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HOMÉLIE POUR LE 20E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « JE SUIS VENU APPORTER UN FEU SUR LA TERRE »

16 août, 2019

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HOMÉLIE POUR LE 20E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « JE SUIS VENU APPORTER UN FEU SUR LA TERRE »

Textes: Jérémie 38, 4-6.-10, Hébreux 12, 1-9 et Luc 12, 49-53.

J’ai un confrère aimant bien l’humour qui, un jour, lorsqu’il avait terminé la lecture de cet évangile, ferma ostensiblement le Livre de la Parole et lança d’un ton surpris « Quelle famille !».
La description des conflits et des oppositions qui attendent le disciple de Jésus est ainsi symbolisée par les divisons familiales ou entre amis. Elles sont le symbole d’une situation où l’annonce du salut que Dieu donne suscite non seulement des hésitations mais des oppositions.

I- Le prophète Jérémie
Cela est une longue histoire. Dans l’Ancien Testament, tout au cours de l’histoire du peuple élu, les prophètes ont rencontré des oppositions car ils allaient à contre-courant bien souvent des attentes simplistes et à courte vue de leurs contemporains. Pour ceux-ci, les valeurs se limitaient à ce qu’on voit, au profit, à la réussite, aux victoires guerrières, alors que les prophètes annonçaient une alliance où les cœurs sont changés, où le feu de l’amour a la première place. C’est ce message que Jésus reprend lorsqu’il dit : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! »
Parmi les prophètes, la figure du prophète Jérémie est emblématique. On le voit aujourd’hui dans un récit très coloré : « Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne de Melkias, fils du roi, dans la cour de garde. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue ». Au fond de cette citerne, Jérémie ne lâche pas. Il est à contre-courant, mais il s’appuie sur la Parole de Dieu qui le sauve de ce mauvais pas en changeant le cœur du roi qui donne cet ordre à Ébed-Mélek l’Éthiopien : « Prends trente hommes avec toi, et fais remonter de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. »
On sait par la suite que les déboires du prophète Jérémie ne sont pas finis, mais on sait aussi qu’il demeurera toujours fidèle à l’annonce du salut que Dieu offre à son peuple dans une alliance où ce sont les cœurs qui sont visés et non seulement les pratiques et les observances de la Loi.

II – Les paroles de Jésus
Ces situations vécues par Jérémie se rencontrent, toutes proportions gardées, tout au long de l’histoire de l’Église. Au moment où saint Luc écrit son évangile, il commençait à y avoir des divisions et même des persécutions. Aujourd’hui, dans nos sociétés très sécularisées, la référence aux convictions religieuses est souvent mise à l’écart. Et pourtant, c’est ce qui fait vivre bien des gens. Les croyants dont nous sommes doivent donc s’attendre à aller à contre-courant, eux aussi, comme le prophète Jérémie.
Les papes depuis saint Jean-Paul II nous le rappellent souvent. À preuve ces mots de saint Jean-Paul II qui ont fait le tour du monde lors de son élection comme évêque de Rome et pape le 22 octo­bre 1978 : «N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, à sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation et du développement. »
Et tout récemment, le pape François dans son Exhortation apostolique à la suite du Synode sur les jeunes en octobre 2018 les invite, ainsi que tout le Peuple de Dieu, à ne pas se laisser détourner des valeurs et de la foi professée malgré les oppositions et la diffusion des valeurs du monde, les fameuses « valeurs mondaines » dont le pape François parle fréquemment, souvent contraires à celles de l’Évangile. Je cite : « L’Église du Christ peut toujours succomber à la tentation de perdre l’enthousiasme parce qu’elle n’écoute plus l’appel du Seigneur au risque de la foi, l’appel à tout donner sans mesurer les dangers, et qu’elle recommence à chercher de fausses sécurités mondaines ». (Christus vivit n. 37) « Soyez capables d’aller à contre-courant et sachez partager Jésus, communiquez la foi qu’il vous a offerte. Si seulement vous pouviez sentir dans le cœur le même mouvement irrésistible qui agitait saint Paul quand il disait :  » Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile  » » (1Co 9, 16). (Ibidem, n. 176)
Les paroles de Jésus à ses disciples que nous rappelons ce matin sont pour nous un encouragement bienvenu. Oui, son message est comme un feu qui réchauffe et qui éclaire même si sa diffusion ne sera pas sans rencontrer bien des obstacles, parfois près de nous : « le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère » écrit saint Luc de façon imagée.

III – Application
Nous les vivons ces obstacles, chacune et chacune à notre façon. Nous aimerions que nos convictions soient partagées par nos concitoyens et concitoyennes et nous constatons, hélas! qu’ils se sont éloignés de l’héritage catholique reçu dans leurs jeunes années, du moins en ce qui nous concerne au Québec.
On peut se réjouir que les valeurs de solidarité, de partage et de respect soient maintenant partie prenante des valeurs que notre société exalte et défend ainsi que celles de la dignité des personnes et de la liberté. Ce qui peut attrister hélas! c’est que le nom de Jésus n’est plus proclamé ouvertement et sans crainte.
Comme les prophètes de l’Ancien Testament, nous avons à redire que ces belles valeurs que notre société vit ont leur source dans un amour qui nous prévient et nous rejoint tous et toutes, celui de l’amour d’un Dieu solidaire avec l’humanité et qui lui donne son Fils unique : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle ». (Jean 3, 16)

Conclusion

Faisons cette prière en terminant :

Oui! Seigneur, répands le feu de ton amour sur la terre.
Fais de tes enfants des témoins de cet amour qui rejoint toute l’humanité
Et fais disparaitre les divisions nocives.
Donne-nous la force de témoigner
Que ton Fils Jésus est celui qui nous sauve
Et celui qui nous conduit où tu nous attends
Dans la joie d’une vie porteuse d’éternité
Que tu nous as donnée et que nous te remettons.

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec