Archive pour novembre, 2019

HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DE L’AVENT ANNÉE A « TENEZ-VOUS DONC PRÊTS, VOUS AUSSI »

29 novembre, 2019

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HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DE L’AVENT ANNÉE A « TENEZ-VOUS DONC PRÊTS, VOUS AUSSI »

Textes de l’Écriture : Isaïe 2, 1 – 5, Romains 13, 11–14 et Mathieu 24, 37-44.

Les venues ou visites du Seigneur sont diverses dans l’histoire du monde, dans l’histoire de l’Église et dans notre histoire personnelle
Le temps de l’Avent qui commence en ce dimanche est une période de temps pour nous mettre en situation d’attente. Le terme « Avent » est une transcription du mot latin « Adventus » qui veut dire « Venue » ou « Ce qui advient » ou « Visite ».
On est donc invités pendant l’Avent à regarder ce qui advient, à porter attention à une venue particulière celle du Seigneur que nous célébrerons à Noël dans la crèche à Bethléem.

I – Deux sortes de venues ou visites
Il arrive souvent que nous recevons des visites dans le quotidien de nos vies. Elles se présentent de façon différente bien campées avec leurs circonstances particulières et leurs caractéristiques propres. On peut les classer sous deux formes principales qui ne sont pas incompatibles entre elles.
La première forme est celle des visites préparées. Comme celles où on reçoit des amis ou de la famille à un moment précis avec un repas soigné, de la musique, un cœur ouvert etc. C’est de ce genre de visites que le temps des fêtes au Québec est rempli soit qu’elles se rattachent au travail soit qu’elles se fassent dans les familles. Dans tous les cas on se prépare et on voit à ce qu’il ne manque rien pour les personnes invitées.
L’autre forme qui survient souvent est à l’opposé de la première. Il s’agit de visites impromptues, inattendues parfois, mais souvent très enrichissantes. Ma grand-mère Lumina dans sa grande ferme à la campagne gardait toujours un bol de soupe pour les visiteurs qui pourraient survenir : parents, amis ou mendiants. La tradition du banc du « quêteux » au Québec va dans le même sens car, en raison du climat, il n’était pas indiqué de renvoyer quelqu’un qui arrivait et qui n’avait pas de lieu où se reposer.
Hé bien! Les visites du Seigneur peuvent prendre l’une ou l’autre de ces formes.
Le temps de l’Avent nous renvoie à la première forme. Il amorce une nouvelle année liturgique qui nous fera défiler selon un plan bien défini les mystères de la vie du Christ dans le temps de Noël et de l’Épiphanie, dans le temps du Carême et dans le temps pascal, puis dans ce qu’il est convenu d’appeler le temps ordinaire. La liturgie nous proposera des célébrations précises au cours de ces périodes liturgiques. Nous pourrons les prévoir car elles se tiennent à des moments déterminés d’avance comme, par exemple, la fête de la Pentecôte ou la Fête-Dieu. À travers ces temps et ces fêtes, les visites du Seigneur seront au rendez-vous.
La seconde forme de visites du Seigneur nous est présentée de façon percutante dans la lecture de l’évangile du jour. Après avoir rappelé le temps de Noé et avec l’image des deux hommes qui seront aux champs et dont l’un sera pris, l’autre laissé et celle des deux femmes au moulin en train de moudre dont là aussi l’une sera prise, l’autre laissée, Jésus met l’accent sur les venues du Seigneur à l’improviste et sans prévenir. « C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » est-il dit à la fin de cet évangile. Ces visites impromptues font partie de notre vie quotidienne et il est important de se garder ouverts à celles-ci et de ne pas se limiter aux visites prévues comme celles qui se produisent à chaque dimanche dans le cadre des célébrations liturgiques auxquelles nous participons.

II – Qu’est-ce qui se réalisera dans ces visites du Seigneur ?
Que se passe-t-il dans ces visites du Seigneur ? Les visites du Seigneur même lorsqu’elles sont imprévues ne sont pas sans but. S’il se penche vers nous, il le fait comme il l’a fait pour son peuple. Il nous promet que ses visites nous ferons grandir, nous donnerons des horizons nouveaux et des ailes pour aller plus loin.
Écoutez le prophète Isaïe qui le dit ainsi : « Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la maison du Seigneur se tiendra plus haut que les monts, s’élèvera au-dessus des collines. Vers elle afflueront toutes les nations et viendront des peuples nombreux ». Ces images appliquées à Jérusalem sont valables aussi de notre temps.
Le Seigneur se tient au milieu de nous par sa Parole, par ses Sacrements et par les autres en particulier les plus démunis. Il est au-dessus de tout car il est le Seigneur que son Père a établi pour notre salut. Élevé de terre sur la croix et ressuscité il attire toutes les nations et tous les peuples. Son amour n’a pas de frontières comme le rappelle souvent le pape François.
Les visites du Seigneur ont toutes le même but : nous rapprocher de Dieu et guérir nos blessures en nous accordant le salut que Jésus est venu apporter au monde. Elles se font dans le rythme de la vie liturgique ou dans notre vie ordinaire de façon souvent impromptue. Mais elles ne donneront leurs fruits que s’il y a dans celui ou celle qui les reçoit la bonne attitude.

III – Revêtir le Christ
C’est saint Paul dans la deuxième lecture qui nous donne la clé de cette bonne attitude à développer tout au cours du temps de l’Avent et à l’année longue aussi. En deux mots « se revêtir du Seigneur Jésus Christ ».
C’est ce qu’il écrit aux membres de la communauté chrétienne de Rome. Je cite ce que nous venons d’entendre : « Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière. Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauches, sans rivalité ni jalousie, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus Christ ».
« Se revêtir du Seigneur Jésus Christ » est une attitude qui se traduit dans des gestes très concrets, dans une conduite honnête qui évite les dérapages de toutes sortes comme ceux que dénonce saint Paul.
La liste de ces dérapages que fait saint Paul peut prendre d’autres couleurs aujourd’hui, mais ce qui est important c’est, pour nous, d’identifier où se trouvent en nous les œuvres de ténèbres et de profiter de notre temps de l’Avent pour laisser la lumière luire afin d’accueillir la venue, la visite que le Seigneur nous fait dans la liturgie, mais aussi qu’il veut nous faire personnellement dans notre vie de tous les jours.

Conclusion
Entrons dans ce temps de l’Avent avec un cœur ouvert et disposé à recevoir les visites que le Seigneur nous prépare. Bien souvent le Seigneur vient et nous ne le reconnaissons pas.
Retenons que dans l’attente ce n’est pas le résultat qui compte mais c’est l’esprit dans lequel se vit cette attente. Laissons-nous imprégner de l’exemple de la Vierge Marie qui a accepté la visite du Seigneur en le recevant pendant neuf mois dans son sein. Ce fut sûrement un temps extraordinaire de rencontre avec Dieu pour elle.
Pour nous le temps de l’Avent cette année, en union avec Marie, peut nous aider à recevoir de mieux en mieux les visites prévues et imprévues du Seigneur. Ce temps d’attente nous mettra dans la joie car il nous rapprochera de Celui qui est le Verbe fait chair qui s’est manifesté au monde en devenant humain comme l’un de nous. « Tenez-vous donc prêts, vous aussi » comme nous y invite saint Paul dans la deuxième lecture. Ainsi nous pourrons « Grandir dans l’espérance » comme le propose le thème de l’Avent du Prions en Église canadien

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

LA CORPORALITÉ DANS LA PENSÉE ET L’ART DU JUDAÏSME – TATOUAGES SUR LA CHAIR ET L’ÂME

27 novembre, 2019

http://www.vatican.va/news_services/or/or_quo/cultura/2010/116q04a1.html

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Marc Chagall « Over the town »

LA CORPORALITÉ DANS LA PENSÉE ET L’ART DU JUDAÏSME – TATOUAGES SUR LA CHAIR ET L’ÂME

Google Traduction

Le 23 mai, l’exposition du Linceul se terminera à Turin. Au lieu de cela, l’exposition – organisée par Imago Veritatis et organisée par Timothy Verdon – se poursuit jusqu’au 1er août à la Venaria Reale – « Jésus. Le corps, le visage dans l’art ». À partir du catalogue (Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2010, pages 336, euro 35), nous publions presque intégralement l’essai écrit par l’Ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège.

par Mordechay Lewy
La corporalité dans le judaïsme, par opposition à la spiritualité dans le christianisme, a fait l’objet de nombreuses controverses pendant des siècles, se terminant parfois de manière désastreuse pour les juifs. En écrivant cet essai, je n’ai pas l’intention de raviver le cercle des polémiques. Au contraire, je voudrais mettre en lumière certains aspects susceptibles de réduire la polarisation créée au cours des siècles. Ni le judaïsme ni le christianisme n’ont toujours adhéré pleinement à la corporalité ou à la spiritualité. Nous trouvons parfois des juifs qui développent leur doctrine en adoptant la philosophie hellénistique, comme par exemple Philon d’Alexandrie, ou même des conceptions aristotéliciennes de la vie après la mort, telles que Maïmonide. La Qabbalah juive a développé un concept très corporel de Dieu, y compris l’idée de réincarnation de l’âme. La plupart des chrétiens ont compris que Dieu était une entité corporelle en adoptant l’idée de l’incarnation, du Verbe incarné. L’idée de la transsubstantiation a contribué au culte deLe Corpus Christi a été créé en 1264. L’art chrétien est devenu corporel lorsque des peintures plus naturalistes ont été nécessaires pour diffuser la nouvelle doctrine. Cependant, tout en empruntant, Juifs et Chrétiens sont restés fidèles à leur propre vérité.
L’alliance de Dieu a été stipulée non seulement avec la nation juive présente physiquement dans le Sinaï, mais également avec les générations futures. L’arche d’abord, et le temple, ensuite, étaient considérés comme la demeure de Dieu.À partir de la destruction du deuxième temple, la présence divine s’est dispersée parmi le peuple juif; dans le Talmud, il est appelé Shekhina. Le texte écrit est devenu l’instrument de l’omniprésence du divin. Les offres matérielles ont été sublimées par des mots et des prières quotidiennes. Cette idée de l’omniprésence divine est bien adaptée au concept juif de Dieu invisible, dépourvu de corps ou de corporéité.
Parmi les résumés des articles de foi, les treize principes écrits par Maïmonide ont toujours fait l’objet d’une grande considération. Les trois premiers sont pertinents: « Que le Dieu vivant soit loué et loué. Il existe et son existence n’a pas de limite de temps »; « Il est un et il n’y en a pas d’autre aussi unique que son unité. Son unité est impénétrable et infinie »; « Il n’a pas de forme corporelle et n’est pas un corps. Rien ne peut être comparé à sa sainteté. Dieu est un, il est invisible et omniprésent et n’a pas de corporalité. »
Les princes de Maïmonide ont provoqué une rupture dans le monde rabbinique médiéval. Un de ses premiers critiques, proche des milieux kabbalistiques, fut le rabbin Moïse ben Hasdai Taku, qui n’accepta pas l’interprétation allégorique donnée par Maïmonide du langage anthropomorphique avec lequel le texte biblique du Pentateuque attribue des voix à Dieu. Pour Rabbi Moïse, la puissance de Dieu est infinie et il peut se « réduire », apparaître de manière inattendue et de même produire des sons ou des bruits à volonté. Le judaïsme continue de considérer Dieu comme invisible et omniprésent et n’a jamais soutenu l’idée d’une réincarnation de l’âme ( Gilgul Neshamot), en effet il les a complètement rejetés. Avec l’émergence de l’impact de la Kabbale entre le XIIe et le XIIIe siècle, l’idée de la réincarnation de l’âme est devenue une partie du mysticisme juif.
L’attitude différente à l’égard de l’incarnation dans le judaïsme et le christianisme trouve ses racines dans la manière d’interpréter la création de l’humanité. Le concept moniste de la créature humaine, selon lequel l’âme et le corps étaient créés comme une unité, revêtait une importance capitale pour le judaïsme. Le mot hébreu pour l’âme, Nefesh, est presque synonyme d’homme et de vie. En tant que tel, l’homme fait entrer son corps dans sa relation avec Dieu, d’autre part, Dieu confirme cette corporéité, y compris le corps dans son alliance par le biais de la circoncision. Le dualisme hellénistique, cependant, a également eu un impact sur divers mouvements du judaïsme durant la période du Second Temple. Philon d’Alexandrie est considéré comme son principal représentant dans la philosophie juive. Selon sa pensée, le corps est presque une prison de l’âme. Dans le Talmud, un certain Antonin apparaît à de nombreuses reprises tout en conversant avec un certain rabbin Yehuda, manifestement le président vénéré du Sanhédrin. Cela reflète une sorte de légitimation de l’échange de vues avec la philosophie grecque. C’est trop demander si Antonin représente par hasard un empereur de la dynastie des Antonins, probablement même Marc Aurèle lui-même? Certains sages juifs se sentaient menacés et opposés à l’impact hellénistique.
Un sujet de discorde était la question de la circoncision. Dans le Talmud, certains essais présentent la distinction selon laquelle, après la mort, la créature humaine se décompose en trois parties. L’âme vient de Dieu qui (re) prend ce qui lui appartient. La substance blanche provient de l’homme, et le cerveau et les os en sont constitués. La substance rouge provient de la femme et la peau, la chair et le sang en sont constitués. Les parties qui proviennent de l’homme et de la femme se décomposent après la mort. La mort sépare temporairement le corps et l’âme jusqu’à la résurrection. Il n’y a pas de description de la résurrection la plus suggestive de celle de la vision d’Ezekiel des os secs. Les Juifs ont adopté des coutumes funéraires visant précisément à préparer le corps humain à la résurrection future: le tout le corps doit être enterré le même jour, et la crémation n’est pas autorisée. L’intégrité du corps doit être maintenue malgré la décomposition mortelle, car avec la résurrection, le corps reviendra à la vie.
Qui n’a pas vu, après chaque attentat-suicide, des Juifs orthodoxes errant parmi des victimes civiles israéliennes pour rassembler des restes de corps humains, éparpillés un peu partout, même loin du site de l’attaque terroriste? En réalité, de tels efforts ne sont justifiés que si l’on croit en la résurrection du corps dans son intégralité. Mais probablement ils n’auraient pas trouvé Maïmonide, très contesté par les sages juifs de son temps (1135-1204) et même considéré comme un hérétique par certains, uniquement parce qu’il avait réclamé la séparation de l’âme du corps après la mort.
Il n’ya pas d’expression corporelle plus forte que la demande de Dieu à Abraham et à tous ses descendants de pratiquer le rite de la circoncision ( Brit Mila) sur leur chair, en signe d’alliance. Une autre contrainte corporelle, répétée quotidiennement par les juifs pratiquants, consiste à lier les phylactères ( téfilines ) au front ( totafot ) et au bras gauche, près du cœur ( ot ).
Ceci est une expression supplémentaire de la corporalité, qui inclut la propriété collective de Dieu de chaque individu juif en tant qu’esclave. Le corps du Juif mâle porte des signes permanents (circoncision) et des signes temporaires (les phylactères liés quotidiennement) comme signes mnémoniques, pour rappeler la bienveillance de Dieu depuis l’exode d’Egypte. Mais une signification anthropologique peut également être ajoutée à ces signes corporels. Ils semblent refléter l’évolution des anciens modèles socio-juridiques de la pratique du marquage des propriétés. Les anciennes cultures orientales marquaient la propriété sur les biens, qu’il s’agisse d’objets, de corps d’animaux ou de corps humains. L’état d’esclavage permanent dans les cultures mésopotamiennes était marqué par un tatouage plutôt que par une image de marque, mais la Bible ne tolérait pas de signes corporels permanents. Je crois que jetéfilinesont été introduits en remplacement; l’interdiction des marques et des tatouages ??visait à établir une distinction entre la nouvelle religion monothéiste et les cultures polythéistes de la région, a répété Maïmonide au XIIIe siècle. Cependant, la circoncision continuait à être pratiquée par les Juifs dans la mesure où seuls les peuples égyptien et cananéen étaient habitués à le faire. Il n’existe aucune preuve linguistique, ni autre, que les cultures mésopotamiennes ont pratiqué la circoncision. Par conséquent, la tradition qui voit dans la circoncision d’Abraham un héritage mésopotamien me semble douteuse; probablement quelqu’un avait intérêt à cacher l’influence de la culture égyptienne sur les juifs. L’hellénisme a très probablement hérité de la coutume babylono-persane de rejeter la circoncision et L’influence hellénistique, la pratique de la circoncision ne fut plus suivie par tous les Juifs, à tel point que la restauration du prépuce n’était pas inhabituelle. La culture gréco-romaine a rejeté la circoncision, considérée comme une mutilation de la beauté du corps.
Les mnémotechniques utilisées dans le judaïsme ancien à travers les signes du corps avaient un brillant avenir dans le christianisme médiéval. Le Nouveau Testament a donné naissance à la vision organique de la communauté en tant que corps en communion avec Jésus. L’idée de Dieu (la Parole ou Logos)) qui devient chair (c’est-à-dire qui prend une forme humaine) n’était pas étranger à la tradition hellénistique, égyptienne et mésopotamienne. En même temps, la nature divine et humaine de Jésus devint une doctrine contraignante lors du premier concile de Nicée en 325. Les premiers chrétiens adoptèrent des coutumes similaires à celles de la culture juive, mais à un niveau symbolique et non corporel. Le meilleur exemple est le baptême en tant que rite d’initiation. De la même manière que la circoncision, le baptême crée une marque indélébile, mais dans l’âme. Le contraste entre la corporalité juive et la spiritualité chrétienne a été marqué par une controverse entre les deux religions, dont la plus ancienne remonte probablement à la Michna . Rabbi Eliezer Hamodai disait dans les Maximes des Pèresque ceux qui annulent l’alliance d’Abraham « n’ont aucune part dans le monde à venir ». Saint Augustin a exprimé cette polarisation polémique, affirmant que les chrétiens ont une compréhension plus profonde de la signification spirituelle, tandis que les Juifs restent dans le royaume « inférieur » de la charalité, comprise uniquement sous sa forme physique et matérielle. Néanmoins, Augustin considérait la circoncision comme une sorte de sceau du salut. Cependant, Pietro Lombardo l’a comprise comme une simple marque, car Abraham était déjà justifié par la foi. Lombardo, s’appuyant sur Augustin, considérait la circoncision depuis Abraham comme un remède contre le péché originel, hérité de génération en génération par le biais de la concupiscence des parents.
Dans l’iconographie chrétienne depuis le XIIIe siècle, le rite de la circoncision juif apparaît souvent dans le cycle de la vie de Jésus, presque toujours sans allusions négatives. À partir du XIIIe siècle, les sentiments religieux chrétiens incluaient une corporéité émergente suivie par l’art figuratif. En conséquence, le culte des signes du corps grandit sous les formes les plus diverses, telles que la vénération du Corpus Christi , les cinq blessures de Jésus, les stigmates de saint François ou la vénération de l’ Arma Christi . L’ imitatio Christiil devint l’idéal corporel de la religiosité mystique à la fin du Moyen Âge. Le sang a changé de signification normative, contrairement à ce qui était écrit dans la Bible, dans lequel il était associé à la vie, à la pureté et à la prospérité. La Kabbale a adopté des valeurs différentes et contradictoires. Tant pour les chrétiens que pour les juifs du Moyen Âge, le corps de Dieu, et en particulier son sang, est devenu le centre d’un nouveau sens de la corporalité; Les deux cultures, comme l’écrit David Biale, partageaient le culte du sang de Dieu.
Il ne fait aucun doute que les juifs et les chrétiens des villes médiévales partageaient une société issue de la cohabitation dans un environnement urbain densément peuplé. Ils avaient appris à connaître les rites de chacun, mais, en compétition pour la bienveillance divine, cela ne suffisait pas pour réduire leur animosité. Juifs et chrétiens souventils « interprétaient » ou se moquaient mutuellement des rites, contribuant ainsi à alimenter un cycle de controverses. La seule différence était que les Juifs constituaient une minorité qui non seulement risquait leur vie, mais était également marquée de préjugés profondément enracinés.
En considérant la liturgie comme langage corporel dans une religion, on pourrait retracer les similitudes et les différences entre les gestes corporels juifs et chrétiens et leurs liturgies respectives. Dans l’acte de pénitence au début de chaque messe, les fidèles frappent trois fois le poing de la main droite sur le côté gauche de la poitrine; le même geste est principalement accompli par les Juifs Ashkénazes dans la prière quotidienne du Vidui (confession) pour chacun des vingt-quatre péchés énumérés. On ne sait pas quelle religion a adopté le geste en premier, mais il a probablement été introduit au Moyen Âge. Lorsque le rouleau de la Torah est extrait de l’arche sacrée, la communauté de la synagogue se lève. De même, lors des verbes de liturgiepour la lecture de l’Evangile, l’assemblée de l’église se lève. L’Évangile est une dignité réservée semblable à celle de la Torah, les deux sont en fait exposés en procession autour de l’autel ou de l’arche du Saint, respectivement. Alors que l’Évangile est vénéré de loin, les Juifs recherchent une proximité physique avec le rouleau de la Torah pendant la procession, l’embrassant ou le touchant avec la frange de cordes entrelacées ( Zizit ) placées aux extrémités du manteau de prière ( Tallith). La même manifestation de contact physique se produit parmi les Juifs au début et à la fin de chaque lecture d’un passage du rouleau de la Torah. Cependant, même la liturgie chrétienne a développé sa propre expression authentique de corporalité. Le carré de toile blanche sur l’autel, sur lequel sont placées les espèces eucharistiques, porte déjà le titre de caporal depuis le XIVe siècle, puisqu’il sert à envelopper le corps du Christ lors de la liturgie eucharistique. Le signe de la croix avec les doigts sur les objets, sur le corps de quelqu’un ou dans les airs a créé une grande variété de gestes liturgiques. Le baroque espagnol a réalisé des sculptures votives en bois peintes de façon si naturaliste qu’on les appelait encarnación . Cet art post-tridentin donna à la doctrine de la Parole devenue chair une très grande visibilité.
Le Pentateuque reflète déjà une attitude iconoclaste interdisant la création d’images. Les Juifs ont par la suite développé la capacité de sublimer la corporéité en immatérialité, par exemple en transformant des offrandes en prières. Les mots et les écrits canonisés ont renforcé l’aptitude à l’expression artistique non picturale. Dérivé, comme dans l’art islamique, de dessins ornementaux et de micrographies. L’instauration d’une culture presque dépourvue d’images sous la domination musulmane constituait une rupture avec la tradition gréco-romaine classique de l’expression picturale, qui dominait la Méditerranée depuis l’Antiquité. Le christianisme est allé dans d’autres directions, sublimant la spiritualité de la Parole dans l’incarnation de Dieu par Jésus. Grâce à cette corporéité, le christianisme pourrait facilement emprunter des modèles d’art pictural de la tradition gréco-romaine. Sous l’influence hellénistique, les mosaïques des synagogues de Terre Sainte reproduisaient des représentations iconographiques d’épisodes bibliques. La richesse des images bibliques dans les fresques de la synagogue Doura-Europos, du 3ème siècle, est unique.
La culture hellénistique a admis les images comme vérité, comme l’a exprimé Filostrato; Platon s’est opposé à la peinture(et les sophistes) dans le Phèdre , car aucun ne pouvait créer la vie et la vérité. À son avis, seules l’âme et sa vérité pourraient créer la vie. Les réserves platoniques contre la peinture existent également dans les traditions des hadiths musulmans . L’hostilité aux images a été globalement maintenue par les juifs et les musulmans. Dans sa polémique contre l’approche iconoclaste, Giovanni Damasceno a affirmé que, depuis que Jésus était devenu l’incarnation de la parole divine, il pouvait être représenté.
Bede le Vénérable a essayé d’harmoniserInterprétation de l’Ancien et du Nouveau Testament l’un comme préfiguration de l’autre. L’émergence de la corporalité dans l’art chrétien était presque une nécessité didactique. Cette approche fondamentale du catholicisme favorable à l’image n’est pas identique à l’attitude iconophilique byzantine (iconodule). William Durand (1220-1296) expliqua clairement qu ‘ »une chose est d’adorer une image et une autre, à travers une image, d’apprendre historiquement ce que l’on doit adorer ». Les docteurs de l’Église étaient bien conscients du fait que, dans les conflits médiévaux avec les juifs et les musulmans, le christianisme était perçu comme une idolâtrie.L’argument principal partait du principe que, si Jésus avait été une simple nature humaine, son image serait vénérée comme une idolâtrie. Si, au contraire, Jésus avait eu une nature divine, il aurait été impossible de le représenter. La nouvelle doctrine de la transsubstantiation et la vénération du Corpus Christi nécessitaient une diffusion parmi les croyants qui, sans miracles apparents, avaient du mal à les comprendre. Maïmonide, dans sa classification des cinq types d’infidélité, définit le chrétien « celui qui admet qu’il n’y a qu’un seul Dieu, mais qu’il a un corps et une forme ».
Le moyen d’expression le mieux préservé dans l’art juif médiéval est constitué par les manuscrits juifs enluminés d’origine ashkénaze (en Europe centrale et occidentale). Ce qui frappe, en les observant, ce sont les représentations figuratives des animaux et des humains. Comment concilier ce phénomène avec l’approche iconoclaste du judaïsme? Maïmonide écrit dans Mishe Torah: « Il est permis de bénéficier de figures faites par des gentils pour la décoration, mais celles faites pour le culte des idoles sont interdites ». L’opinion admise aujourd’hui est que ces manuscrits sont le produit de la collaboration entre des scribes juifs et des enlumineurs chrétiens. Les créatures, souvent bizarres et déformées, ont essentiellement répondu à la demande des clients juifs de ne pas représenter les êtres humains. En tout état de cause, tout en ne nous poussant pas plus loin que Ruth Melnikoff, nous pouvons dire que les Juifs, opposés aux images humaines, semblent fermer les yeux sur ces miniatures.Dans les manuscrits hébreux d’origine italienne ou espagnole, ce type de déformation volontaire de la figure humaine n’est pas retrouvé. J’exclus la possibilité que des peintres juifs aient été embauchés dans ces pays; Si nous considérons les normes prescrites par Maïmonide contre les idoles, la peinture et la sculpture ne pourraient être un métier pour les Juifs. Seul le processus d’assimilation au sein d’une société aimable, comme cela s’est produit dans certaines parties de l’Europe à la fin du XIXe siècle, a provoqué un changement radical. Il fallut près de huit cents ans à l’époque de Maïmonide pour que Chagall crée pour la première fois un art figuratif juif authentique.

Texte d’origine

L’opinione accettata oggigiorno è che quei manoscritti sono il prodotto della collaborazione fra scribi ebrei e miniatori cristiani.
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La corporalité dans la pensée et l’art du judaïsme
Tatouages ??sur la chair et l’âme

Le 23 mai, l’exposition du Linceul se terminera à Turin. Au lieu de cela, l’exposition – organisée par Imago Veritatis et organisée par Timothy Verdon – se poursuit jusqu’au 1er août à la Venaria Reale – « Jésus. Le corps, le visage dans l’art ». À partir du catalogue (Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2010, pages 336, euro 35), nous publions presque intégralement l’essai écrit par l’Ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège.

par Mordechay Lewy
La corporalité dans le judaïsme, par opposition à la spiritualité dans le christianisme, a fait l’objet de nombreuses controverses pendant des siècles, se terminant parfois de manière désastreuse pour les juifs. En écrivant cet essai, je n’ai pas l’intention de raviver le cercle des polémiques. Au contraire, je voudrais mettre en lumière certains aspects susceptibles de réduire la polarisation créée au cours des siècles. Ni le judaïsme ni le christianisme n’ont toujours adhéré pleinement à la corporalité ou à la spiritualité. Nous trouvons parfois des juifs qui développent leur doctrine en adoptant la philosophie hellénistique, comme par exemple Philon d’Alexandrie, ou même des conceptions aristotéliciennes de la vie après la mort, telles que Maïmonide. La Qabbalah juive a développé un concept très corporel de Dieu, y compris l’idée de réincarnation de l’âme. La plupart des chrétiens ont compris que Dieu était une entité corporelle en adoptant l’idée de l’incarnation, du Verbe incarné. L’idée de la transsubstantiation a contribué au culte deLe Corpus Christi a été créé en 1264. L’art chrétien est devenu corporel lorsque des peintures plus naturalistes ont été nécessaires pour diffuser la nouvelle doctrine. Cependant, tout en empruntant, Juifs et Chrétiens sont restés fidèles à leur propre vérité.
L’alliance de Dieu a été stipulée non seulement avec la nation juive présente physiquement dans le Sinaï, mais également avec les générations futures. L’arche d’abord, et le temple, ensuite, étaient considérés comme la demeure de Dieu.À partir de la destruction du deuxième temple, la présence divine s’est dispersée parmi le peuple juif; dans le Talmud, il est appelé Shekhina. Le texte écrit est devenu l’instrument de l’omniprésence du divin. Les offres matérielles ont été sublimées par des mots et des prières quotidiennes. Cette idée de l’omniprésence divine est bien adaptée au concept juif de Dieu invisible, dépourvu de corps ou de corporéité.
Parmi les résumés des articles de foi, les treize principes écrits par Maïmonide ont toujours fait l’objet d’une grande considération. Les trois premiers sont pertinents: « Que le Dieu vivant soit loué et loué. Il existe et son existence n’a pas de limite de temps »; « Il est un et il n’y en a pas d’autre aussi unique que son unité. Son unité est impénétrable et infinie »; « Il n’a pas de forme corporelle et n’est pas un corps. Rien ne peut être comparé à sa sainteté. Dieu est un, il est invisible et omniprésent et n’a pas de corporalité. »
Les princes de Maïmonide ont provoqué une rupture dans le monde rabbinique médiéval. Un de ses premiers critiques, proche des milieux kabbalistiques, fut le rabbin Moïse ben Hasdai Taku, qui n’accepta pas l’interprétation allégorique donnée par Maïmonide du langage anthropomorphique avec lequel le texte biblique du Pentateuque attribue des voix à Dieu. Pour Rabbi Moïse, la puissance de Dieu est infinie et il peut se « réduire », apparaître de manière inattendue et de même produire des sons ou des bruits à volonté. Le judaïsme continue de considérer Dieu comme invisible et omniprésent et n’a jamais soutenu l’idée d’une réincarnation de l’âme ( Gilgul Neshamot), en effet il les a complètement rejetés. Avec l’émergence de l’impact de la Kabbale entre le XIIe et le XIIIe siècle, l’idée de la réincarnation de l’âme est devenue une partie du mysticisme juif.
L’attitude différente à l’égard de l’incarnation dans le judaïsme et le christianisme trouve ses racines dans la manière d’interpréter la création de l’humanité. Le concept moniste de la créature humaine, selon lequel l’âme et le corps étaient créés comme une unité, revêtait une importance capitale pour le judaïsme. Le mot hébreu pour l’âme, Nefesh, est presque synonyme d’homme et de vie. En tant que tel, l’homme fait entrer son corps dans sa relation avec Dieu, d’autre part, Dieu confirme cette corporéité, y compris le corps dans son alliance par le biais de la circoncision. Le dualisme hellénistique, cependant, a également eu un impact sur divers mouvements du judaïsme durant la période du Second Temple. Philon d’Alexandrie est considéré comme son principal représentant dans la philosophie juive. Selon sa pensée, le corps est presque une prison de l’âme. Dans le Talmud, un certain Antonin apparaît à de nombreuses reprises tout en conversant avec un certain rabbin Yehuda, manifestement le président vénéré du Sanhédrin. Cela reflète une sorte de légitimation de l’échange de vues avec la philosophie grecque. C’est trop demander si Antonin représente par hasard un empereur de la dynastie des Antonins, probablement même Marc Aurèle lui-même? Certains sages juifs se sentaient menacés et opposés à l’impact hellénistique.
Un sujet de discorde était la question de la circoncision. Dans le Talmud, certains essais présentent la distinction selon laquelle, après la mort, la créature humaine se décompose en trois parties. L’âme vient de Dieu qui (re) prend ce qui lui appartient. La substance blanche provient de l’homme, et le cerveau et les os en sont constitués. La substance rouge provient de la femme et la peau, la chair et le sang en sont constitués. Les parties qui proviennent de l’homme et de la femme se décomposent après la mort. La mort sépare temporairement le corps et l’âme jusqu’à la résurrection. Il n’y a pas de description de la résurrection la plus suggestive de celle de la vision d’Ezekiel des os secs. Les Juifs ont adopté des coutumes funéraires visant précisément à préparer le corps humain à la résurrection future: le tout le corps doit être enterré le même jour, et la crémation n’est pas autorisée. L’intégrité du corps doit être maintenue malgré la décomposition mortelle, car avec la résurrection, le corps reviendra à la vie.
Qui n’a pas vu, après chaque attentat-suicide, des Juifs orthodoxes errant parmi des victimes civiles israéliennes pour rassembler des restes de corps humains, éparpillés un peu partout, même loin du site de l’attaque terroriste? En réalité, de tels efforts ne sont justifiés que si l’on croit en la résurrection du corps dans son intégralité. Mais probablement ils n’auraient pas trouvé Maïmonide, très contesté par les sages juifs de son temps (1135-1204) et même considéré comme un hérétique par certains, uniquement parce qu’il avait réclamé la séparation de l’âme du corps après la mort.
Il n’ya pas d’expression corporelle plus forte que la demande de Dieu à Abraham et à tous ses descendants de pratiquer le rite de la circoncision ( Brit Mila) sur leur chair, en signe d’alliance. Une autre contrainte corporelle, répétée quotidiennement par les juifs pratiquants, consiste à lier les phylactères ( téfilines ) au front ( totafot ) et au bras gauche, près du cœur ( ot ).
Ceci est une expression supplémentaire de la corporalité, qui inclut la propriété collective de Dieu de chaque individu juif en tant qu’esclave. Le corps du Juif mâle porte des signes permanents (circoncision) et des signes temporaires (les phylactères liés quotidiennement) comme signes mnémoniques, pour rappeler la bienveillance de Dieu depuis l’exode d’Egypte. Mais une signification anthropologique peut également être ajoutée à ces signes corporels. Ils semblent refléter l’évolution des anciens modèles socio-juridiques de la pratique du marquage des propriétés. Les anciennes cultures orientales marquaient la propriété sur les biens, qu’il s’agisse d’objets, de corps d’animaux ou de corps humains. L’état d’esclavage permanent dans les cultures mésopotamiennes était marqué par un tatouage plutôt que par une image de marque, mais la Bible ne tolérait pas de signes corporels permanents. Je crois que jetéfilinesont été introduits en remplacement; l’interdiction des marques et des tatouages ??visait à établir une distinction entre la nouvelle religion monothéiste et les cultures polythéistes de la région, a répété Maïmonide au XIIIe siècle. Cependant, la circoncision continuait à être pratiquée par les Juifs dans la mesure où seuls les peuples égyptien et cananéen étaient habitués à le faire. Il n’existe aucune preuve linguistique, ni autre, que les cultures mésopotamiennes ont pratiqué la circoncision. Par conséquent, la tradition qui voit dans la circoncision d’Abraham un héritage mésopotamien me semble douteuse; probablement quelqu’un avait intérêt à cacher l’influence de la culture égyptienne sur les juifs. L’hellénisme a très probablement hérité de la coutume babylono-persane de rejeter la circoncision et L’influence hellénistique, la pratique de la circoncision ne fut plus suivie par tous les Juifs, à tel point que la restauration du prépuce n’était pas inhabituelle. La culture gréco-romaine a rejeté la circoncision, considérée comme une mutilation de la beauté du corps.
Les mnémotechniques utilisées dans le judaïsme ancien à travers les signes du corps avaient un brillant avenir dans le christianisme médiéval. Le Nouveau Testament a donné naissance à la vision organique de la communauté en tant que corps en communion avec Jésus. L’idée de Dieu (la Parole ou Logos)) qui devient chair (c’est-à-dire qui prend une forme humaine) n’était pas étranger à la tradition hellénistique, égyptienne et mésopotamienne. En même temps, la nature divine et humaine de Jésus devint une doctrine contraignante lors du premier concile de Nicée en 325. Les premiers chrétiens adoptèrent des coutumes similaires à celles de la culture juive, mais à un niveau symbolique et non corporel. Le meilleur exemple est le baptême en tant que rite d’initiation. De la même manière que la circoncision, le baptême crée une marque indélébile, mais dans l’âme. Le contraste entre la corporalité juive et la spiritualité chrétienne a été marqué par une controverse entre les deux religions, dont la plus ancienne remonte probablement à la Michna . Rabbi Eliezer Hamodai disait dans les Maximes des Pèresque ceux qui annulent l’alliance d’Abraham « n’ont aucune part dans le monde à venir ». Saint Augustin a exprimé cette polarisation polémique, affirmant que les chrétiens ont une compréhension plus profonde de la signification spirituelle, tandis que les Juifs restent dans le royaume « inférieur » de la charalité, comprise uniquement sous sa forme physique et matérielle. Néanmoins, Augustin considérait la circoncision comme une sorte de sceau du salut. Cependant, Pietro Lombardo l’a comprise comme une simple marque, car Abraham était déjà justifié par la foi. Lombardo, s’appuyant sur Augustin, considérait la circoncision depuis Abraham comme un remède contre le péché originel, hérité de génération en génération par le biais de la concupiscence des parents.
Dans l’iconographie chrétienne depuis le XIIIe siècle, le rite de la circoncision juif apparaît souvent dans le cycle de la vie de Jésus, presque toujours sans allusions négatives. À partir du XIIIe siècle, les sentiments religieux chrétiens incluaient une corporéité émergente suivie par l’art figuratif. En conséquence, le culte des signes du corps grandit sous les formes les plus diverses, telles que la vénération du Corpus Christi , les cinq blessures de Jésus, les stigmates de saint François ou la vénération de l’ Arma Christi . L’ imitatio Christiil devint l’idéal corporel de la religiosité mystique à la fin du Moyen Âge. Le sang a changé de signification normative, contrairement à ce qui était écrit dans la Bible, dans lequel il était associé à la vie, à la pureté et à la prospérité. La Kabbale a adopté des valeurs différentes et contradictoires. Tant pour les chrétiens que pour les juifs du Moyen Âge, le corps de Dieu, et en particulier son sang, est devenu le centre d’un nouveau sens de la corporalité; Les deux cultures, comme l’écrit David Biale, partageaient le culte du sang de Dieu.
Il ne fait aucun doute que les juifs et les chrétiens des villes médiévales partageaient une société issue de la cohabitation dans un environnement urbain densément peuplé. Ils avaient appris à connaître les rites de chacun, mais, en compétition pour la bienveillance divine, cela ne suffisait pas pour réduire leur animosité. Juifs et chrétiens souventils « interprétaient » ou se moquaient mutuellement des rites, contribuant ainsi à alimenter un cycle de controverses. La seule différence était que les Juifs constituaient une minorité qui non seulement risquait leur vie, mais était également marquée de préjugés profondément enracinés.
En considérant la liturgie comme langage corporel dans une religion, on pourrait retracer les similitudes et les différences entre les gestes corporels juifs et chrétiens et leurs liturgies respectives. Dans l’acte de pénitence au début de chaque messe, les fidèles frappent trois fois le poing de la main droite sur le côté gauche de la poitrine; le même geste est principalement accompli par les Juifs Ashkénazes dans la prière quotidienne du Vidui (confession) pour chacun des vingt-quatre péchés énumérés. On ne sait pas quelle religion a adopté le geste en premier, mais il a probablement été introduit au Moyen Âge. Lorsque le rouleau de la Torah est extrait de l’arche sacrée, la communauté de la synagogue se lève. De même, lors des verbes de liturgiepour la lecture de l’Evangile, l’assemblée de l’église se lève. L’Évangile est une dignité réservée semblable à celle de la Torah, les deux sont en fait exposés en procession autour de l’autel ou de l’arche du Saint, respectivement. Alors que l’Évangile est vénéré de loin, les Juifs recherchent une proximité physique avec le rouleau de la Torah pendant la procession, l’embrassant ou le touchant avec la frange de cordes entrelacées ( Zizit ) placées aux extrémités du manteau de prière ( Tallith). La même manifestation de contact physique se produit parmi les Juifs au début et à la fin de chaque lecture d’un passage du rouleau de la Torah. Cependant, même la liturgie chrétienne a développé sa propre expression authentique de corporalité. Le carré de toile blanche sur l’autel, sur lequel sont placées les espèces eucharistiques, porte déjà le titre de caporal depuis le XIVe siècle, puisqu’il sert à envelopper le corps du Christ lors de la liturgie eucharistique. Le signe de la croix avec les doigts sur les objets, sur le corps de quelqu’un ou dans les airs a créé une grande variété de gestes liturgiques. Le baroque espagnol a réalisé des sculptures votives en bois peintes de façon si naturaliste qu’on les appelait encarnación . Cet art post-tridentin donna à la doctrine de la Parole devenue chair une très grande visibilité.
Le Pentateuque reflète déjà une attitude iconoclaste interdisant la création d’images. Les Juifs ont par la suite développé la capacité de sublimer la corporéité en immatérialité, par exemple en transformant des offrandes en prières. Les mots et les écrits canonisés ont renforcé l’aptitude à l’expression artistique non picturale. Dérivé, comme dans l’art islamique, de dessins ornementaux et de micrographies. L’instauration d’une culture presque dépourvue d’images sous la domination musulmane constituait une rupture avec la tradition gréco-romaine classique de l’expression picturale, qui dominait la Méditerranée depuis l’Antiquité. Le christianisme est allé dans d’autres directions, sublimant la spiritualité de la Parole dans l’incarnation de Dieu par Jésus. Grâce à cette corporéité, le christianisme pourrait facilement emprunter des modèles d’art pictural de la tradition gréco-romaine. Sous l’influence hellénistique, les mosaïques des synagogues de Terre Sainte reproduisaient des représentations iconographiques d’épisodes bibliques. La richesse des images bibliques dans les fresques de la synagogue Doura-Europos, du 3ème siècle, est unique.
La culture hellénistique a admis les images comme vérité, comme l’a exprimé Filostrato; Platon s’est opposé à la peinture(et les sophistes) dans le Phèdre , car aucun ne pouvait créer la vie et la vérité. À son avis, seules l’âme et sa vérité pourraient créer la vie. Les réserves platoniques contre la peinture existent également dans les traditions des hadiths musulmans . L’hostilité aux images a été globalement maintenue par les juifs et les musulmans. Dans sa polémique contre l’approche iconoclaste, Giovanni Damasceno a affirmé que, depuis que Jésus était devenu l’incarnation de la parole divine, il pouvait être représenté.
Bede le Vénérable a essayé d’harmoniserInterprétation de l’Ancien et du Nouveau Testament l’un comme préfiguration de l’autre. L’émergence de la corporalité dans l’art chrétien était presque une nécessité didactique. Cette approche fondamentale du catholicisme favorable à l’image n’est pas identique à l’attitude iconophilique byzantine (iconodule). William Durand (1220-1296) expliqua clairement qu ‘ »une chose est d’adorer une image et une autre, à travers une image, d’apprendre historiquement ce que l’on doit adorer ». Les docteurs de l’Église étaient bien conscients du fait que, dans les conflits médiévaux avec les juifs et les musulmans, le christianisme était perçu comme une idolâtrie.L’argument principal partait du principe que, si Jésus avait été une simple nature humaine, son image serait vénérée comme une idolâtrie. Si, au contraire, Jésus avait eu une nature divine, il aurait été impossible de le représenter. La nouvelle doctrine de la transsubstantiation et la vénération du Corpus Christi nécessitaient une diffusion parmi les croyants qui, sans miracles apparents, avaient du mal à les comprendre. Maïmonide, dans sa classification des cinq types d’infidélité, définit le chrétien « celui qui admet qu’il n’y a qu’un seul Dieu, mais qu’il a un corps et une forme ».
Le moyen d’expression le mieux préservé dans l’art juif médiéval est constitué par les manuscrits juifs enluminés d’origine ashkénaze (en Europe centrale et occidentale). Ce qui frappe, en les observant, ce sont les représentations figuratives des animaux et des humains. Comment concilier ce phénomène avec l’approche iconoclaste du judaïsme? Maïmonide écrit dans Mishe Torah: « Il est permis de bénéficier de figures faites par des gentils pour la décoration, mais celles faites pour le culte des idoles sont interdites ». L’opinion admise aujourd’hui est que ces manuscrits sont le produit de la collaboration entre des scribes juifs et des enlumineurs chrétiens. Les créatures, souvent bizarres et déformées, ont essentiellement répondu à la demande des clients juifs de ne pas représenter les êtres humains. En tout état de cause, tout en ne nous poussant pas plus loin que Ruth Melnikoff, nous pouvons dire que les Juifs, opposés aux images humaines, semblent fermer les yeux sur ces miniatures.Dans les manuscrits hébreux d’origine italienne ou espagnole, ce type de déformation volontaire de la figure humaine n’est pas retrouvé. J’exclus la possibilité que des peintres juifs aient été embauchés dans ces pays; Si nous considérons les normes prescrites par Maïmonide contre les idoles, la peinture et la sculpture ne pourraient être un métier pour les Juifs. Seul le processus d’assimilation au sein d’une société aimable, comme cela s’est produit dans certaines parties de l’Europe à la fin du XIXe siècle, a provoqué un changement radical. Il fallut près de huit cents ans à l’époque de Maïmonide pour que Chagall crée pour la première fois un art figuratif juif authentique.

 

PAPE BENOÎT XVI – CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DE L’AVENT (2006)

25 novembre, 2019

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2006/documents/hf_ben-xvi_hom_20061202_i-vespri-avvento.html

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CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DE L’AVENT (2006)

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane
Samedi 2 décembre 2006

Chers frères et soeurs!

La première antienne de cette célébration des Vêpres se présente comme une ouverture du temps de l’Avent et retentit comme une antienne de l’année liturgique tout entière. Ecoutons-la à nouveau: « Faites-en l’annonce aux peuples: Voici que Dieu vient, notre Sauveur ». Au début d’un nouveau cycle annuel, la liturgie invite l’Eglise à renouveler son annonce à toutes les nations et elle la résume en deux mots: « Dieu vient ». Cette expression si synthétique contient une force de suggestion toujours nouvelle. Arrêtons-nous un instant pour réfléchir: on n’utilise pas le passé – Dieu est venu -, ni le futur – Dieu viendra -, mais le présent: « Dieu vient ». Il s’agit, tout compte faite, d’un présent continu, c’est-à-dire d’une action toujours en cours: elle a eu lieu, elle a lieu et elle aura encore lieu. A chaque instant, « Dieu vient ». Le verbe « venir » apparaît ici comme un verbe théologique, voire même « théologal », car il nous dit quelque chose qui concerne la nature même de Dieu. Annoncer que Dieu « vient » équivaut, donc, à annoncer simplement Dieu lui-même, à travers l’une de ses caractéristiques essentielles et qualifiante: être le Dieu-qui-vient.
L’Avent rappelle les croyants à prendre conscience de cette vérité et à agir en conséquence. Il retentit comme un appel salutaire dans la succession des jours, des semaines, des mois: Réveille-toi! Rappelle-toi que Dieu vient! Pas hier, pas demain, mais aujourd’hui, maintenant! L’unique vrai Dieu, « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », n’est pas un Dieu qui reste dans le ciel, ne s’intéressant pas à nous ni à notre histoire, mais il est le Dieu-qui-vient. C’est un Père qui ne cesse jamais de penser à nous et, avec un extrême respect pour notre liberté, qui désire nous rencontrer et nous visiter; il veut venir, demeurer parmi nous, rester avec nous. Sa « venue » est poussée par la volonté de nous libérer du mal et de la mort, de tout ce qui empêche notre véritable bonheur. Dieu vient nous sauver.
Les Pères de l’Eglise observent que la « venue » de Dieu – permanente et, pour ainsi dire, connaturelle à son être même – se concentre dans les deux principales venues du Christ, celle de son Incarnation et celle de son retour glorieux à la fin de l’histoire (cf. Cyrille de Jérusalem, Catéchèses, 15, 1: PG 33, 870). Le temps de l’Avent vit entièrement de cette polarité. Au cours des premiers jours, l’accent tombe sur l’attente de la venue ultime du Seigneur, comme le démontrent aussi les textes de la célébration des Vêpres d’aujourd’hui. Ensuite, à l’approche de Noël, prévaudra ensuite la mémoire de l’événement de Bethléem, pour reconnaître dans celui-ci la « plénitude du temps ». Parmi ces deux venues « manifestes » on peut en identifier une troisième, que saint Bernard appelle « intermédiaire » et « occulte », qui se produit dans l’âme des croyants et qui jette comme un « pont » entre la première et la dernière. « Dans la première – écrit saint Bernard – le Christ fut notre rédemption, dans la dernière, il se manifestera comme notre vie, dans celle-ci il est notre repos et notre réconfort » (Disc. 5 sur l’Avent, 1). Pour cette venue du Christ, que nous pourrions appeler « incarnation spirituelle », l’archétype est toujours Marie. De même que la Vierge Mère conserva dans son coeur le Verbe fait chair, aujourd’hui aussi, chaque âme et l’Eglise tout entière sont appelées, dans leur pèlerinage terrestre, à attendre le Christ qui vient et à l’accueillir avec une foi et un amour toujours renouvelés.
La liturgie de l’Avent met ainsi en lumière la manière dont l’Eglise se fait le porte-parole de l’attente de Dieu, profondément inscrite dans l’histoire de l’humanité; une attente souvent malheureusement étouffée ou déviée vers de fausses directions. Corps mystiquement uni au Christ Tête, l’Eglise est sacrement, c’est-à-dire le signe et également l’instrument efficace de cette attente de Dieu. Dans une mesure que Lui seul connaît, la communauté chrétienne peut en hâter l’avènement final, en aidant l’humanité à aller à la rencontre du Seigneur qui vient. Et elle fait cela avant tout à travers la prière, mais pas seulement. Les « bonnes oeuvres » sont ensuite essentielles et inséparables de la prière, comme le rappelle la prière de ce Premier Dimanche de l’Avent, avec laquelle nous demandons au Père céleste de susciter en nous « la volonté d’aller à la rencontre, à travers les bonnes oeuvres », du Christ qui vient. Dans cette perspective, l’Avent est plus que jamais adapté à être un temps vécu en communion avec tous ceux – et grâce à Dieu ils sont très nombreux – qui croient en un monde plus juste et plus fraternel. Dans cet engagement pour la justice peuvent, dans une certaine mesure, se retrouver ensemble des hommes de toute nationalité et culture, des croyants et des non-croyants. Tous sont en effet animés par une aspiration commune, bien que différente dans ses motivations, en vue d’un avenir de justice et de paix.
La paix est l’objectif auquel aspire l’humanité tout entière! Pour les croyants, la « paix » est l’un des plus beaux noms de Dieu, qui désire l’entente de tous ses fils, comme j’ai également eu l’occasion de le rappeler lors de mon pèlerinage de ces derniers jours en Turquie. Un chant de paix a retenti dans les cieux lorsque Dieu s’est fait homme et est né d’une femme, dans la plénitude des temps (cf. Ga 4, 4). Commençons donc ce nouvel Avent – un temps qui nous a été donné par le Seigneur du temps – en réveillant dans nos coeurs l’attente du Dieu-qui-vient et l’espérance que son Nom soit sanctifié, que son Règne de justice et de paix vienne, que sa volonté soit faite sur la terre comme au Ciel.
Laissons-nous guider, dans cette attente, par la Vierge Marie, Mère du Dieu-qui-vient, Mère de l’espérance. Qu’Elle, que nous célébrerons Immaculée dans quelques jours, obtienne pour nous d’être trouvés saints et immaculés dans l’amour, lors de la venue de notre Seigneur Jésus Christ, à qui, avec le Père et l’Esprit Saint, soit rendu louange et gloire pour les siècles des siècles. Amen!

 

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE JÉSUS CHRIST ROI DE L’UNIVERS « QUAND TU VIENDRAS DANS TON ROYAUME »

22 novembre, 2019

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HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE JÉSUS CHRIST ROI DE L’UNIVERS « QUAND TU VIENDRAS DANS TON ROYAUME »

Textes : 2 Samuel 5, 1-3, Colossiens 1, 1-20 et Luc 23, 25-43.

La scène de l’évangile qui rapporte les paroles du bon larron et la réponse de Jésus a été choisie pour la fête du Christ Roi en cette année C. Elle m’a interpellé profondément. De quel Royaume parle le bon larron ? Quel paradis lui promet Jésus?
Essayons de réponde à mes questions. Vous en avez peut-être d’autres. Elles trouveront des réponses, je vous le souhaite, Mais revenons à mes questions.

I – Les lectures
Pour y répondre les deux premières lectures ouvrent des portes suggestives. La lecture du deuxième livre de Samuel nous montre une figure du Christ Roi dans l’Ancien Testament, le roi David.
Il fut choisi pour instaurer la monarchie en Israël et il fut un grand roi avec hélas! des ratés comme son adultère avec la femme d’un de ses généraux, Bethsabée la femme d’Urie le Hittite. Le prophète Samuel sera envoyé par Dieu pour l’inviter à reconnaître son péché et à faire pénitence. David le fera avec humilité (Cf. 2 Samuel 12,7 ) .
Malgré ses limites, le personnage du roi David tel que décrit par le premier livre de Samuel dans la première lecture nous livre un élément essentiel qui est au cœur du Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu n’est pas une récompense ni la propriété du roi. C’est Dieu qui choisit et consacre. « Le Seigneur t’a dit : ‘Tu seras le berger d’Israël mon peuple, tu seras le chef d’Israël. » Le royaume de David n’est pas son royaume à lui. Il est le terrain où Dieu se manifeste et où il étend son règne d’amour.
Il en est ainsi aussi du paradis que promet Jésus au bon larron. C’est le lieu de la rencontre avec Dieu où il se révèle présent dans son amour pour tous ceux et celles qui s’y retrouvent après leur mort.
Vous voyez que cette première lecture nous indique des pistes intéressantes pour bien comprendre ce que signifie la fête du Christ Roi dont le royaume est celui de Dieu dans les cœurs et dans l’univers entier.

II – Quel Royaume?
Pour décrire ce Royaume de Dieu que le Christ instaure, le texte de l’évangile nous donne trois pistes qui se dégagent de la scène du bon larron. Le Christ annonce, ici sur la croix, un royaume où règnent le pardon, la compassion et la miséricorde.
Le pardon. La réponse directe de Jésus au bon larron est l’expression claire du pardon qui lui est accordé. « Aujourd’hui tu seras avec moi ». Le pardon a ceci de particulier qu’il peut changer la situation du tout au tout en un instant. Le pécheur est sauvé par le sang du Christ. C’est ici l’action de Dieu qui est mise de l’avant, celle d’un Dieu qui pardonne et efface les fautes.
La compassion. Le Christ Roi par sa mort sur la croix manifeste de façon paradoxale et spectaculaire la compassion de Dieu pour l’humanité pécheresse. C’est ce qu’il fait pour le bon larron qui le reconnaît lorsqu’il dit à son compagnon de supplice « Lui il n’a rien fait ». « Nous c’est juste d’être punis ». Jésus assume en lui la vie du bon larron. C’est le sens premier du mot compassion qui signifie à l’origine « souffrir avec ». Il offre la vie du bon larron avec la sienne au Père.
La miséricorde. Tout ce mouvement de compassion provient du regard miséricordieux que partage Jésus avec son Père. La miséricorde vient du dedans du cœur. Elle va vers la personne telle qu’elle est. Elle s’émeut même de la voir parfois se perdre. Elle l’attend comme le fait le père de l’enfant prodigue (Cf. Luc 15, 34). Le Christ Roi ressemble à ce père. Il n’exclut personne. Il attend. Son royaume n’est pas de ce monde comme il l’a dit a Pilate (Jean 18, 36).
Sur la croix, Pilate avait fait mettre une inscription : « Celui-ci est les roi des Juifs ». Cette inscription se voulait dérisoire. Mais Jésus peut porter ce titre de roi car son Royaume existe même s’il n’a rien de commun avec celui des rois de la terre. Son Royaume en est un de pardon, de compassion et de miséricorde. En un mot un Royaume d’amour.

III – Application
Comme nous y invite saint Paul dans la deuxième lecture, rendons grâce à Dieu de ce Roi et de ce Royaume qu’il nous donne en Jésus Christ. « Rendez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé ». Merci Seigneur de nous avoir « placé dans le Royaume de ton Fils bien-aimé ».
La fête du Christ Roi lors de sa création en 1925 voulait affirmer la suprématie du Christ dont le Royaume ne se définit pas par des projets politiques. Elle a pris parfois hélas! des couleurs politiques, mais depuis le concile Vatican II, on en a fait une fête universelle qui est le sommet du parcours liturgique de l’année pour montrer que sur la terre, dans le cieux, dans les cœurs tout est orienté vers le Christ, Alpha et Omega, chef du Corps de l’Église, image du Dieu invisible, premier-né de toutes créatures et Roi de l’univers (cf. deuxième lecture).
Cette image d’un Christ Roi universel est très riche et peut encore aujourd’hui nous inspirer en la relisant avec les textes des Écritures comme le fait la fête d’aujourd’hui avec la conversation de Jésus avec le bon larron. Nous pouvons ainsi redire avec foi et confiance cette demande de la prière du Notre Père « Que ton règne vienne! ».

Conclusion
Oui, dans notre messe d’aujourd’hui laissons notre prière monter vers le Père en union avec le Christ Roi qui le devient par son obéissance dans la mort sur la croix et que le Père exalte dans la résurrection.
Oui Père! « Que ton Règne vienne! »

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

24 novembre 2019

LA BEAUTÉ ET SA DESTINATION SPIRITUELLE

21 novembre, 2019

http://www.foglimariani.it/index.php?option=com_content&view=article&id=387:la-bellezza-e-la-sua-destinazione-spirituale&catid=39&Itemid=113

en e frweb-stanley-spencer-last-supper-1920

Les pieds du dernier souper

(traduction per google de l’italien)

LA BEAUTÉ ET SA DESTINATION SPIRITUELLE

Écrit par Francesco di Maria.

Dans la Bible, toutes les réalités créées par Dieu semblent ambivalentes, en ce sens qu’elles sont dotées d’un potentiel positif et d’un potentiel négatif. La beauté, comme la connaissance, le pouvoir, la richesse, ne vous apparaît pas comme une chose univoque, mais comme une chose qui a sa valeur dans l’utilisation qui en est faite. Cela peut être quelque chose d’agréable ou de grisant, ou d’insignifiant ou de superflu: cela dépend de ce qu’il parvient à exprimer et à communiquer et de la manière dont il peut se manifester aux autres, ainsi que des fins auxquelles il apparaît tendu. Bien entendu, selon les goûts non seulement esthétiques mais aussi spirituels des différents sujets masculins et féminins qui en font l’expérience, la beauté peut être perçue et jugée de différentes manières, mais cela ne signifie pas que,
Comme toutes les choses créées, même la beauté physique, et plus particulièrement la beauté physique de la femme, peut s’orienter vers des valeurs universelles d’humanité et de dignité ou vers des valeurs éphémères de pure et simple apparence. Pour cette raison, dans une perspective chrétienne, cela peut arriver et il arrive parfois que les belles femmes soient moins intéressantes et attrayantes que les moins belles ou résolument peu gracieuses ou que ces dernières exercent un attrait plus grand que celles de femmes plus douées physiquement et plus voyantes.
Les termes bibliques les plus courants pour désigner la beauté humaine sont en hébreu ceux de Japheh et Tov (splendide, bien fait, agréable) et en grec ceux de Kalòs et Agathòs (beau et bon, dans le sens de sain, fort, excellent), par ce qui, comme on peut le constater, fait peu de distinction entre les aspects esthétique et éthique. Dieu crée la beauté pour émerveiller, surprendre l’être humain en suscitant une réaction émotionnelle, esthétique et contemplative qui favorise un état de bien-être intérieur. En ce sens, le monde créé dans son ensemble a déjà, pour les êtres humains en général, des traits de beauté indiscutables qui suscitent en eux un sentiment de respect et un désir de participer à la beauté naturelle créée par Dieu.
Mais déjà à ce niveau, la beauté qui suscite l’admiration et le désir extatique peut être perçue de manière ambivalente, car d’un côté l’homme reste fasciné et attiré par le monde créé, de l’autre il peut être tenté de le percevoir comme une sorte de divinité lui-même échangeant idolatrement l’effet créé avec la cause créatrice. Même aujourd’hui, il est très clair que nous ne sommes souvent pas à l’abri de cette tendance idolâtre à couvrir de personnages divins la réalité ou les réalités individuelles de notre monde et de notre vie. Face à certaines beautés typiquement terrestres, n’assumons-nous pas souvent une attitude d’adoration? Face à certaines beautés féminines, certaines beautés viriles, n’avons-nous pas l’impression de tourner la tête et de nous laisser envahir par des tourbillons émotionnels persistants et injustifiés? Mais même face aux incroyables réalités de la technologie ou de la médecine la plus avancée, ne courons-nous pas souvent le risque de nous retrouver littéralement adorés? Qui se souvient dans ces circonstances de l’origine, de la racine, de la source de ces mêmes réalités? Et c’est précisément l’oubli ou l’oubli du faiseur de toutes choses qui fait que, de manière existentielle, on finit par réserver toute attention aux choses ou aux réalités créées plutôt qu’à leur auteur. Nous devenons des idolâtres sans nous en rendre compte, que nous nous professions nous-mêmes ou non des croyants et des chrétiens.
Il arrive souvent que même de nombreux disciples du Christ déclarés, pour n’avoir pu voir dans les beautés épanouies du monde que le reflet de la beauté infinie de Dieu, finissent par compromettre leur volonté affirmée de rester fidèles au Christ.
La Bible est pleine de belles femmes, à commencer par les épouses des patriarches qui sont des femmes de grand charme, de belle apparence, qui font tomber amoureux leurs futurs maris; elle est pleine de femmes belles et séduisantes comme des reines et des esclaves, des pécheurs ou des sorcières, des vierges et des mères, et très souvent même des hommes très beaux et vigoureux comme dans le cas du roi David et de son fils Assalonne: pensez, juste pour donner l’exemple , à Bath-Shéba avec David, Dalilah et Samson, Judith et Holopherne, Hérodias et Salomé, Esther avec Assuérus et Aman. Mais dans la Bible, la beauté n’est jamais valable pour elle-même, mais seulement en tant qu’expression de la gratuité divine infinie, pour laquelle sa signification dans l’histoire humaine est toujours ambivalente. Comme nous le lisons dans les « Proverbes », où la femme sage qui sait gouverner sa propre maison, la beauté, est décrite
On peut dire que dans l’Ancien Testament la figure de la reine de Saba est une femme très belle et très riche qui, par souci de sagesse, n’hésite pas à aller avec une grande humilité et une grande admiration à l’homme considéré en tant qu’homme le plus sage du monde et, en ce sens, en tant que connaisseur le plus profond de la sagesse de Dieu, ou du roi Salomon. Bien que, dans le Nouveau Testament, la forme de beauté la plus exaltante, c’est-à-dire un reflet très pur de la sagesse même du Christ-Dieu, est sans doute celle de Marie de Nazareth, dont les qualités extérieures sont modestement silencieuses, mais qui ont dû être belles et représenter splendeur absolue provenant de la plénitude de la grâce divine présent en elle et cela avec une grande admiration et très respectueusement est salué par le même archange Gabriel.
Luigi Maria di Grignion di Montfort a voulu décrire la beauté incomparable de Marie en ces termes: « Dieu, le Père, a fait un ensemble de toutes les eaux qu’il a appelées la mer; il a fait un ensemble de toutes ses grâces, qu’il a appelées Marie ». En revanche, il ressort clairement des procès-verbaux qu’en 1854, lorsque la commissaire Jacquomet l’a interrogée, la petite Bernadette Soubirous a décrit Maria comme « la plus belle de toutes les dames que je connaisse ».
Mais nous ne pouvons pas ignorer le fait que, comme le soulignent les Pères de l’Église et de nombreux exégètes de la Bible faisant autorité, c’est justement Marie qui parle dans le livre du « Cantique des Cantiques » en tant que femme d’une beauté extraordinaire: « Comme tu es beau, mon ami, comme tu es beau! / Vos yeux sont des colombes / derrière votre voile. / Vos cheveux sont un troupeau de chèvres / qui descendent des pentes du Galaad. / Vos dents sont comme un troupeau de moutons rasés, / qui sortent du bain / tous vont ensemble, / et aucun n’est sans compagnon./ Comme un ruban violet tes lèvres / et ta bouche est imprégnée de grâce / comme ta tranche de grenade / à travers votre voile. / Comme la tour de David, votre cou, / construit comme une forteresse. / Un millier de boucliers y sont suspendus, / toutes les armures de braves. / Vos seins sont comme deux faons, / des jumeaux de gazelle, / qui paissent parmi les lis./ Tu es toute belle, mon ami, / aucune tache en toi./ Tu as captivé mon cœur, / ma soeur, épouse, / tu as saisi mon cœur / avec un seul regard de toi,/ avec une seule perle de ton collier! / Comme tes caresses sont douces, / ma soeur, ma fiancée, / combien plus délicieuses tes caresses de vin./ L’odeur de tes parfums surpasse tous les arômes./ Tes lèvres gouttent vierge miel, ou mariée, / il y a du miel et du lait sous ta langue / et l’odeur de tes vêtements ressemble à l’odeur du Liban./ Tu es un jardin clos / ma soeur, ma mariée / un jardin fermé, une fontaine scellée. /
Mais, en général, on peut dire que presque toutes les femmes du Nouveau Testament sont de belles femmes parce qu’elles sont désespérément amoureuses de Christ et de sa sagesse.

HOMÉLIE POUR LE 33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « TOUT SERA DÉTRUIT » TEXTES DE L’ÉCRITURE : MALACHIE 3, 19-20, THESSALONICIENS. 3, 7-12 ET LUC 21, 5-19.

15 novembre, 2019

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-33e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-C-Tout-sera-detruit_a920.html

HOMÉLIE POUR LE 33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « TOUT SERA DÉTRUIT »
TEXTES DE L’ÉCRITURE : MALACHIE 3, 19-20, THESSALONICIENS. 3, 7-12 ET LUC 21, 5-19.

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Arc de Triomphe de Titus sur la destruction de Jérusalem en l’an 70 montrant la prise de la Menorah par les romains, Roma (Crédit photo : copie au Beth Hatefutsoth reproduite via Wikimedia Commons)

Les paroles de Jésus que nous venons de lire sont mystérieuses. Saint Luc à dessein y mêle la destruction de Jérusalem à la fin du monde et au Retour du Christ à la fin des temps. Ce qu’il fait a un nom. Je vous le donne, mais vous n’avez pas besoin de le retenir, ce qui compte c’est de savoir de quoi il retourne.
Nous sommes ici avec ce texte de saint Luc dans le domaine de l’eschatologie, es-cha-to-lo-gie.
Commençons donc par définir ce qu’est l’eschatologie puis nous verrons les applications qu’on peut faire du texte de saint Luc.

I – Qu’est-ce que l’eschatologie ?
L’eschatologie regarde ce qui a rapport aux fins dernières. Le mot grec « eschaton » se traduit par « dernier » en français. Cela nous donne l’accent qui est mis dans l’eschatologie sur ce qui doit venir à la fin des temps. Tout ce qui est créé aura une fin.
C’est évident pour chacune et chacun de nous pris individuellement. Notre vie se terminera un jour. C’est certain, même si on ne sait pas comment. Il en est de même pour l’univers qui nous entoure auquel on est si sensible aujourd’hui dans le mouvement écologiste. Cet univers qui nous a été donné disparaîtra un jour. Il aura une fin. L’eschatologie a ainsi un sens cosmique.
Pour parler de ces réalités qui viennent – on ne sait quand – il s’est développé des images de toutes sortes. Cela donne le style littéraire bien particulier où on décrit avec ces images comment sont entrevus les derniers temps. Il ne s’agit pas de descriptions scientifiques, mais bien plutôt de morceaux qui ressemblent à des poésies ou à des histoires de bandes dessinées. Les images se bousculent dans les textes comme celui d’aujourd’hui. Il est question de bouleversements, de guerres, de peurs, de cataclysmes etc.
On ne doit pas prendre ces descriptions à la lettre, mais on doit retenir qu’elles ne sont pas inutiles puisqu’elles nous tournent vers ce qui adviendra un jour pour nous personnellement ou pour l’univers que le pape François appelle notre « maison commune » dans son encyclique Laudato si’, sur l’écologie (24 mai 2015).

II – Le Retour du Christ
Dans la foi chrétienne on a retenu que les fins dernières verront le Retour du Christ glorieux qu’on décrit comme la seconde venue du Christ, son second avènement.
C’est un événement que les Écritures nous présentent avec moult descriptions. Ce Retour du Christ est associé au jugement dernier dont parle saint Mathieu au chapitre 25 de son évangile lorsqu’il dit que les justes seront à la droite du Christ et les mauvais à sa gauche parce que les premiers l’ont servi dans leurs frères et sœurs et les autres n’ont pas su reconnaitre en eux le Christ qui les visitaient.
Ce Retour du Christ est aussi associé à la fin du monde. Surgira alors un monde nouveau et des cieux nouveaux comme le dit le livre de l’Apocalypse : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus » (Apocalypse 18, 1). Le Règne de Dieu prendra toute la place et le monde ancien disparaîtra. Les descriptions pour révéler cette réalité essentielle de notre foi sont parfois dignes des vidéos ou des films d’anticipation. Retenons que ce sont des images et que la réalité, elle, est beaucoup plus simple. Elle réside dans la foi au Christ « qui est, qui était et qui vient » comme nous le chantons après chaque consécration à la messe lorsque le prêtre dit « Il est grand le mystère de la foi » et que nous répondons « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire »
Certains chrétiens ont tellement voulu mettre en évidence ce mystère de notre foi qu’ils en ont fait l’essentiel de celle-ci. Pour eux, l’insistance est placée sur le Retour du Christ qui adviendra à la fin des temps. Ils se sont donné le nom d’Adventistes et ils forment une Église assez répandue aux États-Unis : les « Adventistes du septième jour ».

III – Le temps de l’Église
Saint Luc dans le texte de l’évangile que nous venons d’entendre ramasse plusieurs considérations dont certaines s’adressent aux premiers chrétiens qui étaient victimes de persécutions dans l’empire romain à cette époque.
Écoutez ses observations. « On portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. » Et plus loin « Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. »
Saint Luc ici nous montre que Jésus sait que son message suscitera des oppositions à commencer par celle de ses concitoyens qui réclameront sa mort. Il est conscient de la révolution, pourrait-on dire, qu’il demande dans les comportements et dans la façon de vivre l’Alliance de Dieu avec son peuple qu’il proclame dans les Béatitudes. Il est le messager de l’amour inconditionnel de Dieu pour l’humanité. Personne n’est exclu de ce mouvement d’amour dont il sera l’illustration extraordinaire par sa mort sur la croix.
Jésus souhaite ici que ses disciples n’aient pas honte de ce qu’ils sont et qu’ils soutiennent avec persévérance les épreuves et les difficultés de l’annonce de la Bonne Nouvelle qu’il apporte au monde. C’est ici tout l’histoire de l’Église qu’il faudrait évoquer, mais ne vous inquiétez pas, je ne le ferai pas. Qu’il me suffise de vous sensibiliser au fait que dans la perspective eschatologique le temps entre la Résurrection de Jésus et son Retour dans la gloire se nomme le temps de l’Église.
C’est le temps où les disciples de Jésus font le chemin nécessaire pour rester près de lui dans les cultures, les contrées, les temps, les circonstances et les changements où ils vivent. C’est ce que le pape François met en œuvre dans les deux conciles dont parlent les journaux : celui de l’Amazonie qui s’est terminé le 26 octobre 2019 et celui de l’Allemagne prévu en 2020.
Ce temps de l’Église n’a pas été déterminé d’avance. L’Église existe depuis déjà 2000 ans et qui dit que nous ne sommes pas encore dans la primitive Église. Ce temps de l’Église pour nous c’est maintenant. C’est celui où nous sommes appelés à transmettre le don reçu de la foi en Jésus. C’est aussi le temps où nous sommes invités à mettre en pratique ses enseignements et proclamer son message à toutes les nations: « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. ». (Mathieu 28, 19-20)

Conclusion
Cette promesse que je viens de rappeler est le soutien que nous avons dans ce temps de l’Église où nous sommes engagés comme baptisés et enfants de Dieu. Notre route n’est pas sans issue, au contraire elle est ouverte sur la présence de Celui que nous suivons avec persévérance : « Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » comme il est dit à la fin de notre évangile de ce dimanche.
Demandons, si vous le voulez, cette grâce de la persévérance. Les tentations de décrochage nous assaillent parfois dans notre vie personnelle ou dans la vie de l’Église. Les fruits de notre foi en Jésus n’apparaissent pas toujours assez clairement pour nous. Nos attentes sont parfois bien égoïstes.
Demandons au Seigneur de nous rendre accueillants à la présence de son Esprit qui nous guide sur les chemins de notre vie et sur ceux de la vie de l’Église. Et prions pour celui que Dieu nous a donné comme pasteur de celle-ci : le pape François.

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – Catéchèse sur les actes des apôtres – 15.  » Celui qui, sans le savoir, vous adorez, je vous le signale  » ( Actes 17:23). Paul sur l’aréopage: un exemple d’inculturation de la foi à Athènes

13 novembre, 2019

http://www.vatican.va/content/francesco/it/audiences/2019/documents/papa-francesco_20191106_udienza-generale.html

pens targa di bronzo del discorso di paolo ad atene

Plaque en bronze du discours de saint Paul à Athènes

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE – Catéchèse sur les actes des apôtres – 15.  » Celui qui, sans le savoir, vous adorez, je vous le signale  » ( Actes 17:23). Paul sur l’aréopage: un exemple d’inculturation de la foi à Athènes

Chers frères et soeurs, bonjour!

Place Saint Pierre
Mercredi 6 novembre 2019

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons notre «voyage» avec le livre des Actes des apôtres. Après les épreuves vécues à Philippes, Thessalonique et Berée, Paul arrive à Athènes, précisément au cœur de la Grèce (cf. Ac 17, 15). Cette ville, qui vivait dans l’ombre des antiques gloires malgré la décadence politique, conservait encore le primat de la culture. C’est là que l’esprit de l’apôtre «s’échauffait en lui au spectacle de cette ville remplie d’idoles» (Ac 17, 16). Toutefois, cet «impact» avec le paganisme, au lieu de le faire fuir, le pousse à créer un pont pour dialoguer avec cette culture.
Paul choisit de se familiariser avec la ville et commence ainsi à fréquenter les lieux et les personnes les plus significatives. Il va à la synagogue, symbole de la vie de foi; il va sur la place, symbole de la vie citadine; et il va à l’Aréopage, symbole de la vie politique et culturelle. Il rencontre des juifs, des philosophes épicuriens et stoïciens, et de nombreux autres. Il rencontre tout le monde, il ne se renferme pas, va parler avec tous. Et, de cette façon, Paul observe la culture, observe le climat d’Athènes «à partir d’un regard contemplatif» qui découvre «ce Dieu qui habite dans ses maisons, dans ses rues, sur ses places» (Evangelii gaudium, n. 71). Paul ne regarde pas la ville d’Athènes et le monde païen avec hostilité, mais avec les yeux de la foi. Et ainsi, il nous fait nous interroger sur notre façon de regarder nos villes: les observons-nous avec indifférence? Avec mépris? Ou bien avec la foi qui reconnaît les fils de Dieu au milieu des foules anonymes?
Paul choisit le regard qui le pousse à ouvrir une brèche entre l’Evangile et le monde païen. Au cœur de l’une des institutions les plus célèbres du monde antique, l’Aréopage, il réalise un exemple extraordinaire d’inculturation du message de la foi: il annonce Jésus Christ aux adorateurs d’idoles, et il ne le fait pas en les agressant, mais en se faisant «pontife, constructeur de ponts» (Homélie à Sainte-Marthe, 8 mai 2013).
Paul part de l’autel de la ville dédié à un «dieu inconnu» (Ac 17, 23) — il y avait un autel avec l’inscription «Au dieu inconnu»; aucune image, rien, uniquement cette inscription. En partant de cette «dévotion au dieu inconnu, pour avoir de l’empathie pour ses auditeurs, il proclame que Dieu «vit parmi les citadins» (Evangelii gaudium, n. 71) et «ne se cache pas à ceux qui le cherchent d’un cœur sincère, bien qu’ils le fassent à tâtons» (ibid.). C’est précisément cette présence que Paul cherche à dévoiler: «Ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer» (Ac 17, 23).
Pour révéler l’identité du dieu que les Athéniens adorent, l’apôtre part de la création, c’est-à-dire de la foi biblique dans le Dieu de la révélation, pour arriver à la rédemption et au jugement, c’est-à-dire au message proprement chrétien. Il montre la disproportion entre la grandeur du Créateur et les temples construits par l’homme, et explique que le Créateur se fait toujours chercher afin que chacun puisse le trouver. De cette façon, Paul, selon une belle expression du Pape Benoît XVI, «annonce Celui que les hommes ignorent, et pourtant connaissent: l’Inconnu-Connu» (Benoît XVI, Rencontre avec le monde de la culture au collège des Bernardins, 12 septembre 2008). De plus, il invite chacun à aller au-delà «des temps de l’ignorance» et à se décider pour la conversion en vue du jugement imminent. Paul arrive ainsi au kérygme et fait allusion au Christ, sans le citer, le définissant comme l’«homme qu’il a désigné, offrant à tous une garantie en le ressuscitant des morts» (Ac 17, 31).
Et c’est là qu’est le problème. La parole de Paul, qui jusqu’à présent avait tenu ses interlocuteurs en haleine — parce que c’était une découverte intéressante — trouve un écueil: la mort et la résurrection du Christ apparaîssent comme «une folie» (1 Co 1, 23) et suscitent le mépris et la dérision. Paul s’éloigne alors: sa tentative semble avoir échoué, et au contraire, certains adhèrent à sa parole et s’ouvrent à la foi. Parmi ceux-ci Denys, membre de l’Aréopage, et une femme, Damaris. A Athènes aussi, l’Evangile s’enracine et peut parler à deux voix: celle de l’homme et celle de la femme!
Demandons nous aussi aujourd’hui à l’Esprit Saint de nous enseigner à construire des ponts au moyen de la culture, avec ceux qui ne croient pas ou avec ceux qui ont une croyance différente de la nôtre. Toujours construire des ponts, toujours la main tendue, pas d’agression. Demandons-lui la capacité d’inculturer avec délicatesse le message de la foi, en posant sur ceux qui ignorent le Christ un regard contemplatif, mû par un amour qui réchauffe même les cœurs les plus endurcis.

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les jeunes du diocèse de Paris. Frères et sœurs, demandons à l’Esprit Saint de nous apprendre à construire des ponts avec ceux qui ne croient pas. Que nous sachions toujours leur témoigner de notre foi, en portant sur eux un regard d’amour qui touche même les cœurs les plus endurcis. Que Dieu vous bénisse !

 

HOMÉLIE POUR LE 32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « IL N’EST PAS LE DIEU DES MORTS, MAIS DES VIVANTS »

8 novembre, 2019

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Dio non è dei morti, ma dei viventi; perché tutti vivono per lui».

HOMÉLIE POUR LE 32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « IL N’EST PAS LE DIEU DES MORTS, MAIS DES VIVANTS »

Textes : 2 Macchabées (Martyrs d’Israël) 7, 1-2.9-14), II Thessaloniciens 2, 16 – 3, 5 et Luc 20, 27.34-38.

La lecture de ce texte de l’évangile de saint Luc m’a rappelé mes conversations du dimanche avec ma mère décédée à 95 ans quelques années après mon père avec qui elle avait vécu un grand amour. Elle me demandait souvent : « Est-ce que je vais pouvoir le revoir quand je vais mourir ? Comment il va être ? Est-ce que je vais le reconnaître ? »
Autant de questions qu’elle n’est pas la seule à s’être posées. Elles sont derrière la situation évoquée par les Sadducéens pour embêter Jésus.

I – La question des Sadducéens
La situation présentée à Jésus par les Sadducéens où une épouse a eu plusieurs maris n’est pas incongrue même si le nombre de sept est hors norme et leurs morts subites aussi. On comprend qu’il s’agit d’un cas hypothétique soumis à Jésus pour le piéger.
En effet, il faut savoir que les Sadducéens, un groupe de notables juifs, ne croyaient pas à la résurrection des morts et à la vie éternelle. Leurs adversaires, les Pharisiens, eux y croyaient en s’appuyant sur des textes comme ceux de la première lecture qui, en racontant la mort des sept frères arrêtés avec leur mère, dévoile cette foi que chacun proclame à sa façon. En effet le quatrième frère sur le point d’expirer déclare : « Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle… Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu ».
Les Sadducéens veulent montrer que cette croyance est absurde. C’est le but de leur histoire qui se veut une illustration parfaite de cette absurdité. « Cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » demandent-ils à Jésus. Ils transposent dans la vie éternelle, sans adaptation aucune, la vie d’ici-bas.On voit bien que la question posée comme cela ne peut recevoir de réponse satisfaisante. Il faut donc conclure que la résurrection des morts et la vie éternelle n’existent pas. Il faut se concentrer sur la vie d’ici-bas où le temps passe et…les maris aussi. Les liens disparaissent avec la mort qui les emporte. Pas de vie éternelle, encore moins de résurrection des morts.

II – La réponse de Jésus
Cette histoire présentée par les Sadducéens nous vaut une réponse de Jésus qui a alimenté la foi des premiers chrétiens et qui est encore inspirante pour nous aujourd’hui.
En effet, saint Luc met dans la bouche de Jésus une réponse qui exprime bien l’essentiel de la foi chrétienne : « Ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection ».
« Enfants de la résurrection ». Cette réponse est toute entière illuminée par la lumière de la résurrection de Jésus. Au moment où saint Luc écrit son évangile, entre 70 et 85 après Jésus-Christ très probablement, les premières communautés chrétiennes existent un peu partout et elles vivent dans la foi en Jésus ressuscité, toujours vivant que les premiers témoins ont rencontré après le Vendredi Saint. Il est donc logique pour eux de mettre dans la bouche de Jésus une affirmation claire de la résurrection des morts et de la vie éternelle qui font partie de leur foi : « Ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection » dit Jésus.
Cette réponse met devant nos yeux la réalité de la vie après la mort dans une perspective de foi qui se fonde sur la résurrection du Christ qui fera dire à Saint Paul : « S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité ». ( I Corinthiens 15, 13)
Ceci étant dit, qu’en est-il de la question de ma mère semblable à celle des Sadducéens ?

III – Une vie porteuse de vie éternelle
Je ne suis pas certain que la question soit bien posée, car comme le dit l’évangile « ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges ».
Les questions qui nous habitent sont calquées sur les réalités sensibles que nous vivons, mais après la mort ces réalités sont transformées. Les personnes défuntes continuent de vivre mais elles sont dans un état différent du nôtre. Comme pour les anges et comme pour le Christ ressuscité, les frontières du temps et de l’espace n’existent plus. Elles sont devenues des êtres nouveaux tout en restant elles-mêmes mais d’une façon différente de celle qu’elles avaient sur la terre.
C’est pourquoi, par exemple, lors des apparitions du Christ ressuscité, souvent on ne le reconnaît pas tout de suite ou encore comme Marie Madeleine on le prend pour une autre personne. Dans son cas, elle le prend pour le jardinier avant de le reconnaître dans la foi. « S’étant retournée, est-il écrit dans l’évangile de saint Jean, elle lui dit en hébreu : ‘’ Rabbouni !’’, c’est-à-dire : ‘’Maître’’. Jésus reprend : ‘’ Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu ‘’ ». (Jean 20, 17)
Vous voyez que le message de l’évangile d’aujourd’hui nous rejoint toutes et tous car il ouvre la porte sur nos questions concernant ce mystère de la résurrection des morts et de la vie éternelle. C’est dans la foi que nous recevons la réponse de Jésus qui invite à faire confiance à Celui qui est notre Père et Maître de l’univers. Le « comment de la vie éternelle » nous échappe, mais la réalité de celle-ci fait partie de notre foi.
Nous sommes ainsi invités, non pas à discuter comme les Sadducéens, mais à plonger dans cette foi en la résurrection et en la vie éternelle dont Jésus nous montre le chemin par sa propre Résurrection.

Conclusion
Cette homélie dominicale vous a peut-être rappelé les homélies de funérailles auxquelles vous avez participé à l’occasion. C’est juste, car le questionnement des Sadducéens pour mettre Jésus en boite, n’est pas farfelu. Il nous habite nous aussi comme c’était le cas pour ma mère. Nous sommes toutes et tous invités à dépasser nos questions et à faire le saut dans la foi que nous proclamons à chaque Eucharistie lorsque nous faisons notre profession de foi : « Je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle ».
Nous serons soutenus pour faire ce saut dans la foi par la certitude que nous donne l’Eucharistie qui nous fait rencontrer à chaque messe le Christ Ressuscité et toujours vivant. Dans la liturgie que nous célébrons à la messe nous nous unissons à la liturgie qui se célèbre dans le ciel où Jésus se tient devant son Père avec nos frères et sœurs défunts dans une louange et un bonheur éternels que je nous souhaite à toutes et à tous.

Mgr Hermann Giguère P. H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

ENZO BIANCHI: PRIER, C’EST ENTRER DANS LE CŒUR DE L’HISTOIRE

4 novembre, 2019

https://www.famigliacristiana.it/articolo/enzo-bianchi-riscopriamo-il-valore-della-preghiera.aspx

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ENZO BIANCHI: PRIER, C’EST ENTRER DANS LE CŒUR DE L’HISTOIRE

03/09/2014 « Intercéder, c’est faire un pas en avant, aller au cœur des situations », explique le prieur de Bose.

La prière est vraiment un casse-tête sympa. Saint Paul, écrivant aux chrétiens de Rome, le dit clairement: « Nous ne savons même pas ce qu’il convient de demander » (Rom 8: 26-27), en assurant toutefois le « secours » du Saint-Esprit. Augustin , quant à lui, a affirmé que les mots « le devoir de prier est mieux rempli de gémissements que de mots, plus de larmes que de discours » ne sont pas nécessaires.
Le père André Louf, un moine trappiste français décédé en 2010 et un grand professeur de spiritualité, a affirmé que « la prière la plus contemplative et l’action la plus engagée sont pratiquement identiques ». Pour un laïc agité, comme Cesare Pavese , la prière n’est rien de plus que de la « libérer comme avec un ami ».
Cependant, nous devons peut-être nous demander s’il est encore possible de prier pour l’homme laïcisé et hyperactif d’aujourd’hui. À toutes ces questions, Enzo Bianchi , prieur du monastère de Bose, a consacré un livre. Le titre, éloquent, va droit au but: pourquoi prier, comment prier , qui sera joint au numéro de Famiglia Cristiana en kiosque à partir du 11 septembre.
Commençons ici. Prier aujourd’hui n’est-il pas un luxe?
« C’est vrai, c’est un moment de crise pour la prière et ce flou se fait sentir dans tout le monde dit occidental, qui correspond au monde de l’abondance, de l’opulence. La prière fait défaut car l’homme fait tellement confiance à lui-même, à la science et à la technique qu’il lui semble qu’il n’a plus besoin de Dieu, c’est pourquoi nous devons faire un acte de discernement et nous demander avant tout ce qu’est exactement la prière chrétienne. sans le confondre avec prière tout court ».
Quelle est la spécificité de la prière chrétienne?
« Il est vrai que la prière est une expression universelle de l’humain, mais la prière chrétienne a sa propre particularité. Il consiste avant tout à écouter Dieu avant même de lui parler, celui qui prie écoute avant de demander quelque chose à Dieu. Cela signifie que la prière doit se transformer, s’épanouir à nouveau: nous devons lui rendre le primat chrétien de l’écoute. Aujourd’hui, cependant, il arrive de plus en plus souvent que la prière soit présentée comme une pratique qui « fait du bien », ce qui « profite à la bonne santé du corps », ou comme une activité d’hygiène mentale, comme un antidépresseur. Ce n’est pas le vrai sens de la prière chrétienne ».
Alors, la prière finit-elle par prendre la deuxième place?
« Il était une fois beaucoup de discussions sur certaines façons de prier: les dévotions, la piété populaire. Les écoles de spiritualité ont expérimenté et proposé de nombreuses formes de prière, qui représentent également un renouveau spirituel. Pensons à la prière contemplative que l’école de Charles de Foucauld nous a enseignée à la fin du siècle dernier. Aujourd’hui, cependant, la question est plus radicale: il ne s’agit pas tant de prier que de savoir pourquoi prier. La prière, pour le chrétien, n’est pas un acte automatique ni un acte perdu, il faut pour cela avoir la foi ou la retrouver. On prie s’il a la foi, s’il a la confiance pour obtenir une réponse, s’il est soutenu par l’espoir d’être dans une relation, s’il est confiant qu’il peut écouter un Autre et qu’il peut être écouté à son tour. Aujourd’hui, le défi de la prière est beaucoup plus radical en Occident que dans d’autres parties du monde,
La foi est fondamentale, alors …
« Certainement. En effet, je dirais que le problème de la prière est un problème de foi, la prière est l’éloquence de la foi, s’il n’y en a pas un, il n’existe même pas l’autre ».
N’y a-t-il pas un risque que même le chrétien ait le sentiment que la prière est inutile ou en tout cas pas très concrète? « Le chrétien doit être capable de lire l’histoire et de voir que dans l’histoire, une composante constante est précisément la prière: tous les livres de la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse, nous le disent. En réalité, lorsque nous prions, nous ne faisons pas d’activité intellectuelle ou de pensée, mais nous nous préparons à entrer dans une situation, dans un contexte relationnel. L’intercession, la prière pour la paix, pour les migrants morts en Méditerranée ou les chrétiens persécutés et tués, n’est pas inutile car elle nous prépare à être responsables devant ces frères. Intercession signifie littéralement faire un pas en avant, pénétrer au cœur des situations historiques. La prière n’est pas évasive. Il est significatif que le pape François ait insisté pour prier pour lui, pour l’Église, pour de nombreuses situations difficiles. C’est comme dire: chers frères, Je vous demande de partager les responsabilités, je vous demande de travailler ensemble, en communion, tel est le sens authentique et profond de prier ensemble. Sans la prière, rien n’est préparé pour ce qui est une action dans l’histoire « .
On pourrait objecter qu’aujourd’hui, il n’ya pas de temps pour prier.
«C’est un problème concret mais aussi un faux. En réalité, ce qui est difficile pour nous, ce n’est pas tant de prier que d’arrêter, d’être seul, de rester silencieux. Celui qui dit qu’il n’a pas le temps est un aliéné du temps, qui ne domine pas et ne commande pas le temps et sa vie mais est avalé ».

BENOÎT XVI – AUDIENCE GÉNÉRALE – Commémoration de tous les fidèles défunts (2.11.2011)

1 novembre, 2019

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20111102.html

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BENOÎT XVI – AUDIENCE GÉNÉRALE – Commémoration de tous les fidèles défunts (2.11.2011)

Salle Paul VI
Mercredi 2 novembre 2011

Chers frères et sœurs !

Après avoir célébré la solennité de tous les saints, l’Eglise nous invite aujourd’hui à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Au cours de l’Audience d’aujourd’hui, je voudrais donc vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle.
Comme je le disais déjà hier au cours de l’Angélus, nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et sœurs qui ont déjà atteint l’éternité.
Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde.
Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.
Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.
De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.
Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.
Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).
Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l’aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.
Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre. Merci.