HOMÉLIE POUR LE 23E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « SI QUELQU’UN VIENT À MOI… »
HOMÉLIE POUR LE 23E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « SI QUELQU’UN VIENT À MOI… »
Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P.H. du Séminaire de Québec. Homélie du 8 septembre 2019. Textes: Sagesse 9, 13-18, Philémon 9b-10.12-17 et Luc 14, 25-33.
Le début du texte de saint Luc que je viens de lire est abrupt, provoquant et même choquant. Il faut toutefois noter que le terme « haïr » traduit ici une priorité. En hébreu, il veut dire littéralement et plus justement « préférer ». Nous y reviendrons. Quoiqu’il en soit, nous sommes devant une invitation percutante de Jésus. Regardons-y de plus près.
I – Un monde nouveau
Jésus ne vient pas annoncer un monde nouveau où l’amour est condamné. Au contraire, comme l’ont retenu les disciples de saint Jean, Jésus a prêché l’amour et non la haine : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » comme il est répété de nombreuses fois dans la première lettre de saint Jean (1 Jean 2, 9-10 et 4, 20).
Pourquoi alors ces formules si provocantes? Comme je l’ai dit en commençant, la traduction « me préférer » nous donne la clé. « Haïr » dans le langage des juifs, dans la langue hébraïque qui est une langue sémitique, c’est synonyme de mettre consciemment au deuxième rang.
Père, mère, femme, enfants, frères, sœurs et même sa propre vie, tout cela doit être bien situé par rapport à Jésus qui doit être mis au centre de sa vie. Pour suivre Jésus, il est indispensable que Jésus soit placé au-dessus de tout, qu’il y ait de notre part un jugement de valeur le reconnaissant comme la Voie, la Vérité et la Vie, comme le seul et unique Sauveur de nos vies, comme la révélation parfaite du Père, car en lui seul réside le salut.
Les premiers disciples l’avaient bien compris. Pas de salut possible sans reconnaître que ce salut vient par Jésus, sans donner à Jésus la priorité absolue, sans en faire le centre de notre vie. Les apôtres Pierre et Jean, devant le tribunal du Sanhédrin, appelés à se justifier d’une guérison qu’ils avaient faite à la sortie du Temple le proclament avec conviction : « Il n’y a aucun salut ailleurs qu’en lui, car il n’y a dans le ciel aucun autre nom offert aux hommes qui soit nécessaire à notre salut » (Actes des apôtres 4, 12).
II – De la nécessité de s’asseoir
Cet enseignement tiré du début du texte de saint Luc me semble demander deux commentaires complémentaires.
Le premier nous est fourni par les deux petites paraboles qui l’accompagnent. Celles-ci nous invitent à ne pas nous décider à la légère pour le Christ. Elles nous demandent de nous asseoir, de réfléchir, de tenir conseil avec nous-même. Être disciple de Jésus c’est un choix réfléchi, libre, ce n’est pas seulement une question d’enthousiasme du moment, car être disciple nous amène forcément sur le même chemin que celui de Jésus où la croix ne fera pas défaut. : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi, ne peut être mon disciple » dit Jésus.
Il y a un point de départ, des reprises même de départ, et cela peut se vivre à tout âge – sainte Thérèse d’Avila a vécu ce départ réel dans la quarantaine – et c’est au point de départ que Jésus doit être préféré à tout, c’est au point de départ qu’il faut faire un choix lucide, réfléchi. C’est ce qui manque chez plusieurs au Québec qui se disent chrétiens sans vraiment en faire un véritable choix. Ils ont peur de s’afficher croyants ou catholiques et s’en vont ainsi sans jamais se compromettre pour Jésus.
III – Les vocations particulières et la vocation universelle à la sainteté
Ceci étant dit, venons-en au second commentaire qui portent sur la diversité des vocations à la sainteté.
Jésus demande à tous le même sérieux à sa suite. Tous ceux et celles qui entendent son appel à la conversion et à la foi en son message et qui répondent oui sincèrement sont des disciples de Jésus.
De grandes foules faisaient route avec Jésus, est-il dit au début du texte de l’évangile lu il y a un instant. C’est à ces « grandes foules » que la parole de Jésus s’adresse, et non pas à une certaine élite spirituelle ou mystique. Les exigences que Jésus exprime peuvent nous paraître exorbitantes. Il serait trop facile de s’en débarrasser avec l’excuse qu’elles ne s’adressent pas à tous, mais aux moines, aux religieux et aux religieuses seulement. Le Concile Vatican II nous le rappelle clairement lorsqu’il dit dans la Constitution sur l’Église: « Il est évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang. » (Lumen Gentium 40)
Mais il y a aussi des vocations, des appels particuliers. Certains et certaines vont suivre Jésus en renonçant au mariage « pour le Royaume de Dieu » (Mathieu 19, 12), en renonçant à l‘argent et à la propriété. Ils vont faire les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance dans un ordre ou une congrégation religieuse.
Si tous sont appelés à préférer Jésus à tout, à le recevoir comme Sauveur, tous ne sont pas appelés à vivre de la même façon le renoncement évangélique dont parle l’Évangile. Zachée n’a pas tout abandonné (Luc 19, 10). Les femmes de Galilée qui ont suivi Jésus ne renoncent pas à tout ce qu’elles possèdent (Luc 8, 3).
Il y a ici le mystère des vocations et des appels particuliers à respecter, mais sans jamais oublier que tous sont appelés à la sainteté. L’appel à la sainteté est universel comme le proclame le Concile Vatican II dans la sainteté dans son état de vie, dans sa vocation particulière et dans son histoire personnelle. La sainteté n’est pas réservée aux religieux et aux religieuses comme on l’a trop souvent laissé entendre autrefois. La mère de famille, la femme au travail, le médecin, le plombier, l’étudiant, l’écolier, le gestionnaire etc. peuvent eux aussi marcher sur la voie de la sainteté. Le pape François dans son Exhortation apostolique portant sur la sainteté publiée le 9 avril 2018 nous invite à aller dans ce sens en considérant « la grande nuée de témoins » de la sainteté « et parmi eux, écrit-il, il peut y avoir notre propre mère, une grand-mère ou d’autres personnes proches (cf. 2 Tm 1, 5). Peut-être leur vie n’a-t-elle pas toujours été parfaite, mais, malgré des imperfections et des chutes, ils sont allés de l’avant et ils ont plu au Seigneur ». (GE 3) Il les appelle « les saints de la porte d’à côté » ou « la classe moyenne de la sainteté » (GE 7).
On en a de beaux modèles d’une sainteté vécue dans son état de vie et sa vocation personnelle dans les enfants de Fatima, François et Jacinthe, qui ont été reconnus saints par le pape Jean-Paul II et béatifiés le 13 mai 2000, dans cette femme médecin, Jeanne Beretta Molla qui s’est sacrifiée pour son enfant (béatifiée le 24 avril 1994), ou encore dans cet étudiant sportif, alpiniste et rassembleur, Pier Giorgio Frassati (1901-1925) béatifié le 20 mai 1990 à Rome.
Conclusion
Frères et sœurs, demandons au Seigneur de renouveler notre désir lucide de suivre Jésus et que cette Eucharistie nous donne la force d’aller jusqu’au bout comme Jésus lui-même,
Amen!
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