HOMÉLIE POUR LE 32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « IL N’EST PAS LE DIEU DES MORTS, MAIS DES VIVANTS »
HOMÉLIE POUR LE 32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « IL N’EST PAS LE DIEU DES MORTS, MAIS DES VIVANTS »
Textes : 2 Macchabées (Martyrs d’Israël) 7, 1-2.9-14), II Thessaloniciens 2, 16 – 3, 5 et Luc 20, 27.34-38.
La lecture de ce texte de l’évangile de saint Luc m’a rappelé mes conversations du dimanche avec ma mère décédée à 95 ans quelques années après mon père avec qui elle avait vécu un grand amour. Elle me demandait souvent : « Est-ce que je vais pouvoir le revoir quand je vais mourir ? Comment il va être ? Est-ce que je vais le reconnaître ? »
Autant de questions qu’elle n’est pas la seule à s’être posées. Elles sont derrière la situation évoquée par les Sadducéens pour embêter Jésus.
I – La question des Sadducéens
La situation présentée à Jésus par les Sadducéens où une épouse a eu plusieurs maris n’est pas incongrue même si le nombre de sept est hors norme et leurs morts subites aussi. On comprend qu’il s’agit d’un cas hypothétique soumis à Jésus pour le piéger.
En effet, il faut savoir que les Sadducéens, un groupe de notables juifs, ne croyaient pas à la résurrection des morts et à la vie éternelle. Leurs adversaires, les Pharisiens, eux y croyaient en s’appuyant sur des textes comme ceux de la première lecture qui, en racontant la mort des sept frères arrêtés avec leur mère, dévoile cette foi que chacun proclame à sa façon. En effet le quatrième frère sur le point d’expirer déclare : « Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle… Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu ».
Les Sadducéens veulent montrer que cette croyance est absurde. C’est le but de leur histoire qui se veut une illustration parfaite de cette absurdité. « Cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » demandent-ils à Jésus. Ils transposent dans la vie éternelle, sans adaptation aucune, la vie d’ici-bas.On voit bien que la question posée comme cela ne peut recevoir de réponse satisfaisante. Il faut donc conclure que la résurrection des morts et la vie éternelle n’existent pas. Il faut se concentrer sur la vie d’ici-bas où le temps passe et…les maris aussi. Les liens disparaissent avec la mort qui les emporte. Pas de vie éternelle, encore moins de résurrection des morts.
II – La réponse de Jésus
Cette histoire présentée par les Sadducéens nous vaut une réponse de Jésus qui a alimenté la foi des premiers chrétiens et qui est encore inspirante pour nous aujourd’hui.
En effet, saint Luc met dans la bouche de Jésus une réponse qui exprime bien l’essentiel de la foi chrétienne : « Ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection ».
« Enfants de la résurrection ». Cette réponse est toute entière illuminée par la lumière de la résurrection de Jésus. Au moment où saint Luc écrit son évangile, entre 70 et 85 après Jésus-Christ très probablement, les premières communautés chrétiennes existent un peu partout et elles vivent dans la foi en Jésus ressuscité, toujours vivant que les premiers témoins ont rencontré après le Vendredi Saint. Il est donc logique pour eux de mettre dans la bouche de Jésus une affirmation claire de la résurrection des morts et de la vie éternelle qui font partie de leur foi : « Ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection » dit Jésus.
Cette réponse met devant nos yeux la réalité de la vie après la mort dans une perspective de foi qui se fonde sur la résurrection du Christ qui fera dire à Saint Paul : « S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité ». ( I Corinthiens 15, 13)
Ceci étant dit, qu’en est-il de la question de ma mère semblable à celle des Sadducéens ?
III – Une vie porteuse de vie éternelle
Je ne suis pas certain que la question soit bien posée, car comme le dit l’évangile « ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges ».
Les questions qui nous habitent sont calquées sur les réalités sensibles que nous vivons, mais après la mort ces réalités sont transformées. Les personnes défuntes continuent de vivre mais elles sont dans un état différent du nôtre. Comme pour les anges et comme pour le Christ ressuscité, les frontières du temps et de l’espace n’existent plus. Elles sont devenues des êtres nouveaux tout en restant elles-mêmes mais d’une façon différente de celle qu’elles avaient sur la terre.
C’est pourquoi, par exemple, lors des apparitions du Christ ressuscité, souvent on ne le reconnaît pas tout de suite ou encore comme Marie Madeleine on le prend pour une autre personne. Dans son cas, elle le prend pour le jardinier avant de le reconnaître dans la foi. « S’étant retournée, est-il écrit dans l’évangile de saint Jean, elle lui dit en hébreu : ‘’ Rabbouni !’’, c’est-à-dire : ‘’Maître’’. Jésus reprend : ‘’ Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ‘’ ». (Jean 20, 17)
Vous voyez que le message de l’évangile d’aujourd’hui nous rejoint toutes et tous car il ouvre la porte sur nos questions concernant ce mystère de la résurrection des morts et de la vie éternelle. C’est dans la foi que nous recevons la réponse de Jésus qui invite à faire confiance à Celui qui est notre Père et Maître de l’univers. Le « comment de la vie éternelle » nous échappe, mais la réalité de celle-ci fait partie de notre foi.
Nous sommes ainsi invités, non pas à discuter comme les Sadducéens, mais à plonger dans cette foi en la résurrection et en la vie éternelle dont Jésus nous montre le chemin par sa propre Résurrection.
Conclusion
Cette homélie dominicale vous a peut-être rappelé les homélies de funérailles auxquelles vous avez participé à l’occasion. C’est juste, car le questionnement des Sadducéens pour mettre Jésus en boite, n’est pas farfelu. Il nous habite nous aussi comme c’était le cas pour ma mère. Nous sommes toutes et tous invités à dépasser nos questions et à faire le saut dans la foi que nous proclamons à chaque Eucharistie lorsque nous faisons notre profession de foi : « Je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle ».
Nous serons soutenus pour faire ce saut dans la foi par la certitude que nous donne l’Eucharistie qui nous fait rencontrer à chaque messe le Christ Ressuscité et toujours vivant. Dans la liturgie que nous célébrons à la messe nous nous unissons à la liturgie qui se célèbre dans le ciel où Jésus se tient devant son Père avec nos frères et sœurs défunts dans une louange et un bonheur éternels que je nous souhaite à toutes et à tous.
Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec
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