Archive pour juin, 2020

SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II ET HOMÉLIE DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I

28 juin, 2020

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/homilies/2004/documents/hf_jp-ii_hom_20040629_sts-peter-paul.html

fr

SOLENNITÉ DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL

HOMÉLIE DU PAPE JEAN-PAUL II
ET HOMÉLIE DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMAIOS I

Mardi 29 juin 2004

Paroles d’introduction du Pape:
Très chers frères et soeurs, le passage de l’Evangile que nous venons d’écouter en grec et en latin, nous invite à approfondir la signification de la fête des saints Apôtres Pierre et Paul d’aujourd’hui.
Je désire à présent vous inviter à écouter les réflexions que le Patriarche oecuménique, Sa Sainteté Bartholomaios I, nous présentera, en tenant compte du fait que nos deux voix parlent d’unité.

Homélie de Sa Sainteté Bartholomaios I, Patriarche oecuménique de Constantinople :

Votre Sainteté,
C’est avec des sentiments de joie et de tristesse que nous venons à Vous en ce jour important de la fête des saints Pierre et Paul, pour manifester notre amour à l’égard de la personne de Votre Sainteté et de tous les membres de l’Eglise-soeur de Rome, qui célèbre sa fête patronale. En nous réjouissant avec vous, nous regrettons toutefois que manque ce qui aurait pleinement complété notre joie à tous deux, c’est-à-dire le rétablissement de la pleine communion entre nos Eglises.
Aujourd’hui, nous concentrons notre regard sur l’heureux quarantième anniversaire de la rencontre à Jérusalem – en 1964 – de nos prédécesseurs de vénérée mémoire; une rencontre qui a mis fin au chemin de notre éloignement réciproque et qui a constitué le début du rapprochement entre nos Eglises.
Au cours de ce nouveau chemin, ont été accomplis de nombreux pas vers le rapprochement réciproque. Des dialogues ont été instaurés, des rencontres ont eu lieu, des lettres ont été échangées; l’amour s’est accru, mais nous ne sommes pas encore parvenus à l’objectif désiré. Il n’a pas été possible d’éliminer en quarante ans les oppositions qui se sont accumulées au cours de plus de neuf cent ans.
L’espérance – qui va de pair avec la foi et avec l’amour qui espère toujours – est l’un des dons importants de Dieu. Nous aussi, nous espérons que ce qui n’a pas été possible jusqu’à aujourd’hui sera obtenu à l’avenir, et, nous souhaitons, que ce soit un avenir proche. Peut-être s’agira-t-il d’un avenir lointain, mais notre attente et notre amour ne peuvent être soumis à de brèves limites temporelles. Notre présence ici aujourd’hui exprime dans toute son évidence notre désir sincère d’éliminer tous les obstacles ecclésiaux qui ne sont pas dogmatiques ou essentiels, afin que notre intérêt se concentre sur l’étude des différences essentielles et des vérités dogmatiques qui ont divisé jusqu’à aujourd’hui nos Eglises, ainsi que sur la façon de vivre la vérité chrétienne de l’Eglise unie.
Loin du désir de lier notre nom à des objectifs que seul l’Esprit Saint peut obtenir, nous n’attribuons pas à nos actions une efficacité plus grande que celle que Dieu voudra bien leur donner. Toutefois, en manifestant notre désir, nous oeuvrons inlassablement en vue de l’objectif pour lequel nous prions chaque jour: « l’union de tous ». Conscient en écoutant la prière sacerdotale de Jésus Christ de combien notre unité est nécessaire – afin que le monde croie qu’Il vient de Dieu – nous collaborons avec vous afin de parvenir à cette unité et nous exhortons chacun à prier avec ferveur pour le succès de nos efforts communs.
Très chers chrétiens,
L’unité des Eglises – dont nous parlons et pour laquelle nous demandons vos prières – n’est pas une unité terrestre, semblable aux unions d’Etats, aux corporations de personnes et de structures à travers lesquelles se crée une plus haute union organisative. Cela est très facile à réaliser et toutes les Eglises ont déjà constitué diverses organisations au sein desquelles elles collaborent dans différents secteurs.
L’unité à laquelle les Eglises aspirent est une recherche spirituelle qui vise à vivre ensemble la communion spirituelle avec la personne de notre Seigneur Jésus Christ. Elle ne pourra avoir lieu que lorsque nous aurons tous « l’esprit du Christ », l’ »amour du Christ », « la foi du Christ », « l’humilité du Christ », « la disposition sacrificielle du Christ » et – en général – lorsque nous vivrons tout ce qui est du Christ comme lui l’a vécu ou, du moins, lorsque nous désirerons sincèrement vivre comme il veut que nous vivions.
Dans le cadre de cet effort spirituel très délicat, apparaissent des difficultés dues au fait que la plupart d’entre nous présentent très souvent leurs positions, leurs opinions et leurs évaluations comme si elles étaient des expressions de l’esprit, de l’amour et, en général, de l’esprit du Christ. Etant donné que ces opinions et ces évaluations personnelles, et parfois les vécus personnels eux-mêmes, ne coïncident ni entre eux, ni avec le vécu du Christ, des désaccords apparaissent. En bonne foi, à travers les dialogues ecclésiaux, nous cherchons à nous comprendre mutuellement avec une surabondance d’amour; de même que nous tentons de constater en quoi et pourquoi se différencient nos vécus, qui s’expriment à travers des formulations dogmatiques diverses. Nous ne faisons pas de discours abstraits sur des questions théoriques, sur lesquelles notre position n’a pas de conséquences pour la vie. Nous recherchons, parmi tant de vécus, qui s’expriment à travers diverses formulations, celui qui exprime correctement, ou du moins le mieux possible, l’esprit du Christ.
Rappelez-vous du comportement des deux disciples du Christ lorsqu’il ne fut pas accepté par les habitants d’une certaine région. Les deux disciples s’indignèrent et demandèrent au Christ s’ils pouvaient prier Dieu de faire descendre le feu du ciel contre ceux qui avaient refusé de l’accueillir. La réponse du Seigneur fut celle qui a été donnée à tant de chrétiens au cours des siècles: « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Car le fils de l’homme n’est pas venu perdre les âmes des hommes, mais les sauver » (Lc 9, 55-56). De nombreuses fois des fidèles, au cours des siècles, ont demandé au Christ d’approuver des oeuvres qui ne s’accordaient pas avec son esprit. Plus encore, ils ont attribué au Christ leurs opinions et enseignements, en soutenant que les uns et les autres interprétaient l’esprit du Christ. C’est de là qu’ont découlé les désaccords entre les fidèles, qui, par conséquent, se sont divisés en groupes prenant la forme actuelle des diverses Eglises.
Aujourd’hui, les efforts communs tendent à vivre l’esprit du Christ, d’une façon qu’il approuverait si on le lui demandait. Un tel vécu présuppose une pureté de coeur, des buts désintéressés, une sainte humilité, en un mot: une sainteté de vie. Les oppositions accumulées et les intérêts séculaires ne nous permettent pas de voir avec clarté et retardent la compréhension commune de l’esprit du Christ, à laquelle succédera également l’unité tant désirée des Eglises, dans le même esprit, dans le même Corps et dans son même Sang. Naturellement, du point de vue spirituel, cela n’a aucun sens d’accepter et de réaliser une union extérieure lorsque demeure la diversité en ce qui concerne l’esprit.
Ainsi, on comprend que l’on ne cherche pas à niveler les traditions, les usages et les habitudes de tous les fidèles et que l’on cherche seulement à vivre en commun la personne de Jésus Christ un, unique et immuable dans l’Esprit Saint, la communion du vécu dans l’événement de l’Incarnation du Logos de Dieu, et de la descente de l’Esprit Saint sur l’Eglise, ainsi que le vécu commun de l’événement de l’Eglise comme Corps du Christ qui récapitule toute chose en lui. Ce vécu spirituel recherché constitue le vécu suprême de l’homme, constitue son union avec le Christ et, par conséquent, le dialogue sur ce point est le plus important de tous. C’est pourquoi nous avons demandé et nous demandons aux chrétiens de prier avec ferveur notre Seigneur Jésus Christ, afin qu’il guide les coeurs vers la réalisation de cette aspiration de façon à ce que, une fois obtenue, nous puissions fêter ensemble, si Dieu le veut, chaque célébration ecclésiale dans la pleine communion spirituelle et la joie. Amen.

Homélie du Saint-Père:
1. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Interrogé par le Seigneur, Pierre, au nom des autres Apôtres également, prononce sa profession de foi.
En celle-ci est affirmé le fondement certain de notre chemin vers la pleine communion. Si, en effet, nous voulons l’unité des disciples du Christ, nous devons repartir du Christ. Comme à Pierre, il nous est demandé à nous aussi de confesser qu’Il est la pierre d’angle, le Chef de l’Eglise. J’ai écrit dans la Lettre encyclique Ut unum sint: « Croire au Christ signifie vouloir l’Eglise; vouloir l’Eglise signifie vouloir la communion de grâce qui correspond au dessein du Père de toute éternité » (n. 9).
2. Ut unum sint! Voilà d’où jaillit notre engagement de communion, en réponse à l’ardent désir du Christ. Il ne s’agit pas d’un vague rapport de bon voisinage, mais du lien indissoluble de la foi théologale en vertu duquel nous avons été destinés non pas à la séparation, mais à la communion.
Nous vivons aujourd’hui avec douleur ce qui, au cours de l’histoire, a rompu notre lien d’unité dans le Christ. Dans cette optique, notre rencontre d’aujourd’hui n’est pas seulement un geste de courtoisie, mais une réponse au commandement du Seigneur. Le Christ est le Chef de l’Eglise et nous voulons ensemble continuer à faire ce qui est humainement possible pour combler ce qui nous sépare encore et qui nous empêche de communier au même Corps et Sang du Seigneur.
3. Avec ces sentiments, je désire exprimer ma profonde reconnaissance à Votre Sainteté, pour sa présence et pour les réflexions qu’elle nous a proposées. Je suis également heureux de célébrer avec vous le souvenir des saints Pierre et Paul, qui coïncide cette année avec le quarantième anniversaire de la rencontre bénie, qui a eu lieu à Jérusalem les 5 et 6 janvier 1964, entre le Pape Paul VI et le Patriarche Athénagoras I.
Votre Sainteté, je désire Vous remercier de tout coeur d’avoir accueilli mon invitation à rendre visible et à réaffirmer aujourd’hui, à travers cette rencontre, l’esprit qui animait ces deux pèlerins particuliers, qui dirigèrent leurs pas l’un vers l’autre, et choisirent de s’embrasser pour la première fois précisément sur le lieu où naquit l’Eglise.
4. Cette rencontre ne peut pas être qu’un souvenir. Elle est un défi pour nous! Elle nous indique le chemin de la redécouverte et de la réconciliation réciproque. Un chemin qui n’est certainement ni facile, ni dépourvu d’obstacles. Dans le geste émouvant de nos prédécesseurs à Jérusalem, nous pouvons trouver la force de surmonter tout malentendu et difficulté, pour nous consacrer sans relâche à cet engagement d’unité.
L’Eglise de Rome s’est placée avec une ferme volonté et une grande sincérité sur la voie de la pleine réconciliation, à travers des initiatives qui se sont révélées, à chaque fois, possibles et utiles. Je désire exprimer aujourd’hui le souhait que tous les chrétiens intensifient leurs efforts, chacun de leur côté, afin d’hâter le jour où se réalisera pleinement le désir du Seigneur: « Que tous soient un » (Jn 17, 11.21). Que notre conscience ne nous reproche pas d’avoir oublié des étapes, d’avoir négligé des opportunités, de n’avoir pas tenté toutes les voies!
5. Nous le savons bien: l’unité que nous recherchons est avant tout un don de Dieu. Mais nous sommes conscients que hâter l’heure de sa pleine réalisation dépend également de nous, de notre prière, de notre conversion au Christ.
Votre Sainteté, en ce qui me concerne, je tiens à confesser que sur la voie de la recherche de l’unité, je me suis toujours laissé guider, comme par une boussole sûre, par l’enseignement du Concile Vatican II. La Lettre encyclique Ut unum sint:, publiée quelques jours avant la mémorable visite de Votre Sainteté à Rome, en 1995, réaffirmait précisément ce que le Concile avait annoncé dans le Décret sur l’oecuménisme Unitatis redintegratio, dont nous célébrons cette année le quarantième anniversaire de la promulgation.
‘ai eu plusieurs fois l’occasion de souligner, en des circonstances solennelles, et je le répète aujourd’hui également, que l’engagement pris par l’Eglise catholique lors du Concile Vatican II est irrévocable. On ne peut y renoncer!
6. Le rite de l’imposition du Pallium aux nouveaux Archevêques métropolitains contribue à compléter la solennité et la joie de la célébration d’aujourd’hui et à l’enrichir de contenus spirituels et ecclésiaux.Vénérés Frères, le Pallium, que vous recevrez aujourd’hui en présence du Patriarche oecuménique, notre Frère dans le Christ, est un signe de la communion qui vous unit à titre particulier au témoignage apostolique de Pierre et de Paul. Il vous lie à l’Evêque de Rome, Successeur de Pierre, appelé à accomplir un service ecclésial particulier à l’égard du Collège épiscopal tout entier. Je vous remercie de votre présence et je vous présente tous mes voeux pour votre ministère en faveur des Eglises métropolitaines présentes dans diverses Nations. Je vous accompagne volontiers de mon affection et de ma prière.
7. « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! ». Combien de fois reviennent dans ma prière quotidienne ces paroles, qui constituent la profession de foi de Pierre! Dans la précieuse icône donnée par le Patriarche Athénagoras I au Pape Paul VI le 5 janvier 1964, les deux saints Apôtres, Pierre le Coryphée et André le Protoclite, s’embrassent, dans un langage éloquent d’amour, sous le Christ glorieux. André a été le premier à se placer à la suite du Seigneur, Pierre a été appelé à confirmer ses frères dans la foi.
Leur baiser sous le regard du Christ est une invitation à poursuivre le chemin entrepris, vers cet objectif d’unité que nous voulons atteindre ensemble.
Qu’aucune difficulté ne nous freine. Mais allons plutôt de l’avant avec espérance, soutenus par l’intercession des Apôtres et par la protection maternelle de Marie, Mère du Christ, Fils du Dieu vivant.

 

HOMÉLIE POUR LE 13E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « QUI M’ACCUEILLE ACCUEILLE CELUI QUI M’A ENVOYÉ » TEXTES : 2 ROIS 4, 8-11.14-16A, ROMAINS 6, 3-4.8-1 ET MATHIEU 10, 37-42.

27 juin, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-13e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Qui-m-accueille-accueille-Celui-qui-m-a-envoye_a957.html

fr

HOMÉLIE POUR LE 13E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « QUI M’ACCUEILLE ACCUEILLE CELUI QUI M’A ENVOYÉ » TEXTES : 2 ROIS 4, 8-11.14-16A, ROMAINS 6, 3-4.8-1 ET MATHIEU 10, 37-42.

Relisons les dernières phrases de l’évangile : « Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »

I – Diverses façons d’être récompensé
Il a diverses façons d’être récompensé de ce qu’on fait, d’être gratifié dans ce que l’on fait ou dans les rapports avec autrui.
La première est celle de la justice. Cela se produit sur une base de « tu me donnes » et « je te donne en retour ». C’est sur une base de calcul. Cela est très bien et même nécessaire. Si j’ai travaillé pour quelqu’un, je lui demande tant. Si j’ai investi dans mon entreprise (temps et argent), je puis dire « ce que j’ai, je l’ai gagné, j’en fais ce que je veux». On dit en langage familier « Qui engage quelqu’un en a pour ce qu’il paye, il en a pour son argent ».
Il y a une deuxième façon de recevoir un retour de ce qu’on fait. Celle-là n’est pas seulement sur une base de calcul, mais sur une base de partage, d’échange, de réciprocité : « Je te rends un service et quand ça « adonnera » (mot québécois qui signifie « quand l’occasion se présentera » ), tu m’en rendras un. Je te reçois chez moi, je t’accueille pour un repas, j’espère que tu me recevras aussi ». C’est normal de s’attendre à ce qu’il y ait un retour lorsqu’on fait quelque chose pour quelqu’un. « Si on aide un prophète, on aura une récompense équivalente, une récompense de prophète, dit Jésus ». Sans être regardant (mot québécois veut dire signifie « sans être calculateur »), lorsqu’on accueille quelqu’un, il est tout à fait indiqué qu’il y ait un retour en proportion de qu’on a fait.
Enfin, il y a une troisième façon de recevoir un retour de qu’on fait, c’est de recevoir beaucoup plus qu’on ne s’attend. Jésus ici nous montre comment. Lorsque j’aide ou accueille tout à fait gratuitement avec le cœur, avec amour, lorsque j’accueille un petit, celui ou celle qui ne peut rien me donner, là la récompense est quelque chose de spécial parce que l’amour ça ne se mesure pas comme le reste, parce que l’amour me fait sortir de moi. Je ne regarde pas à ce qui me reviendrait au retour. J’aime. Je donne, un point c’est tout.
C’est là que l’amour de Dieu est un modèle car Dieu le Père nous donne tout, même son Fils. Nos amours humains, l’amour conjugal, l’amour filial, l’amour des parents pour leurs enfants s’en inspirent même s’ils ne réussissent pas toujours à attendre cet idéal.

II – Le risque de l’accueil
Vous me direz : « Est-ce possible? » Oui, car l’amour est à la portée de tous et de toutes. Le disciple de Jésus est celui ou celle qui accepte de sortir de lui, de « perdre sa vie », de ne pas seulement regarder du côté de ce qui est la justice ou du côté des conventions sociales, mais il accepte d’expérimenter autre chose.
Jésus nous invite ici à prendre le risque de nous laisser changer par autrui, en premier lieu par ceux et celles qu’il appelle les petits: l’enfant que l’on accueille, le handicapé dont on s’occupe, la personne âgée que l’on visite, l’adolescent qui se cherche, le réfugié qui arrive, l’accidenté frappé dans sa chair, le sans logis etc. Le disciple de Jésus accepte de voir Jésus qui lui fait signe dans ce petit, ce blessé de la vie, dans cette personne qui a besoin de moi. C’est Jésus qui m’appelle, me sollicite.
Et ainsi en l’accueillant c’est Jésus qu’on accueille et Celui qui l’envoyé comme il est dit dans notre évangile. De là les phrases percutantes que nous avons entendues : « Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera ». Et les phrases du début de l’évangile sur la famille humaine qui ne doit pas empêcher de donner la priorité à suite de Jésus dans nos vies « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. »
Vous voyez, on devient digne de Jésus non pas seulement en écoutant ses paroles, son message, mais en acceptant qu’il soit le Maître de notre vie, en lui donnant la permission d’entrer dans notre vie. Et sa façon préférée, nous dit-il ici, c’est de passer par les petits, par ceux et celles qui ne peuvent rien nous donner, qui ne peuvent nous remercier même.

II – Application
Ce faisant, à l’image de la femme riche qui reçoit le prophète Élisée dans le récit de la première lecture, nous préparons une chambre dans notre cœur toujours prêt à accueillir. « Un jour, le prophète Élisée passait à Sunam ; une femme riche de ce pays insista pour qu’il vienne manger chez elle. Depuis, chaque fois qu’il passait par là, il allait manger chez elle. » Élysée se demande quoi faire pour la remercier. Apprenant que la dame désire avoir un enfant, il prie Dieu de lui faire ce don. Et c’est ce qui arrive.
La dame est pour nous un modèle de l’attitude chrétienne à développer au fil des jours. Le chrétien est celui ou celle qui a une chambre en plus dans son cœur, son temps et sa vie, une chambre par où Jésus peut entrer en tout moment.
C’est ce qu’exprimait bien la tradition québécoise de nos grands-parents qui laissaient toujours près de la porte d’entrée à l’intérieur de leur maison une banc qui pouvait se transformer en lit pour recevoir les mendiants qui pouvaient survenir. On appelait ce lit improvisé le « banc du quêteux »

Conclusion
Que cette messe en nous unissant à Jésus qui a tout donner pour nous, même sa vie, sans attendre de retour, nous aide à sortir de nous-mêmes pour regarder autour de nous et y découvrir Jésus présent dans le petit, le faible et le démuni auquel nous pouvons offrir une chambre soit matériellement soit dans notre coeur.
Ainsi, au jour du jugement, il pourra nous dire « Toi le béni de mon Père, viens à ma droite car j’avais faim, et tu m’as donné à manger ; j’avais soif, et tu m’as donné à boire ; j’étais un étranger, et tu m’as accueilli ; j’étais nu, et tu m’as habillé ; j’étais malade, et tu m’as visité ; j’étais en prison, et tu es venu jusqu’à moi ! En effet, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.» (Mathieu 25, 34-40). C’est ce que je nous souhaite à tous et à toutes.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 17 juin 2020 – La prière de Moïse

24 juin, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200617_udienza-generale.html

fr morte-di-mosè

La mort de Moïse

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 17 juin 2020 – La prière de Moïse

Bibliothèque du palais apostolique

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans notre itinéraire sur le thème de la prière, nous nous rendons compte que Dieu n’a jamais aimé avoir affaire à des orants “faciles”. Et Moïse lui aussi ne sera pas un interlocuteur “mou”, dès le premier jour de sa vocation.Quand Dieu l’appelle, Moïse est humainement “un raté”. Le livre de l’Exode nous le représente dans la terre de Madian comme un fugitif. Dans sa jeunesse, il avait éprouvé de la pitié pour son peuple et s’était également rangé en défense des opprimés. Mais il découvre très vite que, malgré ses bonnes intentions, de ses mains ne naît pas la justice, mais plutôt la violence. Voilà que ses rêves de gloire se brisent: Moïse n’est plus un fonctionnaire prometteur, destiné à une carrière rapide, mais quelqu’un qui a joué ses chances, et à présent il fait paître un troupeau qui n’est même pas le sien. Et c’est précisément dans le silence du désert de Madian que Dieu convoque Moïse à la révélation du buisson ardent: «“C’est moi le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob”. Moïse alors se voila la face, dans la crainte que son regard ne se fixât sur Dieu» (Ex 3, 6).
A Dieu qui lui parle, qui l’invite à prendre à nouveau soin du peuple d’Israël, Moïse oppose ses peurs, ses objections: il n’est pas digne de cette mission, il ne connaît pas le nom de Dieu, il ne sera pas cru par les israélites, il a une langue qui balbutie… Et tant d’autres objections. La parole qui fleurit le plus souvent sur les lèvres de Moïse, dans chaque prière qu’il adresse à Dieu, est la question: “pourquoi?”. Pourquoi m’as-tu envoyé? Pourquoi veux-tu libérer ce peuple? Dans le Pentateuque, il y a même un passage dramatique, où Dieu reproche à Moïse son manque de confiance, un manque qui l’empêchera d’entrer dans la terre promise (cf. Nb 20,12).
Avec ces craintes, avec ce cœur qui vacille souvent, comment Moïse peut-il prier? Moïse apparaît même un homme comme nous. Et cela nous arrive à nous aussi: quand nous avons des doutes, comment pouvons-nous prier? Nous ne réussissons pas à prier. Et c’est en raison de cette faiblesse, outre que par sa force, que nous sommes frappés par lui. Chargé par Dieu de transmettre la Loi à son peuple, fondateur du culte divin, médiateur des mystères les plus élevés, ce n’est pas pour autant qu’il cessera d’entretenir des liens étroits de solidarité avec son peuple, en particulier à l’heure de la tentation et du péché. Toujours attaché à son peuple. Moïse n’a jamais perdu la mémoire de son peuple. Et c’est l’une des grandeurs des pasteurs: ne pas oublier le peuple, ne pas oublier les racines. C’est ce que dit Paul à son bien-aimé jeune évêque Timothée: «Rappelle-toi de ta mère et de ta grand-mère, de tes racines, de ton peuple». Moïse est tellement ami avec Dieu qu’il peut parler avec lui face à face (cf. Ex 33,11); et il restera tellement ami des hommes qu’il éprouvera de la miséricorde pour leurs péchés, pour leurs tentations, pour la nostalgie soudaine que les exilés éprouvent pour le passé, en repensant à lorsqu’ils étaient en Egypte.
Moïse ne renie pas Dieu, mais il ne renie pas non plus son peuple. Il est cohérent avec son sang, il est cohérent avec la voix de Dieu. Moïse n’est donc pas un condottiere autoritaire et despotique; au contraire, le livre des Nombres le définit comme le «plus humble et doux que la terre ait porté» (cf. 12, 3). Malgré sa condition privilégiée, Moïse ne cesse pas d’appartenir à cette multitude de pauvres en esprit qui vivent en faisant de la confiance en Dieu le viatique de leur chemin. C’est un homme du peuple.
Ainsi, la manière la plus caractéristique de prier de Moïse sera l’intercession (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2574). Sa foi en Dieu ne fait qu’un avec le sentiment de paternité qu’il nourrit pour son peuple. L’Ecriture le représente habituellement avec les mains tendues vers le haut, vers Dieu, presque comme pour faire un pont de sa personne entre le ciel et la terre. Même dans les moments les plus difficiles, même le jour où le peuple répudie Dieu et lui-même comme guide pour fabriquer un veau d’or, Moïse n’a pas le courage de se détourner de son peuple. C’est mon peuple. C’est ton peuple. Il ne renie pas Dieu, ni le peuple. Et il dit à Dieu: «Ce peuple a commis un grand péché: ils se sont fabriqué un dieu d’or. Pourtant, s’il te plaisait de pardonner leur péché… Sinon, efface-moi, de grâce, du livre que tu as écrit!» (Ex 32, 31-32). Moïse ne marchande pas son peuple. Il est le pont, il est l’intercesseur. Tous les deux, le peuple et Dieu, et lui est au milieu. Il ne vend pas son peuple pour faire carrière. Ce n’est pas un arriviste, c’est un intercesseur: pour ses gens, pour sa chair, pour son histoire, pour son peuple et pour Dieu qui l’a appelé. Il est le pont. Quel bel exemple pour tous les pasteurs qui doivent être un «pont». C’est pourquoi on les appelle pontifex, ponts. Les pasteurs sont des ponts entre le peuple auquel ils appartiennent et Dieu, auquel ils appartiennent par vocation. Moïse est ainsi: «Seigneur, pardonne leur péché, autrement si Tu ne pardonnes pas, efface-moi du livre que tu as écrit. Je ne veux pas faire carrière avec mon peuple».
Et telle est la prière que les vrais croyants cultivent dans leur vie spirituelle. Même s’ils font l’expérience des manquements des personnes et de leur éloignement de Dieu, ces orants ne le condamnent pas, ne les refusent pas. L’attitude de l’intercession est propre aux saints, qui, à l’imitation de Jésus, sont des “ponts” entre Dieu et son peuple. Dans ce sens, Moïse a été le plus grand prophète de Jésus, notre avocat et intercesseur (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2577). Et aujourd’hui aussi, Jésus est le pontifex, il est le pont entre nous et le Père. Et Jésus intercède pour nous, il fait voir au Père les plaies qui sont le prix de notre salut et il intercède. Et Moïse est la figure de Jésus qui aujourd’hui prie pour nous, intercède pour nous.
oïse nous incite à prier avec la même ardeur que Jésus, à intercéder pour le monde, à se rappeler que celui-ci, malgré toutes ses fragilités, appartient toujours à Dieu. Tous appartiennent à Dieu. Les pécheurs les plus affreux, les personnes les plus mauvaises, les dirigeants les plus corrompus sont des enfants de Dieu et Jésus sent cela et intercède pour tous. Et le monde vit et prospère grâce à la bénédiction du juste, à la prière de piété, à cette prière de piété que le saint, le juste, l’intercesseur, le prêtre, l’évêque, le Pape, le laïc, chaque baptisé, élève sans cesse pour les hommes, en chaque lieu et en chaque temps de l’histoire. Pensons à Moïse, l’intercesseur. Et quand nous avons envie de condamner quelqu’un et que nous nous mettons en colère à l’intérieur – se mettre en colère fait du bien, mais condamner ne fait pas du bien –, intercédons pour lui: cela nous aidera beaucoup.

 

HOMÉLIE POUR LE 12E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « SOYEZ DONC SANS CRAINTE » TEXTES : JÉRÉMIE 20, 10-13, ROMAINS 5, 12-15 ET MATHIEU 10, 26-33.

19 juin, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-12e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Soyez-donc-sans-crainte_a956.html

fr non temete

N’ai pas peur

HOMÉLIE POUR LE 12E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE A « SOYEZ DONC SANS CRAINTE »
TEXTES : JÉRÉMIE 20, 10-13, ROMAINS 5, 12-15 ET MATHIEU 10, 26-33.

Dans les évangiles qui sont des écrits qui veulent nous résumer l’activité et le message de Jésus, on suit un certain plan et on vise aussi certaines clientèles. L’évangile de saint Mathieu a eu plusieurs versions, semble-t-il, et celle qui nous est restée s’adresse avant tout aux juifs convertis à la foi chrétienne.
Dans le texte qui nous est présenté aujourd’hui par la liturgie nous reprenons une lecture suivie de cet évangile pour les prochains dimanches. Nous sommes arrivés dans le plan de saint Mathieu à ce que les experts appellent le « Discours aux disciples ». On y a rassemblé dans un discours – un long entretien – plusieurs observations prononcées en diverses circonstances concernant l’attitude des disciples dans leur mission de porter la Bonne Nouvelle aux extrémités du monde.
L’évangile d’aujourd’hui met ensemble des conseils que Jésus a donnés en diverses occasions. Ces conseils pourraient avoir comme thème « Ne craignez pas, soyez sans crainte ». Les paroles de Jésus nous projettent dans des situations inédites qui attendent ses disciples. Il les a envoyés proclamer la Bonne nouvelle du Salut, mais il tient à les avertir des difficultés et des murs qu’ils rencontreront. « Le disciple n’est pas au-dessus du maître ». (Luc 6, 40)

I – Ce qui ne se voit pas
En ce qui concerne les disciples, les paroles de Jésus invitent à faire confiance à ce qui est en eux comme don de Dieu. « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière » avons-nous entendu il y a un instant. En d’autres termes, ce qui est là n’est pas toujours visible au grand jour. Les débuts d’une semence sont modestes, cachés. Combien de Mozart, de futurs ingénieurs, d’hommes d’affaires talentueux dans ces jeunes qui sont ici ? Ce qu’il y a en eux n’est pas encore révélé, et pourtant la semence est là. Il en est ainsi de la Bonne nouvelle lorsqu’elle a été accueillie comme une semence. On n’en voit pas toujours les fruits. Parfois même, elle semble écrasée. Elle suscite les oppositions. Elle provoque. Mais elle est bien présente. Elle est là.
Ce qui est là dans le secret, même si on ne le voit pas, est présent. C’est souvent là que se vit la vraie vie. Le secret de nos cœurs, de notre générosité, de notre amour sera révélé un jour. « Ne craignez pas, dit Jésus d’aimer, de semer de belles choses, ayez confiance. La confiance, la foi, chasse la crainte. Cela sera révélé autour de vous. Cela se verra un jour ou l’autre ».
On pourrait en témoigner pour plusieurs d’entre nous par rapport à nos parents. Leur amour de couple a été une inspiration, leur dévouement pour leur famille aussi. Et combien d’autres personnes de divers horizons, de diverses conditions, d’époques différentes. La Vierge Marie en est un bel exemple. Elle a simplement été elle-même. Une jeune fille choisie par Dieu pour être la mère de son Fils, une épouse attentive, une mère présente jusqu’à la fin.

II– Pas de crainte de notre Dieu
Dans cet univers changeant et instable, il y a un roc solide. Le Seigneur notre Dieu est le rocher sur lequel on peut s’appuyer en tout temps. Comme le prophète Jérémie persécuté dont fait était la première lecture nous pouvons dire : « le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable ». Après nous avoir permis de regarder ce qu’il y a en nous avec confiance, le « N’ayez pas peur » de Jésus nous tourne maintenant vers Dieu lui-même. « Ne craignez pas, nous répète Jésus ce matin, votre Dieu, celui en qui vous croyez, est un Dieu de bonté et de miséricorde. Vous pouvez vous fier à lui en tout temps et lui faire confiance ».
Notre Dieu n’est pas seulement un Dieu de majesté, un Dieu grand, qui sait juger ce qu’il y a en nous, qui rétribue nos bons coups et qui est juste, mais il est aussi un Père, proche et familier. Il nous soutient. Il croit en nous. Il veut notre bien. Il ne cherche pas à nous écraser, au contraire, il s’intéresse à tout…même à nos cheveux…nos plus petits soucis ne lui sont pas étrangers. « Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux ». (Mathieu 10, 30-31)
Les paroles de Jésus ici respirent la confiance et l’abandon sans crainte.

III – Application : les disciples
ans la troisième partie de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus nous fait une promesse. « Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes moi aussi je prononcerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux ».
En d’autres mots, Jésus nous dit : « Ne craignez pas de vous prononcer pour moi dans vos milieux de vies, au travail, dans vos familles, à la maison. Ne craignez pas de témoigner de votre foi, de vos valeurs, de ce qui est beau et grand pour vous. Dites-le, même si parfois ce n’est pas entendu ». C’est cela « confesser Jésus-Christ ».
« Bien sûr, écrit un auteur spirituel, décédé il y a quelques années, l’abbé Jules Beaulac, nous ne subirons sans doute pas le martyre pour le simple fait que nous sommes baptisés, mais il peut nous arriver d’éprouver toutes sortes d’ennuis à cause de notre foi à la face du monde. Ainsi venir à la messe le dimanche, faire baptiser ses enfants, participer à la préparation de leur première communion etc. peut en faire sourire quelques-uns qui ne croient pas à ces démarches… Sans verser dans l’ostentation spectaculaire, n’ayons pas peur de montrer que nous sommes chrétiens et heureux de l’être ».

Conclusion
C’est mon souhait le plus cher. Que cette messe nous rende plus forts, plus accueillants et plus heureux d’être disciples de Jésus.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 10 juin 2020 – La prière de Jacob

17 juin, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/it/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200610_udienza-generale.html

fr pitture sul crucifisso

Peintures sur le crucifix

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 10 juin 2020 – La prière de Jacob

Bibliothèque du palais apostolique

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons notre catéchèse sur le thème de la prière. Le livre de la Genèse, à travers les épisodes d’hommes et de femmes d’époques lointaines, nous raconte des histoires dans lesquelles nous pouvons voir le reflet de notre vie. Dans le cycle des patriarches, nous trouvons également celle d’un homme qui avait fait de la ruse son plus grand atout: Jacob. Le récit biblique nous parle du difficile rapport que Jacob avait avec son frère, Esaü. Dès leur enfance, il régnait entre eux une rivalité qui ne sera jamais surmontée par la suite. Jacob était le second, — ils étaient jumeaux — mais au moyen la tromperie, il réussit à soutirer de son père Isaac la bénédiction et le don du droit d’aînesse (cf. Gn 25, 19-34). Ce n’est que la première d’une longue série de ruses dont cet homme sans scrupule est capable. Le nom de «Jacob» signifie également quelqu’un qui agit avec habileté.
Contraint à fuir loin de son frère, dans sa vie, il semble réussir dans chacune de ses entreprises. Il est habile dans les affaires: il s’enrichit beaucoup, devenant propriétaire d’un troupeau immense. Avec ténacité et patience, il réussit à épouser la plus belle des filles de Laban, dont il était véritablement amoureux. Jacob — pourrions-nous dire à travers un langage moderne — est un «self made man», avec la ruse, l’habileté, il réussit à conquérir tout ce qu’il désire. Mais il lui manque quelque chose. Il lui manque la relation vivante avec ses racines.
Et un jour, il ressent la nostalgie de sa maison, de son antique patrie, où vivait encore Esaü, le frère avec lequel il avait toujours eu de très mauvais rapports. Jacob part et accomplit un long voyage avec une caravane composée d’une foule de personnes et d’animaux, jusqu’à ce qu’il arrive à la dernière étape, le gué du Yabboq. Ici, le livre de la Genèse nous offre une page mémorable (cf. 32, 23-33). Il raconte que le patriarche, après avoir fait traverser le gué à tout son peuple et tout son bétail — qui était nombreux —, demeure seul sur la rive étrangère. Et il pense: que lui réserve le lendemain? Quelle attitude aura son frère Esaü a qui il avait volé le droit d’aînesse? L’esprit de Jacob est un tourbillon de pensées. Et tandis que le soir tombe, soudain, un inconnu le saisit et commence à lutter contre lui. Le Catéchisme explique: «La tradition spirituelle de l’Eglise a retenu de ce récit le symbole de la prière comme combat de la foi et victoire de la persévérance» (CEC, n. 2673).
Jacob lutta toute la nuit, sans jamais lâcher prise, contre son adversaire. A la fin, il est vaincu, frappé par son rival au nerf sciatique, et à partir de ce jour, il boitera toute sa vie. Ce mystérieux combattant demande son nom au patriarche et lui dit: «On ne t’appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu et contre tous les hommes et tu l’as emporté» (v. 29). Comme pour dire: tu ne seras jamais l’homme qui marche ainsi, mais droit. Il lui change son nom, il lui change sa vie, il change son attitude; tu t’appelleras Israël. Alors, Jacob demande aussi à l’autre: «Révèle-moi ton nom». Ce dernier ne le lui dit pas, mais en revanche le bénit. Et Jacob comprend qu’il a rencontré Dieu «face à face» (cf. vv. 30-31).
Lutter contre Dieu: une métaphore de la prière. D’autres fois, Jacob s’était révélé capable de dialoguer avec Dieu, de le sentir comme une présence amie et proche. Mais cette nuit-là, à travers une lutte qui dure longtemps et qui le fait presque succomber, le patriarche ressort changé. Changement de nom, changement de mode de vie et changement de personnalité: il sort changé. Pour une fois, il n’est plus maître de la situation — sa ruse ne sert pas —, il n’est plus l’homme stratège et calculateur; Dieu le ramène à sa vérité de mortel qui tremble et qui a peur, parce que Jacob avait peur dans la lutte. Pour une fois, Jacob n’a rien d’autre à présenter à Dieu que sa fragilité et son impuissance, même ses péchés. Et c’est ce Jacob qui reçoit de Dieu la bénédiction, avec laquelle il entre en boitant dans la terre promise: vulnérable, et remis en cause, mais le cœur nouveau. Une fois j’ai entendu dire par une personne âgée — un homme bon, un bon chrétien, mais un pécheur qui avait beaucoup de confiance en Dieu — il disait: «Dieu m’aidera; il ne me laissera pas seul. J’entrerai au paradis, en boitant mais j’entrerai». Auparavant, il était sûr de lui, il comptait sur sa ruse. C’était un homme imperméable à la grâce, réfractaire à la miséricorde; il ne savait pas ce qu’était la miséricorde. «Je suis ici, c’est moi qui commande!», il considérait qu’il n’avait pas besoin de miséricorde. Mais Dieu a sauvé ce qui était perdu. Il lui a fait comprendre qu’il était limité, qu’il était un pécheur qui avait besoin de miséricorde et il le sauva.
Nous avons tous un rendez-vous dans la nuit avec Dieu, dans la nuit de notre vie, dans les si nombreuses nuits de notre vie: dans les moments obscurs, dans les moments de péché, dans les moments de désorientation. Là, il y a toujours un rendez-vous avec Dieu, toujours. Il nous surprendra au moment où nous ne l’attendons pas, au moment où nous resterons véritablement seuls. Dans cette même nuit, en combattant contre l’inconnu, nous prendrons conscience d’être uniquement de pauvres hommes — je me permets de dire «pauvres gens» — mais, précisément alors, au moment où nous nous sentons de «pauvres gens», nous ne devrons pas craindre: parce qu’à ce moment, Dieu nous donnera un nouveau nom, qui contient le sens de toute notre vie; il changera notre cœur et il nous donnera la bénédiction réservée à qui s’est laissé changer par Lui. C’est une belle invitation à se laisser changer par Dieu. Lui sait comment faire, parce qu’il connaît chacun d’entre nous. «Seigneur, tu me connais», chacun de nous peut le dire. «Seigneur, Tu me connais. Change-moi».
Je suis heureux de saluer les personnes de langue française. Que le Seigneur vous comble de son esprit de force pour que vous sachiez combattre le bon combat de votre foi et qu’il vous accorde sa bénédiction qui vous transforme en des créatures nouvelles.

A tous, je donne ma bénédiction !

HOMÉLIE POUR LA FÊTE-DIEU, LA FÊTE DU SAINT-SACREMENT DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST ANNÉE A « LA MULTITUDE QUE NOUS SOMMES EST UN SEUI CORPS »

12 juin, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-la-Fete-Dieu-la-fete-du-Saint-Sacrement-du-Corps-et-du-Sang-du-Christ-Annee-A-La-multitude-que-nous-sommes_a955.html

fr

HOMÉLIE POUR LA FÊTE-DIEU, LA FÊTE DU SAINT-SACREMENT DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST ANNÉE A « LA MULTITUDE QUE NOUS SOMMES EST UN SEUI CORPS »

Textes : Deutéronome 8, 2-3.14b-16a; I Corinthiens 10, 16-17 et Jean 6, 51-58.

La fête du Corpus Christi, la Fête-Dieu, est une fête qui remonte au XIIIe siècle (voir à la fin). Elle s’est développée pour mettre en valeur la dévotion à la Sainte Eucharistie. Elle s’est employée à célébrer la présence toute spéciale de Jésus à travers les signes que sont le pain et le vin qui deviennent à chaque messe le Corps et le Sang du Christ. Présence incroyable, présence mystérieuse, accessible dans la foi au Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ.
À partir des textes de l’Écriture qui nous ont été lus, essayons dans un court moment de nous laisser habiter par ce mystère de la présence eucharistique.

I – Une nourriture spéciale
Le texte de la première lecture nous donne une clé intéressante pour comprendre ce mystère. Celui-ci est à situer dans le prolongement de l’Alliance de Dieu avec son peuple. Cette Alliance ne se résume pas à des mots. Elle est une façon de vivre, elle est une vie nouvelle. C’est pourquoi, Dieu ne se contente pas d’écouter et de protéger son peuple, il le nourrit. Il lui donne ce qui le fait vivre et cette nourriture est spéciale, elle n’est pas comme les autres nourritures, elle remplit non seulement le corps, mais elle remplit le cœur. Elle n’est semblable à aucune autre. Moïse l’appelle la « manne » « cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue, pour te faire découvrir que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. »
Voilà le don de Dieu à son peuple, celui d’une nourriture spirituelle qui vient apaiser nos faims de toutes sortes : faim d’amour, faim d’être reconnu et apprécié, faim d’absolu. La nourriture du ciel dont parle Moïse permet au peuple d’aller plus loin, de continuer son chemin à travers les embûches et les défis du désert vers la terre promise.

II – La Chair et le Sang du Christ
Le texte de l’évangile que nous venons de lire nous fait faire un pas de plus. C’est Jésus lui-même qui le propose à ses disciples après le miracle de la multiplication des pains. Voici en résumé ce qu’il propose.
Vous avez bien mangé, dit-il, mais attendez un peu avant de partir, je veux vous dire quelque chose d’important. Comme Moïse l’a fait comprendre au peuple, le Dieu de l’Alliance est généreux et il s’occupe de donner à son peuple la nourriture dont il a besoin pour vivre spirituellement et avancer dans la connaissance et l’amour de Dieu. Mais ce n’est pas tout, cette nourriture n’est plus la « manne », mais elle est désormais mon Corps et mon Sang.
C’est un peu fort se disent certains de ceux qui entendent ces paroles. Et en vérité, c’est un mystère profond que ce mystère de la nouvelle Alliance qui est célébré dans le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, cette nouvelle Alliance inaugurée par Jésus où Dieu se fait tellement proche de nous qu’il prend un corps humain et qu’il verse son sang sur la croix pour le salut de tous. Oui, Jésus peut dire avec raison« Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel ». Dieu à travers Jésus descend dans nos vies. Jésus se fait nourriture spirituelle dans le pain et le vin que nous partageons. « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure ne lui ».
Quelle beauté que cette union si intime entre Jésus et moi. Les mots sont forts « mange ma chair » et « boit mon sang ». Il ne s’agit pas de cannibalisme. Ces mots ne sont pas à prendre au pied de la lettre quoiqu’ils signifient une présence réelle. Ils expriment, en effet, la profondeur et la nouveauté de cette union avec Dieu que Jésus rend possible, qui accomplit les promesses de l’Ancienne Alliance.
Écoutons le grand théologien saint Thomas D’Aquin qui le dit tellement bien dans dans le poème appelé séquence Lauda Sion Salvatorem que nous venons de lire après le chant de méditation : « Ce dogme est donné aux chrétiens : le pain se change en chair, et le vin en sang. Ce que tu ne comprends ni ne vois, une ferme foi te l’assure, hors de l’ordre naturel. Sous diverses espèces, signes seulement et non réalités, des réalités sublimes se cachent. La chair est une nourriture, le sang un breuvage, pourtant le Christ total demeure sous l’une et l’autre espèce. »

III– Une vie de communion
La vie de Dieu en nous développée par la nourriture spirituelle qu’est le Christ lui-même dans son Corps et dans son Sang ne se limite pas à l’individu qui est rejoint. Bien sûr, c’est l’individu qui s’avance pour recevoir le Corps du Christ à chaque messe, mais il y a quelque chose de plus dans cette démarche que nous faisons lorsque nous nous avançons pour communier.
Saint Paul dans la deuxième lecture nous ouvre les yeux sur les retombées communautaires de l’Eucharistie que nous partageons en groupe chaque dimanche : « Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain ».
Voilà! À chaque messe, à chaque célébration eucharistique, je me joins à une communauté de croyantes et de croyants qui forment le Corps mystique du Christ. Je ne suis pas isolé dans la vie et dans mon chemin vers Dieu. Je fais partie d’une multitude de gens qui se reconnaissent frères et sœurs, disciples d’un même Maître et serviteurs de leurs frères et sœurs.

Conclusion
Pour terminer ces quelques réflexions, disons qu’on comprend mieux que la Fête-Dieu ait parcouru tant de chemin depuis le temps où elle est apparue. Nous n’avons plus ici, sauf en de rares occasions, les processions que nous avons connues autrefois, mais le message reste toujours là : le Corps et le Sang du Christ présent dans l’Eucharistie nous sont données « pour que le monde ait la vie ».
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Séminaire de Québec
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval

 

A LA RECHERCHE – DU JARDIN PERDU

11 juin, 2020

 http://bible.archeologie.free.fr/jardinperdu.html

Lucas_Cranach_d._Ä._035

A LA RECHERCHE – DU JARDIN PERDU

Le jardin d’Eden, ou Paradis terrestre : si l’on en croit le début de la Genèse, le premier des livres qui constituent la Bible, c’est le lieu mythique où Dieu plaça le premier couple d’êtres humains à l’issue d’une création du Monde opérée en six jours. C’est dans ce jardin qu’Adam et Eve auraient vécu jusqu’à ce qu’ils commettent le péché originel, en consommant le produit de l’arbre interdit proposé par un serpent, se condamnant par voie de conséquence à en être chassés par le Créateur (Gn. 1-3).
Ce récit traditionnel, dont l’auteur et les conditions de composition sont inconnus, fait partie du fond culturel de notre civilisation. On considère aujourd’hui qu’il n’est plus à prendre « au pied de la lettre » mais dans sa dimension symbolique et spirituelle ; de ce fait le jardin d’Eden échappe à toute approche concrète, et on imagine un lieu abstrait et mystérieux, situé quelque part entre Ciel et Terre et qu’il serait vain de chercher à localiser.
Cependant un groupe de chercheurs a récemment exploré une piste inédite et encore peu connue, mais susceptible d’apporter un regard original sur l’épisode du Paradis perdu.
Leur travail a consisté à se pencher sur un court extrait du texte qui semble contenir quelques informations sur l’emplacement géographique du jardin (Gn. 2, 8-14). Ce paragraphe présent dans toutes les Bibles passe généralement inaperçu chez la plupart de ses lecteurs. Pourtant son examen attentif a donné lieu à une étude scientifique dont les résultats sont aussi surprenants que peu connus.
Les versets dont il s’agit se trouvent au début du livre de la Genèse, juste après l’épisode de la création de l’homme. Ils décrivent le jardin en donnant des indications détaillées, plaçant en effet le jardin idéal à proximité de quatre fleuves (Gn. 2, 8-14) :
« Puis l’Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’Orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. L’Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Et un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jardin et de là il se divisait et devenait quatre sources de fleuve. Le nom du premier est Phison ; c’est lui qui entoure tout le pays de l’Havila où il y a de l’or. Et l’or de ce pays est excellent, là il y a aussi le bdellium et de la pierre d’onyx. Le nom du second fleuve est Gihon ; c’est lui qui entoure toute la terre de Cousch. Et le nom du troisième fleuve est le Tigre ; c’est lui qui coule à l’Orient d’Assour ; et le quatrième fleuve, c’est l’Euphrate. »
Les tentatives d’identification de ces quatre fleuves ont constitué la clef de ce travail sur le jardin biblique. Il est d’abord facile de reconnaître le Tigre et l’Euphrate, dont la référence renvoie à la région bien connue de la Mésopotamie. Mais qu’en est-il des deux autres ? Jusqu’à présent quelques biblistes et auteurs classiques avaient tenté de les identifier. Ainsi, on a supposé que le Gihon devait être le Nil, et que le Phison pouvait s’assimiler à l’Indus ou au Gange. Cette solution est peu satisfaisante, car ces quatre fleuves sont très éloignés et ne se rejoignent pas. Une impression de flou a donc prédominé jusqu’à ces dernières années. Mais depuis peu, de nouvelles données sont venues bousculer notre vision imprécise de la question.
Une étude remarquable, publiée en 1983 par l’archéologue américain Juris Zarins, de l’Université du sud-ouest de l’Etat du Missouri, propose une solution assez cohérente pour localiser les fleuves du jardin d’Eden [1][2]. Son approche pluridisciplinaire, surtout géographique, lui a permis de formuler le schéma suivant.
Il faut d’abord considérer les ressources naturelles citées dans le texte de la Genèse. On soupçonne depuis longtemps la terre appelée Havila, plusieurs fois citée dans la Bible, de s’apparenter à une région du cœur de l’Arabie saoudite qui recèle d’importantes ressources en or : les montagnes du Hedjaz. Exploité dès l’Antiquité, le secteur de ces mines d’or s’appelle aujourd’hui Mahd adh Dhahab (littéralement « le berceau d’or »), et de nos jours encore, le métal précieux de cette région est exploité par les Saoudiens.
Les autres produits naturels cités dans le texte sont loin d’être inconnus dans cette région. Le bdellium est une résine dont l’arbre poussait durant l’Antiquité essentiellement en Arabie du Sud. Quant à l’onyx, il peut s’agir d’une forme de calcédoine, une pierre précieuse que l’on trouve également à Madh adh Dhahab.
Le lien s’est précisé lors de la découverte d’un fleuve fossile qui traversait cette région dans les temps anciens, et rejoignait le Tigre et l’Euphrate. Lorsqu’en 1992 le géologue égyptien Farouk El-Baz, de l’université de Boston, examina les dommages causés par la mise à feu des puits pétroliers à la fin de la première guerre du Golfe, il découvrit par hasard le lit asséché d’un fleuve disparu qui devait traverser l’Arabie. Son tracé part précisément des monts du Hedjaz, dans l’ouest de l’Arabie, pour traverser toute la péninsule en direction du nord-est et du golfe Persique. Il longe ensuite l’Etat du Koweit avant de rejoindre l’extrémité du Golfe non loin de Bassorah. Ce cours d’eau disparu empruntait un vallon appelé aujourd’hui wadi al Batin, habituellement à sec sauf en cas d’orages aussi rares que violents.
Les techniques d’observation actuelles fournies par la télédétection spatiale ont permis de confirmer ce constat. Les images prises par le satellite Landsat ont permis à Farouk El-Baz de déterminer que ce lit asséché drainait jadis l’eau d’un fleuve permanent qui traversait l’Arabie et se jetait dans la région du Tigre et de l’Euphrate [3]. Le centre de l’Arabie devait être au IIIème millénaire avant notre ère une région fertile irriguée par le fleuve disparu. De plus, le géologue constata que le fleuve coulait aujourd’hui encore probablement en souterrain sous le lit asséché. Dans l’Antiquité, il devait prendre sa source à proximité de Madh adh Dhahab et rejoindre le Tigre et l’Euphate conformément à ce qui est écrit dans la Genèse. Par conséquent, l’ancien fleuve qui suivait le tracé du wadi al Batin est un bon candidat pour s’apparenter au Phison de la Bible.
Une palmeraie en Irak.
Qu’en est-il du dernier fleuve appelé le Gihon ? Au nord de la Mésopotamie, plusieurs rivières descendent les pentes accidentées de la montagne du Zagros iranien et viennent rejoindre le Tigre. Parmi elles, le Karun et le Karkheh serpentent et atteignent la plaine au niveau du confluent du Tigre et de l’Euphrate. L’un des deux pourrait-il être le Gihon de la Genèse ?
Le Karun rejoint le Tigre près de la jonction des grands fleuves. Légèrement plus en amont, le Karkheh pourrait lui aussi correspondre au Gihon, d’autant plus qu’il traverse un pays anciennement appelé Elam, dont la capitale était Suse (aujourd’hui Shush) [4]. Il peut s’agir du pays biblique de Cousch, que le Gihon est sensé contourner. Or c’est exactement ce que fait le Karkheh, qui fait une boucle autour de l’ancienne région des Kassites.
Les commentaires de nos Bibles classiques assimilent le pays de Cousch à l’Ethiopie ; mais une étude du docteur E.A. Speiser, de l’université de Pennsylvanie, a récemment permis d’établir qu’il y avait là une erreur de traduction, et que le mot « Cousch » correspondait en fait à la terre de Kashushu, une région de l’ancienne Suse où vécut précisément le peuple des Kassites au IIème millénaire avant notre ère [5]. Dans l’esprit des auteurs de la Genèse, la terre de Cousch aurait donc désigné le pays des Kassites, région implantée à l’est de la Mésopotamie et irriguée par la rivière Karkheh.
Ainsi, il semble que le Tigre, l’Euphrate, le Wadi Batin et le Karkheh puissent correspondre aux quatre fleuves cités dans la Genèse. Ils convergent tous vers la même région de l’extrémité du Golfe Persique. Le niveau des mers était à l’époque probablement plus bas qu’aujourd’hui, la ligne de côte du golfe était plus au sud-est, laissant plus de place à la plaine terminale des quatre fleuves.
De tous ces éléments il ressort que le fameux jardin biblique pourrait se placer près de l’embouchure de cette plaine fluviale. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

références :
[1] – D. J. Hamblin : « Has the Garden of Eden been located at last ? ». Smithsonian Magazine, Vol. 18 No. 2, May 1987 (theeffect.org).
[2] – D. Fischer : « A place in history Adam and Associates » (genesisproclamed.org).
[3] – J.A. Sauer : « Ther River Runs Dry – Biblical Story Preserves Historical Memory ». Biblical Achaeology Review, 22 (4) 1996, 57. Cité par D. Fischer.
[4] – Schoenel, « La semence du serpent » (lettrealepouse.free.fr).
[5] – G. Roux : « La Mésopotamie ». Seuil, Paris 1995.

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 3 juin 2020 – (…dans la vie d’Abraham.)

10 juin, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200603_udienza-generale.html

fr uccelli-little

(La création des oiseaux)

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – 3 juin 2020 – (…dans la vie d’Abraham.)

Bibliothèque du palais apostolique
Mercredi 3 juin 2020

Chers frères et sœurs, bonjour!

Il y a une voix qui retentit à l’improviste dans la vie d’Abraham. Une voix qui l’invite à entreprendre un chemin qui semble absurde: une voix qui le pousse à se déraciner de sa patrie, des racines de sa famille, pour aller vers un nouvel avenir, un avenir différent. Et tout cela sur la base d’une promesse, dans laquelle il faut seulement avoir confiance. Et avoir confiance dans une promesse n’est pas facile, il faut du courage. Et Abraham eut confiance.
La Bible est muette sur le passé du premier patriarche. La logique des choses laisse supposer qu’il adorait d’autres divinités; peut-être était-ce un homme savant, habitué à scruter le ciel et les étoiles. En effet, le Seigneur lui promet que sa descendance sera nombreuse comme les étoiles qui constellent le ciel.
Et Abraham part. Il écoute la voix de Dieu et se fie à sa parole. Cela est important: il se fie de la parole de Dieu. Et avec son départ naît une nouvelle manière de concevoir la relation avec Dieu; c’est pour cette raison que le patriarche Abraham est présent dans les grandes traditions spirituelles juive, chrétienne et islamique comme le parfait homme de Dieu, capable de se soumettre à Lui, même quand sa volonté se révèle difficile, voire même incompréhensible.
Abraham est donc l’homme de la Parole. Quand Dieu parle, l’homme devient le récepteur de cette Parole et sa vie le lieu où celle-ci décide de s’incarner. Il s’agit d’une grande nouveauté dans le chemin religieux de l’homme: la vie du croyant commence à se concevoir comme vocation, c’est-à-dire comme appel, comme lieu où se réalise une promesse; et il n’agit pas tant dans le monde sous le poids d’une énigme, mais avec la force de cette promesse, qui un jour se réalisera. Et Abraham crut à la promesse de Dieu. Il crut et il partit, sans savoir où il allait — c’est ce que dit la Lettre aux hébreux (cf. 11, 8). Mais il eut confiance.
En lisant le livre de la Genèse, nous découvrons qu’Abraham vécut la prière dans la fidélité incessante à cette Parole, qui se présentait périodiquement sur son chemin. En synthèse, nous pouvons dire que dans la vie d’Abraham, la foi devient histoire. La foi devient histoire. Plus encore, Abraham, avec sa vie, avec son exemple, nous enseigne d’ailleurs ce chemin, cette route sur laquelle la foi se fait histoire. Dieu n’est plus seulement vu dans les phénomènes cosmiques, comme un Dieu lointain, qui peut susciter la terreur. Le Dieu d’Abraham devient «mon Dieu», le Dieu de mon histoire personnelle, qui guide mes pas, qui ne m’abandonne pas; le Dieu de mes jours, le compagnon de mes aventures; le Dieu Providence. Je me demande et je vous demande: avons-nous cette expérience de Dieu? «Mon Dieu», le Dieu qui m’accompagne, le Dieu de mon histoire personnelle, le Dieu qui guide mes pas, qui ne m’abandonne pas, le Dieu de mes jours? Avons-nous cette expérience? Réfléchissons-y un peu.
Cette expérience d’Abraham est témoignée également par l’un des textes les plus originaux de l’histoire de la spiritualité: le Mémorial de Blaise Pascal. Ce dernier commence ainsi: «Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix. Dieu de Jésus Christ». Ce mémorial, écrit sur un petit parchemin, et retrouvé après sa mort cousu à l’intérieur d’un vêtement du philosophe, n’exprime pas une réflexion intellectuelle qu’un homme savant comme lui peut concevoir sur Dieu, mais le sentiment vivant, expérimenté, de sa présence. Pascal note même le moment précis où il sentit cette réalité, l’ayant finalement rencontrée: le soir du 23 novembre 1654. Ce n’est pas le Dieu abstrait ou le Dieu cosmique, non. C’est le Dieu d’une personne, d’un appel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, le Dieu qui est certitude, qui est sentiment, qui est joie.
«La prière d’Abraham s’exprime d’abord par des actes: homme de silence, il construit, à chaque étape, un autel au Seigneur» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2570). Abraham n’édifie pas un temple, mais il dissémine le chemin de pierres qui rappellent le passage de Dieu. Un Dieu surprenant, comme lorsqu’il lui rend visite dans la figure de trois hôtes, que lui et Sarah accueillent avec attention et qui leur annoncent la naissance de leur fils Isaac (cf. Gn 18, 1-15). Abraham avait cent ans, et sa femme quatre-vingt-dix, plus ou moins. Et ils crurent, ils eurent confiance en Dieu. Et Sarah, sa femme, conçut un enfant. A cet âge! Voilà qui est le Dieu d’Abraham, notre Dieu, qui nous accompagne.
Ainsi, Abraham devient un proche de Dieu, également capable de discuter avec Lui, mais toujours fidèle. Il parle avec Dieu et discute. Jusqu’à l’épreuve suprême, quand Dieu lui demande de sacrifier son propre fils Isaac, le fils de sa vieillesse, l’unique héritier. Abraham vit alors la foi comme un drame, comme marcher à tâtons dans la nuit, sous un ciel cette fois-ci privé d’étoiles. Et cela nous arrive très souvent à nous aussi, de marcher dans l’obscurité, mais avec la foi. Dieu lui-même arrêtera la main d’Abraham déjà prête à frapper, car il a vu sa disponibilité vraiment totale (cf. Gn 22, 1-19).
Frères et sœurs, apprenons d’Abraham, apprenons à prier avec foi: écouter le Seigneur, marcher, dialoguer jusqu’à discuter. N’ayons pas peur de discuter avec Dieu! Je vais même dire quelque chose qui pourra sembler une hérésie. Souvent, j’ai entendu des gens qui me disaient: «Vous savez, il m’est arrivé cela et je me suis mis en colère contre Dieu» — «Tu as eu le courage de te mettre en colère contre Dieu?» — «Oui, je me suis mis en colère» — «Mais il s’agit d’une forme de prière». Car seul un enfant est capable de se fâcher avec son père et ensuite de le rencontrer à nouveau. Apprenons d’Abraham à prier avec foi, à dialoguer, à discuter, mais toujours disposés à accueillir la parole de Dieu et à la mettre en pratique. Avec Dieu, nous apprenons à parler comme un enfant avec son père: à l’écouter, à répondre, à discuter. Mais en étant transparents, comme un enfant avec son père. C’est ainsi qu’Abraham nous enseigne à prier. Merci.

 

Entre Prométhée et Jacob (Card. Ravasi)

9 juin, 2020

http://www.30giorni.it/articoli_id_109_l1.htm

frvalexander-louis-leloir_giacobbe-lotta-con-langelo_1865

Entre Prométhée et Jacob (Card. Ravasi)

(traduction de l’italien)

Le terme «défier» est-il le déni de la foi chrétienne? Une réflexion du préfet de la bibliothèque Ambrosiana par Gianfranco Ravasi Jacob se battant avec l’ange, Rembrandt Van Rijn, vers 1660, Staatliche Museen, Berlin-Dahlem À première vue, le terme «défi» semble être, à un niveau étymologique, le déni de foi: ce n’est peut-être pas de la «méfiance», c’est-à-dire une «confiance / foi» niée par le préfixe dis qui, dans sa matrice grecque, indique la négativité et l’hostilité? Après tout, hybris, c’est-à-dire le défi de Prométhée, répété dans de nombreuses cultures, est la tentative d’occuper le trône divin, remplaçant le roi transcendant. Pourtant, la foi – si elle est prise dans sa structure constitutive la plus intime – se révèle également être un défi, risqué mais exaltant. Le philosophe Sören Kierkegaard a écrit: « La foi est la plus haute passion de l’homme. Il y a peut-être dans chaque génération des hommes qui n’y parviennent pas. Mais personne ne va plus loin ». A cet effort pour atteindre le niveau vertigineux de la croyance, nous allons maintenant consacrer non pas tant une analyse mais plutôt une représentation emblématique de peintures ou de scènes, dans une sorte de traitement « impressionniste ». Comme Jacob et David … Nous commencerons par une nuit: la fameuse lutte de Jacob, le patriarche juif, contre un être mystérieux, identifié par la tradition à un ange, pourtant symbole du divin. L’histoire de Genèse 32, 23-33 voit le seul protagoniste le long des rives de la rivière Jabbok, un affluent oriental du Jourdain. Les eaux tumultueuses et la nuit sont un signe de néant, de chaos, de drame. « Jacob était seul et un homme s’est battu avec lui jusqu’à l’aube » (32,25). Quand l’aube se lève, Jacob boite, blessé à l’articulation de la cuisse, et son nom n’est plus le nom tribal de Jacob mais c’est « Israël », qui signifie « conflit avec Dieu »: de la rencontre-lutte avec Dieu vous en sortez indemne mais transformé et transfiguré. L’expérience de la foi confère à la personne une tâche, une mission, une vocation, pour que Jacob soit l’ancêtre, l’ancêtre et l’archétype d’un peuple. Croire, donc, comme cela était déjà arrivé à Abraham contraint par le Seigneur de sacrifier son fils Isaac (Genèse 22), n’est pas une acquisition paisible de bénédictions, mais est une sorte de rencontre-affrontement avec le mystère. Croire est un risque et son chemin serpente le long d’un chemin élevé, tout comme le mont Moria pour Abraham, ou le long d’une rivière précipitée, comme cela arrive à Jacob. Mais il y a d’autres défis qui attendent le croyant après sa lutte avec Dieu. Voici donc l’autre image que nous voudrions évoquer. La scène est maintenant ensoleillée: nous sommes en plein champ, devant un public de spectateurs curieux. Deux personnages complètement antithétiques s’affrontent en duel. D’une part, se dresse le héros philistin Goliath qui est décrit avec force par la Bible – dans le récit du chapitre 17 du premier livre de Samuel – avec un imposant « six coudées et une paume », de près de 2,80 mètres, capable de tenir une armure de plaque de 5000 shekels de bronze, soit environ trente kilos. De l’autre côté, David avance, un « garçon aux cheveux fauves et beau », armé seulement d’une fronde et de cinq galets de rivière lisses. C’est l’éternel défi entre la corpulence audacieuse et musclée de l’arrogance, du pouvoir, de la force brute contre la beauté, la délicatesse, l’intelligence, la vérité. À première vue, la comparaison semble inégale; mais le résultat est finalement surprenant parce que les valeurs de l’esprit sont beaucoup plus résistantes et décisives et ne peuvent être pliées par une simple brutalité quantitative. Ils participent à l’éternité et à l’infini et c’est pourquoi il est impossible de les mettre en concurrence avec des réalités qui ne reposent que sur la matérialité, de nature transitoire et finie. La foi est une invitation permanente à prendre parti pour la « faiblesse », la « fragilité », le Beau, le Vrai, le Juste, l’Amour. « Résister au mauvais jour » Mais nous pouvons aller plus loin, vers un autre défi plus inquiétant qui se déroule dans un intérieur. Nous sommes dans une synagogue et Jésus vient d’entrer, créant des ravages, en particulier chez un Juif qui était jusque-là assis tranquillement sur son banc. Agité sous l’irruption d’un « esprit impur », il se met à crier: « Qu’est-ce qui nous concerne, Jésus de Nazareth? Tu es venu nous ruiner! Je sais qui tu es: le Saint de Dieu! ». Dans le récit du chapitre 1 de l’Évangile de Marc, l’affrontement a son point culminant lorsque le Christ ne se tourne pas vers l’homme mais vers «l’esprit impur» qui le possède. « Tais-toi! Sortez de cet homme! « . Et le résultat est immédiat: « L’esprit impur, le déchirant et criant fort, est sorti de lui ». Dans cet épisode de forte tension, un défi est idéalement représenté qui implique non seulement le Christ mais tous les croyants: nous sommes constamment en conflit avec le mal moral et métaphysique, nous sommes constamment en confrontation avec les ténèbres de l’histoire, avec l’ombre de Dieu, avec caillot incandescent de perversion, avec le pouvoir obscur de la mort. Pour reprendre une expression de Bernanos, nous sommes souvent «sous le soleil de satan», un soleil «noir» qui marque de nombreuses fois dans l’histoire et qui nous oblige – comme le dit saint Paul – à être équipé de «l’armure de Dieu car nous pouvons résister aux pièges du diable. En fait, notre bataille n’est pas contre les créatures faites de chair et de sang, mais contre les principautés et les pouvoirs, contre les dirigeants de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal. Prenons donc l’armure de Dieu, afin que nous puissions résister le jour des méchants et rester debout … « (Ep 6, 11-13). Ce n’est cependant pas un défi qui n’est consommé que de l’extérieur, à l’horizon et dans le scénario de l’histoire. Il célèbre ses actes les plus terribles et les plus subtils en nous-mêmes, dans l’espace intime de la liberté. C’est ce que Paul peint d’une manière admirable au chapitre 7 de la Lettre aux Romains: «Quand je veux faire le bien, c’est le mal qui est à côté de moi. J’adhérerais à la loi de Dieu mais dans mes membres je vois une autre loi qui fait la guerre à la loi de mon esprit et me rend esclave.  » L’exutoire semble inévitable et atterrit sur les sables mouvants du péché et de la « chair », comme l’apôtre aime à le dire. Aussi fort que La mort est amour En réalité, l’homme dans cette lutte intime n’est pas seul. La main de Dieu étend et répand en nous « les prémices de l’Esprit, afin que nous gémissions intérieurement en attendant l’adoption des enfants, la rédemption de notre corps, car dans l’espérance nous avons été sauvés » (Rm 8: 23-24). Le verbe « gémir » est celui des douleurs du travail: nous sommes donc confrontés à un défi extrême qui ne produit pas la mort mais génère une recréation, une nouvelle vie, une renaissance, accomplie par la grâce divine. C’est dans cette lumière que le dernier défi, l’extrême, celui avec la mort qui a son emblème dans la résurrection du Christ, mais qui est déjà anticipé dans la proclamation de la femme du Cantique des Cantiques apparaît: « Fort comme la mort est là «Amour … Ses flammes brûlent, une flamme du Seigneur!» (8.6). S’appuyant sur certains passages prophétiques, Saint Paul introduit le duel suprême entre la vie et la mort et exalte son résultat final: « La mort a été avalée pour la victoire. / Où est votre victoire, ô mort? / Où est votre piqûre ou votre mort? L’aiguillon de la mort est le péché et la force du péché est la loi. Merci à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ!  » (1Cor 15,54-57). La foi se révèle donc comme une discussion ouverte à tous les niveaux, qui n’a pas peur d’aller même sur les terrains les plus incertains et inconnus. Comme Bernanos l’a écrit un jour, «la foi est un risque à courir. C’est même le risque des risques ». Comme Pascal l’a enseigné, ce n’est cependant pas un défi insensé ou solitaire. Son itinéraire est motivé, ses résultats sont vigoureux, son chemin est tourmenté mais clair, le chemin est suivi d’une Présence. Le défi de la foi est lourd mais aussi glorieux, il est ardu mais aussi serein, et c’est une expérience ouverte à tous, même à ceux qui sont agnostiques. C’est ce que Turoldo a suggéré dans ces versets des dernières chansons (Beyond the forest): «Frère athée, noblement pensif à la recherche d’un Dieu que je ne peux pas vous donner, traversons le désert ensemble. De désert en désert nous allons au-delà de la forêt des croyances libre et nu vers l’être nu et le où la Parole meurt que notre voyage se termine ».

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA SAINTE TRINITÉ ANNÉE A – LES NOMS DE DIEU TEXTES : EXODE 34, 4B-6.8-9, 2 CORINTHIENS 13, 11-13 ET JEAN 3, 16-18.

5 juin, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-la-fete-de-la-Sainte-Trinite-Annee-A-Les-noms-de-Dieu_a954.html

fr si

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA SAINTE TRINITÉ ANNÉE A – LES NOMS DE DIEU
TEXTES : EXODE 34, 4B-6.8-9, 2 CORINTHIENS 13, 11-13 ET JEAN 3, 16-18.

« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint, soient avec vous » nous a dit saint Paul dans la deuxième lecture. C’est le souhait qu’il faisait en terminant sa seconde lettre aux chrétiens de Corinthe.
Cette petite phrase résume toute la foi de l’Église que nous partageons et que nous redisons chaque dimanche dans le « Je crois en Dieu ». Le Dieu des chrétiens est un Dieu unique en trois personnes, ce qui lui donne une couleur particulière que je vais essayer de mieux découvrir avec vous.
Essayer de mieux le découvrir? Est-ce possible? La Sainte Trinité est un mystère avons-nous appris. Et un mystère, on ne peut pas le comprendre.
Vous avez raison. Mais quand vous dites « un mystère on ne peut pas le comprendre », vous vous placez sur le registre de la raison humaine. Et sur ce plan, toutes nos explications, toutes nos recherches, ne pourront jamais nous faire entrer dans le mystère. Elles nous en montreront les contours. Elles en décriront l’essentiel, mais elles ne l’expliqueront pas.
Alors, on s’arrête là ? Non, car il y a une autre voie pour mieux découvrir le mystère de la Sainte Trinité, c’est d’y entrer avec son cœur et non avec sa raison. Je vous invite à le faire avec moi en suivant le chemin des noms de Dieu dans la Bible.

I – Le nom de Dieu dans l’Ancien Testament
Dans l’Ancien Testament, Dieu se présente, non pas divisé, éparpillé dans diverses créatures ou leurs représentations. Il est le Créateur. Il se présente Un et unique (Deutéronome 6,4), toujours le même, à Abraham, Isaac et Jacob, et à leur descendance croyante (Exode 3, 6). Le nom du Dieu unique est «JE SUIS». Le juifs ne le prononcent pas et disent plutôt « LE SEIGNEUR » ou « ADONAÏ ». On dit parfois Yahweh ou Yahvé. (Exode 3, 6 cf. aussi 34, 5-6)
Le Nom divin ne peut être attribué à quoi que ce soit et à qui que ce soit d’autre que l’unique Dieu. C’est le sens du premier commandement de la Loi que Moïse a transmise de la part de Dieu (Exode 20, 3-4; Deutéronome 5,7). Le deuxième, c’est de ne pas invoquer le nom divin à tout propos, de façon insignifiante, ou même pour faire le mal (Exode 20, 7; Deutéronome 5, 11).
Tout cela exprime à la fois une proximité exclusive que Dieu veut créer avec son peuple et un respect pour la sainteté du Dieu unique. Dans l’Ancien Testament, les actes et les paroles des croyants sont toujours guidés par l’amour du Nom divin. (Deutéronome 6,5)

II – La nouveauté apportée par Jésus
C’est dans cette foi au Dieu unique, révélé à Abraham et à Moïse dans le Nom divin, que Jésus a été élevé car il était juif et membre du peuple de l’Alliance. Sa mission fut d’accomplir et de porter à sa plénitude l’Alliance de Dieu avec Abraham et Moïse.
Jésus met de l’avant une nouvelle image de Dieu. Il donne à Dieu le beau nom de PÈRE (« Abba » en araméen qui se traduit littéralement par PAPA). Déjà à 12 ans au Temple devant les docteurs de la Loi lorsque ses parents le retrouvent il leur dit « Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ». (Luc 2, 49) La prière à Dieu qu’il donne à ses disciples et que nous répétons souvent commence par « Notre Père ». (Mathieu 6, 9)
Dans sa prédication, Jésus parle souvent de ses relations particulières avec Dieu. Il se dit même « FILS DE DIEU»., ce qui suscitera bien des incompréhensions. On l’accusera de blasphème « Tu as dit : ‘Je suis Fils de Dieu’ » lui reproche le grand prêtre lors de son procès durant la Passion. (Mathieu 26, 62-65)
Pour compléter la révélation du Dieu Un et Trine, faite à Abraham et à Moïse, Jésus décrit le lien qu’il a avec son Père en le comparant au souffle qui nous fait vivre. Ce lien c’est celui de l’amour mutuel à nul autre pareil. Ce souffle de vie prend le nom d’ESPRIT SAINT, amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Le Dieu unique est un Dieu en trois personnes,
Telle est la nouveauté apportée par Jésus. Le nom de Dieu n’est pas seulement « JE SUIS ». Il est « JE SUIS PÈRE, FILS ET ESPRIT SAINT », un seul Dieu en trois personnes, ce qui veut dire qu’il est comme une famille. En lui nous pouvons nous reconnaître par les sentiments d’amour, de partage, de don qu’il met dans nos cœurs.
Même plus, Jésus nous dit qu’il habite en nous, qu’il n’est pas extérieur à nous, mais au fond de notre être même. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. (Jean 14, 23)
Voilà, en quelques mots, des pistes de méditation pour la fête de la Sainte Trinité où nous vénérons le Dieu Un et Trine au coeur de notre foi.

III- Application
Les chrétiens ont depuis les tout débuts inscrit cette foi au Dieu Un et Trine dans leur vie et dans leurs célébrations de toutes sortes. Nous le faisons encore aujourd’hui.
Chaque messe commence par le signe de Croix accompagné des paroles « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Nous faisons spontanément la même chose lorsque nous nous mettons en prière à la chapelle, sur le bord de notre lit le soir, avant un repas ou avant le travail.C’est encore « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » que le prêtre ou le diacre donne la bénédiction soit à la messe soit dans d’autres occasions.
Notre histoire de croyant est commencée à notre baptême où nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », lorsque la personne qui nous a baptisé a dit en versant l’eau sur notre tête « Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».

Conclusion
Que cette messe qui nous réunit « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » nous aide à entrer dans ce grand mouvement d’amour qui est au cœur de la Trinité qui veut se faire une demeure en nous (Cf. Jean 14, 23). Ouvrons-lui la porte de notre coeur, car « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle ». (Jean 3,16)
Je vous refais en terminant le souhait de saint Paul : « Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint, soient avec vous ».

Amen!