HOMÉLIE POUR LE 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « DERNIERS ET PREMIERS… » TEXTES : ISAÏE 55, 6-9, PHILIPPIENS 1, 20C-24.27A ET MATHIEU 20, 1-16.
HOMÉLIE POUR LE 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « DERNIERS ET PREMIERS… »
TEXTES : ISAÏE 55, 6-9, PHILIPPIENS 1, 20C-24.27A ET MATHIEU 20, 1-16.
Je n’ai pu m’empêcher de me rappeler mon travail de vacances à la cueillette du tabac à Delhi en Ontario pendant mes études où nous devions attendre sur la place du village que des producteurs viennent nous engager. On a tous fait des expériences d’attente du même genre v.g. une visite de quelqu’un qu’on attend avec impatience, par exemple. On se demande alors va-t-il venir? Et à quelle heure…comme l’ouvrier qui espère être engagé ? Bien sûr, l’attente fait partie de la situation décrite ici dans l’évangile qui vient d’être lu, mais le récit de saint Mathieu attire notre regard plutôt du côté du maître de domaine. Celui-ci est manifestement l’image de Dieu. Regardons donc comment il se comporte et quelle leçon Jésus en tire.
I – Un maître surprenant
Le maître du domaine se déplace plusieurs fois dans la journée pour venir engager des ouvriers. Tôt le matin, à neuf heures, à midi, à trois heures, à cinq heures. Avec les premiers il fait un contrat précis pour leur prestation : « Il se met d’accord avec eux sur le salaire de la journée ; un denier c’est-à-dire une pièce d’argent » (cela équivaut au salaire que reçoit un journalier à notre époque).
La journée se termine et le maître fait remettre à chacun par son intendant le même salaire des derniers aux premiers. Les premiers sont bien surpris, car voyant que les derniers recevaient un denier, ils pensaient qu’eux en auraient plus. Ils le disent au maître. Celui-ci, loin d’accueillir leurs récriminations avec ouverture, leur répond qu’il a été correct et juste avec eux s’en tenant au contrat qui avait été fait. La justice n’est pas violée. Elle est totalement respectée. Ce qui est incontestable.
Alors pourquoi le maître ne continue-t-il pas dans la même voie en donnant un salaire en proportion du temps de travail qui a été fourni ? La raison qui est donnée par Jésus, c’est que le maître agit par pure bonté. Le comportement du maître n’est pas le résultat d’une injustice, mais simplement l’effet de sa bonté, « Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai–je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon? »
Arrêtons-nous un peu sur cette réponse surprenante et assez rude..
II- La leçon qui se dégage de la parabole
Cette réponse est le message de cette parabole. Ce message est constant dans les évangiles. Jésus nous présente un Dieu qui est au-delà de nos façons de faire humaines. Pour le montrer, Jésus va nous présenter cette image surprenante du maître d’un domaine qu’il applique à Dieu.
L’histoire racontée fait ressortir que dans nos relations avec Dieu c’est toujours lui qui a l’initiative comme dans le cas du maître du domaine. Nous sommes dans l’ordre de la grâce et non dans l’ordre des relations humaines ordinaires. Dans cet ordre de la grâce, bien des choses sont différentes. Jésus ici le dit « les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers » faisant écho à d’autres enseignements comme celui des béatitudes où Jésus proclame bienheureux les pauvres, bienheureux ceux qui souffrent, qui sont persécutés pour la justice etc.
La façon d’agir de Dieu vis-à-vis nous ne se base pas seulement sur nos capacités et nos contributions, aussi grandes et aussi belles soient-elles, elle vient de son amour et de sa bonté qui va toujours aussi loin que nous en avons besoin. Son amour ne se mesure pas selon nos critères de performance sociale ou de réalisations humaines.. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins » comme il est dit au prophète Isaïe dans la première lecture que nous venons d’entendre.
III- Application
L’enseignement de ce beau récit tiré de la vie courante au temps de Jésus nous invite, par l’image de la vigne où le maître du domaine envoie ses recrues travailler, à en faire une application concrète à l’Église. Les images de l’Église sont nombreuses : Peuple de Dieu, Corps mystique du Christ, Nouvelle Jérusalem etc. Celle de la Vigne est de plus en plus utilisée dans les documents des papes. Elle permet de montrer les liens qui se tissent entre les divers membres de l’Église sans mettre de supériorité des uns sur les autres. Tous et toutes dans l’Église se rattachent au même tronc qui est le Christ.
Jésus nous dit aujourd’hui que tous et toutes ont leur place dans son Royaume les derniers comme le premiers arrivés. C’est avec humilité que les premiers arrivés doivent regarder ceux et celles nouvellement arrivés. Il n’y a pas de préséance, de places réservées, de récompenses diverses. Quelle beauté dans cette égalité de tous et toutes devant Dieu.
Il en est ainsi dans l’Église qui incarne le Royaume de Dieu parmi nous où c’est toujours Dieu qui a la première initiative. C’est lui qui par la grâce du Christ l’anime, la nourrit et la fait vivre. Bien sûr que notre collaboration est requise, mais n’oublions jamais que ce n’est pas nous qui donnons la croissance et qui produisons les fruits, c’est la grâce de Dieu au cœur de la vie de l’Église qui n’est pas une institution purement humaine, mais qui est le Vigne du Seigneur.
Conclusion
Tenons-nous prêts sur la place pour entendre l’appel du Maître du domaine. Ne perdons pas patience s’il nous semble tarder. Il ne se lasse jamais d’interpeller ceux et celles qui s’ouvrent à ses appels, « d’embaucher des ouvriers pour sa vigne ».
Que notre Eucharistie soit remplie de l’attente du Seigneur qui est venu, qui vient et qui viendra comme nous le proclamons dans la grande Prière eucharistique à chaque messe après la consécration.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec
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