Archive pour le 30 septembre, 2020

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 23 septembre 2020 – Catéchèse «Guérir le monde»: 8. Subsidiarité et vertu d’espérance

30 septembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 23 septembre 2020 – Catéchèse «Guérir le monde»: 8. Subsidiarité et vertu d’espérance

Cour Saint-Damase

Chers frères et sœurs, il semble que le temps n’est pas très beau, mais je vous dis bonjour de la même façon!
Pour sortir meilleurs d’une crise comme celle actuelle, qui est une crise sanitaire et dans le même temps une crise sociale, politique et économique, chacun de nous est appelé à assumer sa part de responsabilité, c’est-à-dire partager les responsabilités. Nous devons répondre non seulement en tant que personnes individuelles, mais également à partir de notre groupe d’appartenance, du rôle que nous avons dans la société, de nos principes et, si nous sommes croyants, de la foi en Dieu. Souvent, cependant, de nombreuses personnes ne peuvent pas participer à la reconstruction du bien commun parce qu’elles sont marginalisées, elles sont exclues et ignorées; certains groupes sociaux ne réussissent pas à y contribuer parce qu’ils sont écrasés économiquement ou politiquement. Dans certaines sociétés, de nombreuses personnes ne sont pas libres d’exprimer leur foi et leurs valeurs, leurs idées: s’ils les expriment, ils vont en prison. Ailleurs, en particulier dans le monde occidental, beaucoup de gens auto-répriment leurs convictions éthiques ou religieuses. Mais ainsi on ne peut pas sortir de la crise, ou en tout cas on ne peut pas en sortir meilleurs. Nous en sortirons pires.
Afin que nous puissions tous participer au soin et à la régénération de nos peuples, il est juste que chacun ait les ressources adaptées pour le faire (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise [CDSC], n. 186). Après la grande dépression économique de 1929, le Pape XI expliqua combien le principe de subsidiarité était important pour une vraie reconstruction (cf. enc. Quadragesimo anno, nn. 79-80). Ce principe a un double dynamisme: du haut vers le bas et du bas vers le haut. Peut-être ne comprenons-nous pas ce que cela signifie, mais c’est un principe social qui nous rend plus unis.
D’un côté, et en particulier dans les temps de changement, quand les personnes individuelles, les familles, les petites associations ou les communautés locales ne sont pas en mesure d’atteindre les objectifs primaires, il est alors juste qu’interviennent les niveaux plus élevés du corps social, comme l’Etat, pour fournir les ressources nécessaires afin d’aller de l’avant. Par exemple, à cause du lockdown pour le coronavirus, de nombreuses personnes, familles et activités économiques se sont trouvées et se trouvent encore en grave difficulté, c’est pourquoi les institutions publiques cherchent à apporter leur aide à travers des interventions sociales, économiques, sanitaires appropriées: c’est leur fonction, ce qu’ils doivent faire.
D’un autre côté, cependant, les sommets de la société doivent respecter et promouvoir les niveaux intermédiaires ou mineurs. En effet, la contribution des individus, des familles, des associations, des entreprises, de tous les corps intermédiaires et également des Eglises est décisive. Ceux-ci, avec leurs ressources culturelles, religieuses, économiques ou de participation civique, revitalisent et renforcent le corps social (cf. CDSC, n. 185). C’est-à-dire qu’il y a une collaboration du haut vers le bas, de l’Etat central vers le peuple et d’en-bas vers le haut: des formations du peuple vers le haut. Et c’est précisément l’exercice du principe de subsidiarité.
Chacun doit avoir la possibilité d’assumer sa propre responsabilité dans les processus de guérison de la société dont il fait partie. Quand on démarre un projet qui concerne directement ou indirectement des groupes sociaux déterminés, ceux-ci ne peuvent pas être laissés en-dehors de la participation. Par exemple: “De quoi t’occupes-tu? – Je vais travailler pour les pauvres – C’est bien, et que fais-tu? – J’enseigne aux pauvres, je dis aux pauvres ce qu’ils doivent faire – Non, cela ne va pas, le premier pas est de laisser les pauvres te dire comment ils vivent, de quoi ils ont besoin: il faut laisser parler tout le monde! Et ainsi le principe de subsidiarité fonctionne. Nous ne pouvons pas laisser ces gens en dehors de la participation; leur sagesse, la sagesse des groupes les plus humbles ne peut pas être mise de côté (cf. exhort. ap. post-syn. Querida Amazonia [QA], n. 32; enc. Laudato si’, n. 63). Malheureusement, cette injustice a souvent lieu là où se concentrent les grands intérêts économiques ou géopolitiques, comme par exemple certaines activités d’extraction dans diverses zones de la planète (cf. QA, nn. 9.14). Les voix des peuples autochtones, leurs cultures et leurs visions du monde ne sont pas prises en considération. Aujourd’hui, ce manque de respect du principe de subsidiarité s’est diffusé comme un virus. Pensons aux grandes mesures d’aides financières mises en œuvre par les Etats. On écoute davantage les grandes compagnies financières que les gens ou ceux qui animent l’économie réelle. On écoute davantage les compagnies multinationales que les mouvements sociaux. Si l’on veut dire cela avec le langage des personnes communes: on écoute davantage les puissants que les faibles et ce n’est pas le chemin, ce n’est pas le chemin humain, ce n’est pas le chemin que nous a enseigné Jésus, ce n’est pas mettre en œuvre le principe de subsidiarité. Ainsi, on ne permet pas aux personnes d’être les «protagonistes de leur propre relèvement». (Message pour la 106e journée mondiale du migrant et du réfugié 2020, 13 mai 2020). Dans l’inconscient collectif de certains hommes politiques ou de certains syndicalistes il y a cette devise: tout pour le peuple, rien avec le peuple. Du haut vers le bas, mais sans écouter la sagesse du peuple, sans mettre en œuvre cette sagesse pour résoudre des problèmes, dans ce cas pour sortir de la crise. Ou alors pensons également à la manière de soigner le virus: on écoute davantage les grandes compagnies pharmaceutiques que les agents de santé, engagés en première ligne dans les hôpitaux ou dans les camps de réfugiés. Ce n’est pas une bonne voie. Tous doivent être écoutés, ceux qui sont en haut et ceux qui sont en bas, tous.
Pour mieux sortir d’une crise, le principe de subsidiarité doit être appliqué, en respectant l’autonomie et la capacité d’initiative de tous, en particulier des derniers. Toutes les parties d’un corps sont nécessaires et, comme le dit saint Paul, ces parties qui pourrait sembler les plus faibles et les moins importantes, sont en réalité les plus nécessaires (cf. 1 Co 12, 22). A la lumière de cette image, nous pouvons dire que le principe de subsidiarité permet à chacun d’assumer son rôle pour le soin et le destin de la société. Le mettre en œuvre, mettre en œuvre le principe de subsidiarité donne espérance, donne espérance dans un avenir plus sain et juste; et cet avenir nous le construisons ensemble, en aspirant aux choses plus grandes, en élargissant nos horizons (cf. Discours aux jeunes du centre culturel Père Félix Varela, La Havane – Cuba, 20 septembre 2015). Tous ensemble ou cela ne fonctionne pas. Ou nous travaillons ensemble pour sortir de la crise, à tous les niveaux de la société, ou nous n’en sortirons jamais. Sortir de la crise ne signifie pas donner un coup de peinture aux situations actuelles pour qu’elles semblent un peu plus justes. Sortir de la crise signifie changer, et le vrai changement est fait par tout le monde, par toutes les personnes qui forment le peuple. Toutes les professions, tous. Et tous ensemble, tous en communauté. Si tout le monde ne le fait pas, le résultat sera négatif.
Dans une précédente catéchèse nous avons vu que la solidarité est la voie pour sortir de la crise: elle nous unit et nous permet de trouver des propositions solides pour un monde plus sain. Mais ce chemin de solidarité a besoin de la subsidiarité. Quelqu’un pourrait me dire: “Mais père, aujourd’hui vous parlez avec des paroles difficiles!”. C’est pour cette raison que je cherche à expliquer ce que cela signifie. Solidaires, pour que nous allions sur la voie de la subsidiarité. En effet, il n’y a pas de vraie solidarité sans participation sociale, sans la contribution des corps intermédiaires: des familles, des associations, des coopératives, des petites entreprises, des expressions de la société civile. Tous doivent contribuer, tous. Cette participation aide à prévenir et à corriger certains aspects négatifs de la mondialisation et de l’action des Etats, comme cela se produit également dans le soin des personnes frappées par la pandémie. Ces contributions “d’en-bas” doivent être encouragées. Mais comme il est beau de voir le travail des bénévoles pendant la crise. Les bénévoles qui viennent de tous les milieux sociaux, les bénévoles qui viennent des familles les plus aisées et qui viennent des familles les plus pauvres. Mais tous, tous ensemble pour s’en sortir. Telle est la solidarité et tel est le principe de subsidiarité.
Pendant le lockdown est né spontanément le geste d’applaudir les médecins et les infirmiers et les infirmières, en signe d’encouragement et d’espérance. De nombreuses personnes ont risqué la vie et beaucoup ont donné la vie. Etendons cet applaudissement à chaque membre du corps social, à tous, à chacun, pour sa précieuse contribution, même petite. “Mais que pourra-t-il faire là-bas celui-là? – Ecoute-le, laisse-lui de l’espace pour travailler, consulte-le”. Applaudissons ceux qui sont “exclus”, ceux que cette culture qualifie d’”exclus”, cette culture du rebut, applaudissons donc les personnes âgées, les enfants, les porteurs de handicap, applaudissons les travailleurs, tous ceux qui se mettent au service. Tous collaborent pour sortir de la crise. Mais ne nous arrêtons pas seulement à l’applaudissement! L’ espérance est audace, et alors encourageons-nous à rêver en grand. Frères et sœurs apprenons à rêver en grand! N’ayons pas peur de rêver en grand, en cherchant les idéaux de justice et d’amour social qui naissent de l’espérance. N’essayons pas de reconstruire le passé, le passé est passé, des choses nouvelles nous attendent. Le Seigneur a promis: “Je ferai toutes les choses nouvelles”. Encourageons-nous à rêver en grand en cherchant ces idéaux, n’essayons pas de reconstruire le passé, en particulier celui qui était injuste et déjà malade. Construisons un avenir où la dimension locale et celle mondiale s’enrichissent mutuellement, – chacun peut y mettre du sien, chacun doit y mettre du sien, sa culture, sa philosophie, sa façon de penser –, où la beauté et la richesse des groupes mineurs, également des groupes exclus, puisse fleurir car là aussi se trouve la beauté, et où celui qui a davantage s’engage à servir et à donner plus à celui qui a moins.