HOMÉLIE POUR LE 2E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « UN TOURNANT DANS LA VIE D’UN JEUNE JUIF FERVENT »

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HOMÉLIE POUR LE 2E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « UN TOURNANT DANS LA VIE D’UN JEUNE JUIF FERVENT »

Textes: Isaïe 49, 3.5-6, I Corinthiens1, 1-3 et Jean 1, 29-34.

L’évangile de saint Jean ne raconte rien de la vie de Jésus avant sa rencontre avec son cousin Jean-Baptiste sur les bords du Jourdain. Ce qui nous est présenté aujourd’hui au début du récit de la vie et de la prédication de Jésus, c’est le moment où la vie de Jésus a pris un tournant qui sera sans retour en arrière et qui le mènera jusqu’à la Passion où il mourra sur la croix pour ressusciter trois jours plus tard.
Regardons d’un peu plus près ce qu’a été ce tournant fondamental dans la vie de Jésus

I – Un jeune juif comme les autres
Nous savons par les autres évangélistes, notamment, saint Luc, que Jésus a été élevé à Nazareth auprès de son père, Joseph, et de sa mère, Marie et avec la nombreuse parenté dont parlent les évangiles en plusieurs endroits.. C’est là, qu’après son adolescence dont saint Luc raconte un épisode, celui de la disparition et du recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem lors d’un pèlerinage (Luc 2, 41-50), il a grandi « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Luc 2, 52).
Il semblerait qu’il soit demeuré avec ses parents comme un bon enfant juif. Il exerçait le même métier que son père Joseph : le métier de charpentier (Marc 6, 3 et Mathieu 13, 55).
Qu’est-ce qui va l’amener à quitter Nazareth pour venir se faire baptiser par Jean-Baptiste? On peut penser qu’il s’agit d’une décision mûrement réfléchie. Jésus est vraisemblablement dans la trentaine. Ses perceptions de la religion juive qu’il connaît bien et qu’il pratique avec ferveur lui indiquent une voie qui le rejoint et qui éveille ce qui est déjà en lui par la main de Dieu. Il se sent destiné à autre chose qu’au métier de charpentier.
C’est pourquoi, on peut penser qu’après une bonne réflexion et un bon discernement, il décide, en ces jours où il entend parler de son cousin qui prêche sur les bords du Jourdain, de prendre son courage à deux mains, pourrait-on dire, et de se lancer sans filet de secours, de s’engager dans un tournant où il accepte d’avance de ne revenir en arrière pour aucune raison.
Nous avons donc devant nous un homme mûr, dans la trentaine, qui décide par lui-même de se manifester comme serviteur de Dieu. Il est enflammé par le désir de consacrer sa vie au service du Dieu de l’Alliance avec Abraham, du Dieu de son peuple, du Dieu qui remplit sa vie depuis toujours. Il le fait de son plein gré. C’est une décision humaine généreuse comme chez bien d’autres personnes avant lui.
Ce qui est différent ce sont les résultats immédiats de cette décision que l’évangile nous présente.

II – La manifestation de l’Esprit en Jésus
Réécoutons le témoignage de Jean-Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu … si je suis venu baptiser dans l’eau c’est pour qu’il soit manifesté à Israël… J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit ‘ Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint. Moi, j’ai vu et je rends témoignage que c’est lui le Fils de Dieu ».
« C’est lui le Fils de Dieu ». Le jeune juif de Nazareth, venu humblement se consacrer à Dieu, entend cette révélation extraordinaire. Il ne peut qu’en être bouleversé au plus haut point. Le tournant qui l’a amené sur les bords du Jourdain prend une direction qui lui donne un éclairage nouveau sur ce qu’il est et ce que Dieu attend de Lui. Ces mots résonnent pour lui comme quelque chose qu’il sentait en lui depuis longtemps. Ils sont une confirmation de ce qu’il vit dans son être profond.
Il ne s’agit plus d’un tournant comme un changement de carrière, il s’agit ici d’un tournant qui touche l’être même de la personne. Vous avez peut-être déjà vécu des situations un peu semblables. Par exemple, vous vous rapprochez d’une personne ou vous fréquentez un groupe, vous vous y engagez et hop ! vous avez la vocation, vous avez le feu sacré, vous êtes dans votre élément, vous êtes comblés. C’est un exemple, mais qui est encore bien loin de ce que Jésus vit sur les bords du Jourdain. Il n’est pas seulement comblé. Son être est profondément touché. Il l’est au point où il sera pour toujours consacré à faire la volonté de son Père et à la manifester à ses contemporains et au monde entier par ses disciples après la Pentecôte.
Comme le dit Jean-Baptiste, c’est lui le Fils de Dieu et nul ne pourra connaître le Père si ce n’est par lui (Jean 10, 30). En ce moment, tout est là, mais c’est au cours des années à venir que cette réalité se laissera mieux découvrir par Jésus et qu’elle le mènera sur les chemins de la Palestine pour annoncer l’amour de Dieu, son Père, pour l’humanité tout entière. Comme l’annonce le prophète Isaïe dans la première lecture en mettant les paroles suivantes dans la bouche du Seigneur : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ».

III- Application
Après avoir médité sur la venue de Dieu à la crèche de Bethléem dans un enfant nouveau-né, nous sommes maintenant invités à regarder non plus un enfant, mais un homme adulte qui se lance dans un chemin inédit et qui décide d’aller jusqu’au bout sur ce chemin.
Le jeune juif de Nazareth s’est transformé en un homme qui se sent investi par l’Esprit d’une mission à nulle autre pareille : révéler au monde l’amour d’un Dieu Père qui amènera à leur achèvement les promesses de l’Alliance faite avec Abraham, Isaac et Jacob, avec le peuple d’Israël.
Son message risque de créer des peurs ou des oppositions. C’est ce qui se passera au cours des années de la vie publique et de la prédication de Jésus, comme nous le verrons dans les dimanches qui viennent, avant de culminer dans le drame de la Passion où l’Agneau sera immolé.
Nous sommes invités ce matin à fixer nos yeux sur Jésus, à le regarder avec attention dans ses gestes d’homme qui nous révèlent les attentes de Dieu sur lui et sur ceux et celles qui voudront bien le suivre.
L’appel à le suivre retentit encore de nos jours. Sommes-nous prêts nous aussi à prendre les tournants que Dieu nous prépare? Ils peuvent être de toutes sortes : réconciliation, pardon, acceptation d’une maladie, d’une diminution, de la mort, de l’incompréhension, de la venue d’un enfant, du départ de ses parents pour une résidence de personnes âgées etc.

Conclusion
Que le Corps et le Sang du Christ partagés en communauté nous rendent de plus en plus ouverts aux tournants que la vie nous amène. Soyons assurés que dans nos décisions de prendre les tournants qui se présentent dans nos vies, l’Esprit de Jésus sera toujours là et que notre abandon permettra à Dieu de transformer ce qui doit l’être et de faire grandir en nous celui ou celle qu’il a aimé de toute éternité, car, comme le dit si bien le prophète Isaïe dans la première lecture, c’est Lui qui nous a façonné de toute éternité .
Amen!

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

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