Archive pour janvier, 2020

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR AU TEMPLE « MES YEUX ONT VU LE SALUT QUE TU PRÉPARAIS

31 janvier, 2020

https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-la-fete-de-la-Presentation-du-Seigneur-au-Temple-Mes-yeux-ont-vu-le-salut-que-tu-preparais_a933.html

fr

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR AU TEMPLE « MES YEUX ONT VU LE SALUT QUE TU PRÉPARAIS »

Textes: Malachie 3, 1-4, Hébreux 2, 14-18 et Luc 2, 22-40.

Les textes proclamés il y un instant nous permettent de bien saisir le sens de cette fête de la Présentation du Seigneur au Temple qu’on appelle aussi la Présentation de Jésus au Temple en particulier le texte de Malachie qui en donne le sens profond. .

I- Une vie reçue, une vie donnée
Réécoutons ce texte. « Voici que j’envoie mon Messager pour qu’il prépare le chemin devant moi…le messager de l’Alliance le voici qui vient ». Le vieillard Siméon fait écho à ce texte dans son cantique « Nunc dimittis… » « …mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples : lumière pour éclairer les nations païennes et gloire d’Israël ton peuple.
Ces textes chantent la beauté de la mission de ce jeune enfant que les parents présentent au Temple. C’est cet enfant exceptionnel que l’auteur de la Lettre aux Hébreux (10, 5.7) met en scène lorsqu’il dit : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as formé un corps… Voici, je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté». Et la volonté de Dieu c’est que toute l’Humanité soit sauvée : « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2, 4). Le Père donne son Fils né de Marie pour le salut de tous. Il sera l’Agneau immolé (Jean 1, 9; Apocalypse 5, 12) pour la multitude, le Serviteur souffrant (Isaïe 42-53) qui est non seulement lumière des nations, mais qui offre sa vie en expiation pour le péché du monde.
Tel sera le destin de cet enfant que Marie et Joseph présentent au Temple. Sa vie est toute entière remise entre les mains du Père. Elle est reçue pour être donnée. Elle ne lui appartient pas comme un objet qu’on peut s’approprier. Il la reçoit et il la donne. Voilà ce qu’est le mystère de la Présentation du Seigneur.

II- Récipiendaires du don de Dieu
Ce mystère nous inspire encore aujourd’hui car nous sommes nous aussi des récipiendaires du don de Dieu. Cette vie qui est la nôtre ne nous appartient pas. Nous la recevons. Nous en sommes les dépositaires et notre plus beau cadeau sera de pouvoir dire un jour, de le dire déjà, « Père, je remets ma vie entre tes mains » (Luc, 23, 46) comme le fait la si belle prière de Charles de Foucauld « Mon Père, je m’abandonne à toi » (voir le texte à la fin). Oui, c’est alors la vraie Présentation qui est vécue.
Nous avons besoin, bien sûr, de nous entraîner à cette remise totale à Dieu. Et c’est vers Marie et Joseph que nous pouvons tourner notre regard aujourd’hui. Ils ont compris que cet enfant ne leur appartient pas. Ils l’ont reçu. Ils l’ont accueilli, En le présentant au Temple, ils reconnaissent en lui, « le messager désiré de l’Alliance », le Messie Sauveur,
Marie entend Syméon lui dire que son cœur sera transpercé. Le chemin à préparer devant le Seigneur demandera beaucoup à ceux et celles qui se mettront à l’écoute de ce messager. « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent » (Luc 11, 28) dira-t-il dans sa prédication.
Vous voyez pourquoi de mystère de la Présentation de Jésus au Temple a été retenu comme point de référence fondamental pour la vie consacrée qui se veut une suite radicale du Christ à laquelle tous les baptisés sont invités, mais que certaines personnes s’engagent publiquement à poursuivre en se libérant le plus possible de ce qui peut la retarder ou l’obscurcir.

III- Un héritage à nul autre pareil
Avant de terminer, j’aimerais souligner comment cette fête nous plonge dans les racines judaïques du christianisme.
Marie et Joseph sont montés au Temple « au jour fixé…selon ce qui est écrit dans la Loi. ». Jésus est un fils d’Israël. Il baigne dans cet héritage. Les gestes de ses parents et les siens plus tard reprennent ceux de ses frères et sœurs juifs. Les psaumes nourrissent sa prière. Les bénédictions comme le « Shema Israël » – «Écoute, Israël » (Deutéronome 6, 4) qui est le texte principal de la liturgie juive qu’on récite le matin et soir accompagné de bénédictions font partie de sa vie quotidienne.
Nous partageons cet héritage encore aujourd’hui. L’Église a retenu les Psaumes comme sa prière officielle dans la Liturgie des Heures . L’agencement de notre célébration eucharistique se fait sous le mode de la bénédiction, de l’ «action de grâces », », de la « berakah ». La grande prière eucharistique est une « berakah » chrétienne où la Parole, le Pain et le Vin sont partagés en mémorial de la Pâque du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne.

Conclusion
Voilà. Cette fête de la Présentation du Seigneur, de Jésus au Temple comme vous le voyez va beaucoup plus loin que le symbole de la lumière qui en émane et qui l’a fait désigner comme la « chandeleur », la fête où on allume des chandelles. Mais à bien y penser, ces chandelles allumées ne sont-elles pas une image du Christ lui-même qui se laisse consumer pour éclairer et réchauffer l’humanité? Oui, nous avons besoin de laisser ce « Messager de l’Alliance » devenir lui-même l’Alliance Nouvelle qui s’adresse à toutes les nations, de tous les temps et de tous les lieux.
Que cette Eucharistie nous rende de plus en plus participants et participantes à ce projet d’amour d’un Dieu qui vient vers nous, qui nous donne la vie pour (comme le dit si bien une oraison de la liturgie quotidienne) pour, dis-je, qu’en offrant ce qu’il nous a donné, nous puissions le recevoir lui-même. Ce que je nous souhaite à toutes et à tous.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

———-
Mon Père,

Je m’abandonne à toi,
fais de moi ce qu’il te plaira.

Quoi que tu fasses de moi,
je te remercie.

Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
Pourvu que ta volonté
se fasse en moi, en toutes tes créatures,
je ne désire rien d’autre, mon Dieu.

Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu,
avec tout l’amour de mon cœur,
parce que je t’aime,
et que ce m’est un besoin d’amour
de me donner,
de me remettre entre tes mains, sans mesure,
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père.

Charles de Foucauld (1858-1916)

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – …l’hospitalité réservée par les habitants de Malte à saint Paul et à ses compagnons de voyage,

29 janvier, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200122_udienza-generale.html

fr Vitrau Notre Dame de Paris

Vitrail – Notte Dame de Paris

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – …l’hospitalité réservée par les habitants de Malte à saint Paul et à ses compagnons de voyage,

Salle Paul VI
Mercredi 22 janvier 2020

Chers frères et sœurs, bonjour!

La catéchèse d’aujourd’hui est liée à la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Le thème de cette année, qui est celui de l’hospitalité, a été développé par les communautés de Malte et Gozo, à partir du passage des Actes des Apôtres qui raconte l’hospitalité réservée par les habitants de Malte à saint Paul et à ses compagnons de voyage, naufragés avec lui. C’est précisément à cet épisode que je faisais référence dans la catéchèse d’il y a deux semaines.
Repartons donc de l’expérience dramatique de ce naufrage. Le navire sur lequel voyage Paul est à la merci des éléments. Ils sont en mer depuis quatorze jours, à la dérive, et étant donné que ni le soleil, ni les étoiles ne sont visibles, les voyageurs se sentent désorientés, perdus. Sous eux, la mer heurte violemment le navire et ils craignent que celui-ci ne se brise sous la force des vagues. D’en-haut, ils sont fouettés par le vent et par la pluie. La force de la mer et de la tempête est terriblement puissante et indifférente au destin des passagers: il y a avait plus de 260 personnes!
Mais Paul, qui sait qu’il n’en est pas ainsi, parle. La foi lui dit que sa vie est entre les mains de Dieu, qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, et qui l’a appelé, lui Paul, pour apporter l’Evangile jusqu’aux extrémités de la terre. Sa foi lui dit également que Dieu, selon ce que Jésus lui a révélé, est un Père aimant. C’est pourquoi Paul s’adresse à ses compagnons de voyage et, inspiré par la foi, leur annonce que Dieu ne permettra pas qu’un cheveu de leur tête ne soit perdu.
Cette prophétie se réalise quand le navire échoue sur la côte de Malte et que tous les passagers rejoignent sains et saufs la terre ferme. Et là, ils font l’expérience de quelque chose de nouveau. En contraste avec la violence brutale de la mer en tempête, ils reçoivent le témoignage de la «rare humanité» des habitants de l’île. Ces personnes, des étrangers pour eux, se révèlent attentives à leurs besoins. Elles allument un feu pour qu’ils se réchauffent, elles leur offrent un abri contre la pluie et de la nourriture. Même si elles n’ont pas encore reçu la Bonne Nouvelle du Christ, elles manifestent l’amour de Dieu à travers des actes concrets de gentillesse. En effet, l’hospitalité spontanée et les gestes attentifs communiquent quelque chose de l’amour de Dieu. Et l’hospitalité des habitants de l’île de Malte est récompensée par les miracles de guérison que Dieu opère sur l’île à travers Paul. Donc, si la population de Malte fut un signe de la Providence de Dieu pour l’apôtre, il fut lui aussi un témoin de l’amour miséricordieux de Dieu pour eux.
Très chers amis, l’hospitalité est importante; et c’est également une vertu œcuménique importante. Elle signifie tout d’abord reconnaître que les autres chrétiens sont vraiment nos frères et nos sœurs en Christ. Nous sommes frères. Certains diront: «Mais celui-ci est protestant, celui-là est orthodoxe…». Oui, mais nous sommes frères dans le Christ. Ce n’est pas un acte de générosité à sens unique, car quand nous recevons d’autres chrétiens, nous les accueillons comme un don qui nous est fait. Comme les Maltais — de braves personnes ces Maltais — nous sommes récompensés, parce que nous recevons ce que l’Esprit Saint a semé chez ces frères et sœurs, et cela devient un don également pour nous, parce que l’Esprit Saint sème lui aussi ses grâces partout. Accueillir les chrétiens d’une autre tradition signifie tour d’abord montrer l’amour de Dieu à leur égard, parce que ce sont des enfants de Dieu — nos frères —, et en outre cela signifie accueillir ce que Dieu a accompli dans leur vie. L’hospitalité œcuménique demande la disponibilité à écouter les autres, en prêtant attention à leurs histoires personnelles de foi et à l’histoire de leur communauté, une communauté de foi avec une tradition différente de la nôtre. L’hospitalité œcuménique comporte le désir de connaître l’expérience que d’autres chrétiens font de Dieu et l’attente de recevoir les dons spirituels qui en dérivent. Et cela est une grâce, découvrir cela est une grâce. Je pense aux temps passés, à ma terre par exemple. Quand certains missionnaires évangéliques venaient, un petit groupe de catholiques allait brûler leurs tentes. Il ne faut pas faire cela: ce n’est pas chrétien. Nous sommes frères, nous sommes tous frères et nous devons nous accueillir mutuellement.
Aujourd’hui, la mer sur laquelle Paul et ses compagnons firent naufrage est encore une fois un lieu dangereux pour la vie d’autres personnes qui naviguent. Dans le monde entier, des hommes et des femmes migrants affrontent des voyages risqués pour fuir la violence, pour fuir la guerre, pour fuir la pauvreté. Comme Paul et ses compagnons, ils font l’expérience de l’indifférence, de l’hostilité du désert, des fleuves, des mers… Très souvent, on ne les laisse pas débarquer dans les ports. Mais, hélas, ils rencontrent parfois également l’hostilité bien pire des hommes. Ils sont exploités par des trafiquants criminels: aujourd’hui! Ils sont traités comme des numéros et comme une menace par certains gouvernants: aujourd’hui! Parfois, le manque d’hospitalité les rejette comme une vague vers la pauvreté ou les dangers qu’ils ont fuis.
En tant que chrétiens, nous devons travailler ensemble pour montrer aux migrants l’amour de Dieu révélé par Jésus Christ. Nous pouvons et nous devons témoigner qu’il n’y a pas seulement l’hostilité et l’indifférence, mais que chaque personne est précieuse pour Dieu et aimée par Lui. Les divisions qui existent encore entre nous, nous empêchent d’être pleinement le signe de l’amour de Dieu pour le monde, qui est notre vocation et notre mission. Travailler ensemble pour vivre l’hospitalité œcuménique, en particulier à l’égard de ceux dont la vie est la plus vulnérable, nous rendra tous, nous qui sommes chrétiens — protestants, orthodoxes, catholiques, tous les chrétiens —, des êtres humains meilleurs, des disciples meilleurs et un peuple chrétien plus uni. Cela nous rapprochera davantage de l’unité, qui est la volonté de Dieu pour nous.

NOUS NOUS SOUVENONS: UNE RÉFLEXION SUR LA SHOAH – MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II AU CARDINAL CASSIDY

27 janvier, 2020

http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_16031998_shoah_fr.html

fr en

NOUS NOUS SOUVENONS: UNE RÉFLEXION SUR LA SHOAH

MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II AU CARDINAL CASSIDY

(Références sur le site)

À mon vénéré Frère
le Cardinal Edward Idris Cassidy

En de nombreuses occasions au cours de mon pontificat, j’ai rappelé avec un sentiment de profonde douleur les souffrances du peuple juif lors de la Seconde Guerre mondiale. Le crime connu sous le nom de la Shoah a laissé une marque indélébile dans l’histoire du siècle qui s’achève.

Tandis que nous nous préparons à entrer dans le troisième millénaire du christianisme, l’Église est consciente que la joie d’un Jubilé est avant tout une joie fondée sur le pardon des péchés et la réconciliation avec Dieu et son prochain. C’est pourquoi elle encourage ses fils et ses filles à purifier leur cœur, à travers le repentir pour les erreurs et les infidélités du passé. Elle les appelle à se placer humblement face au Seigneur et à examiner leur part de responsabilité dans les maux de notre temps.

Mon souhait fervent est que le document: Nous nous souvenons: une réflexion sur la Shoah, que la Commission pour les Relations religieuses avec le Judaïsme a préparé sous votre direction, contribue véritablement à guérir les blessures provoquées par les incompréhensions et les injustices du passé. Puisse-t-il permettre à la mémoire de jouer le rôle qui lui revient dans l’édification d’un avenir où jamais plus l’indicible injustice de la Shoah ne sera possible. Puisse le Seigneur de l’histoire guider les efforts des catholiques et des juifs, ainsi que de tous les hommes et femmes de bonne volonté, dans leur œuvre commune en vue d’un monde véritablement respectueux de la vie et de la dignité de chaque être humain, car tous ont été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Du Vatican, le 12 mars 1998

IOANNES PAULUS PP. II

NOUS NOUS SOUVENONS:
UNE RÉFLEXION SUR LA SHOAH

I. La tragédie de la Shoah et le devoir de mémoire
Le XXe siècle touche à sa fin et l’on voit poindre l’aube d’un nouveau millénaire de l’ère chrétienne. Le 2000e anniversaire de la naissance de Jésus Christ appelle tous les chrétiens, et invite même tous les hommes et les femmes à tenter d’entrevoir dans le déroulement de l’histoire les signes de la Divine Providence à l’œuvre, ainsi que la façon dont l’image du Créateur présente dans l’homme a été blessée et défigurée.
Cette réflexion concerne l’un des domaines principaux dans lesquels les catholiques peuvent prendre sérieusement à cœur l’avertissement que le Pape Jean-Paul II leur a adressé dans sa Lettre apostolique Tertio millennio adveniente: «Il est donc juste que, le deuxième millénaire du christianisme arrivant à son terme, l’Église prenne en charge, avec une conscience plus vive, le péché de ses enfants, dans le souvenir de toutes les circonstances dans lesquelles, au cours de l’histoire, ils se sont éloignés de l’esprit du Christ et de son Évangile, présentant au monde, non point le témoignage d’une vie inspirée par les valeurs de la foi, mais le spectacle de façons de penser et d’agir qui étaient de véritables formes de contre-témoignage et de scandale».1
Ce siècle a été le témoin d’une tragédie indicible et qui ne pourra jamais être oubliée: la tentative de la part du régime nazi d’exterminer le peuple juif, entraînant le massacre de millions de juifs. Femmes et hommes, personnes âgées et jeunes, enfants et nourrissons, furent persécutés et déportés uniquement en raison de leur origine juive. Certains furent tués immédiatement, tandis que d’autres furent humiliés, maltraités, torturés et totalement dépouillés de leur dignité humaine, puis assassinés. Très peu de ceux qui sont entrés dans les camps ont survécu, et ceux qui y sont parvenus ont été marqués à vie. C’était la Shoah. Il s’agit de l’un des événements les plus importants de l’histoire de ce siècle, un événement qui nous concerne tous aujourd’hui encore.
Face à cet horrible génocide, auquel les dirigeants des nations et les communautés juives elles-mêmes eurent du mal à croire au moment même où il était accompli de façon impitoyable, personne ne peut rester indifférent, encore moins l’Église, en raison de ses profonds liens de parenté spirituelle avec le peuple juif et de sa mémoire des injustices du passé. La relation entre l’Église et le peuple juif est différente de celle qu’elle entretient avec toute autre religion.2 Toutefois, il ne s’agit pas seulement de rappeler le passé. L’avenir commun des juifs et des chrétiens exige que nous nous rappelions, car «il n’y a pas d’avenir sans mémoire».3 L’histoire elle-même est la memoria futuri.
En présentant cette réflexion à nos frères et sœurs de l’Église catholique à travers le monde, nous demandons à tous les chrétiens de s’unir à nous pour réfléchir sur cette catastrophe qui frappa le peuple juif et sur l’impératif moral d’assurer que jamais plus, l’égoïsme et la haine ne grandiront au point de semer tant de souffrance et de mort.4 Tout particulièrement, nous demandons à nos amis juifs «dont le terrible destin est devenu un symbole de l’aberration à laquelle l’homme peut arriver quand il se tourne contre Dieu»5 de nous écouter avec un cœur ouvert.
II. Ce dont nous devons nous souvenir
Au cours de son témoignage unique au Saint d’Israël et à la Torah, le peuple juif a enduré de nombreuses souffrances à différentes époques et en de nombreux lieux. Mais la Shoah a certainement été la pire des souffrances. Les mots seuls ne pourraient exprimer l’inhumanité avec laquelle les juifs ont été persécutés et massacrés au cours de ce siècle. Tout cela pour la seule raison d’être juifs.
L’amplitude même du crime soulève de nombreuses questions. Les historiens, les sociologues, les philosophes politiques, les psychologues et les théologiens tentent tous d’en savoir plus sur la réalité de la Shoah et sur ses causes. De nombreuses études doivent encore être réalisées. Mais un tel événement ne peut être pleinement mesuré uniquement par les critères ordinaires de la recherche historique. Il exige une «mémoire morale et religieuse» et, en particulier parmi les chrétiens, une réflexion extrêmement sérieuse sur les causes qui le provoquèrent.
Le fait que la Shoah ait eu lieu en Europe, c’est-à-dire dans des pays d’antique civilisation chrétienne, soulève la question de la relation entre la persécution de la part des nazis et l’attitude, au fil des siècles, des chrétiens envers les juifs.
III. Les relations entre juifs et chrétiens
L’histoire des relations entre juifs et chrétiens a été tourmentée. Le Pape Jean-Paul II l’a reconnu lors de ses multiples appels aux catholiques en vue de faire le point sur nos relations avec le peuple juif.6 En effet, le bilan de ces relations au cours de ces 2000 ans a été plutôt négatif.7
À l’aube du christianisme, après la crucifixion de Jésus, des conflits apparurent entre l’Église des origines et les responsables des juifs qui, par dévotion à la Loi, s’opposaient parfois violemment aux prédicateurs de l’Évangile et aux premiers chrétiens. Dans l’Empire romain païen, les juifs étaient protégés juridiquement par des privilèges accordés par l’Empereur, et au début, les Autorités ne faisaient aucune distinction entre les communautés juives et chrétiennes. Mais bientôt, les juifs subirent la persécution de l’État. Plus tard, lorsque les empereurs eux-mêmes se convertirent au christianisme, ils continuèrent dans un premier temps à garantir les privilèges des juifs. Mais les groupes de chrétiens qui assaillaient les temples païens s’en prirent parfois également aux synagogues, non sans subir l’influence de certaines interprétations du Nouveau Testament en ce qui concerne le peuple juif en général. «Dans le monde chrétien — je ne dis pas de la part de l’Église en tant que telle —, des interprétations erronées et injustes du Nouveau Testament relatives au peuple juif et à sa prétendue culpabilité ont trop longtemps circulé, engendrant des sentiments d’hostilité à l’égard de ce peuple».8 De telles interprétations du Nouveau Testament ont été totalement et définitivement rejetées par le Deuxième Concile du Vatican.9
Malgré l’enseignement chrétien de l’amour pour tous, même pour ses ennemis, la mentalité dominante au fil des siècles a pénalisé les minorités et tous ceux qui étaient de quelque façon que ce soit «différents». Des sentiments d’anti-judaïsme dans certains milieux chrétiens, ainsi que la divergence qui existait entre l’Église et le peuple juif, ont conduit à une discrimination généralisée, qui s’est parfois soldée par des expulsions ou des tentatives de conversions forcées. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, dans une grande partie du monde «chrétien», ceux qui n’étaient pas chrétiens n’ont pas toujours bénéficié d’un statut juridique pleinement garanti. En dépit de cela, les juifs présents dans le monde chrétien sont restés fidèles à leurs traditions religieuses et à leurs coutumes propres. C’est pourquoi ils étaient considérés avec une certaine suspicion et méfiance. Dans les périodes de crise, telles que la famine, la guerre, la peste ou les conflits sociaux, la minorité juive servait souvent de bouc émissaire et fut victime de violence, de pillage, et même de massacres.
À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, les juifs avaient généralement acquis un statut égal aux autres citoyens dans la plupart des États et un certain nombre d’entre eux occupaient des positions influentes dans la société. Mais dans ce même contexte historique, notamment au XIXe siècle, un nationalisme erroné et exacerbé s’instaura. Dans un climat riche de bouleversements sociaux, les juifs étaient souvent accusés d’exercer une influence disproportionnée par rapport à leur nombre. C’est ainsi qu’un anti-judaïsme — essentiellement plus sociologique et politique que religieux — commença à se répandre à divers degrés à travers l’Europe.
Dans le même temps, des théories niant l’unité de la race humaine et affirmant une diversité originelle des races, commencèrent à apparaître. Au XXe siècle, la national socialisme en Allemagne utilisa ces idées comme base pseudo-scientifique pour établir une distinction entre ce que l’on définissait la race nordique aryenne et les races prétendues inférieures. De plus, une forme extrémiste de nationalisme culmina en Allemagne avec la défaite de 1918 et les conditions exigeantes imposées par les vainqueurs, ce qui conduisit de nombreuses personnes à voir dans le national-socialisme une solution aux problèmes de leur pays et à coopérer politiquement avec ce mouvement.
L’Église en Allemagne répondit en condamnant le racisme. La condamnation apparut d’abord dans la prédication de certains membres du clergé, dans l’enseignement public des évêques catholiques et dans les écrits des journalistes catholiques laïcs. Dès les mois de février et mars 1931, le Cardinal Bertram de Breslau, le Cardinal Faulhaber et les évêques de Bavière, les évêques de la province de Cologne et ceux de la province de Fribourg publièrent des lettres pastorales condamnant le national-socialisme et son idolâtrie de la race et de l’État.10 En 1933, l’année même où le national-socialisme arriva au pouvoir, les célèbres sermons de l’Avent du Cardinal Faulhaber, auxquels non seulement des catholiques, mais également des protestants et des juifs assistaient, rejetaient clairement la propagande antisémite des nazis.11 À la suite de la Kristallnacht, Bernard Lichtenberg, doyen de la Cathédrale de Berlin, éleva des prières publiques pour les juifs. Il devait mourir par la suite à Dachau et être proclamé bienheureux.
Le Pape Pie XI condamna lui aussi solennellement le racisme nazi dans sa Lettre Encyclique Mit brennender Sorge,12 qui fut lue dans les églises d’Allemagne le Dimanche de la Passion en 1937, ce qui provoqua des attaques et des sanctions contre les membres du clergé. Le 6 septembre 1938, s’adressant à un groupe de pèlerins belges, Pie XI déclara: «L’antisémitisme est inacceptable. Spirituellement, nous sommes tous sémites».13 Pie XII, dans sa toute première Encyclique Summi Pontificatus14 datant du 20 octobre 1939, mettait en garde contre les théories niant l’unité de la race humaine et contre la déification de l’État, conduisant, selon lui, à une véritable «heure de ténèbres».15
IV. L’ antisémitisme nazi et la Shoah
Nous ne pouvons donc pas ignorer la différence qui existe entre l’antisémitisme, fondé sur des théories contraires à l’enseignement constant de l’Église sur l’unité de la race humaine et sur l’égale dignité de toutes les races et de tous les peuples, et les sentiments séculaires de méfiance et d’hostilité que nous appelons anti-judaïsme, dont des chrétiens ont été coupables, malheureusement.
L’idéologie du national-socialisme alla encore plus loin, en refusant de reconnaître toute réalité transcendante comme source de la vie et critère du bien moral. C’est ainsi qu’un groupe humain, et l’État auquel il s’identifiait, s’arrogea un statut absolu et décida de supprimer l’existence même du peuple juif, un peuple appelé à témoigner du Dieu unique et de la Loi de l’Alliance. Au niveau de la réflexion théologique, nous ne pouvons ignorer le fait que de nombreux adhérents au parti nazi non seulement démontrèrent une aversion pour l’idée de la divine Providence à l’œuvre dans les affaires humaines, mais encore donnèrent des preuves de haine caractérisée, dirigée contre Dieu lui-même. Logiquement, une telle attitude conduisit également au rejet du christianisme et au désir de voir l’Église détruite, ou tout au moins soumise aux intérêts de l’État nazi.
C’est cette idéologie extrême qui fut à la base des mesures adoptées d’abord pour chasser les juifs de leurs foyers, puis pour les exterminer. La Shoah fut l’œuvre d’un régime néo-païen moderne typique. Son antisémitisme puisait ses racines hors du christianisme et n’hésita pas, pour atteindre ses objectifs, à s’opposer à l’Église et à persécuter également ses membres.
Toutefois, on peut se demander si la persécution des juifs par les nazis n’a pas été facilitée par les préjugés anti-juifs enracinés dans les esprits et les cœurs de certains chrétiens. Le sentiment anti-juif parmi les chrétiens les rendit-ils moins sensibles, ou même indifférents, aux persécutions dirigées contre les juifs par le national-socialisme lorsque celui-ci arriva au pouvoir?
Toute réponse à cette question doit prendre en considération le fait que nous traitons ici de l’histoire des attitudes et des façons de penser de personnes soumises à de multiples influences. De plus, de nombreuses personnes ignoraient tout de la «solution finale» qui était en train d’être mise en place contre un peuple tout entier; d’autres avaient peur pour eux et pour leurs proches; certains tirèrent profit de la situation; d’autres encore furent poussés par l’envie. Il faudrait apporter une réponse cas par cas. Toutefois, pour ce faire, il est nécessaire de savoir avec précision ce qui motivait les personnes dans une situation particulière.
Au début, les dirigeants du IIIe Reich tentèrent d’expulser les juifs. Malheureusement, les gouvernements de certains pays occidentaux de tradition chrétienne, y compris certains en Amérique du Nord et du Sud étaient plus qu’hésitants à l’idée d’ouvrir leurs frontières aux juifs persécutés. Bien que ne pouvant pas prévoir jusqu’où iraient les intentions criminelles des chefs de la hiérarchie nazie, les dirigeants de ces nations étaient conscients des difficultés et des dangers auxquels étaient exposés les juifs vivant dans les territoires du IIIe Reich. Dans ces circonstances, la fermeture des frontières à l’émigration juive, qu’elle ait été due à l’hostilité ou à la suspicion contre les juifs, à la lâcheté politique, au manque de vision ou à l’égoïsme national, pèse lourdement sur la conscience des autorités en question.
Dans les pays où les nazis entreprirent des déportations de masse, la brutalité qui entourait ces déplacements forcés de personnes sans défense aurait dû laisser supposer le pire. Les chrétiens apportèrent-ils toute l’aide possible aux personnes persécutées, et en particulier aux juifs persécutés?
Nombreux furent ceux qui le firent, d’autres pas. Ceux qui aidèrent à sauver la vie de juifs dans la mesure de leur pouvoir, allant même jusqu’à mettre leur propre vie en danger, ne doivent pas être oubliés. Pendant et après la guerre, les communautés juives et les représentants juifs exprimèrent leurs remerciements pour tout ce qui avait été fait pour eux, y compris ce que le Pape Pie XII fit personnellement ou à travers ses représentants pour sauver des centaines de milliers de vies juives.16 De nombreux évêques, prêtres, religieux et laïcs catholiques ont été honorés pour cela par l’État d’Israël.
Quoi qu’il en soit, comme l’a reconnu le Pape Jean-Paul II, à côtés de ces hommes et femmes si courageux, la résistance spirituelle et l’action concrète d’autres chrétiens n’ont pas été celles auxquelles on aurait pu s’attendre de la part de disciples du Christ. Il est impossible de savoir combien de chrétiens dans des pays occupés ou gouvernés par les puissances nazies ou par leurs alliés étaient horrifiés par la disparition de leurs voisins juifs, mais pourtant pas assez courageux pour élever leur voix en signe de protestation. Pour les chrétiens, ce poids écrasant qui pèse sur la conscience de leurs frères et sœurs lors de la Seconde Guerre mondiale doit être un appel à la repentance.17
Nous regrettons profondément les erreurs et les fautes de ces fils et filles de l’Église. Nous faisons nôtres les paroles de la Déclaration Nostra aetate du Deuxième Concile du Vatican, qui affirme sans équivoque: «L’Église […] ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les juifs».18
Nous rappelons et reprenons ce que le Pape Jean Paul II déclara dans son discours aux représentants de la communauté juive à Strasbourg en 1988: «Je répète à nouveau avec vous la plus ferme condamnation de tout antisémitisme et de tout racisme, qui s’opposent aux principes du christianisme».19 L’Église catholique rejette donc toute persécution contre un peuple ou un groupe humain en tout lieu et en tout temps. Elle condamne fermement toute forme de génocide, ainsi que les idéologies racistes qui sont à leur origine. En reparcourant ce siècle, nous sommes profondément affligés par la violence qui s’est abattue sur des groupes entiers de personnes et de nations. Nous rappelons en particulier le massacre des Arméniens, les innombrables victimes en Ukraine dans les années 30, le génocide des gitans, qui fut également le résultat d’idées racistes, et les tragédies semblables qui ont eu lieu en Amérique, en Afrique et dans les Balkans. Nous n’oublions pas non plus les millions de victimes de l’idéologie totalitaire en Union soviétique, en Chine, au Cambodge et ailleurs. Nous ne pouvons pas non plus oublier le drame du Moyen Orient, dont on connaît bien les composantes. Au moment même où nous présentons cette réflexion, «de nombreux êtres humains sont encore victimes de leurs frères».20
V. Tournés ensemble vers un avenir commun
Considérant les relations futures entre les juifs et les chrétiens, nous appelons tout d’abord nos frères et sœurs catholiques à prendre une conscience renouvelée des racines hébraïques de leur foi. Nous leur demandons de garder à l’esprit que Jésus était un descendant de David; que la Vierge Marie et les Apôtres appartenaient au peuple juif; que l’Église tire sa substance de «la racine de cet olivier franc sur lequel ont été greffées les branches d’olivier sauvage des païens» (Rm 11, 17-24); que les juifs sont nos frères bien-aimés, et qu’ils sont même, dans un certain sens, nos «frères aînés».21
Au terme de ce millénaire, l’Église catholique désire exprimer sa profonde douleur pour les fautes commises par ses fils et filles au cours des siècles. Il s’agit d’un acte de repentance (teshuva) car, en tant que membres de l’Église, nous partageons les péchés comme les mérites de tous ses fils. L’Église regarde avec un profond respect et une grande compassion l’expérience de l’extermination, la Shoah, que le peuple juif a endurée au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas de simples mots, mais bien d’un profond engagement. «Nous risquerions de faire mourir à nouveau les victimes des morts les plus atroces si nous n’avions pas un ardent désir de justice, si nous ne nous engagions pas nous-même, chacun selon ses capacités, de manière que le mal ne l’emporte pas sur le bien, comme ce fut le cas pour des millions de fils du peuple juif […] L’humanité ne peut permettre que tout cela se reproduise».22
Nous prions pour que notre douleur face à la tragédie que le peuple juif a endurée au cours de ce siècle conduise à de nouvelles relations avec le peuple juif. Nous désirons transformer la conscience des péchés du passé en une ferme résolution en vue d’édifier un avenir nouveau dans lequel il n’existera plus de sentiment anti-juif parmi les chrétiens, ni de sentiment antichrétien parmi les juifs, mais au contraire un respect mutuel partagé, comme il convient à ceux qui adorent l’Unique Créateur et Seigneur et qui ont un Père commun dans la foi, Abraham.
Enfin, nous invitons tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à réfléchir profondément sur la signification de la Shoah. Les victimes, du fond de leurs tombes, et les survivants, à travers le témoignage poignant de ce dont ils ont souffert, sont devenus une voix retentissante, appelant l’attention de toute l’humanité. Se rappeler de cette terrible expérience, c’est devenir pleinement conscient de l’avertissement salutaire qu’elle contient: jamais plus il ne faudra permettre aux semences empoisonnées de l’anti-judaïsme et de l’antisémitisme de s’enraciner dans le cœur humain.

HOMÉLIE POUR LE 3E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « IL PROCLAMAIT L’ÉVANGILE DU ROYAUME »

24 janvier, 2020

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-3e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Il-proclamait-l-Evangile-du-Royaume_a753.html

fr Cè-Leonardo-nellaria-1024x997

Initiale « M » représentant « La vocation de Pierre et André », fragment tiré de Corale (début du XVIe siècle), British Library. L’influence de Léonard de Vinci est reconnue dans le rendu du paysage en arrière-plan, et en particulier dans les éperons rocheux bleus.

HOMÉLIE POUR LE 3E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « IL PROCLAMAIT L’ÉVANGILE DU ROYAUME »

Textes: Isaïe 49, 3.5-6, I Corinthiens1, 1-3 et Mathieu 4, 12-23.

Vous connaissez les expressions « vie cachée » et « vie publique » pour désigner les deux étapes de la vie de Jésus. On souligne ainsi non seulement le cadre extérieur de sa vie mais aussi le fait que pendant trente ans, plus ou moins, sa divinité est restée cachée. Il était un habitant de Nazareth comme les autres, le fils du charpentier Joseph. À partir du moment où Jésus quitte Nazareth et s’en vient à Capharnaüm, il est mu par une motivation profonde de faire connaître qu’il n’est pas comme les autres, qu’il peut se dire le Fils de Dieu comme l’Esprit le lui a fait connaître lors de son baptême par Jean-Baptiste.
Ce sera le cœur de sa prédication : révéler à ses contemporains et à tous ceux et celles qui viendront plus tard l’amour qu’il partage avec Dieu son Père dans l’Esprit Saint pour ses enfants qui sont ses frères et ses soeurs, « héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ ». (Romains 5, 18)

I – Capharnaüm, le rendez-vous des nations
L’évangile d’aujourd’hui nous fait connaître l’endroit où Jésus a commencé sa vie publique, Le choix qu’il fait de s’installer à Capharnaüm est des plus intéressants. Cette ville qui aujourd’hui est en ruine, mais qu’on visite avec émotion, était au temps de Jésus un carrefour de commerce et d’échanges. Elle était très cosmopolite. On l’a appelée le « rendez-vous des nations ». Outre les juifs, des romains, des syriens, des habitants de la Cisjordanie, de Sion au Liban etc. y venaient pour commercer et certains s’y établissaient. Ce qui fait que nous sommes très loin de l’atmosphère qui régnait à Nazareth, petite bourgade juive où tout le monde se connaissait et où la vie se déroulait sur un rythme marqué par les fêtes juives. Capharnaüm vivait à un rythme différent.
Jésus en est conscient. Il veut porter le message qui est en lui à toutes les nations. Il se présentera comme Celui qui est attendu par Israël, le Messie, mais déjà, dans les débuts de sa prédication, son regard se porte plus loin, aux périphéries, vers les nations païennes.
Jésus commence à Capharnaüm une vie publique sous le signe de l’ouverture, des défis de la rencontre de la diversité et de l’annonce d’un Royaume différent des autres royaumes de la terre.
Voilà pour le portrait de Jésus qui nous est donné ce matin. D’ici Pâques, les évangiles des dimanches nous en révéleront encore beaucoup plus. Pour l’instant, contentons-nous de ce portrait mais sans oublier le reste de l’évangile qui vient d’être lu.

II – Les premiers appels
À ce portrait de Jésus, s’ajoute un geste remarquable qui nous est raconté dans la seconde partie de l’évangile. Il s’agit du récit de la vocation de Pierre et André et de Jean et Jacques, fils de Zébédée, quatre pêcheurs dont il fera des « pêcheurs d’hommes ».
Ce qui est à retenir ici, au-delà de l’appel auquel ces quatre premiers apôtres répondent avec empressement, c’est le fait que Jésus décide de les associer à sa mission dès le point de départ. Jésus au lieu de se lancer dans sa prédication seul sur les chemins de la Palestine se liera avec ces premiers apôtres qui seront accompagnés par la suite d’autres apôtres pour former le groupe des Douze, et aussi de femmes et de disciples qui vont le suivre tout au cours de son ministère.
Au lieu de choisir des gens instruits et savants, Jésus arrête son choix sur des petits, des pêcheurs, plus tard sur un collecteur d’impôt, Mathieu (Marc 2, 13-17), puis sur des amis de ceux-ci, même des pécheresses comme Marie-Madeleine ou Marie de Magdala (Luc 8, 2), des laissés pour compte. Il n’avait pas devant lui des gens exceptionnels. C’était du monde bien ordinaire qui l’entourait, mais ce qui est constant chez ces personnes c’est l’attachement à Jésus. Ils ont foi en lui. « À qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ? » dira Pierre à Jésus un jour où presque tout le monde le quittait (Jean 6, 68). Ce choix de Jésus illustre déjà l’essentiel de sa mission qu’il résumera dans cette phrase : « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc 19, 10).

III – Le coaching de Jésus
Avec ses apôtres et ses disciples, que fera Jésus tout au cours de sa vie publique ? Il va les former petit à petit, en les surprenant bien souvent. Un de mes amis, jeune prêtre, a développé avec brio les méthodes de Jésus en les nommant du « coaching » et en expliquant que « coaching » vient du mot français « cocher ». Comme le cocher qui guide son attelage et le dirige dans la bonne direction, Jésus va « coacher » ses apôtres et ses disciples pendant trois ans. Il prendra le temps de les guider et de les diriger.
Nous avons beaucoup à apprendre sur ces façons de faire et c’est dans les évangiles qu’on voit le « coaching » de Jésus à l’œuvre.

Il le fait par l’enseignement qu’il donne à tous et qu’il explique en particulier aux disciples.
Il le fait par une convivialité de tous les instants.
Il le fait par des moments de feu comme lors de la Transfiguration.
Il le fait par une mort qui les décontenancera au plus point.

Toute cette démarche que les disciples vont vivre avec Jésus leur apparaîtra dans toute sa richesse après la résurrection. C’est ce qui arrive aux disciples d’Emmaüs qui, après avoir marché avec Jésus de Jérusalem à Emmaüs et l’avoir écouté leur expliquer les Écritures sans le reconnaître, voient leur yeux s’ouvrir en partageant le pain avec ce visiteur qu’il reconnaissent alors comme le Christ ressuscité (Luc 24, 13-35).

Conclusion
Recueillons aujourd’hui ces souvenirs des débuts de la vie publique de Jésus en nous laissant habiter par un désir de le suivre comme les premiers apôtres, de nous laisser « coacher » par lui. Demandons à l’Esprit Saint de renouveler notre ardeur et notre désir de témoigner de Jésus dans un monde qui a bien besoin de son message d’amour et de miséricorde.
En ce Dimanche de la Parole de Dieu que l’Esprit Saint fasse de nous des gens qui ont à coeur de porter la Parole de Dieu dans leurs familles, dans leurs milieux de travail et de loisirs et dans la société pour que le souhait du pape François la fin de sa Lettre apostolique ou Motu proprio se réalise : Que le Dimanche de la Parole de Dieu puisse faire grandir dans le peuple de Dieu la religiosité et l’assiduité familière avec les Saintes Écritures, comme l’auteur sacré l’enseignait déjà dans les temps anciens « Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique » (Deutéronome 30, 14).
Amen!

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

SEMAINE DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI 2013 – SOLENNITÉ DE LA CONVERSION DE SAINT PAUL APÔTRE

23 janvier, 2020

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2013/documents/hf_ben-xvi_hom_20130125_vespri.html

fr e la mia road_damascus-1800 - Copia

CÉLÉBRATION DES VÊPRES EN CONCLUSION DE LA SEMAINE DE PRIÈRE
POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

SOLENNITÉ DE LA CONVERSION DE SAINT PAUL APÔTRE

Basilique Saint-Paul-hors-les-murs
Vendredi 25 janvier 2013

Chers frères et sœurs!

C’est toujours une joie et une grâce particulière de se retrouver ensemble, autour de la tombe de l’apôtre Paul, pour conclure la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Je salue avec affection les cardinaux présents, en premier lieu le cardinal Harvey, archiprêtre de cette basilique, et avec lui l’abbé et la communauté des moines qui nous accueillent. Je salue le cardinal Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, ainsi que tous les collaborateurs du dicastère. J’adresse mes salutations cordiales et fraternelles à Son Eminence le métropolite Gennadios, représentant du patriarche œcuménique, au révérend chanoine Richardson, représentant personnel à Rome de l’archevêque de Canterbury, et à tous les représentants des différentes Eglises et communautés ecclésiales, réunies ici ce soir. Je suis en outre particulièrement heureux de saluer les membres de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes orientales, auxquelles je souhaite un fructueux travail pour la session plénière qui se déroule ces jours-ci à Rome, ainsi qu’aux étudiants de l’Institut œcuménique de Bossey, en visite à Rome pour approfondir leur connaissance de l’Eglise catholique, et les jeunes orthodoxes et orthodoxes orientaux qui étudient ici. Je salue enfin toutes les personnes présentes venues prier pour l’unité entre tous les disciples du Christ.
Cette célébration s’inscrit dans le cadre de l’Année de la foi, qui a débuté le 11 octobre dernier, cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. La communion dans la même foi est la base de l’œcuménisme. L’unité, en effet, est donnée par Dieu comme inséparable de la foi; saint Paul l’exprime de manière efficace: «Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tout et en tous» (Ep 4, 4-6). La profession de la foi baptismale en Dieu, Père et Créateur, qui s’est révélé dans le Fils Jésus Christ, en offrant l’Esprit qui vivifie et sanctifie, unit déjà les chrétiens. Sans la foi — qui est avant tout don de Dieu, mais aussi réponse de l’homme — tout le mouvement œcuménique se réduirait à une forme de «contrat» auquel adhérer dans un intérêt commun. Le Concile Vatican II rappelle que, pour les chrétiens, «plus étroite, en effet, sera leur communion avec le Père, le Verbe et l’Esprit Saint, plus ils pourront rendre intime et facile la fraternité mutuelle» (Décr. Unitatis redintegratio, n. 7). Les questions doctrinales qui nous divisent encore ne doivent pas être négligées ni minimisées. Il faut plutôt les affronter avec courage, dans un esprit de fraternité et de respect réciproque. Le dialogue, lorsqu’il reflète la priorité de la foi, permet de s’ouvrir à l’action de Dieu avec la ferme confiance que, seuls, nous ne pouvons pas construire l’unité, mais que c’est l’Esprit Saint qui nous guide vers la pleine communion, et fait saisir la richesse spirituelle présente dans les différentes Eglises et communautés ecclésiales.
Dans la société actuelle, il semble que le message chrétien influe toujours moins sur la vie personnelle et communautaire; et cela représente un défi pour toutes les Eglises et les communautés ecclésiales. L’unité est en elle-même un moyen privilégié, presque un présupposé pour annoncer de manière toujours plus crédible la foi à ceux qui ne connaissent pas encore le Sauveur ou qui, bien qu’ayant reçu l’annonce de l’Evangile, ont presque oublié ce don précieux. Le scandale de la division qui affaiblissait l’activité missionnaire fut l’élan qui donna naissance au mouvement œcuménique tel que nous le connaissons aujourd’hui. La communion pleine et visible entre les chrétiens doit être entendue, en effet, comme une caractéristique fondamentale pour un témoignage encore plus clair. Tandis que nous sommes en chemin vers la pleine unité, il est alors nécessaire de poursuivre une collaboration concrète entre les disciples du Christ pour la cause de la transmission de la foi au monde contemporain. Il y a aujourd’hui un grand besoin de réconciliation, de dialogue et de compréhension réciproque, dans une perspective non pas moralisante, mais précisément au nom de l’authenticité chrétienne pour une présence plus incisive dans la réalité de notre temps.
La véritable foi en Dieu est ensuite inséparable de la sainteté personnelle, comme aussi de la recherche de la justice. Au cours de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, qui se conclut aujourd’hui, le thème offert à notre méditation était: «Que nous demande le Seigneur?», inspiré par les paroles du prophète Michée, que nous avons écoutées (cf. 6, 6-8). Il a été proposé par le Student Christian Movement in India, en collaboration avec la All India Catholic University Federation et le National Council of Churches in India, qui ont également préparé les documents d’accompagnement pour la réflexion et la prière. A tous ceux qui ont collaboré, je souhaite exprimer ma vive gratitude et, avec une grande affection, j’assure de ma prière tous les chrétiens de l’Inde qui sont parfois appelés à rendre témoignage de leur foi dans des conditions difficiles. «Marcher humblement avec Dieu» (cf. Mi 6, 8) signifie avant tout marcher dans la radicalité de la foi, comme Abraham, en se fiant à Dieu, et même en reposant en Lui chacune de nos espérances et aspirations, mais cela signifie aussi marcher au-delà des barrières, au-delà de la haine, du racisme et de la discrimination sociale et religieuse qui divisent et nuisent à la société tout entière. Comme l’affirme saint Paul, les chrétiens doivent offrir les premiers un lumineux exemple dans la recherche de la réconciliation et de la communion dans le Christ, qui surmonte tout type de division. Dans la Lettre aux Galates, l’apôtre des nations affirme: «Car vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ: il n’y a ni juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus» (3, 26-28).
Notre recherche d’unité dans la vérité et dans l’amour, enfin, ne doit jamais perdre de vue la perception que l’unité des chrétiens est l’œuvre et le don de l’Esprit Saint et va bien au-delà de nos efforts. Par conséquent, l’œcuménisme spirituel, notamment la prière, est le cœur de l’engagement œcuménique (cf. Décr. Unitatis redintegratio, n. 8). Toutefois, l’œcuménisme ne portera pas de fruits durables s’il ne s’accompagne pas de gestes concrets de conversion qui éveillent les consciences et favorisent la guérison des souvenirs et des relations. Comme l’affirme le décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II : «Il n’y a pas de véritable œcuménisme sans conversion intérieure» (n. 7). Une authentique conversion, comme celle suggérée par le prophète Michée et dont l’apôtre Paul est un exemple significatif, nous portera plus près de Dieu, au centre de notre vie, de façon à nous rapprocher davantage aussi les uns des autres. C’est là un élément fondamental de notre engagement œcuménique. Le renouveau de la vie intérieure de notre cœur et de notre esprit, qui se reflète dans la vie quotidienne, est crucial dans tout dialogue et parcours de réconciliation, en faisant de l’œcuménisme un engage- ment réciproque de compréhension, de respect et d’amour, «afin que le monde croie» (Jn 17, 21).
Chers frères et sœurs, invoquons avec confiance la Vierge Marie, modèle inégalable d’évangélisation, afin que l’Eglise «à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Const. Lumen gentium, n. 1), annonce avec franchise, à notre époque aussi, le Christ Sauveur. Amen.

 

RATZINGER ET JUDAÏSME – ENTRE CONFRONTATION AUTHENTIQUE ET RENFORCEMENT DE LIENS TRÈS PROFONDS

21 janvier, 2020

http://w2.vatican.va/content/osservatore-romano/it/editorials/documents/08a_05_2009.html

fr giornata_della_memoria_pistoia disegni dei bambini ebrei internati di Theresienstadt - Copia

Dessin d’enfants internés dans des camps de concentration

RATZINGER ET JUDAÏSME – ENTRE CONFRONTATION AUTHENTIQUE ET RENFORCEMENT DE LIENS TRÈS PROFONDS

(traduction google)

A l’occasion du début du voyage de Benoît XVI en Terre Sainte, nous publions le texte de l’article rédigé par notre directeur pour le numéro sortant du magazine « Vita e Pensiero ».

Le voyage de Benoît XVI en Terre Sainte étant imminent, il faut reconnaître que l’événement de la levée de l’excommunication des évêques lefebvriens a également eu des effets positifs. Au-delà de toute autre considération possible, en fait, la tempête médiatique qui a éclaté a été l’occasion de clarifier davantage le nœud historique constitué par la relation avec le judaïsme. En général par le christianisme, mais plus particulièrement par l’Église catholique et, en particulier, par Benoît XVI, également à un niveau personnel. Précisément sur ce point, le pape a réagi, avec des accents d’étonnement presque incrédule, dans la lettre aux évêques catholiques du 10 mars 2009, qui restera parmi les plus hauts documents de son pontificat.
Toujours habitué à des discussions même difficiles, et pourtant surpris des réactions croissantes et de leur tour, à la fois inattendues et incroyables, Ratzinger ne s’est pas gardé d’un jugement très sévère sur le renversement auquel a été soumise la révocation de l’excommunication des évêques lefebvriens , dont l’un est devenu mondialement connu pour ses déclarations de déni de l’Holocauste. Celles-ci n’étaient en réalité pas inconnues, comme d’autres condamnations, cette fois anti-américaines, du même caractère sur les responsabilités de l’attentat du 11 septembre 2001, partagées par des extrémistes de signe opposé et peut-être pour cette raison jugées moins scandaleuses. Diffusées avec un timing quelque peu suspect, cependant, les déclarations négationnistes n’ont pas été signalées au Pape. Le jour de la publication de la disposition – un geste, rétrospectivement, conforme à Vatican II et rendu en fait coïncidant précisément avec le cinquantième de son annonce pour tenter une fois de plus de guérir le schisme anticonciliaire – avec une réaction immédiate et sans équivoque « L’Osservatore Romano » a jugé inacceptables à la fois les déclarations négationnistes et les attitudes hostiles au judaïsme de divers exposants traditionalistes. Dans le même sens, les interventions importantes suivantes de Benoît XVI ont été sans équivoque et claires, également par l’intermédiaire de son Secrétariat d’État. Jusqu’à la lettre aux évêques catholiques, un texte écrit pour contribuer à la paix dans l’Église et vraiment sans précédent,
Le geste de miséricorde envers les Lefebvriens s’est ainsi transformé – a souligné l’évêque de Rome – « en son contraire: un retour en arrière apparent par rapport à toutes les démarches de réconciliation entre chrétiens et juifs faites depuis le Concile – démarches dont le partage et la promotion depuis le début avait été un objectif de mon travail théologique personnel.  » En résumé, l’affirmation de Ratzinger est une véritable revendication, aux tons calmes mais fermes, de tout son itinéraire spirituel, intellectuel et théologique, aussi clair que cohérent. Qui dès ses premiers pas est enraciné dans la tradition chrétienne et catholique, et précisément pour cette raison, il ne peut ignorer les racines juives.
Il n’est certainement pas possible de reconstituer ici la vision du théologien Ratzinger – disséminée dans les nombreux écrits – sur la relation de l’Église avec le judaïsme, et il conviendra donc de ne reprendre que les principaux points résumés par le cardinal-préfet de l’époque de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi quelques années auparavant. de son élection au pontificat. Les déclarations du futur pape dans les entretiens avec le journaliste allemand Peter Seewald, qui ont fait l’objet des deux livres Salz der Erde (« Le sel de la terre », 1996) et Gott und die Welt(« Dieu et le monde », 2000). Selon Ratzinger, la relation avec le judaïsme doit certainement être vécue et pensée d’une manière nouvelle, même si cela conduira à une prise de conscience encore plus grande des différences; celles-ci, cependant, doivent être prises dans le respect mutuel et en tenant toujours compte des affinités intérieures.
Les Saintes Écritures et la figure de Jésus sont naturellement un héritage commun, et donc controversé, entre chrétiens et juifs. Contexte toujours présent dans l’histoire (chrétienne et juive), ces deux thèmes d’une importance capitale inextricablement liés l’un à l’autre ont été repris par Ratzinger ces dernières années: en 2001 dans la brève introduction au document de la commission biblique pontificale sur le peuple juif et son sacré Écritures dans la Bible chrétienne; puis, à partir de 2003, dans le Jésus de Nazareth , dont la première partie a été complétée et publiée par l’auteur alors qu’il était devenu Benoît XVI pendant près de deux ans, tandis que dans la deuxième partie le Pape travaille dans « tous les moments libres » , comme il l’a lui-même avoué.
À la question juive aux chrétiens sur ce qui a amené leur messie dans le monde qui est resté pendant près de vingt siècles sans paix, dans le Jésus de Nazareth- là où le renforcement de la tradition juive est pertinent, du judaïsme hellénistique aux textes de Qumran et jusqu’à Martin Buber – il est possible de lire une réponse qui, même d’un point de vue uniquement historique est indéniable: « Il a amené le Dieu d’Israël aux peuples ainsi que tous les peuples le prient maintenant et dans les Écritures d’Israël reconnaissent sa parole, la parole du Dieu vivant. Il a donné l’universalité, qui est la grande et qualificative promesse pour Israël et pour le monde « , donnant ainsi » Le messianique promet une explication, qui a son fondement dans Moïse et les prophètes, mais qui leur donne également une ouverture complètement nouvelle « (p. 144). Les différences ne sont donc pas surmontées, comme le souligne Benoît XVI lui-même dans le dialogue avec le rabbin Jacob Neusner, mais bien sûr la comparaison peut et doit continuer. Aborder des questions cruciales pour le christianisme, mais peut-être importantes pour le judaïsme lui-même, telles que l’évaluation et l’interprétation des Écritures hébraïques. À partir du judaïsme hellénistique et de sa relation avec la culture grecque – sur des questions telles que la lecture allégorique, la critique philologique et la stabilisation du canon des textes sacrés – jusqu’au problème posé par l’hérétique Marcion, qui dans la première moitié du ii siècle exprime le rejet le plus radical du judaïsme et de ses Écritures, et la position d’Adolf von Harnack, qui, par hasard, ne l’a pas étudié en profondeur dans sa monographie classique, parue dans la première édition en 1920, véritable lieu obligatoire pour le développement du pas seulement la théologie protestante. Et ce ne sont pas seulement des thèmes pour les universitaires ou les spécialistes,
Sur les relations entre chrétiens et juifs – caractérisées par une longue histoire de proximité, de contiguïté, de contrastes, de harcèlement – puis l’ombre sombre et effrayante de la Shoah, née de l’idéologie criminelle, païenne et même explicitement antichrétienne, du national-socialisme et de ses partisans, qui étaient les seuls responsables de la persécution et de l’extermination des Juifs européens, mais dans les pays de tradition chrétienne où il y avait des raisons de l’anti-judaïsme religieux vieux de plusieurs siècles. Et précisément la tragédie de la Shoah a imposé une refonte radicale de la relation entre le christianisme et le judaïsme. Dans un premier temps dans la sphère protestante allemande, où la résistance au totalitarisme hitlérien avait été moindre et où donc cette repensée était plus urgente, et donc par l’Église catholique,
La décision de nouer de nouvelles relations avec les Juifs, développée dans la première moitié du XXe siècle, doit beaucoup aux gestes du cœur de Jean XXIII, aux décisions (généralement inconnues) de Paul VI et surtout au pontificat de Jean-Paul II, qui dans ce sens a pris des mesures décisives, dictées par une passion extraordinaire. Cette ligne a été confirmée par Benoît XVI – qui était le plus proche conseiller de Wojtyla – depuis le début du pontificat, déjà lors de l’homélie de la messe inaugurale, il a salué les « frères du peuple juif, auxquels nous sommes liés par un grand patrimoine esprit commun, qui a ses racines dans les promesses irrévocables de Dieu « . Et dans la lettre aux évêques catholiques, la référence, parmi les priorités du pontificat, à la nécessité de  » de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir l’accès de l’homme à Dieu. Pas à n’importe quel dieu, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour poussé jusqu’au bout (cf.Jean , 13, 1) – en Jésus-Christ crucifié et ressuscité « .
Au cours de ces quatre premières années de pontificat, la confrontation authentique et le renforcement des liens avec les Juifs ont été maintes et maintes fois confirmés et recherchés par le Pape, lors des différentes rencontres avec des personnalités et des représentants du judaïsme, et plus encore dans de nombreuses interventions: suffire par exemple remonter au petit corpus de discours lors du voyage en France, où la relation avec le judaïsme est l’un des fils conducteurs, ou à la nouveauté constituée par la première intervention d’un juif lors de l’assemblée synodale sur la Parole de Dieu. Il y a certainement des difficultés et des obstacles, non rarement placés entre ceux qui sont hostiles à cette approche. Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises à propos de Pie XII, sur qui se stabilise un nouveau consensus historiographique plus équanime, qui non seulement a démoli le « 

gmv

(© L’Osservatore Romano 08/05/2009)

PAPE FRANÇOIS – Tout l’Evangile dans un passage – 8 octobre 2018

20 janvier, 2020

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2018/documents/papa-francesco-cotidie_20181008_tout-evangile-dans-un-passage.html

???????????????????????????????

Début de l’évangile de Luc

PAPE FRANÇOIS – Tout l’Evangile dans un passage – 8 octobre 2018

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE

(L’Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n°043 du 25 octobre 2018)

C’est avec l’invitation à ne pas être des «fonctionnaires» — ceux qui passent toujours leur chemin en disant «cela ne me concerne pas» — mais «de vrais chrétiens, prêts à se salir les mains et ouverts aux surprises», que le Pape a reproposé l’essence de la parabole du bon samaritain. Car «là est contenu tout l’Evangile», a-t-il expliqué, en rappelant que «chacun de nous est l’homme blessé», alors que «le samaritain est Jésus» qui «a pris soin de nous, qui a payé pour nous et a dit à son Eglise: “S’il y a besoin de plus, paye toi-même, et à mon retour, je payerai”».
En faisant référence au passage évangélique de Luc (10, 25-37), François a immédiatement fait remarquer que «le docteur de la loi voulait mettre Jésus à l’épreuve et lui a tendu un piège». Mais «Jésus a réaffirmé la loi: “Tu aimeras ton Dieu et ton prochain comme toi-même”». Celui qui ne passa pas son chemin devant le samaritain blessé est «un samaritain, qui était en voyage: “en passant à côté de lui, il le vit et en eut compassion”». Peut-être «a-t-il pensé: “Pauvre malheureux, peut-être mourra-t-il d’une hémorragie”». Mais un samaritain, «était un pécheur, excommunié du peuple d’Israël». Pourtant, c’est précisément «le plus pécheur qui “eut compassion”». Peut-être, «était-ce un commerçant qui était en voyage pour ses affaires, et il ne regarda pas l’heure, il ne pensa pas au sang». Mais, comme on le lit dans l’Evangile, «il s’approcha de lui — il descendit de l’âne — il pansa ses blessures, en y versant de l’huile et du vin». Concrètement, «il se salit les mains, il se salit les vêtements» et, poursuit le passage évangélique, «il le chargea ensuite sur sa monture et le porta dans une auberge». Il était «tout taché de sang», mais c’est précisément dans ces conditions que le samaritain prit soin du blessé.
Le samaritain «n’était pas un fonctionnaire, c’était un homme avec un cœur, un homme avec le cœur ouvert». On lit dans l’Evangile de Luc: «Le jour suivant, il prit deux deniers et les donna à l’aubergiste, en disant: “Prends soin de lui; ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai à mon retour”».
Probablement, à cette occasion, «l’aubergiste eut un doute: “Quand ces deux derniers seront finis, qu’est-ce que je ferai?”». Mais le samaritain «a payé deux deniers» et l’aubergiste à dû penser que, une fois fini les deux deniers, il aurait payé de sa poche en attendant qu’il revienne. C’est «le doute de quelqu’un qui vit un témoignage, de quelqu’un d’ouvert aux surprises de Dieu, comme ce samaritain qui jamais n’aurait imaginé que sur la route il aurait trouvé une personne de ce genre. Mais il était ouvert aux surprises».
«Tous les deux n’étaient pas des fonctionnaires» a insisté le Pape: «“Tu es chrétien? Tu es chrétienne?” — “Oui, oui, oui, je vais à la Messe le dimanche et je cherche à faire ce qui est juste”». «“Mais es-tu ouvert, es-tu ouverte aux surprises de Dieu ou es-tu un fonctionnaire, fermé?”».
«Les chrétiens fonctionnaires sont ceux qui ne sont pas ouverts aux surprises de Dieu, ceux qui savent beaucoup de choses sur Dieu, mais qui ne rencontrent pas Dieu. Ceux qui ne sont jamais émerveillés par un témoignage. Qui sont même incapables de rendre témoignage».
Donc, «telle est la question: suis-je ouvert ou suis-je un fonctionnaire enfermé dans mes principes?». Et c’est «une belle question à nous poser aujourd’hui, nous tous. Nous tous, laïcs et pasteurs. Tous».
«Mais il y autre chose que l’on peut peut-être expliquer plus avant, en d’autres occasions: certains théologiens d’autrefois disaient que dans ce passage est contenu tout l’Evangile. Chacun de nous est l’homme qui est là, blessé, et le samaritain est Jésus. Et il a guéri nos blessures. Il s’est approché. Il a pris soin de nous. Il a payé pour nous. Et il a dit à son Eglise: “Mais s’il y a besoin de plus, paye toi-même, et à mon retour, je payerai”». Il est donc important de bien y penser, parce que «dans ce passage, il y a tout l’Evangile».

 

HOMÉLIE POUR LE 2E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « UN TOURNANT DANS LA VIE D’UN JEUNE JUIF FERVENT »

17 janvier, 2020

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-2e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-A-Un-tournant-dans-la-vie-d-un-jeune-juif-fervent_a751.html

fr en battesimo-di-gesù-1024x682 - Copia

HOMÉLIE POUR LE 2E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE (ANNÉE A) : « UN TOURNANT DANS LA VIE D’UN JEUNE JUIF FERVENT »

Textes: Isaïe 49, 3.5-6, I Corinthiens1, 1-3 et Jean 1, 29-34.

L’évangile de saint Jean ne raconte rien de la vie de Jésus avant sa rencontre avec son cousin Jean-Baptiste sur les bords du Jourdain. Ce qui nous est présenté aujourd’hui au début du récit de la vie et de la prédication de Jésus, c’est le moment où la vie de Jésus a pris un tournant qui sera sans retour en arrière et qui le mènera jusqu’à la Passion où il mourra sur la croix pour ressusciter trois jours plus tard.
Regardons d’un peu plus près ce qu’a été ce tournant fondamental dans la vie de Jésus

I – Un jeune juif comme les autres
Nous savons par les autres évangélistes, notamment, saint Luc, que Jésus a été élevé à Nazareth auprès de son père, Joseph, et de sa mère, Marie et avec la nombreuse parenté dont parlent les évangiles en plusieurs endroits.. C’est là, qu’après son adolescence dont saint Luc raconte un épisode, celui de la disparition et du recouvrement de Jésus au Temple de Jérusalem lors d’un pèlerinage (Luc 2, 41-50), il a grandi « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Luc 2, 52).
Il semblerait qu’il soit demeuré avec ses parents comme un bon enfant juif. Il exerçait le même métier que son père Joseph : le métier de charpentier (Marc 6, 3 et Mathieu 13, 55).
Qu’est-ce qui va l’amener à quitter Nazareth pour venir se faire baptiser par Jean-Baptiste? On peut penser qu’il s’agit d’une décision mûrement réfléchie. Jésus est vraisemblablement dans la trentaine. Ses perceptions de la religion juive qu’il connaît bien et qu’il pratique avec ferveur lui indiquent une voie qui le rejoint et qui éveille ce qui est déjà en lui par la main de Dieu. Il se sent destiné à autre chose qu’au métier de charpentier.
C’est pourquoi, on peut penser qu’après une bonne réflexion et un bon discernement, il décide, en ces jours où il entend parler de son cousin qui prêche sur les bords du Jourdain, de prendre son courage à deux mains, pourrait-on dire, et de se lancer sans filet de secours, de s’engager dans un tournant où il accepte d’avance de ne revenir en arrière pour aucune raison.
Nous avons donc devant nous un homme mûr, dans la trentaine, qui décide par lui-même de se manifester comme serviteur de Dieu. Il est enflammé par le désir de consacrer sa vie au service du Dieu de l’Alliance avec Abraham, du Dieu de son peuple, du Dieu qui remplit sa vie depuis toujours. Il le fait de son plein gré. C’est une décision humaine généreuse comme chez bien d’autres personnes avant lui.
Ce qui est différent ce sont les résultats immédiats de cette décision que l’évangile nous présente.

II – La manifestation de l’Esprit en Jésus
Réécoutons le témoignage de Jean-Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu … si je suis venu baptiser dans l’eau c’est pour qu’il soit manifesté à Israël… J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et il demeura sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit ‘ Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint. Moi, j’ai vu et je rends témoignage que c’est lui le Fils de Dieu ».
« C’est lui le Fils de Dieu ». Le jeune juif de Nazareth, venu humblement se consacrer à Dieu, entend cette révélation extraordinaire. Il ne peut qu’en être bouleversé au plus haut point. Le tournant qui l’a amené sur les bords du Jourdain prend une direction qui lui donne un éclairage nouveau sur ce qu’il est et ce que Dieu attend de Lui. Ces mots résonnent pour lui comme quelque chose qu’il sentait en lui depuis longtemps. Ils sont une confirmation de ce qu’il vit dans son être profond.
Il ne s’agit plus d’un tournant comme un changement de carrière, il s’agit ici d’un tournant qui touche l’être même de la personne. Vous avez peut-être déjà vécu des situations un peu semblables. Par exemple, vous vous rapprochez d’une personne ou vous fréquentez un groupe, vous vous y engagez et hop ! vous avez la vocation, vous avez le feu sacré, vous êtes dans votre élément, vous êtes comblés. C’est un exemple, mais qui est encore bien loin de ce que Jésus vit sur les bords du Jourdain. Il n’est pas seulement comblé. Son être est profondément touché. Il l’est au point où il sera pour toujours consacré à faire la volonté de son Père et à la manifester à ses contemporains et au monde entier par ses disciples après la Pentecôte.
Comme le dit Jean-Baptiste, c’est lui le Fils de Dieu et nul ne pourra connaître le Père si ce n’est par lui (Jean 10, 30). En ce moment, tout est là, mais c’est au cours des années à venir que cette réalité se laissera mieux découvrir par Jésus et qu’elle le mènera sur les chemins de la Palestine pour annoncer l’amour de Dieu, son Père, pour l’humanité tout entière. Comme l’annonce le prophète Isaïe dans la première lecture en mettant les paroles suivantes dans la bouche du Seigneur : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ».

III- Application
Après avoir médité sur la venue de Dieu à la crèche de Bethléem dans un enfant nouveau-né, nous sommes maintenant invités à regarder non plus un enfant, mais un homme adulte qui se lance dans un chemin inédit et qui décide d’aller jusqu’au bout sur ce chemin.
Le jeune juif de Nazareth s’est transformé en un homme qui se sent investi par l’Esprit d’une mission à nulle autre pareille : révéler au monde l’amour d’un Dieu Père qui amènera à leur achèvement les promesses de l’Alliance faite avec Abraham, Isaac et Jacob, avec le peuple d’Israël.
Son message risque de créer des peurs ou des oppositions. C’est ce qui se passera au cours des années de la vie publique et de la prédication de Jésus, comme nous le verrons dans les dimanches qui viennent, avant de culminer dans le drame de la Passion où l’Agneau sera immolé.
Nous sommes invités ce matin à fixer nos yeux sur Jésus, à le regarder avec attention dans ses gestes d’homme qui nous révèlent les attentes de Dieu sur lui et sur ceux et celles qui voudront bien le suivre.
L’appel à le suivre retentit encore de nos jours. Sommes-nous prêts nous aussi à prendre les tournants que Dieu nous prépare? Ils peuvent être de toutes sortes : réconciliation, pardon, acceptation d’une maladie, d’une diminution, de la mort, de l’incompréhension, de la venue d’un enfant, du départ de ses parents pour une résidence de personnes âgées etc.

Conclusion
Que le Corps et le Sang du Christ partagés en communauté nous rendent de plus en plus ouverts aux tournants que la vie nous amène. Soyons assurés que dans nos décisions de prendre les tournants qui se présentent dans nos vies, l’Esprit de Jésus sera toujours là et que notre abandon permettra à Dieu de transformer ce qui doit l’être et de faire grandir en nous celui ou celle qu’il a aimé de toute éternité, car, comme le dit si bien le prophète Isaïe dans la première lecture, c’est Lui qui nous a façonné de toute éternité .
Amen!

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – … un navire qui conduit Paul prisonnier de Césarée vers Rome (cf. Ac 27, 1–28,16)

15 janvier, 2020

http://www.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2020/documents/papa-francesco_20200108_udienza-generale.html

yyy-640x381

Saint Paul a Malta

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – … un navire qui conduit Paul prisonnier de Césarée vers Rome (cf. Ac 27, 1–28,16)

Salle Paul VI
Mercredi 8 janvier 2020

Chers frères et sœurs, bonjour!

Le livre des Actes des apôtres, dans la partie finale, raconte que l’Evangile poursuit sa course non seulement sur la terre mais aussi sur la mer, sur un navire qui conduit Paul prisonnier de Césarée vers Rome (cf. Ac 27, 1–28,16), au cœur de l’empire, pour que se réalise la parole du Ressuscité: «Vous serez alors mes témoins […] jusqu’aux extrémités de la terre» (Ac 1, 8). Lisez le livre des Actes des apôtres et vous verrez que l’Evangile, avec la force de l’Esprit Saint, arrive à tous les peuples, devient universel. Prenez-le. Lisez-le.
La navigation se heurte dès le début à des conditions défavorables. Le voyage devient dangereux. Paul conseille de ne pas poursuivre la navigation, mais le centurion ne l’écoute pas et se fie au timonier et à l’armateur. Le voyage continue et un vent tellement furieux se déchaîne que l’équipage perd le contrôle et laisse le navire aller à la dérive.
Quand la mort semble désormais proche et que le désespoir envahit tout le monde, Paul intervient et rassure ses compagnons, en disant ce que nous avons entendu: «Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers, et il m’a dit: “Sois sans crainte, Paul. Il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi”» (Ac 27, 23-24). Même dans l’épreuve, Paul ne cesse d’être le gardien de la vie des autres et l’animateur de leur espérance.
Luc nous montre ainsi que le dessein qui guide Paul vers Rome sauve non seulement l’apôtre, mais également ses compagnons de voyage et le naufrage, de situation de malheur, se transforme en opportunité providentielle pour l’annonce de l’Evangile.
Le naufrage est suivi par l’abordage sur l’île de Malte, dont les habitants font preuve d’un accueil plein d’attentions. Les Maltais sont de braves personnes, ils sont doux, ils sont accueillants déjà depuis cette époque. Il pleut et il fait froid et ils allument un feu pour garantir aux naufragés un peu de chaleur et de réconfort. Ici aussi, Paul, en vrai disciple du Christ, propose son service pour nourrir le feu avec quelques branches. Au cours de cette action, il est mordu par une vipère, mais cela n’aura pas de conséquence: les gens, en voyant cela, disent: «Mais cet homme doit être un grand malfaiteur, car il se sauve d’un naufrage et il finit mordu par une vipère!». Ils attendaient le moment où il serait tombé mort, mais il ne subit aucune conséquence et on le prend même — au lieu d’un malfaiteur — pour une divinité. En réalité, ce bienfait vient du Seigneur ressuscité qui l’assiste, selon la promesse faite avant de monter au ciel et adressée aux croyants: «Ils saisiront des serpents, et s’ils boivent quelque poison mortel, il ne leur fera pas de mal; ils imposeront les mains aux infirmes et ceux-ci seront guéris» (Mc 16, 18). L’histoire dit que, depuis ce moment, il n’y a pas de vipères à Malte: c’est la bénédiction de Dieu pour l’accueil de ce peuple si bon.
En effet, le séjour à Malte devient pour Paul l’occasion propice pour donner «chair» à la parole qu’il annonce et exercer ainsi un ministère de compassion dans la guérison des malades. Et c’est une loi de l’Evangile: quand un croyant fait l’expérience du salut, il ne la garde pas pour lui, mais il la met en circulation. «Le bien tend toujours à se communiquer. Chaque expérience authentique de vérité et de beauté cherche par elle-même son expansion, et chaque personne qui vit une profonde libération acquiert une plus grande sensibilité devant les besoins des autres» (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 9). Un chrétien «éprouvé» peut certainement être plus proche de quelqu’un qui souffre, parce qu’il sait ce qu’est la souffrance et ouvre son cœur et le rend sensible à la solidarité envers les autres.
Paul nous enseigne à vivre les épreuves en nous serrant autour du Christ, pour mûrir la «conviction que Dieu peut agir en toutes circonstances, même au milieu des échecs apparents» et la «certitude que celui qui se donne et s’en remet à Dieu par amour sera certainement fécond» (ibid., n. 279). L’amour est toujours fécond, l’amour pour Dieu est toujours fécond, et si tu te laisses saisir par le Seigneur et que tu reçois les dons du Seigneur, cela te permettra de les donner aux autres. L’amour pour Dieu va toujours au-delà.
Demandons aujourd’hui au Seigneur de nous aider à vivre chaque épreuve en étant soutenus par l’énergie de la foi; et à être sensibles aux nombreux naufragés de l’histoire qui abordent épuisés sur nos côtes, pour que nous aussi nous sachions les accueillir avec cet amour fraternel qui vient de la rencontre avec Jésus. C’est cela qui sauve du gel de l’indifférence et de l’inhumanité.
Je salue cordialement les pèlerins de langue française et souhaite, à chacun et à chacune, une année riche en grâces du Seigneur. En particulier, demandons à Dieu de nous aider à vivre nos épreuves dans la foi. Et soyons sensibles aux souffrances de ceux qui viennent à notre rencontre sachant les accueillir de cet amour qui procède de notre rencontre avec Jésus. Que Dieu vous bénisse.

* * *

Parmi vous se trouve un groupe venant d’Australie: je voudrais demander à tous de prier le Seigneur pour qu’il aide la population en ce moment difficile, avec ces incendies si puissants. Je suis proche du peuple de l’Australie.

 

HOMÉLIE POUR LE BAPTÊME DU SEIGNEUR ANNÉE A  » VOICI QUE LES CIEUX S’OUVRIRENT « 

11 janvier, 2020

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-Bapteme-du-Seigneur-Annee-A-Voici-que-les-cieux-s-ouvrirent_a932.html

fr si

HOMÉLIE POUR LE BAPTÊME DU SEIGNEUR ANNÉE A  » VOICI QUE LES CIEUX S’OUVRIRENT « 

Textes: Isaïe 42, 1-4.6-7, Actes 10, 34-38 et Mathieu 3, 13-17.

Le récit du baptême de Jésus par saint Mathieu est un récit qui nous raconte une expérience très personnelle de Jésus. Celle-ci marque un moment important dans sa vie. Le récit de saint Mathieu est très différent de celui de saint Marc (1, 9-11) ou de saint Luc (3,21-22) qui eux font de cet événement une sorte de théophanie, une manifestation éclatante de la puissance de Dieu qui accrédite publiquement son Envoyé.

I – La perspective de saint Mathieu
Saint Mathieu, sans mettre de côté l’aspect inaugural du ministère de Jésus puisqu’il situe le Baptême de Jésus au tout début de son évangile, va nous faire entrer, cependant, dans l’expérience intérieure de Jésus à ce moment-là. Et on le comprend, car pour Jésus ce moment était attendu et, en même temps, redouté parce qu’il marquait un changement radical dans sa vie.
Pour nous faire une petite idée de ce que Jésus vit à ce moment-là, prenons quelques comparaisons bien imparfaites, mais assez évocatrices. Pensez à des moments de changements importants que vous avez vécus comme, par exemple, la naissance de votre premier enfant, la rencontre de votre âme sœur, la décision d’aller étudier en Europe ou de partir collaborer à un organisme d’aide international comme médecins ou avocats sans frontières, votre premier emploi, votre entrée en retraite etc.
Ce sont des comparaisons, mais elles nous mettent sur la bonne voie pour méditer cette scène du Baptême de Jésus telle que racontée par saint Mathieu.

II – Les effets de ce moment privilégié pour Jésus
En effet, saint Mathieu raconte la scène comme un souvenir que les disciples ont conservé. Ceux-xi ont décrit cette scène dans la lumière de la résurrection de Jésus qui illumine leur foi depuis la Pentecôte où ils ont compris le sens de sa vie et de son message. Dans notre scène, Jean-Baptiste passe au second plan. Il n’agit pas comme le Précurseur qui annonce la venue du Messie. Il agit plutôt comme un témoin qui respecte scrupuleusement la démarche de celui qui lui demande de le baptiser. C’est Jésus qui est au centre de la scène et non pas Jean-Baptiste.
Saint Mathieu à l’école des premiers disciples a retenu deux enseignements de ce baptême.
Le premier est exprimé par la vision des cieux ouverts et de l’Esprit qui descend sur Jésus : « Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui ». Jésus, à ce moment-là, apparaît comme celui qui porte en lui une puissance nouvelle qui dépasse les confins habituels de nos relations et de nos lieux d’appartenance pour entrer dans le monde autre où se tient Celui qui est le créateur et le maître de tout.
À cette vision des cieux ouverts et de la colombe qui représente l’Esprit, saint Mathieu ajoute une parole qui donne le sens de cet événement fondamental dans la vie de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie ». Le Baptême de Jésus touche tout son être. Saint Mathieu nous montre ici que le fils de Marie et de Joseph réalise, dans ce moment d’intense émotion et de profond abandon à Dieu, que Dieu et lui sont un et qu’il peut et se doit de l’appeler son Père, ce qu’il fera dans toute sa prédication par la suite, car il est vraiment et réellement le Fils bien-aimé.

III – Application
Nous pouvons aujourd’hui nous laisser, nous aussi, habiter par cette présence de Dieu comme l’a fait Jésus. Comme Lui nous avons reçu le Baptême. Ce fut pour la plupart au moment de notre jeunesse ou de notre enfance. C’était une beau geste et une célébration liturgique, d’abord et avant tout, où se manifestait une présence et une grâce du Christ toute particulière nous faisant enfants de Dieu. En effet par le baptême nous sommes devenus, et nous le sommes toujours, de véritables enfants de Dieu (cf. I Jean 3, 1). Nous sommes entrés dans l’Église et nous avons été admis dans sa famille, pourrait-on dire.
Il reste qu’il y a un problème pour nous…presque toutes et tous. Ce baptême nous l’avons reçu alors que nous étions peu ou pas conscients des conséquences. Ce sont nos parents et nos parrains et marraines qui nous ont porté sur les fonds baptismaux. Il est bon de se rappeler cela et de se souvenir même de la date de notre baptême comme le suggère le pape François. Pourquoi ? Parce que cela nous donne l’occasion d’entrer maintenant – si ce n’est déjà fait – nous aussi dans la démarche de Jésus et de laisser l’Esprit nous prendre et nous rendre témoins pour la mission qui est la nôtre. Cette mission a toutes les variétés possibles. Elle n’est pas à sens unique et n’est pas limitée. L’Esprit souffle où il veut comme le dit saint Jean (cf. Jean 3, 8).
Nous sommes au début d’une nouvelle année, c’est le temps de laisser notre cœur et notre esprit préciser ce qui sera l’objet de nos efforts spéciaux. Pour ce faire il est bon de se concentrer dans la prière et dans la méditation personnelle comme Jésus l’a fait en allant vers Jean-Baptiste pour être baptisé.

Conclusion
À chaque Eucharistie, nous sommes invités à célébrer dans le signe du Pain et du Vin consacrés la venue de Jésus, le Fils bien-aimé, qui s’est donné pour nous et qui a fait de nous ses frères et ses sœurs.
Nous sommes dans une grand famille, celle du Corps du Christ, qui dépasse les horizons géographiques et sociaux. Ce matin, en ce jour du Baptême de Jésus, entrons comme Lui dans cette mission d’annoncer la Bonne Nouvelle au monde entier selon notre vocation et selon les inspirations que l’Esprit – qui est descendu sur nous au baptême – mettra dans notre coeur.
Que la grâce de Dieu nous soit en aide !

Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

12