JEAN PAUL II – LA FÊTE DES AMIS DE DIEU – Lecture: Ps 149 (2001)
26 février, 2019https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2001/documents/hf_jp-ii_aud_20010523.html
Le roi David joue de la harpe
JEAN PAUL II – LA FÊTE DES AMIS DE DIEU – Lecture: Ps 149 (2001)
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 23 mai 2001
1. » Les siens jubilent de gloire, ils acclament depuis leur place ». Cet appel du Psaume 149, qui vient d’être proclamé, renvoie à une aube qui va poindre et qui voit les fidèles prêts à entonner leur louange du matin. Cette louange est définie à travers une expression significative, « un chant nouveau » (v. 1), c’est-à-dire un hymne solennel et parfait, adapté aux jours de la fin, lorsque le Seigneur rassemblera les justes dans un monde renouvelé. Tout le Psaume est parcouru par une atmosphère de fête, déjà inaugurée par l’alleluia du début et ensuite rythmée par le chant, la louange, la joie, la danse, le son des tambours et des harpes. La prière que ce Psaume inspire est l’action de grâce d’un coeur comblé de joie religieuse.
2. Les protagonistes du Psaume sont appelés, dans l’original hébreux de l’hymne, par deux termes caractéristiques de la spiritualité de l’Ancien Testament. Ils sont tout d’abord définis trois fois comme des hasidim (vv. 1.5.9.), c’est-à-dire « les pieux, les fidèles », ceux qui répondent avec fidélité et amour (hesed) à l’amour paternel du Seigneur.
La seconde partie du Psaume surprend, car elle est remplie d’images guerrières. Il nous semble étrange que, dans un même verset, le Psaume réunisse « les éloges de Dieu à pleine gorge » et « à pleines mains l’épée à deux tranchants » (v. 6). En réfléchissant, nous pouvons en comprendre le pourquoi: le Psaume fut composé pour des « fidèles » qui se trouvaient engagés dans une lutte de libération; ils combattaient pour libérer leur peuple opprimé et lui rendre la possibilité de servir Dieu. Au cours de l’époque des Maccabées, au IIème siècle avant Jésus-Christ, les combattants pour la liberté et pour la foi, soumis à une dure répression de la part du pouvoir héllenistique, s’appelaient précisément hasidim, « les fidèles » à la Parole de Dieu et aux traditions des Pères.
3. Dans la perspective actuelle de notre prière, cette symbolique guerrière devient une image de notre engagement de croyants qui, après avoir chanté à Dieu la louange du matin, partent sur les routes du monde, affrontant le mal et l’injustice. Malheureusement, les forces qui s’opposent au Royaume de Dieu sont imposantes: le Psalmiste parle de « peuples, nations, rois et notables ». Pourtant il est confiant, car il sait qu’à ses côtés se trouve le Seigneur qui est le vrai Roi de l’histoire (v. 2). Sa victoire sur le mal est donc certaine et ce sera le triomphe de l’amour. Tous les hasidim participent à cette lutte, tous les fidèles et les justes qui, avec la force de l’Esprit, mènent à bien l’oeuvre admirable qui porte le nom de Royaume de Dieu.
4. Saint Augustin, en partant des références du Psaume au « choeur » et aux « tambours et aux harpes », commente: « Qu’est-ce que représente un choeur? [...] Le choeur est un ensemble de chanteurs qui chantent ensemble. Si nous chantons en choeur, nous devons chanter en accord. Lorsque l’on chante en choeur, une seule voix qui chante faux blesse l’auditeur et sème la confusion dans le choeur lui-même » (Enarr. in Ps. 149: CCL 40, 7, 1-4).
Faisant ensuite référence aux instruments utilisés par le Psalmiste, il se demande: « Pourquoi le Psalmiste prend-il en main le tambour et le psaltérion? ». Il répond: « Pour que la voix ne soit pas seule à louer le Seigneur, mais également les oeuvres. Lorsque l’on prend le tambour et la harpe, les mains s’accordent avec la voix. Il en est de même pour toi. Quand tu chantes l’alleluia, tu dois présenter le pain à l’affamé, vêtir celui qui est nu, accueillir le pèlerin. Si tu fais cela, ce n’est pas la voix seule qui chante, mais les mains s’harmonisent à la voix, dans la mesure où les paroles concordent avec les oeuvres » (Ibid., 8, 1-4).
5. Un deuxième terme définit les protagonistes de ce Psaume: ce sont les anawim, c’est-à-dire les « pauvres, les humbles » (v. 4). Cette expression est très fréquente dans le Psautier et indique non seulement les opprimés, les misérables, ceux qui sont persécutés pour la justice, mais également ceux qui, étant fidèles aux engagements moraux de l’Alliance avec Dieu, sont marginalisés par ceux qui choisissent la violence, la richesse et la puissance. Dans cette perspective, on comprend que les « pauvres » ne représentent pas seulement une catégorie sociale, mais un choix spirituel. Tel est le sens de la première et célèbre Béatitude: « Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3). Le prophète Sophonie s’adressait déjà ainsi aux anawim: « Cherchez Yahvé, vous tous les humbles de la terre, qui accomplissez ses ordonnances. Cherchez la justice, cherchez l’humilité: peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère de Yahvé » (So 2, 3).
6. Le « jour de la colère de Yahvé » est précisément celui qui est décrit dans la seconde partie du psaume lors-que les « pauvres » se rangent du côté de Dieu pour lutter contre le mal. Seuls, ces derniers n’ont pas la force suffisante, ni les moyens, ni les stratégies nécessaires pour s’opposer à l’irruption du mal. Pourtant, la phrase du Psalmiste n’admet pas d’hésitations: « Car Yahvé se complaît en son peuple, de salut il pare les humbles (anawim) » (v. 4). De façon idéale se dessine ce que l’Apôtre Paul déclare aux Corinthiens: « Ce qui dans le monde est sans naissance et ce qu’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est » (1 Co 1, 28).
Avec cette certitude, « les fils de Sion » (v. 2), hasidim et anawim, c’est-à-dire les fidèles et les pauvres, partent pour vivre leur témoignage dans le monde et dans l’histoire. Le chant de Marie dans l’Evangile de Luc – le Magnificat – est l’écho des meilleurs sentiments des « fils de Sion »: louange joyeuse au Dieu Sauveur, action de grâce pour les merveilles accomplies en elle par le Tout Puissant, lutte contre les forces du mal, solidarité avec les pauvres, fidélité au Dieu de l’Alliance (cf. Lc 1, 46-55).