HOMÉLIE POUR LE 3E DIMANCHE DU CARÊME ANNÉE A « LA SAMARITAINE : L’EAU VIVE, IMAGE DU BAPTÊME»
14 mars, 2020HOMÉLIE POUR LE 3E DIMANCHE DU CARÊME ANNÉE A « LA SAMARITAINE : L’EAU VIVE, IMAGE DU BAPTÊME»
Textes: Exode 17, 3-7, Romains 5, 1-2.5-8 et Jean 4, 5-42.
À partir du troisième dimanche du Carême cette année (année liturgique A), les lectures dominicales nous invitent à entrer dans un itinéraire baptismal. En effet du 3e au 5e dimanche du Carême on lit, dans l’évangile de saint Jean, les trois grands évangiles de l’initiation catéchuménale : la Samaritaine (Jean 4, 5-42); la guérison de l’aveugle-né (Jean 9, 1-41) ; la résurrection de Lazare (Jean 11, 1-45). Ces évangiles servent depuis les débuts de l’Église à la formation des futurs baptisés à Pâques. Ceux-ci sont appelés « catéchumènes » et sont de plus en plus en plus nombreux aujourdhui.
Même si nous sommes baptisés depuis longtemps, entrons dans l’itinéraire baptismal qui nous est proposé. Faisons comme les catéchumènes, écoutons et regardons la scène qui vient d’être racontée.
I – La scène du puits
Deux personnages sont au premier plan : Jésus et une femme, la Samaritaine.
Jésus est fatigué. Il s’assoit sur le bord d’un puits pour se reposer. Ses disciples s’en vont acheter des provisions. Il est seul. Le soleil le réchauffe. Il se laisse aller à ses pensées. Il ne se rend pas compte tout de suite de l’arrivée d’une femme.
Celle-ci dont on ne connait pas le nom vient puiser de l’eau pour sa maisonnée. Elle a un seau qu’elle désire descendre dans le puits. Mais la présence de Jésus la surprend et l’empêche de le faire. Ce qui la surprend encore plus c’est la question de Jésus « Donne-moi à boire ». Elle riposte sur le champ et lui dit : « Comment! Toi un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » Et Jésus de répondre : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ’Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ».
Quel renversement ! Toute une réponse. La suite du dialogue de Jésus avec cette femme est pour l’évangéliste saint Jean une occasion de nous livrer une conversation qui aboutit à la révélation de la proximité particulière de Jésus avec Dieu. En effet, en réponse à la femme qui lui dit « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses», Jésus lui dit « Je le suis, moi qui te parle. »
Cette révélation tombe à point pour ceux et celles qui reçoivent le baptême. En effet, c’est par Jésus qu’est apportée et donnée aux personnes baptisées la vie nouvelle en Dieu, qui les fait passer de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Cette vie nouvelle reçue au baptême est symbolisée par l’eau du puits. Celle-ci est une image très parlante du sacrement du Baptême que recevront les catéchumènes adultes dans la Nuit pascale et que nous avons reçu à notre naissance, pour la plupart d’entre nous.
Que nous enseigne cette image de l’eau vive pour les futures personnes baptisées et pour les personnes baptisées que nous sommes ?
II- Les fruits du baptême
En premier lieu, le signe de l’eau qui est versée sur la tête dans le sacrement du Baptême nous aide à comprendre que la grâce de Dieu purifie le baptisé. C’est le propre de l’eau de laver, de nettoyer, de purifier. L’eau du Baptême purifie. « Les baptisés ont » revêtu le Christ » (Ga 3, 27). Par l’Esprit Saint, le Baptême est un bain qui purifie, sanctifie et justifie (cf. 1 Co 6, 11 ; 12, 13) » écrit le Catéchisme de l’Église catholique au numéro 1227. Le sacrement du Baptême vient nous purifier des péchés qui ont obscurci le regard de l’humanité et qui pèsent sur tous, même si nous n’en sommes pas les auteurs. Notre humanité a besoin d’être rétablie dans sa beauté originelle. C’est ce que fait le Baptême par lequel Dieu nous dit que nous sommes son enfant, qu’il nous aime et qu’il nous aimera toujours, car son amour est éternel. « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime » dit-il à chaque nouveau baptisé.
En deuxième lieu, le signe de l’eau invite à nous laisser remplir par la vie même de Dieu qui nous est donnée par le Baptême. Comme le dit Jésus à la Samaritaine « celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ». L’eau du Baptême étanche toutes les soifs. Notre vie est remplie de toutes sortes de soifs comme la soif d’être aimé, la soif d’être reconnu, la soif de pouvoir être utile dans le monde etc. et par-dessus tout la soif de Dieu. Certaines soifs cependant sont des pièges comme l’argent, la débauche, la rancune, l’envie etc. Jésus vient par l’eau du baptême combler les plus belles soifs qui sont dans les personnes. Par le Baptême, le chrétien est rempli de la grâce de Dieu. À la suite du Christ qui est passé de la mort à la vie, dans sa Passion et sa Résurrection, il entre dans une vie nouvelle. Il peut dire comme le fait saint Paul « Ma vie c’est le Christ » (Galates 2, 20).
La troisième chose à retenir du signe de l’eau vive que nous pouvons appliquer au Baptême à partir de la conversation de Jésus avec la Samaritaine, c’est que l’eau donnée par le Jésus est une eau « jaillissant en vie éternelle ». Elle est source de vie éternelle. Comme le dit saint Paul, par le Baptême le chrétien reçoit les prémices (les arrhes) de la vie éternelle (II Corinthiens 5, 5). La grâce de la vie nouvelle qui est reçue au Baptême est la vie éternelle déjà commencée. La vie nouvelle qu’apporte le baptême va bien au-delà de ce que l’on peut toucher du doigt. Il s’agit d’une transformation totale de notre être qui est un commencement jamais terminé. C’est la vie de Dieu qui s’actualise au jour le jour dans la personne baptisée que nous sommes, vivant pour Dieu comme le Christ et avec le Christ avant de le rencontrer dans la gloire céleste lorsque nous le verrons face à face comme dit saint Paul.
Voici trois beaux fruits du Baptême représentés par le signe de l’eau vive
- qui nous purifie et qui fait resplendir notre beauté d’enfant de Dieu (Tu as du prix à mes yeux)
- qui apaise les soifs d’amour de toutes sortes en nous unissant au Christ dans une vie nouvelle (Tu n’auras plus jamais soif)
- et qui est une vie éternelle déjà commencée ici-bas (Vous avez reçu les prémices de la vie éternelle).
III- Application
Comment laisser l’eau vive de notre Baptême produire tous ses fruits en nous ? Pour le faire, nous sommes invités à retenir l’enseignement qui se dégage de la première lecture car nous sommes un peu comme Moïse, remplis de doutes et d’hésitations. Le Seigneur nous dit comme il le dit à Moïse « Moi je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ».
L’eau vive est là. Elle peut sortir du rocher. Mais il est important de la désirer, de frapper le rocher. Comme la Samaritaine, disons à Jésus ce matin « Seigneur donne-moi à boire… Seigneur donne-moi de cette eau que je n’aie plus soif ».
Notre Carême est pour nous cette année un itinéraire baptismal. Nous sommes invités à renouveler nos engagements de personnes baptisées en affirmant notre foi en Jésus et en faisant de notre mieux pour le suivre selon nos vocations comme époux ou épouse, comme parents, comme enfants, comme bénévoles en pastorale, comme célibataires, comme travailleurs, comme responsables de services etc. Demandons au Seigneur que le chemin du Carême cette année soit pour nous un chemin de conversion et de renouveau dans notre vie de personne baptisée.
Conclusion
Que cette messe nous rapproche de Jésus qui nous a montré le chemin en donnant sa vie pour nous alors que nous étions pécheurs. Comme le dit saint Paul dans la deuxième lecture : « la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs ». Avec lui, par l’eau du Baptême, nous sommes morts au péché et ressuscités à une vie nouvelle d’amour, de joie, de paix, de partage et de don.
En terminant, dans ce temps où le virus COVID-19 se répand à une vitesse foudroyante je reprends les mots du Cardinal Turkson dans un message au nom du Saint-Père : « Prions Dieu le Père pour qu’il augmente notre foi, aide les malades à guérir et soutienne les professionnels de la santé dans leur mission. Engageons-nous pour éviter la stigmatisation de ceux qui sont touchés : la maladie ne connaît ni frontière ni couleur de peau ; en revanche elle parle une même langue…Nous réussirons ainsi à servir ceux qui souffrent, en les accompagnant le mieux possible et à être solidaires de ceux qui sont démunis, sans les juger». (Message du cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral dans Zenit)
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec