HOMÉLIE POUR LE 6E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « HEUREUX ÊTES-VOUS… »

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HOMÉLIE POUR LE 6E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE C « HEUREUX ÊTES-VOUS… »

En préparant cette homélie sur les béatitudes, j’ai demandé à des amis qu’est-ce qu’ils diraient sur ce texte archiconnu des évangiles. Plusieurs réponses ont surgies. L’une des personnes présentes s’est contenté de dire « Il faut toutes les pratiquer ».
J’ai été surpris de cette réponse, mais, en relisant l’Exhortation du pape François sur la sainteté, j’ai entendu la même chose. En effet, le pape François y présente les béatitudes comme la carte d’identité du chrétien. « Donc, écrit le pape, si quelqu’un d’entre nous se pose cette question, ‘comment fait-on pour parvenir à être un bon chrétien ?’ la réponse est simple : il faut mettre en œuvre, chacun à sa manière, ce que Jésus déclare dans le sermon des béatitudes » (n. 63)
Ce n’est pas surprenant car ce que Jésus déclare dans les béatitudes c’est ce qu’il vit. Les béatitudes ne sont pas un enseignement théorique, mais la façon de vivre sa foi. On en est bien loin parfois, hélas! mais je vais profiter de cette lecture qui vient d’être faite dans la version qu’en donne saint Luc pour partager avec vous quelques réflexions sur chacune des béatitudes et des avertissements que donne Jésus.

I – Considérations générales
Saint Luc présente quatre béatitudes qui commencent par « Heureux… » et cinq avertissements qui commencent par « Vous êtes malheureux si… » Cette présentation vise la vie concrète des gens. Elle les rejoint sur le terrain. Saint Luc veut que la vie des gens soit changée ou améliorée maintenant. Saint Luc mise sur une motivation déjà là. Il s’adresse au disciple de Jésus qui a décidé de prendre son message au sérieux. Il rappelle donc les points où Jésus a mis l’accent pour la vie de ses disciples.
Lorsque qu’on entend les neuf phrases qui font partie de cet exposé que saint Luc met dans la bouche de Jésus, on reconnait l’essentiel du message de Jésus. On n’est pas surpris qu’il se tourne dans cet enseignement vers les pauvres, les démunis, les laissés pour compte et qu’il renvoie les riches les mains vides, car « ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades, dira-t-il. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs ». (Marc 2, 17)
Passons maintenant à la méditation de chacune des observations de Jésus. Pour la première je me contenterai de citer le pape François dans son Exhortation sur la sainteté.
II – Commentaires de chaque admonition
Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous
« Le mot “heureux” ou “bienheureux”, devient synonyme de “saint”, parce qu’il exprime le fait que la personne qui est fidèle à Dieu et qui vit sa Parole atteint, dans le don de soi, le vrai bonheur » dit le pape François (n. 64). Pour le pape François, la première béatitude nous invite « à une existence austère et dépouillée. De cette façon, [Jésus] nous appelle à partager la vie des plus pauvres, la vie que les Apôtres ont menée, et en définitive à nous configurer à Jésus qui, étant riche, ‘s’est fait pauvre’ (2 Co 8, 9). Être pauvre de cœur, c’est cela la sainteté ! » (n. 70)
Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés.
Les faims et les soifs humaines ne sont pas seulement matérielles, bien qu’elles soient très présentes aujourd’hui où de nombreuses personnes n’ont pas ce qu’il faut pour survivre, les faims et les soifs humaines sont aussi d’ordre spirituel. Toute personne a besoin d’être reconnue dans sa dignité de personne par tous et partout. Trop de personnes sont encore dépouillées de leur dignité dans diverses circonstances et détruites littéralement. Jésus invite à les soutenir pour qu’elles sortes de ces situations aberrantes et soient prises en charge. C’est ainsi qu’elles commenceront à goûter la vie et pourront en être rassasiés un jour.
Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
Cette béatitude a été mal comprise bien souvent. On la lisait comme si elle était une médaille et son envers, comme si la vie était un balancier où tout est blanc ou noir alors qu’elle connaît des peines parfois très grandes mais aussi des joies de toutes sortes. Les peines et les joies heureusement se côtoient et ainsi la personne peut aller toujours plus loin sans se laisser abattre
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme.
Cette béatitude s’adresse surtout aux premiers chrétiens pour qui écrivait saint Luc et qui étaient déjà l’objet de la persécution des autorités romaines. Luc leur rappelle ici que Jésus les a assurés qu’ils ne seront jamais laissés seuls et abandonnés. Il leur a garanti sa présence vivante continuelle. Cette présence nous la connaissons, c’est celle de Jésus Ressuscité qui continue de vivre avec ses disciples en les entraînant avec lui vers le Père.
Nous passons maintenant aux cinq admonitions suivantes qui sont comme des avertissements incontournables et des mises en garde à prendre au sérieux pour toute personne qui veut suivre Jésus dans sa vie concrète.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation !
Le résultat des richesses mal reçues et mal utilisées c’est l’enfermement du cœur, l’isolement dans son monde et dans son moi. Cet isolement peut créer une forme de bien-être, mais celui-ci sera passager et toujours incomplet. Le vrai bien-être, la vraie consolation, réside dans l’intimité avec Celui qui est notre Seigneur et notre Sauveur.
Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim !
Il s’agit ici de la même dynamique que celle que j’ai décrite pour la richesse. Il s’agit d’un enfermement sur soi qui ne satisfait aucunement les faims humaines. L’abondance matérielle ne peut se substituer à la faim spirituelle qui ne peut être comblée que par Dieu lui-même en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes 17, 28), car il est le souverain bien et l’éternelle nourriture dont nous avons besoin.
Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Rire et pleurer : des situations bien fréquentes dans les vies humaines. Ce que cette admonition m’inspire c’est de me poser la question de savoir qu’est-ce qu’Il y a derrière les rires, car Jésus ne condamne sûrement pas la vie épanouie ou les rires devant un enfant qui fait ses premiers pas. De quels rires s’agit-il ici? N’est-ce pas ces rires qui masquent le sérieux de la vie et des choix de vie et qui empêchent l’âme de s’élever vers Celui qui en est l’auteur et de l’en remercier?
Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous !
Cet avertissement est une mise en garde très pratique. Il est toujours facile de céder à l’éloge et à la flatterie et ainsi de dévier des buts qu’on s’est donné en décidant de suivre Jésus. Il est important de se rappeler que son message n’est pas modelé par les aspirations du monde ambiant, ce que le pape François appelle l’ « esprit mondain ». Il ne faut pas avoir peur d’être à contre-courant.

Conclusion
Voilà en quelques mots, non pas une explication des paroles de Jésus, mais une invitation à les méditer par vous-mêmes, à les intégrer, selon vos possibilités – « chacun à sa manière » dit le pape François – dans vos vies. J’avoue que je suis toujours dérouté, mais aussi interpellé par la lecture de ce texte fondamental des évangiles.
Lorsqu’on le proclame au cours d’une Eucharistie comme on l’a fait ce matin, il prend un sens encore plus profond car il décrit la vie de Celui qui l’a donnée pour nous, qui a vécu pauvre, méprisé, dépouillé et que le Père a ressuscité « d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis » comme saint Paul le note dans la deuxième lecture, pour le faire asseoir à sa droite et en faire le Seigneur de nos vies .
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

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