Archive pour septembre, 2020

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 23 septembre 2020 – Catéchèse «Guérir le monde»: 8. Subsidiarité et vertu d’espérance

30 septembre, 2020

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PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 23 septembre 2020 – Catéchèse «Guérir le monde»: 8. Subsidiarité et vertu d’espérance

Cour Saint-Damase

Chers frères et sœurs, il semble que le temps n’est pas très beau, mais je vous dis bonjour de la même façon!
Pour sortir meilleurs d’une crise comme celle actuelle, qui est une crise sanitaire et dans le même temps une crise sociale, politique et économique, chacun de nous est appelé à assumer sa part de responsabilité, c’est-à-dire partager les responsabilités. Nous devons répondre non seulement en tant que personnes individuelles, mais également à partir de notre groupe d’appartenance, du rôle que nous avons dans la société, de nos principes et, si nous sommes croyants, de la foi en Dieu. Souvent, cependant, de nombreuses personnes ne peuvent pas participer à la reconstruction du bien commun parce qu’elles sont marginalisées, elles sont exclues et ignorées; certains groupes sociaux ne réussissent pas à y contribuer parce qu’ils sont écrasés économiquement ou politiquement. Dans certaines sociétés, de nombreuses personnes ne sont pas libres d’exprimer leur foi et leurs valeurs, leurs idées: s’ils les expriment, ils vont en prison. Ailleurs, en particulier dans le monde occidental, beaucoup de gens auto-répriment leurs convictions éthiques ou religieuses. Mais ainsi on ne peut pas sortir de la crise, ou en tout cas on ne peut pas en sortir meilleurs. Nous en sortirons pires.
Afin que nous puissions tous participer au soin et à la régénération de nos peuples, il est juste que chacun ait les ressources adaptées pour le faire (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise [CDSC], n. 186). Après la grande dépression économique de 1929, le Pape XI expliqua combien le principe de subsidiarité était important pour une vraie reconstruction (cf. enc. Quadragesimo anno, nn. 79-80). Ce principe a un double dynamisme: du haut vers le bas et du bas vers le haut. Peut-être ne comprenons-nous pas ce que cela signifie, mais c’est un principe social qui nous rend plus unis.
D’un côté, et en particulier dans les temps de changement, quand les personnes individuelles, les familles, les petites associations ou les communautés locales ne sont pas en mesure d’atteindre les objectifs primaires, il est alors juste qu’interviennent les niveaux plus élevés du corps social, comme l’Etat, pour fournir les ressources nécessaires afin d’aller de l’avant. Par exemple, à cause du lockdown pour le coronavirus, de nombreuses personnes, familles et activités économiques se sont trouvées et se trouvent encore en grave difficulté, c’est pourquoi les institutions publiques cherchent à apporter leur aide à travers des interventions sociales, économiques, sanitaires appropriées: c’est leur fonction, ce qu’ils doivent faire.
D’un autre côté, cependant, les sommets de la société doivent respecter et promouvoir les niveaux intermédiaires ou mineurs. En effet, la contribution des individus, des familles, des associations, des entreprises, de tous les corps intermédiaires et également des Eglises est décisive. Ceux-ci, avec leurs ressources culturelles, religieuses, économiques ou de participation civique, revitalisent et renforcent le corps social (cf. CDSC, n. 185). C’est-à-dire qu’il y a une collaboration du haut vers le bas, de l’Etat central vers le peuple et d’en-bas vers le haut: des formations du peuple vers le haut. Et c’est précisément l’exercice du principe de subsidiarité.
Chacun doit avoir la possibilité d’assumer sa propre responsabilité dans les processus de guérison de la société dont il fait partie. Quand on démarre un projet qui concerne directement ou indirectement des groupes sociaux déterminés, ceux-ci ne peuvent pas être laissés en-dehors de la participation. Par exemple: “De quoi t’occupes-tu? – Je vais travailler pour les pauvres – C’est bien, et que fais-tu? – J’enseigne aux pauvres, je dis aux pauvres ce qu’ils doivent faire – Non, cela ne va pas, le premier pas est de laisser les pauvres te dire comment ils vivent, de quoi ils ont besoin: il faut laisser parler tout le monde! Et ainsi le principe de subsidiarité fonctionne. Nous ne pouvons pas laisser ces gens en dehors de la participation; leur sagesse, la sagesse des groupes les plus humbles ne peut pas être mise de côté (cf. exhort. ap. post-syn. Querida Amazonia [QA], n. 32; enc. Laudato si’, n. 63). Malheureusement, cette injustice a souvent lieu là où se concentrent les grands intérêts économiques ou géopolitiques, comme par exemple certaines activités d’extraction dans diverses zones de la planète (cf. QA, nn. 9.14). Les voix des peuples autochtones, leurs cultures et leurs visions du monde ne sont pas prises en considération. Aujourd’hui, ce manque de respect du principe de subsidiarité s’est diffusé comme un virus. Pensons aux grandes mesures d’aides financières mises en œuvre par les Etats. On écoute davantage les grandes compagnies financières que les gens ou ceux qui animent l’économie réelle. On écoute davantage les compagnies multinationales que les mouvements sociaux. Si l’on veut dire cela avec le langage des personnes communes: on écoute davantage les puissants que les faibles et ce n’est pas le chemin, ce n’est pas le chemin humain, ce n’est pas le chemin que nous a enseigné Jésus, ce n’est pas mettre en œuvre le principe de subsidiarité. Ainsi, on ne permet pas aux personnes d’être les «protagonistes de leur propre relèvement». (Message pour la 106e journée mondiale du migrant et du réfugié 2020, 13 mai 2020). Dans l’inconscient collectif de certains hommes politiques ou de certains syndicalistes il y a cette devise: tout pour le peuple, rien avec le peuple. Du haut vers le bas, mais sans écouter la sagesse du peuple, sans mettre en œuvre cette sagesse pour résoudre des problèmes, dans ce cas pour sortir de la crise. Ou alors pensons également à la manière de soigner le virus: on écoute davantage les grandes compagnies pharmaceutiques que les agents de santé, engagés en première ligne dans les hôpitaux ou dans les camps de réfugiés. Ce n’est pas une bonne voie. Tous doivent être écoutés, ceux qui sont en haut et ceux qui sont en bas, tous.
Pour mieux sortir d’une crise, le principe de subsidiarité doit être appliqué, en respectant l’autonomie et la capacité d’initiative de tous, en particulier des derniers. Toutes les parties d’un corps sont nécessaires et, comme le dit saint Paul, ces parties qui pourrait sembler les plus faibles et les moins importantes, sont en réalité les plus nécessaires (cf. 1 Co 12, 22). A la lumière de cette image, nous pouvons dire que le principe de subsidiarité permet à chacun d’assumer son rôle pour le soin et le destin de la société. Le mettre en œuvre, mettre en œuvre le principe de subsidiarité donne espérance, donne espérance dans un avenir plus sain et juste; et cet avenir nous le construisons ensemble, en aspirant aux choses plus grandes, en élargissant nos horizons (cf. Discours aux jeunes du centre culturel Père Félix Varela, La Havane – Cuba, 20 septembre 2015). Tous ensemble ou cela ne fonctionne pas. Ou nous travaillons ensemble pour sortir de la crise, à tous les niveaux de la société, ou nous n’en sortirons jamais. Sortir de la crise ne signifie pas donner un coup de peinture aux situations actuelles pour qu’elles semblent un peu plus justes. Sortir de la crise signifie changer, et le vrai changement est fait par tout le monde, par toutes les personnes qui forment le peuple. Toutes les professions, tous. Et tous ensemble, tous en communauté. Si tout le monde ne le fait pas, le résultat sera négatif.
Dans une précédente catéchèse nous avons vu que la solidarité est la voie pour sortir de la crise: elle nous unit et nous permet de trouver des propositions solides pour un monde plus sain. Mais ce chemin de solidarité a besoin de la subsidiarité. Quelqu’un pourrait me dire: “Mais père, aujourd’hui vous parlez avec des paroles difficiles!”. C’est pour cette raison que je cherche à expliquer ce que cela signifie. Solidaires, pour que nous allions sur la voie de la subsidiarité. En effet, il n’y a pas de vraie solidarité sans participation sociale, sans la contribution des corps intermédiaires: des familles, des associations, des coopératives, des petites entreprises, des expressions de la société civile. Tous doivent contribuer, tous. Cette participation aide à prévenir et à corriger certains aspects négatifs de la mondialisation et de l’action des Etats, comme cela se produit également dans le soin des personnes frappées par la pandémie. Ces contributions “d’en-bas” doivent être encouragées. Mais comme il est beau de voir le travail des bénévoles pendant la crise. Les bénévoles qui viennent de tous les milieux sociaux, les bénévoles qui viennent des familles les plus aisées et qui viennent des familles les plus pauvres. Mais tous, tous ensemble pour s’en sortir. Telle est la solidarité et tel est le principe de subsidiarité.
Pendant le lockdown est né spontanément le geste d’applaudir les médecins et les infirmiers et les infirmières, en signe d’encouragement et d’espérance. De nombreuses personnes ont risqué la vie et beaucoup ont donné la vie. Etendons cet applaudissement à chaque membre du corps social, à tous, à chacun, pour sa précieuse contribution, même petite. “Mais que pourra-t-il faire là-bas celui-là? – Ecoute-le, laisse-lui de l’espace pour travailler, consulte-le”. Applaudissons ceux qui sont “exclus”, ceux que cette culture qualifie d’”exclus”, cette culture du rebut, applaudissons donc les personnes âgées, les enfants, les porteurs de handicap, applaudissons les travailleurs, tous ceux qui se mettent au service. Tous collaborent pour sortir de la crise. Mais ne nous arrêtons pas seulement à l’applaudissement! L’ espérance est audace, et alors encourageons-nous à rêver en grand. Frères et sœurs apprenons à rêver en grand! N’ayons pas peur de rêver en grand, en cherchant les idéaux de justice et d’amour social qui naissent de l’espérance. N’essayons pas de reconstruire le passé, le passé est passé, des choses nouvelles nous attendent. Le Seigneur a promis: “Je ferai toutes les choses nouvelles”. Encourageons-nous à rêver en grand en cherchant ces idéaux, n’essayons pas de reconstruire le passé, en particulier celui qui était injuste et déjà malade. Construisons un avenir où la dimension locale et celle mondiale s’enrichissent mutuellement, – chacun peut y mettre du sien, chacun doit y mettre du sien, sa culture, sa philosophie, sa façon de penser –, où la beauté et la richesse des groupes mineurs, également des groupes exclus, puisse fleurir car là aussi se trouve la beauté, et où celui qui a davantage s’engage à servir et à donner plus à celui qui a moins.

HOMÉLIE POUR LE 26E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « SE CONVERTIR NON EN PAROLES, MAIS EN ACTES » TEXTES : ÉZÉCHIEL 18, 25-28, PHILIPPIENS 2, 1-11 ET MATHIEU 21, 28-32.

25 septembre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-26e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Se-convertir-non-en-paroles-mais-en-actes_a970.html

HOMÉLIE POUR LE 26E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « SE CONVERTIR NON EN PAROLES, MAIS EN ACTES »
TEXTES : ÉZÉCHIEL 18, 25-28, PHILIPPIENS 2, 1-11 ET MATHIEU 21, 28-32.

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Les textes des lectures d’aujourd’hui et de l’évangile nous placent au cœur du Royaume de Dieu parmi nous. Ce Royaume n’est plus seulement annoncé par Jésus. Il est là. Il nous revient de le recevoir. Jésus dans l’évangile présente deux façons de le recevoir qu’il applique par la suite à ses interlocuteurs.

I – Deux réponses
Comme souvent, Jésus, ici encore, donne son enseignement en racontant une histoire, une parabole. Celle d’aujourd’hui est très courte et très simple. Elle met en scène deux fils qui répondent de façon différente à leur père qui leur demande d’aller travailler à sa vigne.
Le premier fils se montre récalcitrant devant la demande de son père. Il répond tout de suite qu’il refuse. Mais il n’est pas satisfait de sa réponse. On imagine qu’il mijote les raisons de la demande et qu’il se pose des questions sur sa réponse trop rapide. On pourrait dire qu’il se met en état de discernement face à cet appel qu’il n’attendait peut-être pas. Finalement il change sa réponse pour un oui en allant travailler à la vigne de son père.
Le second est plutôt sympathique au premier abord. Il a l’air généreux et répond sans hésitation à son père qu’il ira faire le travail demandé. Mais une fois cette promesse faite il ne se présente pas sur le terrain. A-t-il oublié ? S’est-il lancé dans d’autres travaux ? L’histoire ne le dit pas. Quoiqu’il en soit, il reste qu’il fait faux bond à son père. Il n’est pas fiable. Il se contente de sauver la face. Il est une manière de « yes man » dans l’argot québécois ou de « béni oui-oui » dans l’argot français. Il s’évertue à plaire aux autorités pour faire belle figure. Il n’y a aucune profondeur dans ses choix. C’est seulement la façade, l’extérieur qui compte.
Le second fils reste dans le monde des apparences. Il ne pense qu’à sauver sa face. Le premier fils est plus mûr. Il hésite. De prime abord, il n’est pas intéressé, mais à la réflexion il passe de la parole de refus à des gestes qui restaurent le lien avec son père et répondent à sa demande.

II – Message de la parabole
Jésus commente ce récit en demandant à ses auditeurs « Lequel des deux a fait la volonté du père? – Le premier, disent-ils ». Et Jésus, en partant de cette réponse qui loue l’attitude du premier fils qui s’est rebuté d’abord mais qui a changé de comportement en faisant la volonté de son père comme celui-ci le désirait, explique à ses auditeurs que le second fils représente les pharisiens qui, comme ce fils, se contentent de sauver la face, qui se complaisent dans les gestes extérieurs sans y mettre leur cœur, qui manquent de cohérence entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font.
C’est ce qui le fera les traiter par Jésus de « sépulcres blanchis » (Mathieu 23, 27). Ils ont entendu la prédication des prophètes annonçant la venue du Royaume de Dieu. Ils écoutent celle de Jésus qui leur proclame que le Royaume de Dieu est déjà là, mais ils font la sourde oreille et se réfugient dans leurs pratiques extérieures.
Leur cœur reste fermé, tandis que c’est le contraire chez ceux et celles que Jésus appellent les publicains et les courtisanes, deux catégories de personnes loin des pharisiens. Les publicains souvent volent les gens en collectant les impôts pour les Romains et les courtisanes sont des filles de mauvaise vie.
Jésus les compare ici au premier fils en les louant, non de leurs fautes, mais de leur conversion et de leur acceptation de l’invitation du Père du ciel que représente le père des deux fils. « Je vous le dis en vérité, les publicains et les courtisanes vous devancent dans le Royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez pas cru en lui; mais les publicains et les courtisanes ont cru en lui; et vous, qui avez vu, vous ne vous êtes pas repentis même par la suite pour croire en lui ». Le prophète Ezékiel fait dire à Dieu quelque chose de semblable dans la première lecture : « Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Il a ouvert les yeux et s’est détourné de ses crimes. C’est certain, il vivra, il ne mourra pas ».
La véritable conversion ne se réalise pas par des paroles uniquement, mais par des actes. Jésus dira un jour : « Ce n’est pas en me disant : ‘Seigneur, Seigneur !’ qu’on entrera dans le Royaume des cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux.» (Mathieu 7, 21). C’est que font ces publicains et ces courtisanes convertis par la parole de Jésus.

III – Application
Nous pouvons, à la suite de ce message de Jésus qui s’adresse d’abord aux personnes qui l’écoutent faire un pas de plus et nous demander quelle sorte d’auditeur ou d’auditrice nous sommes.
La question est tout à fait pertinente, car il y a en nous un mélange, dans des proportions variables, des deux fils et de leurs réponses, des pharisiens et des publicains. Nous avons à combattre pour laisser se manifester le meilleur en nous. Saint Paul dira aux chrétiens de Rome qu’il fait le mal qu’il ne voudrait pas et qu’il ne fait pas le bien qu’il voudrait (Romains 7, 19).
La demande du Père du ciel d’aller à sa vigne retentit toujours pour nous. Elle nous est transmise par Jésus lorsqu’il nous dit « Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde » (Mathieu 5, 13-14). C’est une invitation qui s’adresse à toutes et à tous quelles que soient nos situations personnelles de péché qui nous éloignent de Dieu. Malgré nos fautes, nos erreurs, nos petitesses, Dieu nous regarde et nous dit comme le père des deux fils : « Allez à ma vigne ».
Cette invitation nous est faite avec douceur, avec miséricorde, car c’est le cœur que Dieu regarde et il n’est jamais trop tard pour aller à sa vigne, pour faire sa volonté.

Conclusion
Cette Eucharistie que nous célébrons ensemble nous met en action pour entrer de mieux en mieux dans la volonté de Dieu sur nous et sur le monde. Nous sommes soutenus dans cette démarche par la certitude de la présence réelle de Jésus qui, ressuscité, est toujours vivant.
À travers les signes du Pain et du Vin nous le recevons comme le Fils Premier-Né qui nous donne l’exemple de l’accomplissement parfait de la volonté de notre Père des cieux non seulement en paroles, mais en actes. C’est ce que je nous souhaite à toutes et à tous.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 16 septembre 2020 – Catéchèse «Guérir le monde»: 7. Soin de la maison commune et attitude contemplative

23 septembre, 2020

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Se soigner de l’intérieur pour guérir à l’extérieur

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 16 septembre 2020 – Catéchèse «Guérir le monde»: 7. Soin de la maison commune et attitude contemplative

Cour Saint-Damase

Chers frères et sœurs, bonjour!

Pour sortir d’une pandémie, il est nécessaire de se soigner et de nous soigner mutuellement. Et il faut soutenir ceux qui prennent soin des plus pauvres, des malades et des personnes âgées. On a l’habitude de laisser de côté les personnes âgées, de les abandonner: cela n’est pas bien. Ces personnes – bien définies par le terme espagnol “cuidadores”, ceux qui prennent soin des malades – exercent un rôle essentiel dans la société d’aujourd’hui, même si souvent elles ne reçoivent pas la reconnaissance et la rémunération qu’elles méritent. Prendre soin est une règle d’or de notre condition d’êtres humains, et cela apporte en soi la santé et l’espérance (cf. Enc. Laudato si’ [LS], n. 70). Prendre soin de celui qui est malade, de celui qui a besoin, de celui qui est laissé de côté: c’est une richesse humaine et également chrétienne.
Ce soin, nous devons également l’apporter à notre maison commune: à la terre et à chaque créature. Toutes les formes de vie sont liées (cf. ibid., nn. 137-138), et notre santé dépend des écosystèmes que Dieu a créés et dont il nous a chargé de prendre soin (cf. Gn 2, 15). En abuser, en revanche, est un grave péché qui crée des dommages, qui fait mal et qui rend malade (cf. LS, n. 8; n. 66). Le meilleur antidote contre cette usage impropre de notre maison commune est la contemplation (cf. ibid., n. 85; 214). Mais comment cela se fait-il? N’y a-t-il pas un vaccin pour cela, pour le soin de la maison commune, pour ne pas la laisser de côté? Quel est l’antidote contre la maladie de ne pas prendre soin de la maison commune? C’est la contemplation. «Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule» (ibid., n. 215). Toutefois, notre maison commune, la création, n’est pas une simple “ressource”. Les créatures ont une valeur en elles-mêmes et «reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et bonté infinies de Dieu» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 339). Cette valeur et ce rayon de lumière divine doit être découvert et, pour le découvrir, nous avons besoin de rester en silence, nous avons besoin d’écouter, et nous avons besoin de contempler. Même la contemplation guérit l’âme.
Sans contemplation, il est facile de tomber dans un anthropocentrisme déséquilibré et orgueilleux, le “moi” au centre de tout, qui surdimensionne notre rôle d’êtres humains, en nous plaçant comme les dominateurs absolus de toutes les autres créatures. Une interprétation déformée des textes bibliques sur la création a contribué à cette vision erronée, qui conduit à exploiter la terre jusqu’à l’étouffer. Exploiter la création: voilà quel est le péché. Nous croyons être au centre, en prétendant occuper la place de Dieu et, ainsi, nous détruisons l’harmonie de la création, l’harmonie du dessein de Dieu. Nous devenons des prédateurs, nous oublions notre vocation de gardiens de la vie. Certes, nous pouvons et nous devons travailler la terre pour vivre et nous développer. Mais le travail n’est pas synonyme d’exploitation, et il est toujours accompagné par le soin: labourer et protéger, travailler et prendre soin… Telle est notre mission (cf. Gn 2, 15). Nous ne pouvons pas prétendre continuer à grandir au niveau matériel, sans prendre soin de la maison commune qui nous accueille. Nos frères les plus pauvres et notre mère la terre gémissent à cause des dommages et de l’injustice que nous avons provoqués et ils réclament une autre route. Ils réclament de nous une conversion, un changement de route: prendre soin également de la terre, de la création.

Il est donc important de retrouver cette dimension contemplative, c’est-à-dire de regarder la terre, la création comme un don, pas comme quelque chose à exploiter pour le profit. Quand nous contemplons, nous découvrons chez les autres et dans la nature quelque chose de beaucoup plus grand que leur utilité. Le coeur du problème est là: contempler c’est aller au-delà de l’utilité d’une chose. Contempler la beauté ne veut pas dire l’exploiter: contempler est gratuité. Nous découvrons la valeur intrinsèque des choses que Dieu leur a conférée. Comme l’ont enseigné de nombreux maîtres spirituels, le ciel, la terre et la mer, chaque créature possède cette capacité iconique, cette capacité mystique de nous reconduire au Créateur et à la communion avec la création. Par exemple, saint Ignace de Loyola, à la fin de ses exercices spirituels, invite à se mettre en “contemplation pour parvenir à l’amour”, c’est-à-dire à considérer comment Dieu regarde ses créatures et à se réjouir avec elles; à découvrir la présence de Dieu dans ses créatures et, avec liberté et grâce, les aimer et en prendre soin.

La contemplation, qui nous conduit à une attitude de soin, n’est pas le fait de regarder la nature de l’extérieur, comme si nous n’y étions pas plongés. Mais nous sommes à l’intérieur de la nature, nous faisons partie de la nature. Elle se fait plutôt à partir de l’intérieur, en nous reconnaissant comme une partie de la création, en devenant des protagonistes et non de simples observateurs d’une réalité amorphe qui s’agirait seulement d’exploiter. Celui qui contemple de cette manière éprouve de l’émerveillement non seulement pour ce qu’il voit, mais également parce qu’il se sent faire partie intégrante de cette beauté; et il se sent également appelé à la préserver, à la protéger. Et il y a une chose que nous ne devons pas oublier: celui qui ne sait pas contempler la nature, la création, ne sait pas contempler les personnes dans leur richesse. Et celui qui vit pour exploiter la nature, finit par exploiter les personnes et les traiter comme des esclaves. C’est une loi universelle: si tu ne sais pas contempler la nature, il sera très difficile que tu saches contempler les gens, la beauté des personnes, ton frère, ta soeur.

Celui qui sait contempler se mettra plus facilement à l’œuvre pour changer ce qui cause la dégradation et des dommages à la santé. Il s’engagera à éduquer et à promouvoir de nouvelles habitudes de production et de consommation, à contribuer à un nouveau modèle de croissance économique qui garantisse le respect de la maison commune et le respect pour les personnes. Le contemplatif en action tend à devenir un gardien de l’environnement: cela est beau! Chacun de nous doit être un gardien de l’environnement, de la pureté de l’environnement, en cherchant à conjuguer les savoirs ancestraux de cultures millénaires avec les nouvelles connaissances techniques, afin que notre style de vie soit toujours durable.
Enfin, Contempler et prendre soin: voilà deux attitudes qui montrent la voie pour corriger et rééquilibrer notre relation d’êtres humains avec la création. Très souvent, notre relation avec la création semble être une relation entre ennemis: détruire la création à mon avantage; exploiter la création à mon avantage. N’oublions pas que cela se paye cher; n’oublions pas ce dicton espagnol: “Dieu pardonne toujours; nous pardonnons parfois; la nature ne pardonne jamais”. Aujourd’hui, je lisais dans le journal une nouvelle sur ces deux grands glaciers de l’Antarctique, près de la Mer d’Amundsen: il vont tomber. Ce sera terrible, parce que le niveau de la mer montera et cela provoquera de nombreuses, nombreuses difficultés et beaucoup de mal. Et pourquoi? A cause du réchauffement, du manque de soin de l’environnement, du manque de soin de la maison commune. En revanche, si nous avons cette relation – je me permets le mot – “fraternelle” au sens figuré avec la création, nous deviendons les gardiens de la maison commune, les gardiens de la vie et les gardiens de l’espérance, nous sauvegarderons le patrimoine que Dieu nous a confié afin que les générations futures puissent en jouir. Et certains peuvent dire: “Mais moi, je m’en tire bien comme ça”. Mais le problème n’est pas comment tu t’en tires aujourd’hui – c’était ce que disait un théologien allemand, protestant, compétent: Bonhoeffer – le problème n’est pas comment tu t’en tires toi, aujourd’hui; le problème est: quel sera l’héritage, la vie de la génération future. Pensons aux enfants, aux petits-enfants: que leur laisserons-nous si nous exploitons la création. Sauvegardons ce chemin, ainsi nous deviendrons des “gardiens” de la maison commune, des gardiens de la vie et de l’espérance. Sauvegardons le patrimoine que Dieu nous a confié, afin que les générations futures puissent en profiter. Je pense de manière particulière aux peuples autochtones, envers lesquels nous avons tous une dette de reconnaissance – et même de pénitence, pour réparer tout le mal que nous leur avons fait. Mais je pense également à ces mouvements, associations, groupes populaires, qui s’engagent pour protéger leur territoire avec ses valeurs naturelles et culturelles. Ces réalités sociales ne sont pas toujours appréciées, on leur fait même parfois obstacle, parce qu’elles ne produisent pas d’argent; mais en réalité, elles contribuent à une révolution pacifique, nous pourrions l’appeler la “révolution du soin”. Contempler pour prendre soin, contempler pour sauvegarder, nous sauvegarder, ainsi que la création, nos enfants, nos petits enfants et sauvegarder l’avenir. Contempler pour prendre soin et pour sauvegarder et pour laisser un héritage à la génération future.

Il ne faut cependant pas déléguer à certaines personnes ce qui est la tâche de chaque être humain. Chacun de nous peut et doit devenir un “gardien de la maison commune”, capable de louer Dieu pour ses créatures, de contempler les créatures et de les protéger.

HOMÉLIE POUR LE 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « DERNIERS ET PREMIERS… » TEXTES : ISAÏE 55, 6-9, PHILIPPIENS 1, 20C-24.27A ET MATHIEU 20, 1-16.

19 septembre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-25e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Derniers-et-premiers_a969.html

HOMÉLIE POUR LE 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « DERNIERS ET PREMIERS… »
TEXTES : ISAÏE 55, 6-9, PHILIPPIENS 1, 20C-24.27A ET MATHIEU 20, 1-16.

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Je n’ai pu m’empêcher de me rappeler mon travail de vacances à la cueillette du tabac à Delhi en Ontario pendant mes études où nous devions attendre sur la place du village que des producteurs viennent nous engager. On a tous fait des expériences d’attente du même genre v.g. une visite de quelqu’un qu’on attend avec impatience, par exemple. On se demande alors va-t-il venir? Et à quelle heure…comme l’ouvrier qui espère être engagé ? Bien sûr, l’attente fait partie de la situation décrite ici dans l’évangile qui vient d’être lu, mais le récit de saint Mathieu attire notre regard plutôt du côté du maître de domaine. Celui-ci est manifestement l’image de Dieu. Regardons donc comment il se comporte et quelle leçon Jésus en tire.

I – Un maître surprenant
Le maître du domaine se déplace plusieurs fois dans la journée pour venir engager des ouvriers. Tôt le matin, à neuf heures, à midi, à trois heures, à cinq heures. Avec les premiers il fait un contrat précis pour leur prestation : « Il se met d’accord avec eux sur le salaire de la journée ; un denier c’est-à-dire une pièce d’argent » (cela équivaut au salaire que reçoit un journalier à notre époque).
La journée se termine et le maître fait remettre à chacun par son intendant le même salaire des derniers aux premiers. Les premiers sont bien surpris, car voyant que les derniers recevaient un denier, ils pensaient qu’eux en auraient plus. Ils le disent au maître. Celui-ci, loin d’accueillir leurs récriminations avec ouverture, leur répond qu’il a été correct et juste avec eux s’en tenant au contrat qui avait été fait. La justice n’est pas violée. Elle est totalement respectée. Ce qui est incontestable.
Alors pourquoi le maître ne continue-t-il pas dans la même voie en donnant un salaire en proportion du temps de travail qui a été fourni ? La raison qui est donnée par Jésus, c’est que le maître agit par pure bonté. Le comportement du maître n’est pas le résultat d’une injustice, mais simplement l’effet de sa bonté, « Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai–je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon? »
Arrêtons-nous un peu sur cette réponse surprenante et assez rude..

II- La leçon qui se dégage de la parabole
Cette réponse est le message de cette parabole. Ce message est constant dans les évangiles. Jésus nous présente un Dieu qui est au-delà de nos façons de faire humaines. Pour le montrer, Jésus va nous présenter cette image surprenante du maître d’un domaine qu’il applique à Dieu.
L’histoire racontée fait ressortir que dans nos relations avec Dieu c’est toujours lui qui a l’initiative comme dans le cas du maître du domaine. Nous sommes dans l’ordre de la grâce et non dans l’ordre des relations humaines ordinaires. Dans cet ordre de la grâce, bien des choses sont différentes. Jésus ici le dit « les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers » faisant écho à d’autres enseignements comme celui des béatitudes où Jésus proclame bienheureux les pauvres, bienheureux ceux qui souffrent, qui sont persécutés pour la justice etc.
La façon d’agir de Dieu vis-à-vis nous ne se base pas seulement sur nos capacités et nos contributions, aussi grandes et aussi belles soient-elles, elle vient de son amour et de sa bonté qui va toujours aussi loin que nous en avons besoin. Son amour ne se mesure pas selon nos critères de performance sociale ou de réalisations humaines.. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins » comme il est dit au prophète Isaïe dans la première lecture que nous venons d’entendre.

III- Application
L’enseignement de ce beau récit tiré de la vie courante au temps de Jésus nous invite, par l’image de la vigne où le maître du domaine envoie ses recrues travailler, à en faire une application concrète à l’Église. Les images de l’Église sont nombreuses : Peuple de Dieu, Corps mystique du Christ, Nouvelle Jérusalem etc. Celle de la Vigne est de plus en plus utilisée dans les documents des papes. Elle permet de montrer les liens qui se tissent entre les divers membres de l’Église sans mettre de supériorité des uns sur les autres. Tous et toutes dans l’Église se rattachent au même tronc qui est le Christ.
Jésus nous dit aujourd’hui que tous et toutes ont leur place dans son Royaume les derniers comme le premiers arrivés. C’est avec humilité que les premiers arrivés doivent regarder ceux et celles nouvellement arrivés. Il n’y a pas de préséance, de places réservées, de récompenses diverses. Quelle beauté dans cette égalité de tous et toutes devant Dieu.
Il en est ainsi dans l’Église qui incarne le Royaume de Dieu parmi nous où c’est toujours Dieu qui a la première initiative. C’est lui qui par la grâce du Christ l’anime, la nourrit et la fait vivre. Bien sûr que notre collaboration est requise, mais n’oublions jamais que ce n’est pas nous qui donnons la croissance et qui produisons les fruits, c’est la grâce de Dieu au cœur de la vie de l’Église qui n’est pas une institution purement humaine, mais qui est le Vigne du Seigneur.

Conclusion
Tenons-nous prêts sur la place pour entendre l’appel du Maître du domaine. Ne perdons pas patience s’il nous semble tarder. Il ne se lasse jamais d’interpeller ceux et celles qui s’ouvrent à ses appels, « d’embaucher des ouvriers pour sa vigne ».
Que notre Eucharistie soit remplie de l’attente du Seigneur qui est venu, qui vient et qui viendra comme nous le proclamons dans la grande Prière eucharistique à chaque messe après la consécration.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

EXALTATION DE LA SAINTE CROIX , ANNÉE A

14 septembre, 2020

https://www.monasterodibose.it/preghiera/vangelo/8618-la-croce-gloriosa

EXALTATION DE LA SAINTE CROIX , ANNÉE A

fr

(traduction Google de l’italien)

14 septembre 2014

Commentaire sur l’Évangile par
ENZO BIANCHI

Jean 3: 13-17
Quand nous chrétiens pensons à la croix, nous y voyons surtout un bois qui est un instrument d’exécution capitale, une torture qui raconte la torture, la souffrance, la mort. Ceci, en fait, est la croix de l’histoire humaine, la croix que Cicéron et Tacite qualifient de «torture cruelle», la croix dont parle la Torah comme un lieu de mort réservé à ceux qui sont considérés comme nuisibles à la société humaine, donc un maudit par Dieu et par les hommes (« Maudit soit celui qui est suspendu au bois »: Ga 3, 13; cf. Dt 21, 23). Eh bien, nous devons admettre que dans l’histoire, beaucoup ont été crucifiés, tués avec une violence sans précédent et toujours nouvelle, car ils sont jugés dangereux pour la société par le pouvoir religieux et politique, qui dans ces cas vont facilement de pair. Pensez à la crucifixion infligée aux esclaves de l’antiquité,
C’est précisément pour cette raison que nous ne comprenons pas toujours la croix du Christ dans sa vérité: ce n’est pas en fait la croix qui a rendu gloire à Jésus, mais c’est Jésus qui a également vécu la croix pour faire de cet instrument mortel un signe et un emblème d’une vie offerte, dépensé, perdu par amour, un amour vécu «à l’extrême» ( eis télos: Jn 13, 1) envers les hommes, même ses bourreaux. Afin de faire comprendre aux chrétiens cette vérité et de ne pas enfermer la croix dans une vision douloureuse, l’Église a ressenti le besoin de la célébrer même un autre jour que le Vendredi saint, afin de dire la gloire qui, grâce à elle, Jésus a montré: la gloire de l’amour. C’est ainsi qu’au IVe siècle à Jérusalem est née cette fête que les Églises catholique et orthodoxe célèbrent encore aujourd’hui le 14 septembre: fête qui, étant solennelle, prévaut sur le 24e dimanche ordinaire de cette année.
La croix glorieuse, la croix dans la gloire: ce n’est pas un instrument de mort qui peut être glorieux, mais ce qui est devenu un symbole, ce que Jésus a vécu sur la croix doit être vu et ressenti comme glorieux. « Gloire » ( kabod) est un terme qui dans l’Ancien Testament indique le poids, donc la gloire de Dieu est son poids dans l’histoire, c’est la trace de son action, de son Royaume. Jésus, qui a accepté cette torture de l’empire totalitaire romain à l’instigation du pouvoir religieux juif, l’a fait en montrant toute sa gloire: le poids de gloire de son amour a vécu à l’extrême. Sur la croix, bien sûr, Jésus apparaît humainement comme un paria, un réprouvé, un condamné souffrant et impuissant, mais en vérité il montre la gloire, le poids que Dieu a dans sa vie. Que Dieu le Père qui semblait l’avoir abandonné, en réalité, étant obéi dans sa volonté d’amour par Jésus, montre toute sa gloire dans la vie du Fils. L’horrible croix devient ainsi un signe lumineux; être hissé haut sur un poteau raconte le règne de Jésus, exalté par Dieu (cf. aussi Jn 8, 28; 12,32-33); la couronne d’épines sur la tête de Jésus révèle sa qualité de Roi qui sert cette humanité qui le rejette; ses blessures aux mains, aux pieds et au côté montrent comment Jésus a accepté la violence, sans vengeance ni vengeance, interrompant ainsi la chaîne de la haine, de l’inimitié, de la violence (cf. Is 53, 5-6.12).
Pour cette raison, le quatrième évangile, «l’autre» évangile, qui a une perspective différente des synoptiques, lit la passion de Jésus comme un événement de gloire, lit la crucifixion comme l’intronisation du Messie, lit les blasphèmes de ceux qui sont présents comme des titres qui reconnaissent le vrai identité de Jésus: il est «le roi des juifs» (Jn 19, 19), nom qui s’écrit et se proclame en hébreu, grec et latin, les trois langues de l’ oikouméne , qui affirment donc «son vrai nom qui est au-dessus de tout nom »(cf. Ph 2,9).
Non seulement dans les évangiles synoptiques (cf. Mc 8,31 et par.; 9,31 et par.; 10,33-34 et par.), Mais aussi dans le quatrième évangile la croix a été prophétisée par Jésus comme une  » nécessité«Dans ce monde injuste, où l’homme juste finit par être rejeté, condamné et tué. Il avait en effet dit à Nicodème que, tout comme Moïse avait élevé un signe de salut pour Israël dans le désert (cf. Nb 21: 4-9), le Fils de l’homme serait élevé, de sorte que quiconque le regarderait avec foi et l’invocation pourrait trouver la vie. Et n’avait-il pas dit aussi: «Quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout le monde à moi» (Jn 12, 32)? Voici qui il est qui attire: un homme qui se manifeste non pas comme un surhomme, en puissance et triomphe du monde, mais un homme défiguré et frappé par les injustes (cf. Is 53,2-3) simplement parce qu’il est le seul juste capable donner sa vie pour les autres.
La croix glorieuse de Jésus est le signe de la façon dont Dieu nous a aimés: son Fils est étendu sur un bois à bras ouverts, il est un serviteur, c’est celui qui a offert sa vie et qui veut embrasser tout le monde. Alors prions avec foi:

Ô croix, le
Christ a triomphé de vous
et sa mort a détruit la mort.
Vous êtes l’étendard du roi qui vient
et vient rapidement dans sa gloire!

 

HOMÉLIE POUR LE 24E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « PARDONNER SOIXANTE-DIX FOIS SEPT FOIS… » Textes : Siracide 27, 30-28, 7, Romains 14, 7-9 et Mathieu18, 21-35.

12 septembre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-24e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Pardonner-soixante-dix-fois-sept-fois_a968.html

diario

HOMÉLIE POUR LE 24E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « PARDONNER SOIXANTE-DIX FOIS SEPT FOIS… »
Textes : Siracide 27, 30-28, 7, Romains 14, 7-9 et Mathieu18, 21-35.

Je me suis senti mal à l’aise un moment pour commenter l’épisode de l’évangile de ce dimanche. Pourquoi? Je me le suis demandé.
Est-ce parce qu’il s’agissait de parler de pardon? Je ne le crois pas. À la réflexion, je pense que ce qui m’a dérangé dans le texte c’est la démesure, le caractère invraisemblable de plusieurs détails à commencer par la réponse de Jésus à Pierre : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. »

I – Le récit de saint Mathieu
Reprenons le récit que nous avons entendu. Dans la parabole, la somme demandée au serviteur est exorbitante : dix milles talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent précise la nouvelle traduction de l’évangile). Cette somme correspond à quelques millions de dollars aujourd’hui. On ne voit pas comment le serviteur a pu contracter une telle dette. Même s’il se met en faillite, on est loin du compte.
Puis, plus loin, les cent derniers eux représentent une très, très petite somme, quelques dollars d’aujourd’hui. Une si petite somme ne justifie pas la prison.
Enfin, en conclusion, le maître devant l’attitude du serviteur à l’égard de son collègue n’a aucune pitié. Il le condamne sans appel.
A la réflexion, j’ai compris que ces détails invraisemblables ne sont pas là pour qu’on s’y arrête pour eux-mêmes. Ils sont des images grossissantes qui nous renvoient à une leçon. Ils n’ont d’autre but que de faire ressortir le message de cette parabole. Tout devient clair si on se rappelle que Jésus nous parle ici de la manière d’agir de Dieu avec son peuple, avec nous. Qu’est-ce que Jésus veut qu’on retienne de ce récit? Regardons-y de plus près.

II – Le message de la parabole
Un. S’il est demandé au disciple de pardonner soixante-dix fois sept fois, c’est qu’il ne doit pas attendre la réciprocité de son pardon, la réconciliation effective ou encore la disparition des conflits. Il pardonnera sans attendre de retour. Comme le Père qui pardonne sans cesse, le disciple dans son cœur ne doit jamais laisser la haine, la dureté prendre racine. C’est un regard de compassion, de bonté qu’il doit toujours porter sur ses frères et sœurs.
Deux. Le serviteur de la parabole est en dette de façon si démesurée avec son maître qu’il ne peut s’en tirer que grâce à la bonté, à la miséricorde de celui-ci. Le disciple de Jésus lui aussi, parce qu’il est pécheur, ne peut prétendre se sauver par lui-même. Il a besoin de l’amour, de la compassion, de la miséricorde de son Père du ciel. Dans nos relations avec Dieu on ne peut jouer au donnant-donnant. Tes réalisations humaines, ta bonté d’homme ou de femme, comparée à l’amour de Dieu ne sont rien, dirait saint Jean de la Croix. Il n’y a pas de commune mesure entre Dieu et l’Homme.

III – Application
Voilà pourquoi le disciple doit apprendre à se libérer de ses mesures humaines, calculées avec ses manières de voir et d’agir, pour s’introduire, s’initier, s’adapter aux mesures de Dieu, aux manières d’agir de Dieu. Dans cette histoire, notre attention doit se porter le roi miséricordieux, mais non pas sur le comportement du serviteur ingrat et impitoyable. C’est le message d’aujourd’hui bien mis en évidence dans la conclusion du récit que je vous relis : « Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ? » (verset 33)
« Comme moi-même… » Cette invitation à s’adapter de plus en plus aux manières d’agir de Dieu nous donne l’occasion de nous remettre en question. Notre attitude envers les autres restera toujours le meilleur critère de discernement. Agissons-nous à la manière de Dieu ? C’est pour avoir oublié de suivre cette voie que le serviteur est condamné. C’est pour l’avoir oublié qu’au jugement final les uns s’entendront dire « J’ai eu faim et tu ne m’as pas nourri, J’ai eu soif et tu ne m’as pas donné à boire, J’étais malade et tu ne m’as pas visité… » (Mathieu 25, 34-36)

Conclusion
Que cette Eucharistie renouvelle en nous le goût de marcher à la suite de Jésus qui, dans sa vie, n’a eu d’autre attitude que de suivre la manière d’agir de Dieu et qui nous donne par la communion à son Corps et à son Sang la grâce d’y arriver nous aussi.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE 2 septembre 2020 – “Guérir le monde” : 5. La solidarité et la vertu de la foi

10 septembre, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200902_udienza-generale.html

fr gesù guariscwe

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE 2 septembre 2020 – “Guérir le monde” : 5. La solidarité et la vertu de la foi

Cour Saint-Damase

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après tant de mois, nous reprenons notre rencontre face à face et non devant un écran. Face à face. C’est beau ! L’actuelle pandémie a mis en évidence notre interdépendance : nous sommes tous liés, les uns aux autres, tant dans le mal que dans le bien. C’est pourquoi, pour sortir meilleurs de cette crise, nous devons le faire ensemble. Ensemble, pas tout seuls, ensemble. Seuls non, parce que l’on ne peut pas ! Ou on le fait ensemble, ou on ne le fait pas. Nous devons le faire ensemble, tous, dans la solidarité. Je voudrais souligner ce mot aujourd’hui : solidarité.
En tant que famille humaine, nous avons notre origine commune en Dieu ; nous habitons dans une maison commune, la planète-jardin, la terre dans laquelle Dieu nous a placés ; et nous avons une destination commune dans le Christ. Mais quand nous oublions tout cela, notre interdépendance devient dépendance de certains à l’égard d’autres – nous perdons cette harmonie de l’interdépendance dans la solidarité – qui accroît l’inégalité et la marginalisation ; le tissu social s’affaiblit et l’environnement se dégrade. Toujours la même chose. La même façon d’ agir.
C’est pourquoi, le principe de solidarité est aujourd’hui plus que jamais nécessaire, comme l’a enseigné saint Jean-Paul II (cf. Enc. Sollicitudo rei socialis, nn. 38-40). Dans un monde interconnecté, nous faisons l’expérience de ce que signifie vivre dans le même « village global ». Cette expression est belle : le grand monde n’est autre qu’un village global, parce que tout est lié. Mais nous ne transformons pas toujours cette interdépendance en solidarité. Il y a un long chemin entre l’interdépendance et la solidarité. Les égoïsmes – individuels, nationaux et des groupes de pouvoir – ainsi que les rigidités idéologiques alimentent au contraire des « structures de péché » (ibid., n. 36).
« Le mot “solidarité” est un peu usé et, parfois, on l’interprète mal, mais il désigne beaucoup plus que quelques actes sporadiques de générosité. C’est plus que cela ! Il demande de créer une nouvelle mentalité qui pense en termes de communauté, de priorité de la vie de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 188). Cela signifie solidarité. Il ne s’agit pas seulement d’aider les autres – c’est bien de le faire, mais c’est plus que cela – il s’agit de justice (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, nn. 1938-1940). L’interdépendance, pour être solidaire et porter des fruits, a besoin de fortes racines dans l’humain et dans la nature créée par Dieu, elle a besoin du respect des visages et de la terre.
Dès le début, la Bible nous avertit. Pensons au récit de la Tour de Babel (cf. Gn 11, 1-9), qui décrit ce qui se produit quand nous cherchons à atteindre le ciel – notre objectif – en ignorant le lien avec l’humain, avec la création et avec le Créateur. C’est une façon de dire : cela arrive chaque fois que l’on veut monter, monter, sans tenir compte des autres. Moi seulement ! Pensons à la tour. Nous construisons des tours et des gratte-ciels, mais nous détruisons la communauté. Nous unifions les édifices et les langues, mais nous mortifions la richesse culturelle. Nous voulons être les maîtres de la Terre, mais nous détruisons la biodiversité et l’équilibre écologique. Je vous ai raconté au cours d’une autre audience l’histoire de ces pêcheurs de San Benedetto del Tronto qui sont venus cette année et qui m’ont dit : « Nous avons récupéré de la mer 24 tonnes de déchets, dont la moitié était du plastique ». Imaginez ! Ces hommes capturent des poissons, oui, mais ils ont aussi l’idée de capturer les déchets et de les extraire pour nettoyer la mer. Mais cette [pollution] signifie détruire la terre, ne pas avoir de solidarité avec la terre qui est un don et l’équilibre écologique.
Je me souviens d’un récit médiéval qui décrit ce « syndrome de Babel », qui se produit quand il n’y a pas de solidarité. Ce récit médiéval dit que, lors de la construction de la tour, quand un homme tombait – c’étaient des esclaves – et mourait, personne ne disait rien, au mieux : « Le pauvre, il s’est trompé et est tombé ». Mais si une brique tombait, tous se plaignaient. Et si quelqu’un était coupable, il était puni ! Pourquoi ? Parce qu’une brique coûtait cher à fabriquer, à préparer, à cuire. Il fallait du temps et du travail pour fabriquer une brique. Une brique valait plus que la vie humaine. Que chacun de nous pense à ce qui se produit aujourd’hui. Malheureusement, aujourd’hui aussi, quelque chose de ce genre peut se produire. Le marché financier perd quelques points – nous l’avons vu sur les journaux ces jours-ci – et la nouvelle est rapportée par toutes les agences. Des milliers de personnes tombent à cause de la faim, de la misère, et personne n’en parle.
En opposition totale à Babel, nous trouvons la Pentecôte, nous l’avons entendu au début de l’audience (cf. Ac 2, 1-3). L’Esprit Saint, en descendant d’en haut comme le vent et le feu, investit la communauté enfermée au cénacle, lui insuffle la force de Dieu, la pousse à sortir et à annoncer à tous le Seigneur Jésus. L’Esprit crée l’unité dans la diversité, il crée l’harmonie. Dans le récit de la Tour de Babel, il n’y avait pas l’harmonie : il y avait le fait d’aller de l’avant pour gagner de l’argent. Là, l’homme n’était qu’un simple instrument, une simple « force de travail », mais ici, avec la Pentecôte, chacun de nous est un instrument, mais un instrument communautaire qui participe de tout son être à l’édification de la communauté. Saint François d’Assise le savait bien et, animé par l’Esprit, il donnait à toutes les personnes, et même aux créatures, le nom de frère ou sœur (cf. LS, n. 11; cf. Saint Bonaventure, Legenda maior, VIII, 6: FF 1145). Même le frère loup, rappelons-nous.
Avec la Pentecôte, Dieu se fait présent et inspire la foi de la communauté unie dans la diversité et dans la solidarité. Diversité et solidarité unies dans l’harmonie, telle est la voie. Une diversité solidaire possède les « anticorps » afin que la particularité de chacun – qui est un don, unique et irrépétible – ne tombe pas malade à cause de l’individualisme, de l’égoïsme. La diversité solidaire possède également les anticorps pour guérir les structures et les processus sociaux qui ont dégénéré en systèmes d’injustice, en systèmes d’oppression (cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, n. 192). La solidarité est donc aujourd’hui la voie à parcourir vers un monde après la pandémie, vers la guérison de nos maladies interpersonnelles et sociales. Il n’y en a pas d’autre. Ou nous allons de l’avant sur la voie de la solidarité ou les choses seront pires. Je veux le répéter : on ne sort pas pareils qu’avant d’une crise. La pandémie est une crise. On sort d’une crise meilleurs ou pires. Nous devons choisir. Et la solidarité est précisément une voie pour sortir meilleurs de la crise, pas avec des changements superficiels, avec un coup de peinture comme ça tout va bien. Non ! Meilleurs !
Au milieu de la crise, une solidarité guidée par la foi nous permet de traduire l’amour de Dieu dans notre culture mondialisée, non pas en construisant des tours ou des murs – et combien de murs se construisent aujourd’hui – qui divisent mais ensuite s’écroulent, mais en tissant des communautés et en soutenant des processus de croissance véritablement humaine et solide. C’est pour cela que la solidarité peut aider. Je pose une question : est-ce que je pense aux besoins des autres ? Que chacun réponde dans son cœur.
Au milieu des crises et des tempêtes, le Seigneur nous interpelle et nous invite à réveiller et à rendre active cette solidarité capable de donner une solidité, un soutien et un sens à ces heures où tout semble sombrer. Puisse la créativité de l’Esprit Saint nous encourager à engendrer de nouvelles formes d’accueil familial, de fraternité féconde et de solidarité universelle. Merci.

François a ensuite salué les pèlerins francophones:
Je salue cordialement les pèlerins de langue française.
En ces temps difficiles que nous traversons je vous encourage à répondre dans la foi aux appels que l’Esprit-Saint nous adresse à faire preuve de solidarité envers les personnes que nous rencontrons et qui comptent sur notre soutien fraternel.

Que Dieu vous bénisse !

HOMÉLIE POUR LE 23E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « QUAND DEUX OU TROIS SONT RÉUNIS EN MON NOM, JE SUIS LÀ, AU MILIEU D’EUX » Textes : Ézékiel 33, 7-9, Romains 13, 8-10 et Mathieu 18, 15-20..

5 septembre, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-23e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Quand-deux-ou-trois-sont-reunis-en-mon-nom-je-suis-la-au_a967.html

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HOMÉLIE POUR LE 23E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « QUAND DEUX OU TROIS SONT RÉUNIS EN MON NOM, JE SUIS LÀ, AU MILIEU D’EUX »
Textes : Ézékiel 33, 7-9, Romains 13, 8-10 et Mathieu 18, 15-20..

I – Nos relations avec les autres
La première piste pointe vers la responsabilité que nous avons les uns envers les autres. En décrivant une façon de faire déjà présente dans l’Ancien Testament, l’Évangile met en évidence cette responsabilité
L’Ancien Testament est représenté par les paroles du prophète Ézéchiel que nous avons lues dans la première lecture : « Si tu ne dis pas au méchant d’abandonner sa conduite mauvaise, je t’en demanderai compte. Si tu le fais, même s’il ne change pas, tu lui auras sauvé la vie ».
Et dans le Nouveau Testament, nous avons cette invitation claire de Jésus dans l’évangile de ce jour : « Si ton frère a commis un péché, montre-lui . S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère »
Voilà le message. On ne peut pas dire dans nos relations avec les autres : « moi, je reste renfermé dans mon cocon » Les relations ça implique des contacts, des paroles, des échanges On devient ainsi des gens responsables et ouverts.
N’est-ce pas une belle leçon? Une leçon applicable dans l’Église bien sûr, mais aussi dans la société, dans nos familles, dans notre vie personnelle.
Ceci étant dit, on n’a pas à condamner et à se positionner en juge des autres. Le mécanisme décrit : rencontrer son frère ou sa sœur une fois, deux fois avait cours dans les premières communautés chrétiennes. Il peut encore être utile parfois, mais il ne faut pas se prendre pour un autre. Tous nous avons nos limites. Il faut regarder d’abord où est le bien, le bon côté des personnes et ensuite avoir la patience et laisser du temps, un long temps parfois, avant d’abandonner.

II – Les relations avec Dieu
La seconde piste concerne nos relations à Dieu. Il s’agit bien sûr de la prière qui est en cause ici. La prière est un échange entre Dieu et nous. Cet échange se réalise au plus intérieur de nous-mêmes. Prie ton Père dans le secret nous dit Jésus et ne fais pas comme les Pharisiens qui le font pour se faire voir.
Et ici dans ce passage de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus ajoute quelque chose à la prière dans le secret. Celle-ci se complète par la prière en commun, comme nous faisons ici à la messe ou encore en pèlerinage, en famille, dans nos groupes de chrétiens qui se réunissent. Ce que Jésus dit c’est que la prière en commun a quelque chose de spécial : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux ».
Il s’agit d’une véritable présence de Jésus dans la communauté priante. En priant en commun avec d’autres, je sors de ma prière secrète. Je suis autour de Jésus avec eux, avec elles. Il est là au milieu de nous.
C’est très beau.

III – Application
Cette promesse de Jésus nous permet de réfléchir et de revenir sur nos façons de faire. Est-ce que dans les mouvements, les associations catholiques dont nous faisons partie, dans les équipes de pastorale, nous pensons à prier ensemble? Est-ce que le mari et la femme prient quelque instants ensemble? Est-ce qu’avec les jeunes enfants, au lieu de les écouter seulement, on prie avec eux ?
En tout cas, Jésus ici nous dit qu’il ne faut pas avoir peur de se mettre ensemble pour prier, même plus, il nous dit qu’il y a une force spéciale parce qu’il est au milieu de la communauté, des personnes qui prient ensemble.

Conclusion
Que cette eucharistie où ensemble nous nous retrouvons dans la prière commune avec Jésus au milieu de nous, fasse de nous des personnes ouvertes et accueillantes à ceux et celles avec qui nous entrons en relations dans la famille, au travail, dans les loisirs. Que cette messe où nous nous retrouvons ensemble exprime une ouverture réelle vis-à-vis nos frères et nos soeurs. Nous vivrons ainsi, encore une fois, la présence vivante de Jésus parmi nous comme il nous l’a promis.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE 26 août 2020 – Catechese – “Guérir le monde”: 4. La destination universelle des biens et la vertu de l’espéranc

3 septembre, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200826_udienza-generale.html

fr Bibbia genesi

Bible, Genèse

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE 26 août 2020 – Catechese – “Guérir le monde”: 4. La destination universelle des biens et la vertu de l’espérance

Bibliothèque du palais apostolique

Chers frères et sœurs, bonjour !

Face à la pandémie et à ses conséquences sociales, de nombreuses personnes risquent de perdre l’espérance. En ce temps d’incertitude et d’angoisse, j’invite chacun à accueillir le don de l’espérance qui vient du Christ. C’est Lui qui nous aide à naviguer dans les eaux tumultueuses de la maladie, de la mort et de l’injustice, qui n’ont pas le dernier mot sur notre destination finale.
La pandémie a souligné et aggravé les problèmes sociaux, en particulier l’inégalité. Certains peuvent travailler à la maison, tandis que pour de nombreux autres, cela est impossible. Certains enfants, en dépit des difficultés, peuvent continuer à recevoir une éducation scolaire, tandis que pour de très nombreux autres, celle-ci s’est brusquement interrompue. Certains pays puissants peuvent émettre de la monnaie pour affronter l’urgence, tandis que pour d’autres, cela signifierait hypothéquer leur avenir.
Ces symptômes d’inégalité révèlent une maladie sociale ; c’est un virus qui vient d’une économie malade. Nous devons le dire simplement : l’économie est malade. Elle est tombée malade. C’est le fruit d’une croissance économique inique – voilà la maladie : le fruit d’une croissance économique inique – qui ne tient pas compte des valeurs humaines fondamentales. Dans le monde d’aujourd’hui, quelques personnes très riches possèdent plus que tout le reste de l’humanité. Je répète cela parce que cela nous fera réfléchir : quelques personnes très riches, un petit groupe, possèdent plus que tout le reste de l’humanité. C’est une pure statistique. C’est une injustice qui crie au ciel ! Dans le même temps, ce modèle économique est indifférent aux dommages infligés à la maison commune. On ne prend pas soin de la maison commune. Nous allons bientôt dépasser un grand nombre des limites de notre merveilleuse planète, avec des conséquences graves et irréversibles : de la perte de biodiversité et du changement climatique à l’élévation du niveau des mers et à la destruction des forêts tropicales. L’inégalité sociale et la dégradation de l’environnement vont de pair et ont la même racine (cf. Enc. Laudato si’, n. 101) : celle du péché de vouloir posséder, de vouloir dominer ses frères et sœurs, de vouloir posséder et dominer la nature et Dieu même. Mais cela n’est pas le dessein de la création.
« Au commencement, Dieu a confié la terre et ses ressources à la gérance commune de l’humanité » ( Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2402). Dieu nous a demandé de dominer la terre en son nom (cf. Gn 1, 28), en la cultivant et en en prenant soin comme un jardin, le jardin de tous (cf. Gn 2, 15). « Alors que “cultiver” signifie labourer, […] ou travailler, “garder” signifie protéger, [et] sauvegarder » ( LS, n. 67). Mais attention à ne pas interpréter cela comme une carte blanche pour faire de la terre ce que l’on veut. Non. Il existe « une relation de réciprocité responsable » ( ibid.) entre nous et la nature. Une relation de réciprocité responsable entre nous et la nature. Nous recevons de la création et nous donnons à notre tour. « Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder » ( ibid.). Les deux choses.
En effet, la terre « nous précède et nous a été donnée » (ibid.), elle a été donnée par Dieu « à tout le genre humain » (CEC, n. 2402). Il est donc de notre devoir de faire en sorte que ses fruits arrivent à tous, et pas seulement à quelques-uns. Et cela est un élément-clé de notre relation avec les biens terrestres. Comme le rappelaient les pères du Concile Vatican II, « l’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes : en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres » (Const. past. Gaudium et spes, n. 69). En effet, « la propriété d’un bien fait de son détenteur un administrateur de la Providence pour le faire fructifier et en communiquer les bienfaits à autrui » (CEC, n. 2404). Nous sommes administrateurs des biens, pas les propriétaires. Administrateurs. « Oui, mais ce bien est à moi ». C’est vrai, il est à toi, mais pour l’administrer, par pour le garder de façon égoïste pour toi.
Pour assurer que ce que nous possédons apporte de la valeur à la communauté, « l’autorité politique a le droit et le devoir de régler, en fonction du bien commun, l’exercice légitime du droit de propriété » (ibid., n. 2406) (Cf. GS, 71; Saint Jean-Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socialis, n. 42; Lett. enc. Centesimus annus, nn. 40.48). La « subordination de la propriété privée à la destination universelle des biens […] est une “règle d’or” du comportement social, et le premier principe de tout l’ordre éthico-social » (LS, n. 93) (Cf. S. Jean-Paul II, Lett. enc. Laborem exercens, n. 19).
Les propriétés, l’argent sont des instruments qui peuvent servir à la mission. Mais nous les transformons facilement en fins, individuelles ou collectives. Et lorsque cela a lieu, on porte atteinte aux valeurs humaines essentielles. L’homo sapiens se déforme et devient une espèce d’homo œconomicus – dans le mauvais sens du terme – individualiste, calculateur et dominateur. Nous oublions que, étant créés à l’image et ressemblance de Dieu, nous sommes des êtres sociaux, créatifs et solidaires, avec une immense capacité à aimer. Nous oublions souvent cela. De fait, nous sommes les êtres les plus coopératifs parmi toutes les espèces, et nous nous épanouissons en communauté, comme on le voit bien dans l’expérience des saints (« Florecemos en racimo, como los santos »: une expression commune en espagnol). Il y a un dicton espagnol qui m’a inspiré cette phrase, et qui dit : Florecemos en racimo, como los santo. Nous nous épanouissons en communauté, comme on le voit dans l’expérience des saints.
Quand l’obsession de posséder et de dominer exclut des millions de personnes des biens primaires ; quand l’inégalité économique et technologique est telle qu’elle déchire le tissu social ; et quand la dépendance vis-à-vis d’un progrès matériel illimité menace la maison commune, alors nous ne pouvons pas rester impassibles. Non, cela est désolant. Nous ne pouvons pas rester impassibles ! Avec le regard fixé sur Jésus (cf. He 12, 2) et la certitude que son amour œuvre à travers la communauté de ses disciples, nous devons agir tous ensemble, dans l’espérance de donner naissance à quelque chose de différent et de meilleur. L’espérance chrétienne, enracinée en Dieu, est notre ancre. Elle soutient la volonté de partager, en renforçant notre mission en tant que disciples du Christ, qui a tout partagé avec nous.
Et cela, les premières communautés chrétiennes, qui comme nous, vécurent des temps difficiles, l’ont compris. Conscientes de former un seul cœur et une seule âme, elles mettaient tous leurs biens en commun, en témoignant de la grâce abondante du Christ sur elles (cf. Ac 4, 32-35). Nous vivons actuellement une crise. La pandémie nous a tous plongés dans une crise. Mais rappelez-vous : on ne peut pas sortir pareils d’une crise, ou bien l’on sort meilleurs, ou bien l’on sort pires. C’est l’option qui se présente à nous. Après la crise, est-ce que nous continuerons avec ce système économique d’injustice sociale et de mépris pour la sauvegarde de l’environnement, de la création, de la maison commune ? Réfléchissons-y. Puissent les communautés chrétiennes du vingt-et-unième siècle retrouver cette réalité – la sauvegarde de la création et la justice sociale : elles vont de pair – en témoignant ainsi de la Résurrection du Seigneur. Si nous prenons soin des biens que le Créateur nous donne, si nous mettons en commun ce que nous possédons de façon à ce que personne ne manque de rien, alors nous pourrons véritablement inspirer l’espérance pour faire renaître un monde plus sain et plus équitable.
Et pour finir, pensons aux enfants. Lisez les statistiques : combien d’enfants, aujourd’hui, meurent de faim à cause d’une mauvaise distribution des richesses, d’un système économique que j’ai évoqué auparavant ; et combien d’enfants, aujourd’hui, n’ont pas droit à l’école, pour la même raison. Que cette image, des enfants dans le besoin à cause de la faim et du manque d’éducation, nous aide à comprendre que nous devrons sortir meilleurs de cette crise. Merci.