HOMÉLIE POUR LE 3E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « IL PROCLAMAIT L’ÉVANGILE DU ROYAUME »
24 janvier, 2020Initiale « M » représentant « La vocation de Pierre et André », fragment tiré de Corale (début du XVIe siècle), British Library. L’influence de Léonard de Vinci est reconnue dans le rendu du paysage en arrière-plan, et en particulier dans les éperons rocheux bleus.
HOMÉLIE POUR LE 3E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « IL PROCLAMAIT L’ÉVANGILE DU ROYAUME »
Textes: Isaïe 49, 3.5-6, I Corinthiens1, 1-3 et Mathieu 4, 12-23.
Vous connaissez les expressions « vie cachée » et « vie publique » pour désigner les deux étapes de la vie de Jésus. On souligne ainsi non seulement le cadre extérieur de sa vie mais aussi le fait que pendant trente ans, plus ou moins, sa divinité est restée cachée. Il était un habitant de Nazareth comme les autres, le fils du charpentier Joseph. À partir du moment où Jésus quitte Nazareth et s’en vient à Capharnaüm, il est mu par une motivation profonde de faire connaître qu’il n’est pas comme les autres, qu’il peut se dire le Fils de Dieu comme l’Esprit le lui a fait connaître lors de son baptême par Jean-Baptiste.
Ce sera le cœur de sa prédication : révéler à ses contemporains et à tous ceux et celles qui viendront plus tard l’amour qu’il partage avec Dieu son Père dans l’Esprit Saint pour ses enfants qui sont ses frères et ses soeurs, « héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ ». (Romains 5, 18)
I – Capharnaüm, le rendez-vous des nations
L’évangile d’aujourd’hui nous fait connaître l’endroit où Jésus a commencé sa vie publique, Le choix qu’il fait de s’installer à Capharnaüm est des plus intéressants. Cette ville qui aujourd’hui est en ruine, mais qu’on visite avec émotion, était au temps de Jésus un carrefour de commerce et d’échanges. Elle était très cosmopolite. On l’a appelée le « rendez-vous des nations ». Outre les juifs, des romains, des syriens, des habitants de la Cisjordanie, de Sion au Liban etc. y venaient pour commercer et certains s’y établissaient. Ce qui fait que nous sommes très loin de l’atmosphère qui régnait à Nazareth, petite bourgade juive où tout le monde se connaissait et où la vie se déroulait sur un rythme marqué par les fêtes juives. Capharnaüm vivait à un rythme différent.
Jésus en est conscient. Il veut porter le message qui est en lui à toutes les nations. Il se présentera comme Celui qui est attendu par Israël, le Messie, mais déjà, dans les débuts de sa prédication, son regard se porte plus loin, aux périphéries, vers les nations païennes.
Jésus commence à Capharnaüm une vie publique sous le signe de l’ouverture, des défis de la rencontre de la diversité et de l’annonce d’un Royaume différent des autres royaumes de la terre.
Voilà pour le portrait de Jésus qui nous est donné ce matin. D’ici Pâques, les évangiles des dimanches nous en révéleront encore beaucoup plus. Pour l’instant, contentons-nous de ce portrait mais sans oublier le reste de l’évangile qui vient d’être lu.
II – Les premiers appels
À ce portrait de Jésus, s’ajoute un geste remarquable qui nous est raconté dans la seconde partie de l’évangile. Il s’agit du récit de la vocation de Pierre et André et de Jean et Jacques, fils de Zébédée, quatre pêcheurs dont il fera des « pêcheurs d’hommes ».
Ce qui est à retenir ici, au-delà de l’appel auquel ces quatre premiers apôtres répondent avec empressement, c’est le fait que Jésus décide de les associer à sa mission dès le point de départ. Jésus au lieu de se lancer dans sa prédication seul sur les chemins de la Palestine se liera avec ces premiers apôtres qui seront accompagnés par la suite d’autres apôtres pour former le groupe des Douze, et aussi de femmes et de disciples qui vont le suivre tout au cours de son ministère.
Au lieu de choisir des gens instruits et savants, Jésus arrête son choix sur des petits, des pêcheurs, plus tard sur un collecteur d’impôt, Mathieu (Marc 2, 13-17), puis sur des amis de ceux-ci, même des pécheresses comme Marie-Madeleine ou Marie de Magdala (Luc 8, 2), des laissés pour compte. Il n’avait pas devant lui des gens exceptionnels. C’était du monde bien ordinaire qui l’entourait, mais ce qui est constant chez ces personnes c’est l’attachement à Jésus. Ils ont foi en lui. « À qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ? » dira Pierre à Jésus un jour où presque tout le monde le quittait (Jean 6, 68). Ce choix de Jésus illustre déjà l’essentiel de sa mission qu’il résumera dans cette phrase : « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10).
III – Le coaching de Jésus
Avec ses apôtres et ses disciples, que fera Jésus tout au cours de sa vie publique ? Il va les former petit à petit, en les surprenant bien souvent. Un de mes amis, jeune prêtre, a développé avec brio les méthodes de Jésus en les nommant du « coaching » et en expliquant que « coaching » vient du mot français « cocher ». Comme le cocher qui guide son attelage et le dirige dans la bonne direction, Jésus va « coacher » ses apôtres et ses disciples pendant trois ans. Il prendra le temps de les guider et de les diriger.
Nous avons beaucoup à apprendre sur ces façons de faire et c’est dans les évangiles qu’on voit le « coaching » de Jésus à l’œuvre.
Il le fait par l’enseignement qu’il donne à tous et qu’il explique en particulier aux disciples.
Il le fait par une convivialité de tous les instants.
Il le fait par des moments de feu comme lors de la Transfiguration.
Il le fait par une mort qui les décontenancera au plus point.
Toute cette démarche que les disciples vont vivre avec Jésus leur apparaîtra dans toute sa richesse après la résurrection. C’est ce qui arrive aux disciples d’Emmaüs qui, après avoir marché avec Jésus de Jérusalem à Emmaüs et l’avoir écouté leur expliquer les Écritures sans le reconnaître, voient leur yeux s’ouvrir en partageant le pain avec ce visiteur qu’il reconnaissent alors comme le Christ ressuscité (Luc 24, 13-35).
Conclusion
Recueillons aujourd’hui ces souvenirs des débuts de la vie publique de Jésus en nous laissant habiter par un désir de le suivre comme les premiers apôtres, de nous laisser « coacher » par lui. Demandons à l’Esprit Saint de renouveler notre ardeur et notre désir de témoigner de Jésus dans un monde qui a bien besoin de son message d’amour et de miséricorde.
En ce Dimanche de la Parole de Dieu que l’Esprit Saint fasse de nous des gens qui ont à coeur de porter la Parole de Dieu dans leurs familles, dans leurs milieux de travail et de loisirs et dans la société pour que le souhait du pape François la fin de sa Lettre apostolique ou Motu proprio se réalise : Que le Dimanche de la Parole de Dieu puisse faire grandir dans le peuple de Dieu la religiosité et l’assiduité familière avec les Saintes Écritures, comme l’auteur sacré l’enseignait déjà dans les temps anciens « Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique » (Deutéronome 30, 14).
Amen!
Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec