr

Job

La famille aujourd’hui No. 10 octobre 1999 – Page d’accueil
La douleur humaine reste insurmontable. La raison comprend certains aspects, mais toutes les portes ne lui sont pas ouvertes. La Bible enseigne que la souffrance humaine est un mystère qui fait partie d’un plan transcendantal, dont nous pouvons deviner la cohérence générale. Une grande partie du mal, répandue dans le monde, est attribuable à la liberté et donc au comportement de ceux qui possèdent le libre arbitre. La douleur de l’humanité oblige chaque homme à se poser une question forte sur l’égoïsme, les prévarications, les injustices mises en œuvre au détriment des autres. Au contraire, soutenir le malade, même sans effacer complètement sa douleur, signifie continuer l’œuvre du Christ.

BIBLE ET SOUFFRANCE

LE ROCHER POUR GRIMPER

« Pourquoi est-ce que je souffre? C’est le rocher de l’athéisme ». Le célèbre vers du drame La Mort de Danton (1835) de George Buchner, l’un des écrivains allemands les plus intenses du XIXe siècle, résume de manière fulgurante l’une des deux approches antithétiques auxquelles conduit l’expérience de la douleur, en particulier de la douleur innocente. Qui ne se souvient pas de ce passage des Frères Karamazov où Dostoïevski se demande: «Si tout le monde doit souffrir pour acheter l’harmonie éternelle avec la souffrance, qu’est-ce que les enfants ont à voir avec elle? Est-ce totalement incompréhensible pourquoi eux aussi devraient souffrir et pourquoi c’est à eux d’acheter l’harmonie avec la souffrance? ».
Pendant des millénaires, l’humanité a essayé de mettre à l’échelle ou de niveler ce rocher. Déjà la sagesse égyptienne antique enregistre la défaite de la raison avec les lignes passionnantes du « Papyrus de Berlin 3024″ (2200 avant JC), intitulé de manière significative par les savants Dialogue d’un suicide avec son âme, un dialogue qui n’a pour destination que la mort vue comme libération, guérison, parfum de myrrhe, douce brise du soir, fleur de lotus en fleurs. L’implacable théodicée, c’est-à-dire la tentative de défendre Dieu de l’attaque de l ‘«athéisme» qui repose sur sa propre douleur, a toujours eu à faire face aux alternatives lapidaires du philosophe grec Épicure, telles que nous les a transmises l’écrivain chrétien Lactance. dans son œuvre De ira Dei(chapitre 13): «Si Dieu veut enlever le mal et ne le peut pas, alors il est impuissant. S’il peut et ne veut pas, alors il est hostile envers nous. S’il veut et peut, pourquoi alors le mal existe-t-il et n’est-il pas éliminé par lui? ».
C’est justement autour de ces dilemmes et surtout quand on entre dans la sombre raison de la souffrance personnelle que les apostasies sont célébrées, comme l’affirmait le penseur agnostique français Jean Cotureau: «Je ne crois pas en Dieu. Si Dieu existait, ce serait mal en personne. Je préfère le nier plutôt que de lui reprocher le mal ». Et précisément pour défendre Dieu de cette infâme accusation, tout a été fait dans l’histoire de l’humanité, en recourant précisément à cette théodicée mentionnée ci-dessus, en suivant les chemins les plus disparates, parfois presque impraticables. Ainsi, nous avons eu recours au dualisme, introduisant – à côté du Dieu bon et juste – une autre divinité négative et hostile, un Dieu du mal (pensez, par exemple, au manichéisme et à de nombreuses formes apocalyptiques extrémistes).
Pour d’autres, cependant, la voie pessimiste radicale doit être empruntée: la réalité est structurellement négative précisément à cause de sa limite créatrice (peut-être le bonheur ou la bonté quand ils surviennent dans la vie pour être expliqués!). Dans le Mythe de Sisyphe (1942), l’écrivain français Albert Camus observait: «Il n’y a qu’un seul problème important pour la philosophie, le suicide. Décider, c’est-à-dire s’il tient compte du vivant ou non ». En revanche, il y avait aussi une lecture optimiste tout aussi radicale de la réalité pour laquelle le mal n’est qu’un non-être, une donnée conceptuelle, une apparence à surmonter en découvrant la profonde sérénité de l’être. Dans cette lumière sont placées des visions panthéistes telles que le stoïcisme gréco-romain ou le brahmanisme indien pour lequel le mal n’est quemaya , c’est-à-dire «illusion». Dans cette ligne, il y a aussi certaines conceptions évolutives qui considèrent la douleur comme le résidu d’un monde encore imparfait et en construction. Les énergies cosmiques et le progrès humain sont la voie à suivre pour l’élimination progressive de toute négativité.
Job, l’impatient
La citadelle fortifiée de la douleur, cependant, n’est pas entièrement praticable par la raison humaine, même si des brèches et des passages peuvent s’y ouvrir. Son centre ultime, comme la Bible enseigne que nous allons maintenant nous interroger sur ce thème, peut se refermer et pas forcément dans l’absurde, mais aussi dans le «mystère» d’un projet métarational et transcendant dont on peut tout au plus percevoir une cohérence générale. Il existe cependant un fait préliminaire pertinent: une grande partie du mal répandu dans le monde est attribuable à la liberté et donc au péché humain. Il faut donc commencer par l’examen de conscience idéal proposé par Genèse 2-3 où ha-adam est le protagoniste ,en hébreu « l’homme » de tous les temps et de toutes les régions du monde. Au projet d’harmonie avec Dieu, avec la nature et avec son prochain, décrit comme le désir du Créateur au chapitre 2, il décide, dans sa liberté, de s’opposer à un projet alternatif d’aliénation, de violence, d’oppression, d’impérialisme (voir chapitre 3 et l’histoire suivante de Caïn, le déluge et Babel).
La douleur de l’humanité, donc, dans de nombreux cas, avant de faire appel au mystère de l’action divine, doit être transformée en un acte d’accusation que l’homme lance contre sa propre action immorale. Avant de crier à Dieu en protestant parce qu’il laisse beaucoup d’enfants mourir de faim ou sans souci ou en donne naissance à d’autres déformés, l’homme doit remettre en question son égoïsme, ses prévarications, sa politique, ses oppressions et injustices, sa science destructrice.
Cela dit, il faut cependant reconnaître qu’il y a – pour reprendre une expression du commentaire sur «Job» du philosophe français Philippe Nemo – un «excès de mal» qui déborde de l’action et de la responsabilité humaines. C’est précisément le «livre de Job» qui pose cette question pour des raisons strictement théologiques, c’est-à-dire pour découvrir le vrai visage de Dieu.En fait, le texte de Job – incompris comme symbole de patience (cf. Jc 5, 11) – est une recherche lacérante de la véritable réalité divine qui dans la douleur apparaît de façon scandaleusement déconcertante: «La colère de Dieu me persécute pour me déchirer, contre moi elle grince des dents, contre moi mon ennemi aiguise les yeux. J’étais serein et il m’a écrasé, m’a attrapé par l’arrière de la tête et m’a brisé le crâne, fait de moi sa cible. Ses archers me visent, sans pitié il perce les reins, il renverse mon fiel par terre, il me rage comme un général triomphant »(Job 16: 9.12-14). Dieu, quand sa peau est torturée par la douleur, n’est pas vu comme un père, mais comme un empereur triomphant, comme un archer sadique qui poignarde l’homme sans pitié. Dans ces moments-là, la seule prière est juste une question de trêve: « Quand arrêteras-tu de m’espionner et me laisseras-tu avaler ma salive? » (7,19). « Avaler de la salive » est une curieuse manière orientale d’indiquer un moment de répit et de répit. quand sa peau est torturée par la douleur, il n’est pas vu comme un père, mais comme un empereur triomphant, comme un archer sadique qui transperce l’homme sans pitié. Dans ces moments-là, la seule prière n’est qu’une question de trêve: « Quand arrêteras-tu de m’espionner et me laisseras-tu avaler ma salive? » (7,19). « Avaler de la salive » est une curieuse manière orientale d’indiquer un moment de répit et de répit. quand sa peau est torturée par la douleur, il n’est pas vu comme un père, mais comme un empereur triomphant, comme un archer sadique qui transperce l’homme sans pitié. Dans ces moments-là, la seule prière n’est qu’une question de trêve: « Quand arrêteras-tu de m’espionner et me laisseras-tu avaler ma salive? » (7,19). « Avaler de la salive » est une curieuse manière orientale d’indiquer un moment de répit et de répit.
Pour l’homme tourmenté par la souffrance, la seule lueur libératrice semble être la mort: «Si je dois espérer, Hadès seul est ma maison, dans l’obscurité je vais étendre mon lit. Au tombeau je pleure: tu es mon père! Aux vers: ma mère, mes sœurs!  » (17, 13-14). Dans la douleur, Job se dépouille de tout soutien humain et spirituel. Son itinéraire est celui d’une foi pure et nue, dénuée de supports faciles, loin des schémas froids que ses amis théologiens lui opposent pour expliquer le mystère du mal. Et c’est précisément par l’absolue pauvreté de la souffrance que Job parvient au vrai Dieu. Contre lui l’homme ouvre une offensive judiciaire pour le faire destituer dans une réunion judiciaire idéale afin qu’il justifie son étrange rage sur l’homme: «Voici la ma signature. Le Tout-Puissant réponds-moi! Mon rival a écrit son protocole! Je suis prêt à lui rendre compte de toutes mes démarches; comme un prince, je me présente devant lui »(31,35,37).
Et étonnamment, Dieu accepte de faire sa déposition, en empruntant le chemin du dialogue. Le Seigneur prononce deux discours monumentaux, qui sont aussi les pages poétiquement les plus élevées du livre. De ces strophes grandioses émerge le monde des merveilles cosmiques (terre, mer, étoiles, constellations, aurores, lions, ibis, gazelles, autruches, buffles, chevaux, chamois), mais aussi toute la sphère des énergies chaotiques et négatives qui attaquent la splendeur de création, énergies personnifiées dans les deux monstres symboliques Behemot et Leviathan (chapitres 38-41). Job est un pèlerin étonné parmi ces mystères, dont il ne sait sonder que quelques particules microscopiques tandis que Dieu les traverse totalement avec son omniscience et sa toute-puissance.
Job comprend donc qu’à côté de la petite logique de l’homme qui ne peut comprendre et arranger que de petits fragments de réalité et qui a donc des raisons d’être mal à l’aise face au mal, il y a un grand et supérieur «projet» de Dieu, infiniment plus complet et infranchissable à nos petits schémas. Ce projet divin est capable de placer en lui même les aspects qui nous accablent ou sont inutiles ou nuisibles. Les amis de Job se sont trompés, comme beaucoup de «consolateurs», qu’ils connaissaient ce projet en l’identifiant avec leurs explications théologiques faciles, en particulier avec la théorie de la rétribution susmentionnée pour laquelle toute douleur est générée par une faute. Mais la réalité leur a donné tort, comme Job les a aussi nié, quand il croyait qu’il n’y avait aucun moyen de régler la souffrance tout au long de l’histoire du salut. La douleur n’est donc pas expliquée à Job mais, en rencontrant le vrai Dieu, Job comprend que le Dieu infini et sage pourra l’encadrer dans son plan suprême de salut. Ce n’est qu’ainsi que Job s’abandonne à la main divine.
Une théologie de la douleur
Avec Job, on passe donc d’une anthropologie de la souffrance à une véritable théologie. Il est fermement convaincu que, précisément parce qu’il s’agit d’un «mystère» terrible et suprême, la réalité de la douleur ne peut être «rationalisée», domestiquée par un théorème théologique facile. Le mal et la douleur crient de toutes leurs forces contre l’esprit de l’homme. Mais le poète biblique est également catégorique sur le fait qu’il y a un ‘esah, mystère «rationalité», c’est-à-dire supérieure et totalisante, celle de Dieu: elle parvient à placer dans un projet ce qui pour l’homme semble déborder de tout projet. Et Job reste donc à la fois tendant vers le désespoir et le blasphème vers lesquels son intelligence le conduit «logiquement» et vers l’espérance et l’hymne de louange auxquels sa foi authentique le conduit.
Dans cette même ligne clairement théologique – qui côtoie la plus «philosophique» du châtiment, de la souffrance comme catharsis et pédagogie de l’homme (donc le dernier ami de Job, Elihu), de la limite créatrice ( Qohelet) – on place la figure du Serviteur du Seigneur souffrant, chantée par Isaïe dans quatre poèmes (chapitres 42; 49; 50; 53), figure réinterprétée dans une clé messianique par le christianisme. Nous allons maintenant suivre le quatrième chant fondamental du Serviteur du Seigneur (Is 52,13-53,12). Il est né comme une pousse dans un désert solitaire, mais grandit et prend la forme d’un être «méprisé, rejeté par les hommes, un homme de douleur qui sait bien souffrir». Mais cette souffrance n’est pas le résultat de la punition d’une faute, comme l’enseigne la thèse précitée du châtiment liée au binôme «crime-punition». C’est le péché des autres qui est expié par ce juste. Sa douleur est saine pour nous tous, elle donne le salut et la paix, elle génère la repentance et le pardon en nous.
«Il a pris sur lui nos souffrances, il a pris sur lui nos souffrances et nous l’avons jugé puni, battu par Dieu et humilié. Il a été transpercé pour nos crimes, écrasé pour nos iniquités. Le châtiment qui donne le salut est tombé sur lui; par ses blessures nous avons été guéris »(versets 4-5). Son don est total et docile comme celui de l’agneau sacrificiel qui voit éclater l’épée du prêtre sur lui. Et ce qui attend le Serviteur est maintenant la mort et l’enterrement, le sceau d’une vie de douleur et de mépris. Bien que son cadavre soit jeté dans la fosse des méchants, une pierre tombale idéale est placée sur sa tombe: « Il n’a pas commis de violence, il n’y avait pas de tromperie dans ses paroles » (verset 9). Mais la mort n’est pas la bouche définitive vers laquelle court la vie du Serviteur. Plutôt, la mort fait fleurir le mystère de la fécondité que contenait cette pousse. Maintenant le juste serviteur contemple la lumière, il est satisfait de la douceur de gloire qui est de voir Dieu: « Mon juste serviteur en justifiera beaucoup, il prendra leur iniquité » (verset 11). La dernière image du poème renverse l’histoire et présente l’innocence du Serviteur, dont la souffrance expiatoire a libéré les hommes pécheurs.
Sa vie, sa passion et sa mort ont été pour nous un sacrifice expiatoire, son silence a été exaucé par la prière, sa douleur était notre justification et notre réconciliation avec Dieu. Pour cette page du deuxième Isaïe, la douleur a donc en elle-même un une force insoupçonnée, une fécondité extraordinaire qui aide à l’accomplissement de l’histoire du salut. De manière mystérieuse, la souffrance unit intimement à Dieu et en même temps produit une solidarité salvifique avec les frères. Apparemment, la souffrance semble une malédiction, en réalité elle devient un principe de vie, comme cela arrive avec les douleurs de l’accouchement (cf. Jn 16, 21).
La compagnie du Christ
L’une des grandes figures de la littérature spirituelle et philosophique du XXe siècle était certainement Simone Weil, une femme d’une intensité humaine extraordinaire, d’origine hébraïque, engagée dans le monde social et politique, a longtemps vécu au contact de l’expérience chrétienne et de l’auteur. éblouissant. Dans l’un de ses écrits, Weil observe: «La seule source de clarté suffisamment brillante pour éclairer la douleur est la croix du Christ. Peu importe, à quel âge, peu importe dans quel pays, partout où il y a de la douleur, la croix du Christ n’est que la vérité ». Ces paroles nous invitent à faire notre voyage dans la planète sombre de la douleur «selon les Écritures», jusqu’à la dernière étape de la Bible, celle du Nouveau Testament.
Au cours de sa vie terrestre, le Christ a mis le mystère de la douleur au centre de son attention. L’Évangile de Marc est presque une demi-histoire du Christ en compagnie des malades. Il y a eu un théologien, René Latourelle, qui a écrit: «Éliminer les miracles de Jésus dans les évangiles voudrait imaginer le« Hameau de Shakespeare sans Hamlet ». Et les miracles de Jésus ne sont pas des gestes d’auto-promotion spectaculaires, destinés à solliciter des applaudissements et des succès (combien de fois Jésus impose-t-il le silence aux malades guéris!), Mais plutôt destinés à libérer l’homme du mal et de la douleur.
Son attitude envers les lépreux est emblématique de cette proximité du Christ avec la souffrance. Ils n’étaient pas seulement malades mais excommuniés. Selon les prescriptions officielles de la loi biblique, ils devaient vivre à la périphérie des villes, isolés de leur passé et de toute affection; ils devaient signaler leur présence si une personne en bonne santé apparaissait sur leur chemin (Lv 14). La lèpre, en effet, était considérée – selon la théologie du «châtiment» de l’Ancien Testament – le fruit d’un péché très grave dont elle devenait punition et expiation. Mais Jésus, balayant toutes ces hésitations, se met non seulement sur le chemin de ces «pestiférés», mais … Écoutons le récit de Marc (1,41-42): «Jésus, ému de compassion, étendit la main,et lui dit: « Je le veux, guéris! ». Aussitôt la lèpre a disparu et il a été guéri ».
Face à une maladie, que l’on pourrait aujourd’hui comparer au grand cauchemar du sida, Jésus ne s’implique pas dans les sophismes religieux, il ne se laisse pas tenter par des soucis artificiels d’autodéfense comme le font certains chrétiens bien intentionnés, mais est immédiatement prêt à partager, à guérir. , aimer. Et, ainsi, devant Jésus, passent des gens pauvres, malades, angoissés, des gens frappés par des maux moraux, physiques, sociaux et psychiques. Pour autant, il a une parole et un geste d’espérance, proposant ainsi à son Église d’être toujours proche de ceux qui souffrent, voire de considérer ces «moindres frères» la réalité la plus précieuse du Royaume de Dieu.
On peut alors dire qu’en Jésus c’est Dieu lui-même qui vient à la rencontre de l’humanité souffrante pour la libérer de la tyrannie du mal. Une libération lente et progressive, destinée à arriver dans cette ville parfaite où la douleur et la mort ne seront plus les citoyens privilégiés, mais en seront expulsés. Dans le portrait de la Jérusalem céleste, symbole du monde que le Christ a inauguré et que nous devons collaborer à construire, l’Apocalypse nous offre ce profil: «Voici la demeure de Dieu avec les hommes! Il habitera parmi eux et essuiera toute larme de leurs yeux; il n’y aura plus de mort, plus de deuil, plus de lamentation, plus de trouble »(21: 3-4).
Cependant, le Christ expérimente non seulement extérieurement mais aussi en lui-même la force obscure de la douleur. Il pleure devant la tombe de son ami Lazare; il sait qu ‘«il doit beaucoup souffrir et être rejeté puis tué» (Mc 8, 31). Et surtout il entre dans la passion qui est un itinéraire continu de souffrance, c’est la «via dolorosa», la «via crucis» par excellence. C’est une expérience conduite dans la solitude, même des amis les plus proches (« N’as-tu pas pu veiller pendant une heure? »), Dans le silence de Dieu (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? »), Dans la lutte physique de l’agonie (la sueur du sang), dans la torture (flagellation et couronnement d’épines), dans la crucifixion, dans la catastrophe finale de la mort.
Un personnage d’un film de Bergman, le sacristain de Winter Lights,au pasteur en crise de foi, il rappelle la scène de la souffrance du Christ: «Pensez à Gethsémani, M. Tous les disciples s’étaient endormis. Ils n’ont rien compris. Mais ce n’était pas encore le pire. Lorsque le Christ a été cloué sur la croix et y est resté, tourmenté par la souffrance, il s’est exclamé: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? ». Le Christ a été saisi d’un grand doute dans les moments qui ont précédé sa mort. Cela a dû être la plus cruelle de ses souffrances. Je veux dire le silence de Dieu ». Pourtant, c’est précisément en passant par la douleur et la mort, qualités «impossibles» à Dieu, que le Christ est vraiment devenu l’un de nous et a pu libérer et sauver notre misère, nos limites, notre mal par sa divinité.
Dans cette lumière, la douleur devient le signe suprême de l’amour et de la fraternité du Christ envers l’homme. Ce n’est pas pour rien qu’il a répété au cours de sa vie terrestre: « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs » (Mc 10, 45). À cet égard, ce que le théologien Dietrich Bonhoeffer a écrit le 16 juillet 1944 dans le camp de concentration de Flossenburg, où il devait bientôt être pendu, est éclairant: «Dieu est impuissant et faible dans le monde et donc et seulement de cette manière reste avec nous et nous aide. … Le Christ ne nous aide pas en vertu de sa toute-puissance mais en vertu de sa souffrance ». La phrase est certes paradoxale, mais elle saisit une dimension fondamentale de l’Incarnation: le Christ nous aide, comprend notre douleur, il peut le faire parce qu’il l’a rencontré et l’a vécu comme nous. Et cette solidarité du Fils de Dieu est efficace et libératrice.
Dans cette lumière, la déclaration de Paul est compréhensible: « On vous a accordé la grâce non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui » (Ph 1, 29). En effet, l’apôtre peut écrire cette phrase surprenante: « Je me réjouis des souffrances que j’endure pour vous et accomplis dans mon corps ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l’Église » (Col 1, 24). Cette déclaration ne doit évidemment pas être comprise dans le sens que la passion du Christ est incomplète ou qu’il manque quelque chose à sa croix: la mort et la résurrection de Jésus sont, en fait, l’événement définitif du salut. Le croyant souffre en communion avec le Christ, dans son Corps qui est l’Église, et aussi sa douleur acquiert une valeur rédemptrice: la rédemption, en effet, bien qu’accomplie dans la mort et la gloire du Christ,
Les larmes dans la peau de Dieu
Au terme de ce long voyage dans la sombre galerie de la souffrance, faisons résonner les Béatitudes du Christ. Ils semblent une voix bien éloignée de l’enchevêtrement de la vie, des peurs et des souffrances: « Heureux les affligés, car ils seront consolés … Heureux vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez » (Mt 5, 4; Lc 6, 21). Ces mots, cependant, ne sont pas censés être une consolation facile et illusoire. Comme le disait le poète français Paul Claudel: « Dieu n’est pas venu expliquer la souffrance: il est venu la combler de sa présence ». Les explications philosophiques de la réalité de la douleur sont souvent stériles. Le Christ n’est pas venu justifier le scandale du mal en l’encadrant dans un système de pensée convaincant. Il est venu partager notre limitation, la prenant en lui.
Mais, précisément parce qu’il est le Fils de Dieu, à travers la douleur et la mort, il a laissé en eux une semence de divinité, d’éternité. L’amour de Dieu ne nous protège pas de toute souffrance mais nous soutient dans toute souffrance. L’expérience de la douleur peut être désespérée et angoissante, aussi parce que c’est comme être dans une prison qui nous force et nous étouffe.
L’entrée du Fils de Dieu dans cette prison marque un tournant: il n’élimine pas notre condition de créatures fragiles et limitées, mais nous ouvre la porte et nous prend par la main pour nous conduire au-delà de cette prison, c’est-à-dire au-delà de la souffrance et de la mort. La foi a pour tâche de nous révéler ce qui attend notre souffrance et notre mort: ce n’est pas le tourbillon sombre du néant et du non-sens, mais la libération définitive du mal, comme nous le rappelle l’Apocalypse (21, 4). Or, pendant le voyage de l’histoire, le Seigneur «recueille des larmes dans sa peau: ne sont-elles pas écrites dans son livre? (Ps 56,9). Il est donc solidaire et compagnon de route, attendant de nous conduire vers la nouvelle création qui rachète tout mal. Nous ne devons pas « espérer en Christ uniquement dans cette vie », car, comme le fait remarquer Paul, «Nous devrions être plus plaindre que tous les hommes»; il faut au contraire espérer le but de l’histoire, déjà marqué par la Pâque du Christ: là «Dieu sera tout en tous» (1 Co 15, 19,28).
Tous ceux qui, au cours du chemin de l’histoire, soignent les malades et sont proches de ceux qui souffrent ne font qu’anticiper le but du Royaume de Dieu, le construisent de leurs mains, aux côtés des mains décisives de Dieu. sans effacer complètement la douleur, c’est une continuation de l’œuvre du Christ et une anticipation de la libération offerte par le Royaume. Essuyer les larmes des yeux de la souffrance, c’est faire le même geste que Dieu réservera à la fin des temps (Is 25,8; Ap 21,4). C’est dans cette lumière que la bénédiction précitée du Christ Roi leur est réservée à tous: «Viens, bénie de mon Père, hérite du Royaume préparé pour toi dès la fondation du monde. Car j’avais faim et tu m’as donné à manger, j’avais soif et tu m’as donné à boire,

Gianfranco Ravasi

LE PLUS GRAND COMMANDEMENT: AIMEZ DIEU ET AIMEZ VOTRE PROCHAIN

25 octobre, 2020

https://www.toscanaoggi.it/Rubriche/Risponde-il-teologo/Il-piu-grande-comandamento-amare-Dio-e-amare-il-prossimo

LE PLUS GRAND COMMANDEMENT: AIMEZ DIEU ET AIMEZ VOTRE PROCHAIN

download

Une question sur l’un des versets les plus célèbres de l’Évangile, où Jésus met en parallèle l’amour pour nous-mêmes et l’amour du prochain. Don Stefano Tarocchi, professeur d’Écritures sacrées à la Faculté de théologie d’Italie centrale, répond.

Chemins : SPIRITUALITÉ ET THÉOLOGIE
22/07/2018 par Redazione Toscana Oggi

En plus des dix commandements donnés par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï, Jésus a résumé tout cela avec un seul commandement qui est celui de l’amour qui dit: « Aime ton prochain comme toi-même ». Si on ne s’aime pas, alors il ne peut pas aimer son prochain?
Marco Giraldi

Le texte auquel se réfère le lecteur est tiré de l’Évangile de Matthieu: «les pharisiens, ayant appris qu’il avait fermé la bouche aux sadducéens, se sont réunis et l’un d’eux, docteur de la loi, lui a demandé de le mettre à l’épreuve: « Maître, dans la Loi, quel est le [plus grand] commandement? » Il a répondu: «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit. C’est le grand et premier commandement. La seconde est donc similaire à cela: vous aimerez votre prochain comme vous-même. De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les prophètes «  » (Mt 22, 34-40). Même si nous lisons les parallèles de Marc et Luc (Mc 12,29-30,33; Lc 10,27), nous restons sur la même ligne.
Comme nous pouvons le voir, les commandements qui résument toutes les Saintes Écritures («la loi et les prophètes») sont deux, et pas seulement un. Plus que les dix mots donnés par Dieu à Moïse sur le Sinaï (les «dix commandements»), écrits dans l’ Exode (20,2-18) et dans le Deutéronome (5,1-21), il est bon de se référer au célèbre texte du credo des Israélites, le: «Écoutez, Israël ( Shema Israël ): le Seigneur est notre Dieu, seul le Seigneur est. Vous aimerez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur, de toute votre âme et de toute votre force »( Deutéronome 6,4-5).
Même si nous nous confions au troisième livre de Moïse, le commandement de l’amour du prochain, celui de l’amour pour le Seigneur apparaît toujours: « il s’adresse à toute la communauté des Israélites, en leur disant: » Soyez saints, car moi, le Seigneur, ton Dieu, je suis saint. Chacun de vous respecte sa mère et son père; garde mes sabbats. Je suis le Seigneur, votre Dieu, ne vous tournez pas vers les idoles et ne devenez pas des dieux du métal en fusion. Je suis le Seigneur votre Dieu «  » ( Lévitique19.2-4). Et, continue-t-il, à la limite de l’actualité pressante: «lorsque vous récolterez la moisson de votre terre, vous ne récolterez pas jusqu’au bord du champ, ni ne récolterez ce qui reste à glaner de la moisson; Quant à votre vignoble, vous ne récolterez pas les petites récoltes et vous ne récolterez pas les raisins tombés: vous les laisserez aux pauvres et à l’étranger. Je suis le Seigneur, votre Dieu »(Lv 19: 9-10). Et enfin: «Tu ne cacheras pas la haine contre ton frère dans ton cœur; Faites des reproches ouvertement à votre prochain, afin que vous ne vous accabliez pas d’un péché pour lui. Vous ne vous vengerez pas et ne garderez aucune rancune contre les enfants de votre peuple, mais vous aimerez votre prochain comme vous-même. Je suis le Seigneur »(Lv 19, 17-18). Comme on peut le voir, même la tradition juive qui connaît 613 préceptes (365 dans le négatif, 248 dans le positif) recherche un principe unificateur.
Saint Paul, qui part aussi des dix paroles de Dieu à Moïse, résume: «Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne désireras pas, et tout autre commandement, se résume en ce mot: Tu aimeras ton prochain comme toi même. L’amour ne fait pas de mal à son prochain: car la plénitude de la loi est amour »(Romains 13: 9-10).
De plus, dans le souper avant la passion de l’Évangile selon Jean, nous trouvons une autre formulation, qui nous aide à interpréter le commandement de l’amour pour le prochain sous un profil plus élevé: «si moi, le Seigneur et le Maître, j’ai lavé le pieds à vous, vous devez aussi vous laver les pieds les uns des autres. Je vous ai donné un exemple, en effet, pour que vous aussi vous fassiez comme moi »(Jn 13, 14-15). Et encore: «Je vous donne un commandement nouveau: que vous vous aimiez les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous vous aimez aussi les uns les autres »(Jn 13, 34).
Nous relisons dans Jean: «comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimé. Reste dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous resterez dans mon amour, comme j’ai observé les commandements de mon Père et demeurerez dans son amour… C’est mon commandement: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Personne n’a un plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis »(Jn 15, 9-13).
Le même disciple répètera dans la première lettre: « Chers amis, aimons-nous les uns les autres, car l’amour vient de Dieu: quiconque aime a été engendré par Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, parce que Dieu est amour » ( 1 Jn 4,7-8).
De plus, cette lettre établit à nouveau que « nous aimons parce qu’il nous a aimés le premier » donc, « si quelqu’un dit: » J’aime Dieu « et déteste son frère, c’est un menteur. En effet, quiconque n’aime pas son frère qu’il voit ne peut pas aimer Dieu qui ne voit pas ». Et ainsi il conclut: « Tel est le commandement que nous avons de lui: quiconque aime Dieu doit aussi aimer son frère » (1 Jn 4, 19-21). Je ne pense pas qu’il puisse y avoir une synthèse plus efficace.

Stefano Tarocchi

LA MER ET LA BIBLE, PAR G. RAVASI

22 octobre, 2020

https://www.cercasiunfine.it/meditando/scelti-da-noi/sul-tema-mare-n.-71-di-cercasi-un-fine#.X5G4jNAzbDc

LA MER ET LA BIBLE, PAR G. RAVASI

it

Plus de 1500 versets de l’Ancien Testament sont « baignés » par les eaux et pendant 397 fois c’est la confiture, la « mer », qui se répand. Cependant, quiconque voudrait se placer devant les pages marines sacrées avec cette attitude de contemplation sereine, de repos, de paix que peut-être certains de nos lecteurs vivent le long d’une plage alors que ces lignes s’écoulent aurait tort.
la mer et la Bible (sur www.vatican.va )

plus de 1500 versets de l’Ancien Testament sont «baignés» par les eaux et pour 397 fois c’est la confiture, la «mer», de se répandre. Cependant, quiconque voudrait se placer devant les pages marines sacrées avec cette attitude de contemplation sereine, de repos, de paix que peut-être certains de nos lecteurs vivent le long d’une plage pendant que ces lignes s’écoulent aurait tort. C’est un malentendu dans lequel sont tombés de nombreux exégètes, qui ont retracé le thème de la mer jusqu’au plus grand bassin sémantique des «eaux», en hébreu majim (582 fois dans l’Ancien Testament). L’emblématique est, par exemple, l’immense Grand Lexique du Nouveau Testament qui dans ses quinze volumes ne trouve pas de place pour le mot thálassa, «mer», et se contente d’hydor, «eau». Au plus il y a s’intéresse à la mer Rouge ou à la mer des roseaux, à la mer Morte, à la mer de Galilée (lac de Tibériade), la «mer» par excellence qu’est la Méditerranée (dans la Bible l’expression «vers la mer» signifie «ouest») , de la « mer de bronze », le grand bassin d’eau lustrale du temple de Salomon (80 000 litres de capacité). Et si la bibliographie sur l’eau biblique est robuste, signe vital et cathartique, pour la mer, il suffit de se référer à l’essai d’Otto Kaiser, intitulé Die mythische Bedeutung des Meeres in Ägypten, Ugarit und Israel, publié à Berlin dans 1959 et réédité en 1962. Oui, car la mer pour l’ancien Proche-Orient était avant tout et surtout un symbole négatif grandiose, une catégorie exprimée par un mot qui en Ougarit, célèbre ville cananéenne de Syrie, c’était le nom même d’une divinité, Jamn en fait, qui a attaqué la splendeur du cosmos et s’est battue avec le dieu de la création Baal. Le long de cette ligne sont les synonymes tels que tehom, l’abîme aquatique primordial d’où la terre s’était épanouie, ou les «nombreuses eaux», majim rabbim qui entraînaient avec eux le déluge et la mort. Il est donc difficile pour l’homme biblique de se tenir face à la mer sur une côte et de chanter, comme le fait Luzi, «la mer s’arrêta sous le vol des mouettes frangées juste entre les rochers de l’île, où une terre nue est ombragée par ses bosses « . Il y a une exception et c’est dans le prodigieux « cantique des créatures » du Psaume 104, lié par certains à l’hymne à l’Aton du pharaon « monothéiste » solaire Akhnaton. Dans une esquisse d’une intensité picturale extraordinaire, les célèbres monstres marins tels que Léviatan (ou Rahab ou Behemot ou Tannin), symboles du chaos et du néant, participent à une fête de la vie et de la paix: « Voici la mer large et spacieuse qui grouille là-bas d’innombrables animaux petits et grands, là passent les bateaux et le Léviathan que vous avez façonnés pour votre amusement »(versets 25-26). Dans cet esprit du refrain cosmique du Psaume 148, chanté par 22 créatures autant qu’il y a de lettres de l’alphabet hébreu, la mer est également invitée à entonner son halleluia: « Louez le Seigneur, monstres marins et vous tous profonds! » (verset 7). là pullulent d’innombrables petits et grands animaux; là passent les bateaux et le Léviathan que vous avez façonnés pour votre plaisir « (versets 25-26). Dans cet esprit du refrain cosmique du Psaume 148, chanté par 22 créatures autant qu’il y a de lettres de l’alphabet hébreu, la mer est également invitée à entonne son halleluia: « Louez le Seigneur, monstres de la mer et tous les profondeurs! » (verset 7). là pullulent d’innombrables petits et grands animaux; là passent les navires et le Léviathan que vous avez façonnés pour votre plaisir « (versets 25-26). Dans cet esprit du refrain cosmique du Psaume 148, chanté par 22 créatures autant qu’il y a de lettres de l’alphabet hébreu, la mer est également invitée à entonne son halleluia: « Louez le Seigneur, monstres de la mer et tous les profondeurs! » (verset 7).
Mais c’est une agréable exception. Dans la Bible, la mer est sombre, comme dans le chant orageux Canto V de l’Odyssée, lorsque «les genoux et le cœur d’Ulysse ont fondu» ou comme dans la scène tourbillonnante de Canto I de l’Énéide (versets 81-123) ou comme dans beaucoup d’autres passages «orageux» de la littérature classique. Tout a commencé avec la création quand « Dieu a dit: Les eaux qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul endroit et le sec apparaît. Et c’est arrivé. Dieu a appelé la terre sèche et la masse des eaux mer » (Genèse 1 , 9-10). La beauté du monde («Dieu a vu que c’était bon et beau») repose sur cet équilibre instable, fruit de l’acte créateur, entre la terre et la mer qui est vue comme une explosion à la surface du grand abîme souterrain, le tehom en fait (la déité mésopotamienne négative Tiamat), qui est le fond « infernal » de la carte cosmologique biblique. Le Créateur a tracé une frontière entre les deux êtres en tension, mer et terre: c’est le rivage de la côte. Dieu lui-même le dit superbement dans le livre de Job, comparant la mer à un enfant turbulent pris dans des bandes de nuages ??et à un prisonnier enfermé dans une prison à sécurité maximale: « Qui a enfermé la mer entre deux ailes quand elle a éclaté en jaillit de son ventre maternel, quand je lui ai donné les nuages ??comme manteau et la brume pour bandes, quand j’ai brisé son élan en imposant des frontières, des barreaux et des portes, et je lui ai dit: tu viendras jusqu’ici et pas plus loin, ici l’arrogance de tes vagues va-t-elle s’apaiser? (38,8-11). Une idée, ça, répété dans le chant d’auto-félicitations que proclame la Sagesse créatrice divine au chapitre 8 du livre des Proverbes: « Quand il a établi ses limites à la mer pour que ses eaux ne traversent pas la plage, j’étais avec lui (le Créateur) » (versets 29-30) . Dante dans le Convivio paraphrasera le texte: « Quand (Dieu) a contourné son terme à la mer et a placé la loi sur les eaux que ses frontières ne passaient pas avec lui, j’étais » (III, 15,16). Par conséquent, être sur le rivage signifie pour l’ancien juif de vivre une expérience similaire à celle de quelqu’un regardant un cratère volcanique, presque étourdi. Une expérience bien différente de ceux qui admirent désormais le jeu des vagues, comme l’a fait Montale dans l’un de ses beaux couplets: « Une caresse dénoue la ligne de la mer et la perturbe ». Le déluge dans le livre de la Genèse est, puis, vu comme le déséquilibre de cet équilibre cosmique parce que les eaux célestes traversent celles de la mer, laissées libres par Dieu de devenir fous sur la terre: « et toutes les sources du grand abîme se brisèrent et les fenêtres du ciel se furent ouvertes » (7, 11). C’est pourquoi la mer s’inscrit dans la panoplie avec laquelle Dieu le juge condamne l’humanité pécheresse: «C’est lui qui commande les eaux de la mer, déclare le prophète Amos (5,8) et les répand sur la terre». Jérémie lui fait écho: «Le Seigneur des armées élève la mer et fait rugir ses vagues» (31,35). Dans les versets et versets de la Bible, le pouvoir divin se déploie dans toute son infinité précisément en dominant la mer et en tenant fermement l’organique de la création, avec la terre comme plate-forme suspendue sur des colonnes au-dessus de l’abîme chaotique de la mer. C’est pourquoi, dans l’exode d’Israël d’Egypte, Dieu force d’abord la mer à se bloquer en tant que mur, obéissant à son puissant impératif (Exode 14:22), puis la lâchant comme une arme de son jugement sur les oppresseurs égyptiens: « Au souffle les eaux accumulées de ta colère, les vagues montaient comme un banc, les profondeurs se figeaient au fond de la mer. Tu soufflais de ton souffle: la mer les couvrait, elles coulaient comme du plomb dans les eaux profondes »(Exode 15.8.10). La reprise poétique de l’événement proposé par le psaume 114 est suggestive: « La mer a vu et reculé. Qu’avez-vous, mer, pour vous échapper? » (versets 3,5). À cet égard, la scène évangélique de la tempête sous sédation est exemplaire où le Christ, désormais identifié au Seigneur Créateur, attaque la mer comme s’il s’agissait d’un être diabolique, reprenant une conception mythique classique, et le soumet à un exorcisme: «Il gronda le vent et dit à la mer: Tais-toi, calme-toi! Ils furent pris d’une grande peur et se disaient: Qui est-ce à qui même le vent et la mer obéit?  » (Marc 4:39. 41). Si nous plongeons donc dans la mer comme dans une sorte d’utérus paisible, l’homme biblique y pénètre avec terreur, le sentant presque comme le linceul de la mort. Seul Dieu peut l’arracher de ces mâchoires, comme David le chante dans le Psaume 18: «Il a étendu sa main d’en haut, m’a saisi, m’a tiré hors des grandes eaux, m’a emmené en mer, m’a délivré parce qu’il m’aime» (versets 17 et 20). Seul Dieu peut «assécher la mer avec une menace: ses poissons, faute d’eau, restent secs, meurent de soif» (Isaïe 50,2).
Israël était, en fait, un peuple de saints, de héros, de poètes mais pas de navigateurs. Ils ne se souviennent que de trois célèbres et tous malchanceux. Tout d’abord, il y a Jonas le prophète réticent à sa mission, qui embarque sur un navire phénicien à destination de Tarsis (peut-être Gibraltar ou la Sardaigne) pour échapper à l’ordre divin qui l’envoie à l’antipode, c’est-à-dire à Ninive, et qui se heurte à une terrible tempête.
Le conte délicieux, sorte de fable morale universaliste, comprend également, comme on le sait, l’utilisation de monstres mythiques de l’océan, l’énorme poisson qui avale les misérables pendant trois nuits et trois jours. Du ventre du monstre Jonas est aussi capable de chanter un psaume « marin »: « Tu m’as jeté dans l’abîme, au coeur de la mer, toutes les vagues et les vagues sont passées sur moi. Les eaux m’ont submergé jusqu’à ma gorge, le l’abîme m’a enveloppé, l’algue s’est attachée à ma tête »(2,4.6.).
Ce sera le Tout-Puissant qui ordonnera au cétacé de jeter Jonas sur une plage. Sur une plage, celle de Malte, Paolo ira également atterrir avec ses compagnons aventuriers, à la fin d’un ouragan qui a éclaté sur la Méditerranée alors qu’il était transféré à Rome pour la procédure d’appel.
Ceux qui aiment les contes de la mer à la Conrad devraient lire le chapitre 27 des Actes des Apôtres avec sa description pittoresque de l’histoire que Paul a vécue sur un cargo romain. L’apôtre lui-même avouera qu ‘«il a fait naufrage trois fois et a passé un jour et une nuit à la merci des flots» (2 Corinthiens 11:25). Mais c’est avec un troisième navigateur, cette fois anonyme, que nous voulons conclure notre court voyage sur les vagues de la mer de la Bible. Dans le Psaume 107, quatre personnages entrent en scène qui dissolvent leurs vœux dans le temple de Jérusalem. Il y a un conducteur de caravane qui avait perdu la piste dans le désert et qui l’avait retrouvée, il y a un prisonnier libéré, il y a un gravement malade guéri. À la fin, un marin se lève pour prononcer son ex-voto et la sienne est l’histoire la plus excitante. Le Sirach,
Écoutons aussi le marin dévoué. «Ceux qui naviguaient sur la mer sur des bateaux, marchands sur des eaux immenses, virent les œuvres du Seigneur et ses merveilles dans les profondeurs de la mer. Il parla et fit monter un vent orageux qui souleva les vagues. Ils montèrent au ciel, descendirent dans les profondeurs, le souffle vint. moins pour le danger. Ils dansaient et se balançaient comme des ivrognes, tout leur savoir-faire avait disparu. Dans l’angoisse, ils ont crié au Seigneur et il les a tirés de cette détresse. Il a réduit la tempête au calme, les vagues de la mer se sont calmées. Giorino pour le calme et il les conduisit au port tant attendu »(versets 23-30). Théophile Briant dans son anthologie Les plus beaux textes sur la mer, parue à Paris en 1951, a inséré ce verset aux côtés des classiques des tempêtes marines, des susdits Homère et Virgile, à Alceo et Ovidio. On pourrait aussi penser à Ulysse de Dante: « Un turbo est né, et a frappé la première chanson avec le bois. Trois fois le fe ‘tourner avec toutes les eaux; au quatrième lever la poupe en suso et la proue vers le bas, comme’ D’autres l’ont aimé, jusqu’à ce que la mer se referme sur nous »(Inferno XXVI, 137-142). Mais pour la Bible, comme on l’a répété, il n’y a pas que la terreur primordiale de l’homme face aux énergies déchaînées de la nature.
Il n’y a pas que l’expérience physique du vertige et du mal de mer, utilisée entre autres par le livre des Proverbes pour décrire ironiquement le balancement de l’ivrogne: «Vous serez comme celui qui se trouve au milieu de la mer, comme celui qui est assis sur le «mât» (23, 24). Il y a au contraire l’émotion complètement métaphysique de la rencontre avec rien; il y a la sensation effrayante de l’étreinte avec les enfers et avec la mort.
C’est pourquoi dans la nouvelle et parfaite création eschatologique la mer disparaîtra: « J’ai vu un nouveau ciel et une nouvelle terre, note Jean dans l’Apocalypse parce que l’ancien ciel et la terre avaient disparu et la mer n’était plus ». (21,1)

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE 14 octobre 2020 – Catéchèse – 10. La prière des Psaumes. 1

21 octobre, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20201014_udienza-generale.html

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE 14 octobre 2020 – Catéchèse – 10. La prière des Psaumes. 1

 fr

Salle Paul VI

Chers frères et sœurs, bonjour!

En lisant la Bible, on trouve sans cesse des prières de divers genres. Mais on trouve également un livre composé seulement de prières, un livre qui est devenu la patrie, le terrain d’exercice et la maison d’innombrables orants. Il s’agit du Livre des Psaumes. Il y a 150 psaumes pour prier.
Il fait partie des livres sapientiels, car il communique le “savoir prier” à travers l’expérience du dialogue avec Dieu. Dans les psaumes, nous trouvons tous les sentiments humains: les joies, les douleurs, les doutes, les espérances, les amertumes qui colorent notre vie. Le Catéchisme affirme que chaque psaume «est d’une sobriété telle qu’il peut être prié en vérité par les hommes de toute condition et de tout temps» (CEC, n. 2588). En lisant et en relisant les psaumes, nous apprenons le langage de la prière. Dieu le Père, en effet, les a inspirés avec son Esprit dans le cœur du roi David et d’autres orants, pour enseigner à chaque homme et femme comment le louer, comment le remercier et le supplier, comment l’invoquer dans la joie et dans la douleur, comment raconter les merveilles de ses œuvres et de sa Loi. En synthèse, les psaumes sont la parole de Dieu que nous, les humains, nous utilisons pour parler avec Lui.
Dans ce livre, nous ne rencontrons pas de personnes éthérées, des personnes abstraites, des gens qui confondent la prière avec une expérience esthétique ou aliénante. Les psaumes ne sont pas des textes nés à un bureau ; ce sont des invocations, souvent dramatiques, qui jaillissent du vif de l’existence. Pour les prier, il suffit d’être ce que nous sommes. Nous ne devons pas oublier que pour bien prier, nous devons prier tels que nous sommes, sans maquillage. Il ne faut pas maquiller son âme pour prier. «Seigneur, je suis ainsi», et se présenter devant le Seigneur tels que nous sommes, avec les belles choses et aussi avec les choses laides que personne ne connaît, mais que nous, à l’intérieur, nous connaissons. Dans les psaumes, nous entendons les voix d’orants en chair et en os, dont la vie, comme celle de tous, est remplie de problèmes, de difficultés, d’incertitudes. Le psalmiste ne conteste pas de manière radicale cette souffrance: il sait qu’elle appartient à la vie. Dans les psaumes, cependant, la souffrance se transforme en question. De la souffrance à la question.
Et parmi les nombreuses questions, il y en a une qui reste suspendue, comme un cri incessant qui traverse le livre entier de part en part. Une question, que nous répétons tant de fois: “Jusqu’à quand, Seigneur? Jusqu’à quand?”. Chaque douleur réclame une libération, chaque larme invoque une consolation, chaque blessure attend une guérison, chaque calomnie une sentence d’absolution. «Jusqu’à quand, Seigneur, devrais-je endurer cela? Ecoute-moi, Seigneur!»: combien de fois avons-nous prié ainsi, avec «Jusqu’à quand?», cela suffit Seigneur!
En posant sans cesse des questions de ce genre, les psaumes nous enseignent à ne pas nous habituer à la douleur, et ils nous rappellent que la vie n’est pas sauvée si elle n’est pas guérie. L’existence de l’homme est un souffle, son histoire est fugace, mais l’orant sait qu’il est précieux aux yeux de Dieu, c’est pourquoi crier a un sens. Et cela est important. Quand nous prions, nous le faisons parce que nous savons que nous sommes précieux aux yeux de Dieu. C’est la grâce de l’Esprit Saint qui, de l’intérieur, suscite en nous cette conscience: d’être précieux aux yeux de Dieu. Et pour cette raison, nous sommes poussés à prier.
La prière des psaumes est le témoignage de ce cri: un cri multiple, car dans la vie la douleur a mille forme, et prend le nom de maladie, haine, guerre, persécution, méfiance… Jusqu’au “scandale” suprême, celui de la mort. La mort apparaît dans le Psautier comme l’ennemie la plus déraisonnable de l’homme: quel délit mérite une punition aussi cruelle, qui comporte l’anéantissement et la fin? L’orant des psaumes demande à Dieu d’intervenir là où tous les efforts humains sont vains. Voilà pourquoi la prière, déjà en elle-même, est une chemin de salut et un début de salut.
Tous souffrent dans ce monde: aussi bien celui qui croit en Dieu que celui qui le repousse. Mais dans le Psautier, la douleur devient relation, rapport: un cri d’aide qui attend d’intercepter une oreille attentive. Elle ne peut pas rester sans sens, sans but. Même les douleurs que nous subissons ne peuvent pas être seulement des cas spécifiques d’une loi universelle: ce sont toujours “mes” larmes. Pensez à cela: les larmes ne sont pas universelles, ce sont «mes» larmes. Chacun a les siennes. «Mes» larmes et «ma» douleur me poussent à aller de l’avant avec la prière. Ce sont «mes» larmes, que personne n’a jamais versées avant moi. Oui, beaucoup de personnes ont pleuré, beaucoup. Mais «mes» larmes sont les miennes, «ma» douleur est la mienne, «ma» souffrance est la mienne.
Avant d’entrer dans la salle, j’ai rencontré les parents de ce prêtre du diocèse de Côme qui a été tué; il a précisément été tué dans son service pour aider. Les larmes de ces parents sont «leurs» larmes et chacun d’eux sait combien il a souffert en voyant ce fils qui a donné sa vie dans le service aux pauvres. Quand nous voulons consoler quelqu’un, nous ne trouvons pas les mots. Pourquoi? Parce que nous ne pouvons pas arriver à sa douleur, parce que «sa» douleur est la sienne, «ses» larmes sont les siennes. C’est la même chose pour nous: les larmes, «ma» douleur est la mienne, les larmes sont «les miennes» et avec ces larmes, avec cette douleur, je m’adresse au Seigneur.
Pour Dieu, toutes les douleurs des hommes sont sacrées. C’est ainsi que prie l’orant du psaume 56: «Toi, tu tiens le compte de chacun des pas de ma vie errante, et mes larmes même tu les gardes dans ton outre. Leur compte est inscrit dans ton livre» (v. 9). Devant Dieu, nous ne sommes pas des inconnus, ou des numéros. Nous sommes des visages et des cœurs, connus un par un, par leur nom.
Dans les psaumes, le croyant trouve une réponse, Il sait que, même si toutes les portes humaines étaient fermées, la porte de Dieu est ouverte. Même si tout le monde avait prononcé un verdict de condamnation, en Dieu se trouve le salut.
“Le Seigneur écoute”: quelquefois dans le prière, il suffit de savoir. Les problèmes ne se résolvent pas toujours. Celui qui prie n’est pas un naïf: il sait que de nombreuses questions de la vie d’ici-bas restent sans solution, sans issue; la souffrance nous accompagnera et après une bataille gagnée, il y en aura d’autres qui nous attendent. Mais si nous sommes écoutés, tout devient plus supportable.
La pire chose qui puisse arriver est de souffrir dans l’abandon, sans qu’on se souvienne de nous. La prière nous sauve de cela. Car il peut arriver, et même souvent, de ne pas comprendre les desseins de Dieu. Mais nos cris ne stagnent pas ici-bas: ils montent jusqu’à Lui, qui a un cœur de Père, et qui pleure Lui-même pour chaque fils et fille qui souffre et qui meurt. Je vais vous dire quelque chose: cela me fait du bien, dans les mauvais moments, de penser aux pleurs de Jésus, quand il pleura en regardant Jérusalem, quand il pleura devant la tombe de Lazare. Dieu a pleuré pour moi, Dieu pleure, il pleure pour nos douleurs. Car Dieu a voulu se faire homme – disait un auteur spirituel – pour pouvoir pleurer. Penser que Jésus pleure avec moi dans la douleur est une consolation: il nous aide à aller de l’avant. Si nous restons dans la relation avec Lui, la vie ne nous épargne pas les souffrances, mais elle s’ouvre à un grand horizon de bien et se met en marche vers son accomplissement. Courage, allons de l’avant avec la prière. Jésus est toujours à nos côtés.

Je salue cordialement les personnes de langue française. Alors que l’humanité souffre encore de la pandémie, je vous invite à lire et à prier les psaumes, assurés que Dieu nous écoute et qu’il n’abandonne jamais ceux qui mettent leur confiance en lui. En ce mois du Rosaire, que la Vierge Marie vous garde et vous protège !

HOMÉLIE POUR LE 29E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « UN PIÈGE DÉJOUÉ » TEXTES : ISAÏE 45, 1.4-6, 1 THESSALONICIENS 1, 1-5B ET MATHIEU 22, 15-21.

16 octobre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-29e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Un-piege-dejoue_a973.html

HOMÉLIE POUR LE 29E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « UN PIÈGE DÉJOUÉ »
TEXTES : ISAÏE 45, 1.4-6, 1 THESSALONICIENS 1, 1-5B ET MATHIEU 22, 15-21.

unnamed

La scène racontée dans ce passage de l’évangile selon saint Mathieu se situe à Jérusalem où Jésus est arrivé sous les acclamations des habitants et des pèlerins qui y sont montés pour la fête de la Pâque. Il y a fait une entrée remarquée que nous célébrons le Dimanche des Rameaux. Ses adversaires, pharisiens, scribes et membres du grand conseil appelé le Sanhédrin le poursuivent insidieusement. La scène que nous venons d’entendre fait partie de cette guerre. D’autres épisodes suivront. Arrêtons-nous à celui-ci puisqu’on l’a choisi comme évangile de ce dimanche.

I – Un portrait flatteur de Jésus
La scène commence avec des préliminaires doucereux et flatteurs de la part des pharisiens. J’ai été fasciné par le portrait qu’ils font de Jésus. Malgré leur désir de le voir se laisser monter la tête par leurs éloges, ceux-ci ne sonnent pas faux. Au contraire, ils tracent un portrait de Jésus qui m’apparaît refléter ce que ses contemporains voyaient en lui : un homme vrai qui ne se laisse influencer par personne et qui ne considère pas les gens selon l’apparence.
C’est un beau portrait que j’ai aimé entendre parce qu’il va en profondeur et ne se s’attarde pas seulement à sa renommée et à ses miracles.
Ce portrait hélas! fait partie d’une stratégie que Jésus va dégonfler avec un aplomb et une sagesse remarquables par une réponse qui est devenue si célèbre qu’elle fait partie de ces phrases qui ont traversé les siècles. Après les éloges des pharisiens et leur demande pour savoir s’il est permis de payer ou non l’impôt à César, l’empereur romain, Jésus les dénonce : « Hypocrites! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?» Il leur demande une pièce de monnaie et regardant l’effigie de l’empereur romain, il dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

II – Le piège déjoué
Pour mieux comprendre cette réponse célèbre, permettez-moi d’entrer avec vous dans le contexte particulier de ce piège préparé pour Jésus.
La question est très liée aux mouvements de résistance contre les Romains qui se manifestaient à cette époque. Dans ce cadre on voit bien le piège. Si Jésus répond oui, il se dissocie de ces mouvements et prend le parti des Romains qui occupent la Palestine. S’il répond non, il est classé comme membre ou associé des mouvements qui luttent contre les Romains qu’on appelle alors les Zélotes. L’un de ses apôtres d’ailleurs porte ce surnom : Simon le Zélote. Il vient probablement de ces milieux de la résistance juive à l’occupation romaine.
Jésus est bien conscient du piège et il trouve une façon habile de ne pas se prononcer par un oui ou par un non. Sa réponse se fait dans un contexte bien précis et Jésus refuse de se laisser coincer dans un camp ou l’autre, pour ou contre les Romains. Sa réponse « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est demeurée célèbre.

III – Application
Les générations chrétiennes au fil des ans ont reçu cette réponse de diverses façons.
Aujourd’hui, nous pouvons l’appliquer facilement à notre contexte politique. C’est ce que le pape Jean-Paul II faisait dans une lettre aux évêques de France en 2005 lors du centième anniversaire de la Loi de séparation des Églises et de l’État lorsqu’il leur écrivait que le principe de laïcité, bien compris, « rappelle la nécessité d’une juste séparation des pouvoirs qui fait écho à l’invitation du Christ à ses disciples : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” » (Lettre du 11 février 2005).
Il y plus cependant. Un message spirituel se dégage pour nous aujourd’hui, comme pour le juif du temps de Jésus : il ne faut pas laisser les aménagements politiques et sociaux prendre toute la place et tuer celle de Dieu. C’est pourquoi après avoir dit « Rendez à César ce qui est à César », Jésus ajoute « Et à Dieu ce qui est à Dieu ».
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » tourne le chrétien vers Celui de qui vient tout don, par qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes des Apôtres 17, 28). Cette attitude lui fait mettre en pratique le premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » sans laisser de côté le second « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mathieu 22, 36-40).

Conclusion
Des textes de l’évangile comme celui-ci ont donné lieu à nombreuses interprétations et même des abus au cours de l’histoire. C’est l’illustration des limites et des pauvretés de ceux et celles qui croient en Jésus-Christ. Leur foi ne les garantit pas des écarts et des dérives.
Demandons au Seigneur dans cette Eucharistie, que notre foi s’enracine de plus en plus dans le roc solide qu’est la personne de Jésus-Christ auquel nous remettons nos vies. C’est avec lui que nous cheminons sur les routes du monde en cherchant à mieux le connaître et à mieux le suivre.

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

«LA BEAUTÉ SAUVERA LE MONDE»: DOSTOÏEVSKI NOUS DIT COMMENT.

12 octobre, 2020

https://leonardoboff.org/2014/05/01/la-bellezza-salvera-il-mondo-dostoevskij-ci-dice-come/

b730fd337e3aaac2c5a92dd6ecc8d8be

«LA BEAUTÉ SAUVERA LE MONDE»: DOSTOÏEVSKI NOUS DIT COMMENT.

01/05/2014 LÉONARD BOFF17 AVIS

(traduction Google de l’italien)

Nous avons appris des Grecs – et cette intuition a traversé les siècles – que chaque être, aussi différent soit-il, a trois caractéristiques transcendantales (c’est-à-dire toujours présentes; alors que la situation, l’espace et le temps sont sans importance): chaque être est unum, verum et bonum, je veux dire qu’il jouit d’une unité interne qui le maintient en existence; qu’il est vrai, parce qu’il se montre tel qu’il est en fait; bien, car il fait bien son travail avec les autres, les aidant à exister et à coexister.
Ce sont les maîtres franciscains médiévaux, comme Alexandre de Hales et surtout Saint-Bonaventure qui, prolongeant une tradition de Dionigi Areopagita et Sant’Agostino, ont ajouté une autre caractéristique transcendantale à l’être: le pulchrum, c’est beau. Certainement basée sur l’expérience personnelle de saint François qui était un poète et un esthète de niveau exceptionnel, qui «voyait le Beau dans la beauté des créatures», a enrichi notre compréhension de l’être avec la dimension de la beauté.
Tous les êtres, même ceux qui nous semblent dégoûtants, si nous les regardons avec affection, en détail et dans leur ensemble, présentent, chacun à sa manière, une beauté singulière sinon précisément dans la forme, certainement de la manière comme en eux tout s’articule avec équilibre et harmonie surprenants.
L’un des grands admirateurs de la beauté était Fiodor Dostoevskij. La beauté était si centrale dans sa vie, nous raconte Anselm Grun, moine bénédictin et grand spirite, dans son dernier livre « La beauté: une nouvelle spiritualité de la joie de vivre  » (Vier Turne Verlag 2014) que le grand romancier russe est allé au moins une fois un an pour voir la belle Sixtina Madonna de Raphael. Il resta longtemps en contemplation devant cette splendide figure. Ce fait est surprenant, étant donné que ses romans pénètrent dans les zones les plus sombres et même perverses de l’âme humaine. Mais ce qui l’a vraiment poussé, c’est la recherche de la beauté, et pour cela il nous a laissé la fameuse phrase: « La beauté sauvera le monde » qui apparaît dans le livre « L’idiot « .
Dans le roman The Brothers Karamazov plonge dans le problème. Un athée, Ipolit, demande au prince Mynski «comment la beauté sauverait-elle le monde»? Le prince ne dit rien mais s’adresse à un jeune homme de dix-huit ans mourant. Là, il reste rempli de compassion et d’amour jusqu’à ce que celui-là meure. Il voulait dire par là: c’est la beauté qui nous conduit à l’amour partagé avec la douleur; le monde sera en sécurité aujourd’hui et toujours aussi longtemps qu’il y aura ce geste. Et comme ça nous manque aujourd’hui!
Pour Dostoïevski, la contemplation de la Madone de Raphaël était sa thérapie personnelle, car sans elle, il aurait désespéré des hommes et de lui-même, face aux nombreux problèmes qu’il voyait. Dans ses œuvres, il décrivait de mauvaises personnes destructrices et d’autres qui vivaient plongées dans les abîmes du désespoir. Mais son regard, qui rimait amour avec douleur partagée, pouvait voir la beauté dans l’âme des personnages les plus pervers. Pour lui, l’opposé de «beau» n’était pas «laid» mais utilitaire, l’esprit d’utiliser les autres et de voler ainsi leur dignité.
«Certes, nous ne pouvons pas vivre sans pain, mais exister aussi sans beauté» est impossible, a-t-il répété. La beauté est plus que l’esthétique; il a une dimension éthique et religieuse. Il a vu en Jésus un semeur de beauté. « Il était un exemple de beauté et il l’a implantée dans l’âme des gens pour qu’à travers la beauté chacun puisse devenir frère entre lui ». Il ne se réfère pas à l’amour du prochain; au contraire: c’est la beauté qui suscite l’amour et nous fait voir dans l’autre un prochain à aimer.
Notre culture dominée par le marketing voit la beauté comme une construction du corps et non de la totalité de la personne. Ainsi, il existe de plus en plus de méthodes de chirurgie plastique et de consommation de botox pour rendre les gens plus «beaux». Des beautés construites, sans âme. Si on regarde de près, dans ces beautés fabriquées les gens émergent avec une beauté froide et une aura d’artifice incapable de diffuser la luminosité. À ce stade, la vanité fait irruption, pas l’amour parce que la beauté a à voir avec l’amour et la communication. Dostoiewski observe dans «The Karamazov Brothers» qu’un visage est beau quand on perçoit que Dieu et le diable s’y battent, à propos du bien et du mal. Quand le bien l’emporte, une beauté expressive, douce, naturelle et éclatante éclate. Quelle est la plus grande beauté? Celui du visage froid, d’un mannequin ou le visage plein de rides et plein d’irradiation d’Irma Dulce de Salvador, (Bahia) ou de Mère Teresa de Calcutta? La beauté est le rayonnement de l’être. Chez les deux sœurs, l’irradiation est évidente, dans le modèle haut de gamme, elle a pâli.
Le Pape François a accordé une importance particulière à la transmission de la foi chrétienne à travers la via Pulchritudinis (le chemin de la beauté). Il ne suffit pas que le message soit bon et juste. Il doit aussi être beau, car ce n’est qu’ainsi qu’il atteint le cœur des gens et suscite l’amour qui attire, (Exhortation La gioia del Gangelo, n ° 167). L’église ne poursuit pas le prosélytisme mais l’attrait qui vient de la beauté et de l’amour dont la caractéristique est la splendeur.
La beauté est une valeur en soi. Ce n’est pas utilitaire. C’est comme le soleil qui fleurit pour fleurir, peu importe qu’ils le regardent ou non, comme le dit le mystique Angelus Silesius. Trouvez-moi celui qui ne se laisse pas fasciner par une fleur qui sourit librement à l’univers! Nous devons donc faire l’expérience de la beauté au milieu d’un monde d’intérêts, de commerce et de marchandises. C’est pourquoi il réalise son origine sanskrite Bet-El-Za qui signifie: « le lieu où Dieu brille ». Il brille partout et nous fait briller de beauté aussi.

HOMÉLIE POUR LE 28E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « LES INVITÉS AUX NOCES » TEXTES : ISAÏE 25, 6-10A, PHILIPPIENS 4, 12-14.19-20 ET MATHIEU 22, 1-14.

9 octobre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-28e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Les-invites-aux-noces_a972.html

fr si

HOMÉLIE POUR LE 28E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « LES INVITÉS AUX NOCES »
TEXTES : ISAÏE 25, 6-10A, PHILIPPIENS 4, 12-14.19-20 ET MATHIEU 22, 1-14.

Quelle belle image que cette image d’un banquet de noces ! Jésus sait utiliser des situations qui rejoignent les personnes qui l’écoutent et qui nous rejoignent nous aussi aujourd’hui. En effet, qui n’a pas de beaux souvenirs de moments passés autour d’une table avec des proches à déguster des mets appréciés, à boire un bon vin et à partager dans la joie et la fraternité. La première lecture note la qualité du menu du festin que Dieu prépare pour tous les peuples et ne ménage pas les qualificatifs : « viandes succulentes » et « vins décantés ». Dans l’ère de la Covid-19 où il faut limiter les contacts, les beaux souvenirs sont d’autant plus appréciés et cultivés.
Après avoir entendu l’évangile de ce dimanche, on n’a pas de misère à entrer dans l’histoire racontée par Jésus et il est facile de l’actualiser. Le Roi qui célèbre les noces de son fils c’est Dieu et le fils c’est Jésus. Pour notre bénéfice spirituel en cette rencontre dominicale où nous nous retrouvons réunis autour de la Parole et du Pain dans cette Eucharistie qui nous rassemble en Église, j’ai retenu trois points qui se dégagent de cette parabole.

I – Une déception du Roi
Voici le premier point qui ma frappé : ce sont les propos du Roi qui, on le voit bien, vit une certaine frustration, une déception. C’est ce qui est ressorti en premier lieu de ma méditation sur ce texte. Les premiers invités se défilent et s’en vont « l’un à son champ, l’autre à son commerce » et les autres s’attaquent aux serviteurs, les maltraitent et même les tuent.
L’histoire racontée ici se situe à la fin du ministère de Jésus. Elle reflète une forme d’échec, apparent du moins, de la prédication de Jésus. Malgré les foules qui le suivent et courent l’entendre, ses contemporains, en majorité, restent fermés. Leur cœur est endurci. Ils veulent bien l’entendre, mais peu s’engagent à le suivre tellement son message est dérangeant et exigeant.
En effet, Jésus ne prêche nulle autre chose qu’un renversement de perspectives où ce ne sont plus les gestes extérieurs qui comptent mais l’amour au fond du cœur des petits et des humbles qui attendent tout de leur Père des cieux et se présentent ainsi revêtus, habillés, de ce que Jésus appellera à la fin de notre évangile le « vêtement de noces ».

II – Un invitation sans frontières
Le deuxième point que j’ai retenu, c’est, dans l’image des noces tels que décrits, l’abondance des mets, leur qualité, leur variété pour indiquer que les appels de Dieu sont toujours généreux et sans limites. Le festin de noces est un moment de plénitude, de partage, de joie, ouvert à toutes les personnes invitées comme se doit de l’être le Royaume de Dieu.
S’il arrive que les invités ne répondent pas, le Roi – Dieu en l’occurrence – ne se laisse pas démonter : « Allez aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mathieu 22, 9)
Voilà indiquée ici l’universalité du message de Jésus qui s’adresse à toute personne qui veut bien l’entendre, qui ne fait pas de distinctions de couleur, de sexe, d’origine etc. C’est ce que saint Pierre et les premiers chrétiens finiront par bien comprendre, ce dont témoigne ici l’évangile de saint Mathieu rédigé dans les premiers temps de l’Église.
Saint Pierre le saisit sous forme d’une vision qui est restée célèbre et que nous raconte le livre des Actes des Apôtres. Saint Pierre, de tradition juive, était tiraillé à savoir si les nouveaux convertis venus du paganisme devaient suivre les usages juifs. Certains autour de lui le pensaient. La vision que saint Pierre a eu lui a montré qu’il fallait être ouverts à tous ces nouveaux convertis sans les obliger à suivre les usages juifs. Sous forme très imagée, saint Pierre voit dans un rêve toutes sortes de mets dont certains sont interdits aux juifs, et il entend cette parole « Prends et mange ».
Il comprend alors l’ouverture universelle du message de Jésus qui n’a pas été envoyé seulement au peuple d’Israël, mais à toutes les personnes de bonne volonté quelles que soient leurs horizons et leurs origines « En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes » (Actes des Apôtres 10, 21).

III – L’intrus parmi les invités
En troisième lieu, dans cette parabole du festin de noces, j’ai été frappé par une apparente contradiction dans l’attitude du Roi. Le Roi qui représente Dieu invite tout le monde – « Allez à la croisées des chemins » – et pourtant, il s’insurge de la présence d’un invité. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas le « vêtement de noces ».
Qu’en est-il de cette contradiction apparente ?
Voici ma réponse. On peut penser que l’évangéliste saint Mathieu en ajoutant ce détail veut indiquer que pour devenir disciple de Jésus qui invite tout le monde, il y a quand même des exigences incontournables. Ces exigences sont celles d’une véritable conversion du cœur qui se manifeste dans les gestes et les agirs : une acceptation réelle et vraie de Jésus comme le Sauveur et le Seigneur de nos vies, une rencontre personnelle avec l’amour de Jésus qui nous sauve.
Voilà le « vêtement de noces » qui faisait défaut à l’invité qui ne s’est pas habillé le cœur et qui en portera les conséquences.

Conclusion
Cette histoire du festin de noces termine une série de trois paraboles sur le Royaume de Dieu que l’évangile selon saint Mathieu présente avant que Jésus termine sa prédication à Jérusalem où il sera condamné à mourir sur une croix. Les deux autres paraboles que nous avons entendues ces derniers dimanches racontaient l’histoire du père qui envoie ses deux fils pour travailler à sa vigne et celle des vignerons homicides.
Que ces enseignements de Jésus rejoignent notre cœur et non seulement notre intelligence afin que nous devenions de plus de véritables disciples de Jésus, des disciples-missionnaires, selon l’expression du pape François dans son Exhortation apostolique La joie de l’Évangile « appelés à offrir aux autres le témoignage explicite de l’amour salvifique du Seigneur, qui, bien au-delà de nos imperfections, nous donne sa proximité, sa Parole, sa force, et donne sens à notre vie ». (numéro 121)
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

HOMÉLIE POUR LE 27E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « LES VIGNERONS HOMICIDES » TEXTES : ISAÏE 5, 1-7, PHILIPPIENS 4, 6-9 ET MATHIEU 21, 33-43.

2 octobre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-27e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Les-vignerons-homicides_a971.html

fr Parabola-della-vigna

HOMÉLIE POUR LE 27E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « LES VIGNERONS HOMICIDES »
TEXTES : ISAÏE 5, 1-7, PHILIPPIENS 4, 6-9 ET MATHIEU 21, 33-43.

Le récit de l’évangile qui vient d’être lu est d’une violence qui heurte aujourd’hui. Il peut faire penser aux propos des radicaux de toutes sortes dont nous parlent les actualités. En effet, il y a dans cette parabole un radicalisme qui demande quelques explications.
Si on se contente de la lire avec nos sensibilités d’aujourd’hui, on n’y comprend pas grand chose ou on la rejette carrément. Il faut donc se donner la peine, d’une part, de situer les paroles de Jésus dans leur cadre historique et, d’autre part, d’en chercher le message.

I – Le cadre historique de la parabole des vignerons homicides
La parabole des vignerons homicides comme il est convenu de désigner ce passage de l’évangile selon saint Mathieu fait partie d’un ensemble qui porte sur le Royaume de Dieu parmi nous.
Pour les juifs du temps de Jésus, le Royaume de Dieu s’incarne dans leur peuple d’Israël. C’est lui le Royaume de Dieu. Avec cette clé on peut relire la parabole en l’appliquant d’abord à Israël. Pour le peuple d’Israël, Dieu s’est manifesté en faisant alliance avec leur ancêtre Abraham. Comme le maître du domaine dont parle la parabole, Dieu plante et arrose sa vigne qu’est Israël par sa Parole et par ses prophètes qui enseignent le peuple. Ceux-ci sont représentés ici par les serviteurs de la parabole.
Comme ces serviteurs, les prophètes de l’Israël ancien rappellent les lois de Dieu et les exigences de l’Alliance avec Abraham. Comme les serviteurs, ils sont persécutés, même mis à mort. Israël, la vigne du Seigneur dont il attendait de beaux raisins, en a donné de mauvais comme le dit le prophète Isaïe dans la première lecture. Mais Dieu, comme le maître du domaine, ne se décourage pas. Comme celui-ci, il leur envoie en dernier lieu son fils bien-aimé. C’est Jésus. Il subit comme le fils de l’évangile le rejet et la mort infamante sur une croix.
Voilà sous forme imagée une brève histoire du salut que Dieu offre et dont Jésus est le messager.

II – Le message
Si Jésus raconte cette histoire dans les images dures et violentes que nous avons lues, c’est pour frapper l’imagination de ses auditeurs et les pousser à la conversion.
On doit comprendre que les images utilisées le sont, non pour proposer un mode de vie, mais pour susciter, chez ceux et celles qui écoutent Jésus, un engagement différent de celui de leurs prédécesseurs qui ont refusé et tué les prophètes.
Quel est cet engagement? C’est l’accueil de Jésus lui-même, le prophète des prophètes. Celui-ci se présente d’ailleurs dans le commentaire qu’il donne de la parabole comme la pierre angulaire de la nouvelle demeure de Dieu : « La pierre qu’on rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ».
Désormais la demeure du Seigneur est ouverte à tous et à toutes. « Le Royaume de Dieu vous sera enlevé, dit Jésus en pensant à Israël, pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits ». Cette nouvelle nation est une terre où Dieu s’emploie avec les ouvrières et ouvriers que nous sommes à faire produire la vigne. Cette vigne est faite de multiples cépages. « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, » dira Jésus aux Apôtres en Galilée à la montagne où il leur avait demandé de se rendre après sa résurrection. (Mathieu 28, 19)

III – Application
L’Alliance faite avec Abraham et le peuple d’Israël ne souffre plus de frontières désormais. Elle n’est plus réservée à ceux qui ont la circoncision c’est-à-dire au peuple d’Israël. Elle peut se vivre par tous ceux et celles qui acceptent d’être baptisés au nom de Jésus et de le reconnaître comme leur Maître et Seigneur, comme la pierre angulaire sur laquelle s’appuie et se construit l’édifice spirituel de leur vie et du Royaume de Dieu.
Vous voyez que cette parabole de Jésus sur les vignerons homicides, malgré la violence qu’on y trouve, comporte un message des plus ouverts pour nous aujourd’hui. En effet, nous sommes invités à reconnaître le Royaume de Dieu déjà à l‘œuvre dans notre monde. « Le Royaume de Dieu est au milieu de nous » dit Jésus (Luc 17, 21).
Ce Royaume advient lorsque deux ou trois se réunissent au nom de Jésus (Mathieu 18, 20), lorsque le pauvre est évangélisé, lorsque le malade est visité, lorsque les sourds entendent, lorsque les aveugles voient etc. (cf. Mathieu 25, 34-40, Luc 4 16-20, Marc 16, 17-18) Tels sont les fruits de la venue du Royaume de Dieu.

Conclusion
À chaque Eucharistie le président nous invite en terminant à aller sur les chemins de nos vies et de notre monde pour annoncer et redire la Bonne Nouvelle que nous avons découverte en Jésus. « Allez dans la paix du Christ » nous dit-il.
Je nous redis la même chose au terme de cette homélie : « Allons et soyons chacun et chacune, selon nos possibilités et selon notre état de vie, des témoins de Jésus-Christ aujourd’hui ».
Amen!

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec