CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI, LA »BEAUTÉ DE LA CRÉATION » 2007)
5 février, 2019http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php?page=2609075_catechese
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CATÉCHÈSE DE BENOÎT XVI, LA »BEAUTÉ DE LA CRÉATION » 2007)
Audience générale du saint Père
Le Pape Benoît XVI à l’Audience Générale : « Dans la Création nous trouvons l’échelle pour monter vers Dieu ». Il invite les religieux à l’austérité
Dans la »beauté de la Création » on peut voir le visage de Dieu, et donc » la création devient presque une échelle pour monter vers Dieu, pour connaître Dieu ». C’est ce qu’a affirmé Benoît XVI pendant l’audience générale, ce matin, Place Saint Pierre en s’arrêtant sur l’enseignement de Saint Jean Chrysostome, un des principaux pères apostoliques, qui a vécu entre le quatrième et cinquième siècle.
Le Pape se référait à la Genèse, dans laquelle le premier pas indique que »par la transparence de Dieu dans la création, nous pouvons percevoir, presque voir Dieu, monter vers Dieu ». » Ce Dieu créateur est même un Dieu de la condescendance ». » Nous sommes des faibles – a expliqué le Saint Père devant plus de vingt mille fidèles présents, nos yeux sont faibles, et c’est pourquoi Dieu, dit Chrysostome, envoie à l’homme déchu et étranger, une lettre, la Sainte Écriture, de sorte que création et écriture se complètent.
Texte intégral de la catéchèse du Saint Père
Chers frères et sœurs !
Nous poursuivons aujourd’hui notre réflexion sur saint Jean Chrysostome. Après la période passée à Antioche, il fut nommé en 397, évêque de Constantinople, la capitale de l’Empire romain d’Orient. Dès le début, Jean projeta la réforme de son Eglise : l’austérité du palais épiscopal devait constituer un exemple pour tous : clergé, veuves, moines, personnes de la cour et riches. Malheureusement, un grand nombre d’entre eux, concernés par ses jugements, s’éloignèrent de lui. Plein d’attention à l’égard des pauvres, Jean fut également appelé l’« aumônier ». En effet, en administrateur attentif, il avait réussi à créer des institutions caritatives très appréciées. Son esprit d’entreprise dans les divers domaines fit de lui pour certains un dangereux rival. Toutefois, en véritable pasteur, il traitait chacun de manière cordiale et paternelle. En particulier, il avait toujours des accents tendres pour la femme et des attentions spéciales pour le mariage et la famille. Il invitait les fidèles à participer à la vie liturgique, qu’il rendit splendide et attrayante grâce à une créativité de génie.
Malgré son bon cœur, il ne connut pas une vie tranquille. Pasteur de la capitale de l’Empire, il se trouva souvent impliqué dans des questions et des intrigues politiques, en raison de ses relations permanentes avec les autorités et les institutions civiles. De même, sur le plan ecclésiastique, ayant déposé en Asie en 401 six évêques illégitimement élus, il fut accusé d’avoir franchi les limites de sa juridiction, et devint ainsi la cible d’accusations faciles. Un autre prétexte contre lui fut la présence de plusieurs moines égyptiens, excommuniés par le patriarche Théophile d’Alexandrie et qui s’étaient réfugiés à Constantinople. Une vive polémique naquit ensuite en raison des critiques faites par Jean Chrysostome à l’égard de l’impératrice Eudoxie et de ses courtisanes, qui réagirent en jetant sur lui le discrédit et des insultes. On arriva ainsi à sa déposition, lors du synode organisé par le patriarche Théophile lui-même en 403, avec pour conséquence une condamnation à un premier bref exil. Après son retour, l’hostilité suscitée contre lui par la protestation contre les fêtes en l’honneur de l’impératrice – que l’évêque considérait païennes et luxueuses – et l’expulsion des prêtres chargés des baptêmes lors de la veillée pascale de 404 marquèrent le début de la persécution des fidèles de Chrysostome, qu’on appelait les « Johannites ».
Jean dénonça alors les faits, par écrit, à l’évêque de Rome, Innocent Ier. Mais il était désormais trop tard. En l’an 406, il dut à nouveau s’exiler, cette fois à Cucuse, en Arménie. Le pape était convaincu de son innocence, mais n’avait pas le pouvoir de l’aider. Un Concile, voulu par Rome pour parvenir à une pacification entre les deux parties de l’Empire et entre leurs Eglises, ne put avoir lieu. Le voyage épuisant de Cucuse vers Pytius, un objectif qu’il n’atteint jamais, devait empêcher les visites des fidèles et briser la résistance de l’exilé, épuisé : sa condamnation à l’exil fut une véritable condamnation à mort ! Les nombreuses lettres de son exil, dans lesquelles Jean manifeste ses préoccupations pastorales avec des accents de participation et de douleur pour les persécutions contre les siens, sont émouvantes. La marche vers la mort s’arrêta à Comana dans le Ponto. C’est là que Jean, moribond, fut conduit dans la chapelle du martyre saint Basilisque, où il rendit son esprit à Dieu et fut enseveli, martyr à côté d’un martyr (Pallade, Vie 119). C’était le 14 septembre 407, fête de l’Exaltation de la sainte Croix. Sa réhabilitation eut lieu en 438 avec Théodose II. Les reliques du saint évêque, déposées dans l’église des Apôtres, à Constantinople, furent ensuite transportées à Rome en 1204, dans la Basilique constantinienne primitive, et elles reposent à présent dans la chapelle du Chœur des Chanoines de la Basilique Saint-Pierre. Le 24 août 2004, une partie importante de ces reliques fut donnée par le pape Jean-Paul II au patriarche Bartholomée Ier de Constantinople. La mémoire liturgique du saint est célébrée le 13 septembre. Le bienheureux Jean XXIII le proclama patron du Concile Vatican II.
On dit de Jean Chrysostome que, lorsqu’il fut assis sur le trône de la nouvelle Rome, c’est-à-dire de Constantinople, Dieu fit voir en lui un deuxième Paul, un docteur de l’Univers. En réalité, chez Chrysostome, il existe une unité substantielle entre la pensée et l’action, à Antioche comme à Constantinople. Seuls le rôle et les situations changent. En méditant sur les huit œuvres accomplies par Dieu dans la séquence des six jours dans le commentaire de la Genèse, Chrysostome veut reconduire les fidèles de la création au Créateur : « C’est un grand bien », dit-il, « de connaître ce qu’est la créature et ce qu’est le Créateur ». Il nous montre la beauté de la création et la transparence de Dieu dans sa création, qui devient ainsi presque comme une « échelle » pour monter vers Dieu, pour le connaître. Mais à ce premier passage s’en ajoute un deuxième : ce Dieu créateur est également le Dieu de la condescendance (synkatabasis). Nous sommes faibles dans notre démarche de « monter », nos yeux sont faibles. Et ainsi, Dieu devient le Dieu de la condescendance, qui envoie à l’homme déchu et étranger une lettre, l’Ecriture Sainte, si bien que la Création et l’Ecriture se complètent. Dans la lumière de l’Ecriture, de la Lettre que Dieu nous a donnée, nous pouvons déchiffrer la création. Dieu est appelé « père tendre » (philostorgios) (ibid.), médecin des âmes (Homélie 40, 3 sur la Genèse), mère (ibid.) et ami affectueux (Sur la providence 8, 11-12). Mais, à ce deuxième passage – tout d’abord la Création comme « échelle » vers Dieu, et ensuite la condescendance de Dieu à travers une lettre qu’il nous a donnée, l’Ecriture Sainte – s’ajoute un troisième passage. Dieu ne nous transmet pas seulement une lettre : en définitive, il descend lui-même, il s’incarne, il devient réellement « Dieu avec nous », notre frère jusqu’à la mort sur la Croix. Et à ces trois passages – Dieu est visible dans la création, Dieu nous donne une lettre, Dieu descend et devient l’un de nous – s’ajoute à la fin un quatrième passage. A l’intérieur de la vie et de l’action du chrétien, le principe vital et dynamique de l’Esprit (Pneuma), qui transforme les réalités du monde. Dieu entre dans notre existence elle-même à travers l’Esprit Saint et il nous transforme de l’intérieur de notre cœur.
C’est dans ce cadre que Jean, précisément à Constantinople, dans le commentaire continu des Actes des Apôtres, propose le modèle de l’Eglise primitive (Ac 4, 32-37), comme modèle pour la société, en développant une « utopie » sociale (presque une « cité idéale »). En effet, il s’agissait de donner une âme et un visage chrétien à la ville. En d’autres termes, Chrysostome a compris qu’il n’est pas suffisant de faire l’aumône, d’aider les pauvres ponctuellement, mais il est nécessaire de créer une nouvelle structure, un nouveau modèle de société ; un modèle fondé sur la perspective du Nouveau Testament. C’est la nouvelle société qui se révèle dans l’Eglise naissante. Jean Chrysostome devient donc réellement ainsi l’un des grands Pères de la Doctrine sociale de l’Eglise : la vieille idée de la « polis » grecque doit être remplacée par une nouvelle idée de cité inspirée par la foi chrétienne. Chrysostome soutenait avec Paul (cf. 1 Co 8, 11) le primat de chaque chrétien, de la personne en tant que telle, également de l’esclave ou du pauvre. Son projet corrige ainsi la vision grecque traditionnelle de la « polis », de la cité, dans laquelle de larges couches de la population étaient exclues des droits de citoyen, alors que dans la cité chrétienne, tous sont frères et sœurs avec des droits égaux. Le primat de la personne est également la conséquence du fait que c’est réellement à partir d’elle que l’on construit la cité, alors que dans la « polis » grecque, la patrie était au-dessus de l’individu, qui était totalement subordonné à la cité dans son ensemble. Ainsi, Chrysostome définit la vision d’une société construite par la conscience chrétienne et il nous dit que notre « polis » est une autre, « notre patrie est dans les cieux » (Ph 3, 20) et, même sur cette terre, cette patrie nous rend tous égaux, frères et sœurs, et nous oblige à la solidarité.
Au terme de sa vie, dans son exil aux frontières de l’Arménie, « le lieu le plus reculé du monde », Jean, se rapportant à sa première prédication de 386, reprit le thème qui lui était cher du dessein que Dieu poursuit à l’égard de l’humanité : c’est un dessein « indicible et incompréhensible », mais certainement guidé par Lui avec amour (cf. Sur la Providence 2, 6). Telle est notre certitude. Même si nous ne pouvons pas déchiffrer les détails de l’histoire personnelle et collective, nous savons que le dessein de Dieu est toujours inspiré par son amour. Ainsi, malgré ses souffrances, Chrysostome réaffirmait la découverte que Dieu aime chacun de nous avec un amour infini, et désire donc le salut de tous. Pour sa part, le saint évêque coopéra généreusement à ce salut, sans ménager ses forces, toute sa vie. En effet, il considérait comme le but ultime de son existence cette gloire de Dieu, que – désormais mourant – il laissa comme dernier testament : « Gloire à Dieu pour tout ! » (Pallade, Vie 11).