MESSE IN COENA DOMINI – HOMÉLIE DU SAINT PÈRE JEAN PAUL II (2000)
16 avril, 2019La dernière cène – Notre-Dame de Paris (souhaite à vous tous avec affection et douleur)
MESSE IN COENA DOMINI – HOMÉLIE DU SAINT PÈRE JEAN PAUL II (2000)
Jeudi Saint, 20 avril 2000
. « J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir » ( Lc 22, 15).
Le Christ fait connaître, à travers ces paroles, la signification prophétique de la Cène pascale, qu’il s’apprête à célébrer avec les disciples dans le Cénacle de Jérusalem.
Avec la première lecture, tirée du Livre de l’Exode, la Liturgie a mis en lumière la façon dont la Pâque de Jésus s’inscrivait dans le cadre de celle de l’Ancienne Alliance. A travers elle, les Israélites faisaient mémoire du repas consommé par leurs pères, au moment de l’exode d’Egypte, de la libération de l’esclavage. Le texte sacré prescrivait qu’un peu du sang de l’agneau devait être répandu sur les deux montants et le linteau des portes des maisons. Et il expliquait également la façon dont l’agneau devait être mangé, c’est-à-dire: « [vos] reins ceints, [vos] sandales aux pieds et [votre] bâton en main [...] en toute hâte [...] Cette nuit-là je parcourrai l’Egypte et je frapperai tous les premiers-nés [...] Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous vous tenez. En voyant ce signe, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur » ( Ex 12, 11-13).
Le sang de l’agneau obtint aux fils et aux filles d’Israël la libération de l’esclavage d’Egypte, sous la conduite de Moïse. Le souvenir d’un événement aussi extraordinaire devint une occasion de fête pour le peuple, reconnaissant au Seigneur pour la liberté recouvrée, don divin et engagement humain toujours actuel: « Ce jour-là, vous en ferez mémoire et vous le fêterez comme une fête pour Yahvé » (ibid., 12, 14). C’est la Pâque du Seigneur! La Pâque de l’Ancienne Alliance!
2. « J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22, 15). Dans le Cénacle, le Christ, obéissant aux prescriptions de l’Ancienne Alliance, consomme le repas pascal avec les Apôtres, mais emplit ce rite d’un nouveau contenu. Nous avons entendu comment saint Paul en parle dans la deuxième lecture, tirée de la première Epître aux Corinthiens. Dans ce texte, considéré comme la plus ancienne description de la Cène du Seigneur, on rappelle que Jésus, « la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit: « Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi ». De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: « Cette coupe est la nouvelle Alliance de mon sang; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi ». Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (cf. 1 Co 11, 23-26).
Il s’agit de paroles solennelles dans lesquelles est placée pour les siècles la mémoire de l’institution de l’Eucharistie. Chaque année, en ce jour, nous les rappelons en retournant en esprit au Cénacle. Avec une émotion particulière, je les revis ce soir, parce que je conserve dans les yeux et dans le coeur les images du Cénacle, où j’ai eu la joie de célébrer l’Eucharistie, à l’occasion de mon récent pèlerinage jubilaire en Terre Sainte. L’émotion devient encore plus forte, car cette année est l’année du Jubilé bimillénaire de l’Incarnation. Dans cette perspective, la célébration que nous vivons acquiert une profondeur particulière. Au Cénacle, en effet, Jésus apporta un nouveau contenu aux anciennes traditions et anticipa les événements du jour suivant, lorsque son Corps, corps immaculé de l’Agneau de Dieu, allait être sacrifié et son Sang versé pour la rédemption du monde. L’Incarnation avait eu lieu en vue précisément de cet événement, en vue de la Pâque du Christ, de la Pâque de la Nouvelle Alliance!
3. Chaque fois [...] que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26). L’Apôtre nous exhorte à faire constamment mémoire de ce mystère. Dans le même temps, il nous invite à vivre chaque jour notre mission de témoins et d’annonciateurs de l’amour du Crucifié, dans l’attente de son glorieux retour.
Mais comment faire mémoire de cet événement salvifique? Comment vivre dans l’attente que le Christ revienne? Avant d’instituer le Sacrement de son Corps et de son Sang, le Christ, courbé et à genoux, dans l’attitude de l’esclave, lave les pieds des disciples au Cénacle. Nous le revoyons tandis qu’il accomplit cet acte, qui dans la culture hébraïque est propre aux serviteurs et aux personnes les plus humbles de la famille. Tout d’abord, Pierre se refuse, mais le Maître le convainc, et lui aussi se laisse enfin laver les pieds avec les autres disciples. Immédiatement après, cependant, ayant revêtu ses habits et de nouveau assis à table, Jésus explique le sens de son geste: « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jn 13, 12-14). Ce sont des paroles qui, liant le mystère eucharistique au service de l’amour, peuvent être considérées comme préparatoires à l’institution du Sacerdoce ministériel.
Avec l’institution de l’Eucharistie, Jésus communique aux Apôtres la participation ministérielle à son sacerdoce, le sacerdoce de l’Alliance nouvelle et éternelle, en vertu de laquelle Lui, et Lui seul, est toujours et partout instrument et ministre de l’Eucharistie. Les Apôtres sont faits, à leur tour, ministres de ce mystère suprême de la foi, destiné à se perpétuer jusqu’à la fin du monde. Dans le même temps, ils deviennent serviteurs de tous ceux qui prendront part à un si grand don et mystère.
L’Eucharistie, le Sacrement suprême de l’Eglise, est unie au sacerdoce ministériel né lui aussi au Cénacle, comme don du grand amour de celui qui « sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin » (Jn 13, 1).
L’Eucharistie, le sacerdoce et le nouveau commandement de l’amour! Tel est le mémorial vivant que nous contemplons dans le Jeudi saint.
« Faites ceci en mémoire de moi »: telle est la Pâque de l’Eglise! Notre Pâque!