Archive pour novembre, 2018

HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DE L’AVENT ANNÉE C « VOICI VENIR DES JOURS »

30 novembre, 2018

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parusia  - Copia

HOMÉLIE POUR LE 1ER DIMANCHE DE L’AVENT ANNÉE C « VOICI VENIR DES JOURS »

Au début d’une nouvelle Année liturgique, c’est un message d’espérance qui nous est donné aujourd’hui. Notre regard se tourne vers l’avenir, vers un horizon qui n’est pas fermé et qui ouvre toutes les possibilités. Les textes de la Parole de Dieu vont dans ce sens.

I- Un germe est là
Dans la première lecture le prophète Jérémie utilise une belle image qui est celle d’une éclosion, d’une naissance, d’une croissance. Il parle d’un germe. Le germe est inclus dans la semence, il l’est aussi dans l’enfant qui naît, dans les efforts d’apprentissage, dans les premiers pas d’une carrière, d’un amour ou encore d’une vocation etc.
Je trouve cette image des plus adaptées pour nous faire entrer dans le cheminement que nous propose l’Église à travers la liturgie tout au cours de l’année et des temps liturgiques comme celui de l’Avent que nous commençons, de Noël, du Carême, de Pâques, de la Pentecôte et de celui qu’on appelle le temps ordinaire.
Cette image m’a remémoré un passage d’un auteur qu’un de mes professeurs au Collège de Lévis, l’abbé Réal Fortin, citait souvent. Il s’agit d’une phrase de Nicolas Boileau (1636-1711) dans L’Art poétique devenue une formule maintes fois répétée maintenant : « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ».
C’est ce que nous sommes invités à faire à chaque année qui se déroule au fil des jours avec ou sans soubresauts, mais qui nous rapproche toujours du Jour du Seigneur. Notre histoire personnelle, celle de l’Église et celle du monde sont habitées par la force et la vie du Germe que Dieu a mis au cœur de notre vie, qui est son Verbe incarné, Jésus toujours présent et vivant parmi nous, car comme le dit le Prologue de l’évangile selon saint Jean « le Verbe de Dieu a habité parmi nous » (Jean 1, 12). Alors, allons-y ! Mettons-nous en marche une nouvelle fois, remettons sur le métier notre ouvrage, pour entrer dans la suite de Jésus que l’Année liturgique nous dévoilera dans ses agissements et dans son enseignement.
II- Une révélation qui dérange
Alors, me demanderez-vous, pourquoi, en ce début du temps de l’Avent, toutes ces catastrophes et ces chambardements que raconte saint Luc nous sont-ils présentés ?
La réponse c’est que saint Luc ne prétend pas décrire l’avenir avec une précision d’historien. Il a un autre but qui est celui de stimuler les communautés chrétiennes à se laisser habiter de la présence de Jésus Sauveur ici et maintenant et de ne pas attendre à la fin. Le texte de l’évangile selon saint Luc est comme un traitement-choc. Il brasse la cage, comme on dit au Québec, pour que les gens réagissent dès maintenant.
Ainsi, avec ces images si vivantes et saisissantes, saint Luc encourage les chrétiens à rester éveillés et à prier en tout temps. Les cataclysmes annoncés ne sont pas là pour eux-mêmes. Ils sont une porte d’entrée vers un monde nouveau. Et cette entrée ne peut être retardée. Il n’est pas nécessaire d’attendre le dernier moment. C’est maintenant que le Christ vient. Dans la thématique de l’Avent 2018, « Seigneur, que devons-nous faire ? » que propose le Prions en Église canadien, la réponse pour le 1er dimanche de l’Avent est à juste titre « Veiller ».
Saint Luc veut secouer l’apathie, l’indifférence et la lassitude qui peuvent gagner les communautés. Les images fortes invitent à se réveiller, à se tenir debout, à vivre une attente ouverte de ce que le Christ apporte au monde et qu’il mènera à son terme lors de son Retour dans la gloire.
III- Le Retour du Seigneur
Dans la seconde lecture le message de saint Paul est le même. Celui-ci est très explicite. Il invite les Thessaloniciens à regarder en avant, à vivre l’attente du Seigneur dans l’espérance et dans la confiance, remplis de la présence de leur Sauveur déjà là et qui viendra définitivement un jour les prendre avec lui. Le témoignage de saint Paul fait écho à l’évangile en présentant le Retour du Christ comme très prochain.
Au moment où il écrivait cette lettre, environ 30 ans après la mort de Jésus, saint Paul s’attendait de voir le Retour du Seigneur de son vivant. Par la suite il a compris que ce Retour est un mystère qui se révélera avec le temps et il est entré dans l’essentiel de toute vie chrétienne : vivre avec le Christ ici et maintenant. Ainsi il écrira plus tard aux Galates : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi ». (Galates 2, 20)
Nous sommes à l’aise avec cette nouvelle perspective de saint Paul qui nous est familière car notre attente du Retour du Christ se fait dans la foi. Nous n’en savons ni l’heure ni le moment. Nous sommes ainsi invités à devenir des chercheurs et des chercheuses de Dieu au fil des jours. C’est le message que je veux vous laisser ce matin à la suite de Saint Paul : « Restez éveillés. Les temps sont accomplis. Voici venir des jours ».

Conclusion
Efforçons-nous de suivre le mouvement de cette histoire du salut dans laquelle le Christ nous fait entrer par notre Baptême. N’ayons pas peur de remettre notre ouvrage sur le métier comme le dit si bien la citation de mon professeur de littérature au collège que je vous répète en terminant : « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ».
C’est le souhait que je fais au début de cette nouvelle Année liturgique qui va nous donner l’occasion de nous remettre devant les yeux, pour les méditer encore une fois, les mystères de la vie du Christ, de sa naissance à sa Résurrection et à son Ascension auprès de son Père. Ce faisant nous serons amenés à les vivre plus en profondeur. C’est ce que je nous souhaite, à tous et à toutes, pour cette nouvelle Année liturgique qui commence.
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Séminaire de Québec
Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval

 

L’EXPÉRIENCE DE L’ALIÉNATION, PRÉLUDE À LA REDÉCOUVERTE DE DIEU?

29 novembre, 2018

 http://www.scourmont.be/Armand/writings/interiorite.htm

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Les voies d’une intériorité retrouvée

Conférence de Dom Armand Veilleux, de l’abbaye cistercienne de Mistassini [1]

L’EXPÉRIENCE DE L’ALIÉNATION, PRÉLUDE À LA REDÉCOUVERTE DE DIEU?

L’homme contemporain éprouve une grande difficulté à faire l’expérience de la présence de Dieu. De par sa formation religieuse il était habitué à rencontrer un Dieu immuable et intemporel à l’intérieur d’une existence stable rythmée par des temps de prière réguliers. Or il se retrouve aujourd’hui projeté dans des situations toujours nouvelles et changeantes qui ne laissent guère de place à l’expérience de l’immutabilité divine. Aussi son expérience est plus souvent celle de l’absence de Dieu que celle de sa présence. C’est en ce sens que Martin Buber parlait déjà en son temps de l’ « éclipse » de Dieu.
Et pourtant nous savons que l’homme n’a même pas à se mettre en présence de Dieu pour le rencontrer. Dieu nous est en effet plus présent que nous ne le sommes à nous-mêmes. Saint Paul dit que c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Que nous le voulions ou non, que nous en soyons conscients ou non, nous ne pouvons jamais ne pas être en sa présence. Celle-ci nous habite puisque notre vie est une participation à la vie divine, que notre respiration est une participation au souffle de vie déposé par Dieu en l’homme au matin de la création. Cette présence habite tous les hommes qui nous entourent, tout comme elle habite l’ensemble de l’univers fécondé par l’ombre de l’Esprit et travaillé par l’attente de la pleine adoption des fils de Dieu.
Si notre expérience de Dieu est le plus souvent celle de son absence que celle de sa présence, ce ne peut donc être que parce que nous sommes absents de nous- mêmes, et que nous vivons à la superficie de notre être et de la réalité qui nous entoure, emportés que nous sommes par le flot des situations changeantes et sans contact avec la réalité immuable qui les sous-tend.
Un phénomène capital : l’aliénation
Le problème de la présence ou de l’absence de Dieu n’est donc pas un problème théologique, mais un problème anthropologique. Et c’est un problème qui ne peut être résolu par un simple appel à la bonne volonté individuelle et à l’effort personnel. Il a des dimensions sociales, étant donné que nos diverses situations collectives peuvent aussi bien favoriser une rencontre de Dieu que la rendre pratiquement impossible.
Dieu est certes au coeur de chacune de nos situations collectives et individuelles, comme Yahvé a accompagné son peuple élu, fidèlement, à travers les péripéties de son histoire. Si nous n’arrivons pas, bien souvent, à faire, de nos jours, l’expérience de sa présence, c’est sans doute que nous vivons avec une acuité nouvelle ce phénomène que Marx et les psychologues modernes nous ont appris à connaître sous de nouveaux jours, mais qui est un phénomène aussi vieux que l’humanité ; l’aliénation.
Obligé de se resituer constamment face à de nouveaux contextes et à de nouvelles conditions de vie, l’homme contemporain éprouve beaucoup la difficulté et parfois l’impossibilité de trouver, de conserver ou de retrouver son identité. En tant que collectivité, nous semblons avoir largement perdu le contact avec nos racines intérieures ; nos systèmes de valeurs ont été bouleversés et nous retrouvons difficilement la voie de l’intériorité. Perdus clans le dédale des questions qui nous assaillent et nous tourmentent, nous ne trouvons plus le chemin conduisant au « questionneur que nous sommes.
Si paradoxal que cela puisse paraître, c’est peut-être cette expérience aiguë de l’aliénation qui nous ouvrira la voie vers une redécouverte de l’intériorité perdue au cours de l’euphorie du développement industriel et technique. Si l’expérience de l’aliénation a évidemment des effets négatifs, elle peut avoir aussi des effets positifs. Car l’homme découvre les véritables dimensions de son être aussi bien à travers ses tensions intérieures et ses frustrations qu’à travers sa vertu, et sa piété ; aussi bien à travers ses angoisses qu’à travers sa certitude de posséder la vérité. Il y a en l’homme une aspiration vers le dépassement et une attraction vers le néant. Et il est nécessaire de faire l’expérience de l’une et de l’autre. Les deux expériences sont préalables à l’expérience de Dieu.
C’est, bien sûr, une expérience dramatique de passer à travers la présente aliénation collective qui se manifeste dans des phénomènes tels que, sur le plan individuel, l’instabilité psychologique, le retard de la maturation, l’attrait de la drogue et des autres évasions ; et, sur le plan social, la résistance croissante à tout ordre social et l’anarchie, d’un côté, aussi bien que la poussée totalitaire, de l’autre. Ces réalités que la présente négociation du front commun nous rend aussi tangibles qu’on puisse le désirer, ont l’avantage de nous révéler les tragédies cachées et intérieures de notre civilisation. Sous toutes ses formes cette expérience d’aliénation peut donc être comprise comme une révélation de l’ambiguïté que tout homme porte au fond de son coeur et qui ternit au moins quelque peu chacune de ses actions.
Saint Paul nous avait parlé de cette ambiguïté : Je fais le mai que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux. Et toute l’attente messianique et eschatologique de la spiritualité judéo-chrétienne avait été sous-tendue jusqu’à notre époque par une conscience de la déchéance de l’homme de sa dignité primitive et par le besoin d’une transformation rédemptrice. Dans l’euphorie d’une transformation sociale et d’un progrès technique accélérés, l’homme occidental a perdu à notre époque ce sens du péché et cette conscience d’un besoin de rédemption. Aveuglé par un sens exagéré du progrès, il a été empêché de reconnaître les forces négatives et aliénantes à l’œuvre dans le monde nouveau qu’il. est en train de créer. Le chaos actuel nous ramène heureusement à plus de réalisme sur nous-mêmes et sur notre situation.
Sur le chemin de retour à l’intériorité, c’est donc d’abord non pas la présence de Dieu mais celle des forces du mal que l’homme rencontre. Et cela est normal. Le Christ, après son baptême, est conduit au désert pour y être tenté par Satan ; et les premiers moines s’enfonçaient au coeur du désert non pas d’abord pour y trouver un bienheureux repos dans les consolations d’une union sentie avec Dieu, mais bien plutôt pour aller affronter sur son propre terrain le prince des ténèbres, à la suite et aux côtés du Christ. Pour nous, aujourd’hui, qui aspirons à faire l’expérience de la présence de Dieu au coeur d’un monde en continuelle mutation et en état de profondes convulsions, notre premier pas pour y arriver est peut-être de savoir identifier les forces démoniaques à l’œuvre dans notre société. D’ailleurs, alors que nous avons cessé de parler de Satan, il est significatif qu’il ait fait sa rentrée fracassante dans la littérature, le théâtre et le cinéma (Rosemary’s Baby, L’Exorcisme, Les enfants du sabbat d’Anne. Hébert, etc.).
Les symboles…
Pour poursuivre cette voie d’exploration à l’intérieur de notre existence, vers une plus grande intériorité, nous avons besoin de symboles qui sont les structures d’interprétation de notre existence et de l’univers. Sans leur secours, l’homme se retrouve vite au coeur d’un univers sans signification, où il n’y a que des faits juxtaposés et où il est lui-même simplement l’un de ces faits. Toutes les grandes religions du passé, reconnaissant l’aliénation foncière de l’homme d’avec lui-même et d’avec la réalité, avaient élaboré tout un univers de symboles et de mythes par lesquels l’homme puisse entrer en contact avec Tes forces vives du cosmos et avec Dieu, et transformer en forces libératrices et en expériences salvatrices sa situation d’aliénation. La tradition judéo- chrétienne avait assumé plusieurs de ces grands symboles collectifs fondamentaux. Beaucoup de ces symboles sont à la base de la vie sacramentaire et de la spiritualité chrétienne. C’est par exemple celui de la mort et de la résurrection ou encore celui de la marche, de la voie, récupéré par Mao-Tsé-Tung et qui a conféré une dimension proprement mystique à sa « Longue Marche ». Il me semble important qu’après une période de rationalisme et de soi-disant réalisme, nous retrouvions, dans une sorte de « seconde naïveté », le contact avec ce monde du sacré qu’est le monde des symboles. …
…les disciplines
Mais un univers de symboles, de rites, de révélations serait incapable de réaliser une guérison de l’aliénation intérieure et extérieure de l’homme sans le secours de disciplines spirituelles pouvant lui permettre de faire l’expérience de son propre être et de la réalité divine.. Les grandes religions asiatiques ont été à cet égard d’une richesse inégalée, qu’il s’agisse des diverses formes de yogas de la tradition hindoue ou bien du zen ou encore des méthodes chinoises du Taoïsme ou du Confucianisme.
La tradition chrétienne a connu elle aussi ses formes de discipline spirituelle basées sur l’enseignement des Pères et l’ascèse des premiers moines. Ces méthodes ont certes un fondement surnaturel profond, mais leur base naturelle, c’est-à-dire la base physique et psychologique est beaucoup plus faible que celle des grandes disciplines spirituelles d’Asie. C’est pourquoi on peut se réjouir de voir se manifester en Occident une découverte des méthodes orientales, en même temps qu’un renouveau timide des méthodes chrétiennes de prière et de méditation. Aucune de ces méthodes n’est cependant facile. On est souvent porté à les utiliser comme de simples « techniques », alors qu’elles sont, de leur nature, avant tout un mode de vie, de pensée et d’être d’une exigence extrême. La façon dont beaucoup d’Occidentaux les utilisent les vide de leur sens religieux et les réduit à n’être plus que des moyens faciles de concentration, surtout lorsqu’il s’agit de formes aussi commercialisées, appauvries et occidentalisées que la Méditation Transcendantale.
…le maître spirituel
Pour arriver à une véritable présence à soi et à Dieu une autre médiation s’est toujours avérée nécessaire, à côté de ces disciplines et des symboles — celle d’un maître spirituel. En ce domaine également nous pouvons avoir beaucoup à apprendre au contact des grandes traditions orientales qui rejoignent souvent l’enseignement et l’expérience des Pères du désert. Quelques grands maîtres incarnent de nos jours, en Amérique, ce charisme de la direction spirituelle. On pourrait mentionner le Swami Saccidananda dans la tradition yoga, Sazuki Roshi du Mount Maldy Zen Center dans la tradition Zen, et le Guru Bativedanta dans la tradition de dévotion hin­doue. Rabbi Abraham Heschel représente ce charisme dans la tradition juive hassidique et dans le catholicisme on pourrait signaler des hommes comme Jean Vanier et, par le passé, un Thomas Merton qui eut une influence personnelle sur un nombre extraordinaire de personnes. Si Von veut avoir un exemple à la fois extrêmement charmant et profond de direction spirituelle à notre époque, il faut lire la sagesse du chaman indien du Mexique, Juan Matus, rapportée par son disciple Carlos Castaneda.
Encore une fois, ces trois médiations : les structures d’interprétation que sont les symboles, les disciplines et enfin le maître spirituel nous conduisent, sur la voie de l’intériorité, d’abord vers une conscience plus vive de nos ambiguïtés personnelles. Elles nous permettent ainsi -d’assumer avec tendresse et miséricorde les ambiguïtés, les confusions, les médiocrités, les tensions et les contradictions de notre époque. Elles nous rendent aussi possible d’en discerner avec sérénité les aspects démoniaques.
Des questions angoissantes pour le christianisme et les grandes religions
Nous avons déifié le processus historique et le développement technique au point d’en faire de véritables idoles. C’est là une perversion très subtile de quelque chose de fondamental dans notre tradition religieuse judéo-chrétienne. Le Peuple d’Israël a toujours fait l’expérience de Yahvé comme celle de Dieu intervenant dans l’histoire. Chez les prophètes le jour du Seigneur qui vient polarise tous les événements de l’histoire. Et l’on retrouve la même attente dans la Marana tha final de l’Apocalypse de Jean. Ce jour du Seigneur est décrit comme une période de paix et d’abondance ; il signifiera un changement profond dans la constitution même du monde. En ce jour-là le lion et l’agneau reposeront ensemble, l’enfant mettra sa main sur le trou de la vipère, les épées seront transformées en socs de charrues et toutes les nations viendront à la montagne du Seigneur.
Cette perspective historique du salut, cette tension dynamique vers le jour à venir éclaire toute la tradition occidentale et fi est même impossible de comprendre en dehors d’elle tous les mouvements politiques et sociaux du monde occidental. Cela est extrêmement clair, par exemple, dans la révolution bolchévique qui s’est considérée comme l’incarnation du dynamisme historique des siècles et s’est donné pour mission l’abolition d’un monde révolu et la libération définitive de l’homme par l’établissement d’un mode nouveau et supérieur d’existence. On retrouve la même mystique dans toutes les utopies révolutionnaires de notre époque, aussi bien que dans nos démocraties libérales. C’est la base du messianisme américain enraciné dans la conviction que l’Amérique, née d’une Europe décadente, était la dernière grande espérance pour amener l’humanité à une nouvelle naissance.
L’ère de « l’homo oeconomicus »
Mais un tournant décisif s’est opéré au début de notre époque. Dans toutes les cultures du passé, quoique sous diverses formes, la grande aspiration religieuse de l’homme consistait dans l’expérience spirituelle de la présence divine et dans la participation à la vie de Dieu. Or, le sens aigu du développement ontologique avec Hegel, du développement social avec Marx, du développement physiologique avec Darwin et de la perception de l’homme contemporain comme une transition vers le surhomme avec Nietzsche a conduit à placer la religion de l’homme non plus dans l’expérience de la présence de Dieu mais dans l’expérience d’un monde terrestre autonome devant arriver à sa perfection simplement par la transformation sociale de l’homme lui- même et par la maîtrise scientifique et technique de son environnement. La science et les idéaux sociaux sont devenus les substituts de la mystique. Avec cette dimension mystique et son efficacité extérieure la science a pu prétendre offrir à la fois une analyse de la condition humaine et une façon de transformer celle-ci.
Cette évolution historique nous a fait déboucher sur une nouvelle ère de l’histoire de l’humanité, celle de l’homo oeconomicus. La préoccupation ultime de l’homme est désormais placée dans les réalisations matérielles. Ceci est très clair par exemple dans notre société québécoise où toutes les politiques gouvernementales sont élaborées en fonction de priorités économiques et où les revendications syndicales véhiculent exactement la même philosophie. Nous vivons donc dans un contexte social et culturel explicitement et profondément athée. Et cela n’est pas sans lourdes conséquences pour quiconque aspire encore à vivre l’expérience de la présence de Dieu.
Des questions angoissantes se posent alors et ne peuvent être éludées. S’il est vrai qu’existe une incompatibilité entre Dieu et Mammon, est-il possible de prétendre prier, de prétendre vivre de la présence de Dieu au sein d’une société vendue à l’idole de l’homo œconomicus sans se dissocier explicitement de ses structures idolâtriques ? Nos compromissions collectives avec des aspects matérialistes et athées de notre organisation sociale et politique ne sont-elles pas la cause d’une certaine anémie spirituelle ? L’expérience de la présence de Dieu est-elle possible sans pauvreté ? Le peu de résultats récoltés par l’Église malgré une dépense énorme d’énergie ne provient-il pas de son inféodation non- critique à un type de société dont les structures nient l’expérience de Dieu ?
L’impasse actuelle du christianisme
De fait, toutes les grandes religions sont arrivées de nos jours à une impasse. Cette impasse n’est pas le résultat de l’avènement d’un monde séculier et laïque. C’est plutôt l’inverse qui s’est produit, car à la fin du 18ème et au début du 19ème siècle, on constate que toutes les grandes traditions spirituelles sont arrivées à un état d’essoufflement et de déclin. C’est aussi vrai du protestantisme que du catholicisme ou du judaïsme. C’est également vrai pour l’Inde aussi bien que pour la Chine et l’Islam.
Le caractère propre de l’impasse où se trouve le christianisme vient précisément de la dimension historique de son expérience de Dieu. Alors que le monde asiatique dans son ensemble était caractérisé par une expérience de Dieu statique et en quelque sorte a-tem­porelle, le monde biblique et, à sa suite, tout le monde occidental dans son ensemble avait été saisi et projeté en avant par une ardente attente eschatologique : attente qui plaçait la signification ultime de l’homme dans un événement futur vers lequel tout le cours du temps est orienté. L’homme doit donc alors situer sa recherche de soi et sa recherche de Dieu au sein même d’une évolution historique. Le problème de la découverte de soi réside dans l’acceptation du présent fragmentaire comme une simple étape par laquelle le développement historique doit passer dans son cheminement vers son accomplissement. Toute identification à l’une ou l’autre de ces étapes est impossible. Un ajustement constant est requis à de nouvelles situations émotives aussi bien qu’à de nouvelles structures sociales et à de nouveaux modes de relation à l’ordre divin et à l’ordre cosmique. À mesure qu’approche l’eschaton augmente aussi la tension historique et s’accroît la difficulté pour l’homme de s’adapter à des situations continuellement changeantes. C’est pourquoi, selon Thomas Berry, du River­dale Center for Religious Research, l’un des grands besoins de notre temps est de ralentir le processus du changement temporel par l’accroissement d’une conscience spatiale. Alors que le temps est fragmentaire, l’espace est complet. Alors que le temps est actif, l’espace est contemplatif. Et alors que le temps est orienté vers un pôle d’attraction dans l’avenir, l’espace possède son propre centre de repos. Qui dit conscience temporelle dit anxiété, et qui dit conscience spatiale dit sérénité. Cette conscience spatiale est de plus en plus nécessaire pour faire l’expérience de la présence de Dieu.
La tentation de la fuite et le défi de la solitude
Cette redécouverte d’une conscience spatiale ne doit cependant pas signifier un refus de la réalité comme processus évolutif. C’est ce qui est arrivé au début de l’époque moderne. Les hommes religieux ont senti que l’évolution du monde devenait trop rapide et trop radicale. Ils sont descendus du train et ont pris refuge dans la tranquillité de mouvements religieux tels que le Jansénisme, le Quiétisme, le Piétisme, les Quakers, etc. Et c’est à cause de cette démission, parce qu’il n’y avait plus en son sein d’instance critique, que le monde moderne a pu et a dû s’établir sur des bases laïques et athées. Nous payons chèrement cette démission aujour­d’hui, et pourtant nous sommes constamment tentés de faire la même chose. Il se pourrait bien que des mouvements spirituels dans lesquels nous semblons parfois investir tous nos espoirs impliquent un tel refus de travailler activement à la création d’une société nouvelle.
Il reste toutefois que les espaces que l’homme moderne a à conquérir sont avant tout ses espaces intérieurs. C’est précisément sa préoccupation pour les espaces extérieurs, pour les réalités mesurables et modifiables techniquement qui l’a asséché. Et pour explorer les espaces intérieurs de nos vies, il est important d’y établir de vastes zones de solitude. Cette solitude peut prendre bien des formes. La plus simple et la plus commune consiste à payer à l’intériorité une dîme sur notre temps, c’est-à-dire à se réserver périodiquement quelques heures ou quelques jours pour se retrouver seul avec soi et avec Dieu, ou encore avec quelques amis, en dehors de ses préoccupations et de ses lieux habituels. Ce qui. constitue une sorte d’environnement de rechange.
Une deuxième forme de solitude consiste en ce qu’on pourrait appeler une période de transformation ou encore le stade du « cocon » par allusion au cocon dans lequel la chrysalide se prépare à devenir papillon. Plus notre environnement évolue rapidement, plus nous avons aussi besoin, périodiquement, de ces périodes d’intégration pour assumer les expériences des mois ou des années écoulées, et arriver à une nouvelle conscience de notre identité. Beaucoup de personnes sont arrêtées dans leur développement humain et ne parviennent jamais à leur véritable identité pour n’avoir pas eu le courage ou la possibilité de prendre ainsi à un certain moment un recul par rapport aux activités et aux rôles qu’elles avaient remplis jusque-là, ou encore pour n’avoir pas trouvé dans leur communauté (familiale, religieuse ou autre) le support nécessaire à une telle maturation.
La troisième forme de solitude est celle de la créativité. Elle caractérise l’interaction de l’artiste avec la matière qu’il transforme ou encore l’interaction d’un leader avec le groupe dont il a la responsabilité.
On sera sans doute porté à faire remarquer que, de nos jours, à la suite du développement de la psychanalyse, et surtout des découvertes de Jung sur l’inconscient, de même que sous l’influence de certaines méthodes orientales de méditation, nous avons fait de grands progrès sur la voie de l’intériorité. C’est peut- être vrai, mais il y a aussi de sérieuses nuances à apporter à une telle affirmation. Nous ne devons pas tendre seulement à une intériorité psychologique, qui nous fait pénétrer dans notre inconscient, mais surtout à une intériorité spirituelle qui, elle, débouche sur la conscience. C’est elle qui nous ouvre à la prière, ou plutôt c’est elle qui est prière, puisque la prière chrétienne consiste à faire consciemment nôtre le gémissement de l’Esprit du Christ en nous, dont parle saint Paul aux Romains.
Le Christ n’a pas, dans l’Évangile, fait de longues dissertations sur la prière. Il a plutôt témoigné de sa propre expérience de la Présence de Dieu. Il nous a parlé de son Père ; il nous a dit que son Père et lui étaient un ; que tout ce que lui demandait son Père il le faisait et qu’il ne nous disait rien qu’il n’ait reçu de son Père. Il nous a promis que si nous l’aimions et observions ses commandements le Père et lui viendraient et feraient en nous leur demeure. Il nous a également promis de nous envoyer son Esprit qui nous enseignerait toutes choses. Au-delà de toutes les médiations humaines, qui sont nécessaires, le chemin de l’intériorité est pour nous concrètement le Christ, dans l’Esprit, et ce chemin mène au Père.
Or, le Christ nous a donné un autre enseignement bien précis sur son mode de présence à nos vies. Il nous a appris qu’il demeurait présent d’une façon privilégiée dans les pauvres et les petits, les laissés-pour­’compte et les opprimés. « Ce que vous aurez fait pour les plus petits d’entre les miens c’est à moi que vous l’aurez fait. Au jour du jugement il nous dira : J’ai eu faim et vous m’avez, donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais nu et vous m’avez vêtu, j’étais seul et en prison et vous m’avez visité, etc. Ou bien il devra nous dire : J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire, etc. La contemplation chrétienne, qui va bien au-delà de la theoria grecque, doit donc intégrer, pour être vraie, deux formes complémentaires de rencontre du Christ : la rencontre de la personne même du Verbe au plus profond du coeur et la rencontre du Christ dans l’homme en besoin d’amour et en quête de libération, avec lequel le Christ s’est identifié. Aujourd’hui comme au temps des Prophètes, le problème de la prière est fondamentalement un problème de justice sociale. Inutile de se compter des blagues. La prière véritable ne saurait coexister avec des situations de compromis avec l’injustice individuelle ou collective. La prière chrétienne, l’expérience de la présence du Christ ne saurait en définitive exister sans une forme ou l’autre d’engagement aux côtés des pauvres et des démunis. Une Église riche ne saurait être une Église priante.
L’intériorité dont j’ai parlé tout au long de cet exposé comme d’un chemin menant à l’expérience de la présence de Dieu ne peut donc pas être conçue comme une sorte de nirvana en dehors des préoccupations et des angoisses de nos frères humains. Le vrai contemplatif, au contraire, c’est-à-dire celui qui, quel que soit son état de vie, a connu l’expérience de la rencontre de Dieu en pénétrant au fond de son être, au-delà de sa misère, de son angoisse, de son espoir et de son désespoir, y a aussi découvert le vrai visage de tous les êtres. Il est devenu un homme vraiment catholique au sens profond du mot et vraiment œcuménique. Il accepte et aime non seulement sa propre communauté, sa province, sa culture, ses amis, mais est au contraire capable d’embrasser dans son amitié toute l’humanité. Tl n’est pas lié à son propre système de valeurs au point de ne pas comprendre et accepter ceux qui ont des systèmes différents. Il ne voit pas les diverses manifestations de la vérité dans leur opposition mais dans leur complémentarité. Il est un artisan de paix rayonnant autour de lui la présence de Dieu. Il est ce que Gandhi appelait un « passeur de frontières ». Ce sont de tels hommes dont notre société a grandement besoin. Ce sont de tels hommes que nous sommes appelés à être et que nous serons dans la mesure où nous serons présents à la présence de Dieu en nous.

Armand VEILLEUX, o.c.s.o.

[1] Cette conférence a été donnée à Chicoutimi, durant la rencontre annuelle des animateurs de pastorale des universités francophones de l’Est du Canada, du 9 au 13 mai 1976.

 

DES BÉATITUDES DANS UN FRAGMENT DÉCOUVERT À QOUMRÂN

26 novembre, 2018

https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/524.html

beato-angelico-tentazioni

Beato Angelico – Le tentazioni

DES BÉATITUDES DANS UN FRAGMENT DÉCOUVERT À QOUMRÂN

Approfondir

Parmi les textes de sagesse découverts dans la grotte 4 de Qoumrân, le fragment 4Q525 comporte des « béatitudes »...

Nombreux ont été les textes de sagesse découverts dans la grotte 4 de Qoumrân. L’un d’eux, le fragment 4Q525, a livré des  »béatitudes » à la fois proches et distinctes de celles que l’évangile de Matthieu attribue à Jésus (Mt 5, 3-12).
[''Heureux celui qui…] avec un cœur pur et ne calomnie pas avec sa langue / heureux qui s’attache à ses décrets et ne s’attache pas à des voies de perversité, etc. » dit le texte de Qoumrân (trad. Émile Puech in Monde de la Bible n° 86, 1994, p. 36).  »Heureux » ! Le mot, on le sait, ouvre le Livre des psaumes.
Atteindre la sagesse
 »Heureux l’homme qui ne va pas au conseil des impies… » (Ps 1) ou bien  »Oh bonheur / Non il n’ira pas / Ce rassemblement criminel… » selon la traduction d’Olivier Cadiot. Avant d’engager le croyant sur le chemin du bonheur, le psalmiste dénonce les impasses :  » …Il ne marche pas sur la trace de ceux qui se perdent / Il n’habite pas là où habite la dérision. » Alors, alors seulement, il montre une voie (une voix ?) :  » Ma joie, je la trouve seulement dans la tora de Yhwh / Sa tora je la murmure jour et nuit ». Qoumrân a rassemblé des gens qui ont suivi cette voie, étroite ou royale comme on voudra mais honneur d’Israël :  »Heureux l’homme qui a atteint la Sagesse et marche dans la Loi du Très-Haut et applique son cœur à ses voies et s’attache à ses leçons et dans ses corrections toujours se plaît… » (4Q525, ligne 4)
Dans le Ps 1 comme à Qoumrân, le bonheur est basé sur un choix radical (refuser le parti des égarés, opter pour la Tora, la Loi, au risque de se retrouver seul au milieu d’une foule de ricaneurs). Ce choix ramène aux origines, la Loi, l’arbre et le cours d’eau évoquant irrésistiblement le jardin de la Genèse. Néanmoins, dans l’Éden tout était don, alors qu’ici le bonheur semble du à un mérite, celui d’avoir fait justement le bon choix. Or, selon Matthieu, les béatitudes lancées par Jésus sur la montagne sont en continuité et en rupture avec une telle façon de voir.
 »Doux et humble de cœur »
 »Heureux les pauvres en esprit… » (Mt 5,3) Précisons, s’il le fallait, que cette pauvreté-là n’a rien à voir avec un handicap de l’intelligence. L’expression était connue à Qoumrân et désignait les humbles, ceux qui se laissent guider par l’Esprit Saint pour observer la Loi. Les quatre premières béatitudes exaltent cette humilité en ce qu’elle est fondamentalement un manque : pauvreté, douceur (de ceux qui ne peuvent résister ou se rebeller ?), affliction ou faim (Mt 5,3-6). Or il n’y a pas de mérite à reconnaître et creuser ce manque. Le bonheur souhaité aux humbles est moins le résultat d’une rectitude morale que l’accueil d’une initiative : il vient celui qui peut combler le manque ou, pour reprendre le terme du v. 6, celui qui peut rétablir la  »justice », l’ajustement des rapports avec Dieu et le prochain. Oh bonheur ! Plus loin, le récit matthéen, comme un signe d’espoir à tous ceux qui peinent à observer la Loi, fera dire à Jésus :  »Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes… » (Mt 11,29).
Pourquoi donc alors les béatitudes suivantes, délaissant le manque, récompensent-elles l’effort : miséricorde, pureté du cœur, œuvre de paix (Mt 5,7-9) ? La réponse tient dans les deux derniers souhaits à ceux qui sont persécutés (pour la justice ou à cause de Jésus, v.10-12). L’action des humbles, comme le choix de l’homme juste du psaume 1, provoque rejet et dérision. Ce n’est pas une prédiction, c’est un constat. Mieux, c’est un ajustement du corps et de l’âme avec Jésus  »doux et humble de cœur » qui sera mis en procès et bafoué.
Couronne d’or et d’épines
En harmonie avec la finale du psaume 1, le juste de 4Q525 connaîtra sa récompense :  »[la Sagesse] posera une couronne d’or pur sur sa tête et avec des rois le fera asseoir » (ligne 9). Écho du  »sermon » sur la Montagne, le dernier grand discours de Jésus porte sur la fin des temps, en particulier sur le Jugement (Mt 25). Certains y reçoivent le Royaume. Pourquoi ? Parce qu’ils ont discerné autour d’eux des détresses, des manques et tenté d’y répondre : faim, soif, statut de l’étranger, nudité, maladie, prison. Il ne l’ont pas fait par souci de leur avenir mais par humanité, tout simplement. Doit-on dire par humilité ? Sans doute si le fait d’être pauvre en esprit rend solidaire des pauvres dans la chair. Quant au Fils de l’Homme, il dévoile qu’il s’est identifié aux malheureux ; ce n’est pas une formule rhétorique car Jésus fut arrêté, rejeté, son corps fut lacéré et mis à nu sur la croix. Paradoxe évangélique : avant d’être d’or, la couronne est d’épines (Mt 27,29).

SBEV Gérard BILLON

HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST ROI DE L’UNIVERS ANNÉE B : « SON RÈGNE N’AURA PAS DE FIN »

23 novembre, 2018

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HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST ROI DE L’UNIVERS ANNÉE B : « SON RÈGNE N’AURA PAS DE FIN »

Ce dimanche est consacré au Christ Roi de l’Univers. C’est le dernier dimanche de l’année liturgique. Dimanche prochain, nous commencerons une nouvelle année liturgique avec le temps de l’Avent.
Les textes proposés à notre méditation vont nous permettre d’entrer plus à fond dans ce mystère de la royauté de Jésus que celui-ci ne récuse pas lorsqu’il répond à Pilate : « C’est toi-même qui dis que je suis roi ». Jésus laisse Pilate à ses perceptions mais il en profite pour donner l’heure juste sur ce qu’est le mystère de sa royauté.
1- Une royauté, un mystère
Je viens de référer à la royauté du Christ comme à un mystère. Ce n’est pas sans raison. En effet, elle nous propulse sur un autre registre que celui des royautés humaines que nous connaissons bien comme celles des maisons royales d’Occident dont la famille royale britannique est un des exemples les plus connus ou encore comme celle des princes orientaux comme les émirs arabes ou les rois du Cambodge.
En effet, Jésus explique sa réponse à Pilate en disant : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
« Ma royauté n’est pas d’ici. » Voilà le mystère.
II – Un arrière-fond biblique impressionnant
En faisant cette déclaration Jésus est bien conscient qu’il est porteur d’une tradition qui plonge ses racines dans l’Alliance de Dieu avec le peuple d’Israël à qui il a donné un roi dans la personne de David, puis de Salomon suivis de nombreux autres.
Le texte de la première lecture souligne cet arrimage et cet enracinement à travers les mots du prophète Daniel qui décrit le vrai Roi d’Israël en l’appelant Fils d’homme à qui est donné « domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servir[ont]. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. »
Il ressort de ce texte que la royauté du Fils d’homme dont hérite Jésus et qu’il revendique est une royauté spirituelle qui a comme but de rassembler toute l’humanité autour de lui.
Nous sortons d’une vision limitée pour nous ouvrir sur toutes les contrées, toutes les époques, tous les êtres inanimés et tous les vivants. C’est dans cet esprit que la fête d’aujourd’hui a été désignée comme celle du Christ « Roi de l’Univers ». Rien de moins. La deuxième lecture reprend la même ligne de réflexion et n’est pas en reste. Avec l’image de l’Alpha et de l’Oméga, la première et la dernière lettre de l’alphabet grec, l’auteur du livre de l’Apocalypse montre que Dieu règne sur tout sans limites de temps et d’espace.
Retenons que la reconnaissance du mystère de la royauté du Christ a comme but premier d’affirmer que nous sommes entrés à la suite de Jésus dans un monde nouveau, un royaume éternel qui n’est pas de ce monde.
III – Retombées spirituelles
Il y a de nombreuses retombées spirituelles rattachées à ce mystère de la royauté du Christ. En voici trois pour notre méditation de ce matin.
Premièrement, reconnaître et vivre le mystère de la royauté du Christ, c’est affirmer la priorité de ce qui est spirituel et invisible pour les yeux dans la vie de foi du chrétien. Le royaume du Christ n’a pas de gardes ou de militaires pour se défendre ou se protéger. Il est un royaume spirituel qui s’établit dans le cœur des personnes d’abord et avant tout. « Mon royaume n’est pas de ce monde » dit Jésus à Pilate.
Deuxièmement, la fête du Christ Roi de l’Univers invite à garder bien vivante à notre esprit l’attraction qu’il exerce sur toute l’humanité. Il s’agit d’un royaume qui n’a pas de limites. Tous et toutes en font partie. Un royaume où les inégalités sont brisées, où les privilèges n’existent pas, où les dignités sont réglées par les Béatitudes vécues et reconnues comme la charte du Royaume : « Bienheureux les pauvres, les assoiffés de justice, les persécutés etc. »
Troisièmement, la fête du Christ Roi de l’Univers nous invite aussi à proclamer ce mystère sans pusillanimité, avec humilité bien sûr, mais avec fierté. Car il s’agit d’un mystère qui met les choses à leur place, qui affiche la suprématie du Christ sur tous les êtres comme saint Paul l’a répété souvent.
« Il est l’image du Dieu invisible, écrit-il, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. (Colossiens 1, 15-17 cf. aussi Hébreux 2, 8-9). Saint Paul ainsi affirme la puissance, la domination, la gloire du Christ qui mérite d’être célébrées. Nous le faisons à la messe d’ailleurs, en particulier en chantant le dimanche le Gloire à Dieu.
Voilà! Le Royaume du Christ est spirituel, ouvert à tous et à toutes et au-dessus de tous les êtres. On pourrait ajouter encore d’autres caractéristiques de ce mystère de la royauté du Christ, mais celles-ci sont suffisantes, je pense, pour nourrir notre méditation aujourd’hui.

Conclusion
En conclusion, j’aimerais redire notre louange au Christ Roi avec un cantique tiré du livre de l’Apocalypse au chapitre 19 et qui prend place dans la récitation ou la célébration des Vêpres le dimanche. Je vous en lis un extrait.

Célébrez notre Dieu,
serviteurs du Seigneur,
Alléluia !
vous tous qui le craignez,
les petits et les grands.
Alléluia !
Il règne, le Seigneur,
notre Dieu tout-puissant,
Alléluia !
Exultons, crions de joie,
et rendons-lui la gloire !
Alléluia !
Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

L’ICÔNE DE LA PRÉSENTATION DE MARIE AU TEMPLE (m. 21 novembre)

20 novembre, 2018

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L’ICÔNE DE LA PRÉSENTATION DE MARIE AU TEMPLE

24 SEPTEMBRE 2008

« Par l’ange dans le Temple la Vierge est nourrie. Il re-viendra bientôt pour la salutation lui portant l’allégresse de l’Annonciation. Au Temple, un vingt et un, Marie fait son entrée » (Matines) À l’instar de la fête de la Nativité, cette fête a pour but de transmettre la foi de l’Église sur l’identité de cette femme bénie entre toutes les femmes. Comme pour la Nativité et la Dormition de la Mère de Dieu, l’événement nous est connu par des écrits apocryphes, en particulier le Protoévangile de Jacques. On nous rapporte que, selon la tradition juive et pour accomplir le vœu prononcé par ses parents, Marie est présentée au Temple à l’âge de trois ans. Le chiffre trois étant ici, selon certains Pères, un rappel de la relation privilégiée de cette enfant avec la Trinité. Elle est accueillie au Temple par le Grand-Prêtre Zacharie, père de Jean le Précurseur, et elle y vivra cloîtrée, consacrant tout son temps à la prière et au service du Temple, nourrie par l’ange Gabriel jusqu’à ses épousailles avec Joseph. On dit aussi qu’elle aurait tissé le voile écarlate séparant le « Saint » du « Saint des Saints » dans le Temple de Jérusalem, ce même voile qui sera déchiré en deux à la mort du Seigneur sur la Croix. Comme on le dit dans le psaume : « Écoute ma fille, vois et prête l’oreille; oublie ton peuple et la maison de ton père… » (Ps 44, 11) Dieu prépare Marie à sa vocation particulière dans la solitude et la contemplation. C’est ainsi que Marie consacra sa virginité à Dieu, malgré la tradition juive qui voyait très mal la femme sans enfant. De plus, ici, c’est cette virginité « qui devient source de joie pour l’humanité » (Vêpres). L’icône proposée ici est inspirée d’une icône anonyme du XVe siècle. Elle fait partie de la collection de la cathédrale de l’Annonciation de Sol’vychegodsk, propriété de la famille Stroganov.
Deux scènes y sont représentées. Dans la scène principale, on voit la jeune Marie, sur l’ambon, accueillie par le Grand-Prêtre. De petite taille pour montrer qu’elle est une enfant, elle est adulte dans ses traits pour montrer sa maturité spirituelle dès sa naissance. Les trois étoiles sont déjà sur son maphorion pour signifier sa virginité perpétuelle.
« L’offrande sans tache, la pure colombe fut offerte pour demeurer dans la maison de Dieu : immaculée, elle était destinée à devenir sa mère » (Matines) Le Christ, qui prendra d’elle notre nature, l’a élevée à lui-même. C’est pourquoi, par anticipation, les vêtements de la Mère de Dieu sont des couleurs inversées du Christ Pantocrator. On la représente toujours avec cette robe bleue azur et ce maphorion pourpre. Elle est le premier temple humain de la divinité, celui qui n’est plus construit de main d’homme avec des pierres.
« Aujourd’hui, le Temple vivant du grand Roi, entre dans le Temple pour se préparer à devenir la demeure divine… la Mère de Dieu, le Temple qui contiendra la divinité, est amenée au Temple du Seigneur et Zacharie la reçoit » (Matines). À un disciple qui s’émerveillait de la construction du Temple, Jésus répondit : « Tu vois ces grandes constructions? Il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit » (Mc 13, 2) ; à la femme Samaritaine il dit : « Mais l’heure vient, et nous y sommes, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jn 4, 23) et à Judas, pendant la Dernière Cène, il dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure » (Jn 14, 23) C’est la Mère de Dieu , en ce jour de sa présentation au Temple, qui est le prélude au grand changement de la présence de Dieu au monde.
« Ce jour est le prélude de la bienveillance de Dieu et l’annonce du salut des hommes. Dans le Temple de Dieu, la Vierge se montre à tous et d’avance, elle annonce le Christ. Et nous, nous lui crions à pleine voix : Salut! Accomplissement de l’économie du Créateur » (Tropaire). Zacharie se penche sur elle, la bénit en plaçant la main droite sur son front et l’accueille en lui prenant la main droite. Il est le porte parole de l’allégresse que l’humanité ne peut pas encore nommer. « Dans la chair, elle est offerte à Dieu et Zacharie le Grand-prêtre, plein de joie la reçoit comme demeure de Dieu » (Vêpres).
Le Grand-prêtre est revêtu des ornements sacerdotaux car il s’agit ici d’un acte liturgique, comme les célébrants qui viennent à l’ambon de l’église pour bénir la sainte Entrée dans le rituel byzantin, et il déclare dans son admiration : « Porte du Seigneur, je t’ouvre les portes du Temple; dans l’allégresse tu pourras le parcourir, car je sais et je crois que déjà parmi nous habite la délivrance d’Israël . Le temple très pur du Sauveur est conduite aujourd’hui dans la maison du Seigneur, apportant avec elle la grâce de l’Esprit divin » (Kondakion).
Alors celle qui doit être Temple vivant du Christ entre dans le Temple de pierre : « La Sainte, la toute pure, est introduite par le Saint Esprit dans le Saint des Saints où un Ange la nourrira. Elle est vraiment le Temple très saint de notre Dieu qui a sanctifié l’univers par son habitation en elle et a déifié la nature déchue des mortels » (Vêpres). Derrière la Mère de Dieu, une procession s’est formée. Au premier rang, ses parents, saint Joachim et sainte Anne, qui tendent leur main dans un geste d’offrande. Ce geste, Marie le reprend pour montrer qu’elle assume volontairement le don de ses parents. Anne tient dans sa main le rouleau de son vœu d’offrir son enfant au Seigneur.
« La Vierge toute sainte, le Temple qui contiendra Dieu, est offerte au Temple de Dieu… Joachim et Anne, le couple noble de ses parents, dansent de joie car ils ont mis au monde celle qui doit enfanter le Créateur » (Matines). Le cortège des jeunes vierges accompagne celle qui a été choisie par le Roi. « Dans sa robe brodée, on la mène au dedans, vers le roi, et des vierges la suivent » (Ps 44, 13) Ce cortège n’est pas sans rappeler celui des vierges sages qui attendent l’époux dans la parabole de l’Évangile (Mt 25, 1-13).
« Anne dans l’allégresse conduit au Temple de Dieu l’Innocente, la toujours vierge, comblée de grâce par la grâce divine. Elle a convoqué, pour lui faire cortège, les jeunes filles porteuses de flambeaux : Va, ma fille, lui dit-elle, à celui qui t’a donnée à moi, sois une offrande, un encens au parfum agréable » (Matines). La scène secondaire est incorporée dans les constructions d’arrière plan. On y voit les deux Temples : celui de Jérusalem, à gauche, sur lequel est suspendu le voile du Royaume tissé par le Père. Au centre l’arbre de la « connaissance du bien et du mal » auquel le voile est noué. Le péché d’Adam a voilé notre connaissance de Dieu et le monde attend l’Incarnation pour son salut et pour la Révélation parfaite de Dieu dans son Messie. Certes le peuple juif reconnaît le Dieu unique mais il faut attendre le Christ pour dévoiler le mystère trinitaire.
Le temple de droite, dont la toiture suggère cette foi en la Trinité, c’est l’Église ; il abrite la jeune Marie, nourrie par l’ange Gabriel. Elle est déjà « Signe de l’Église » et elle nous enseigne que le nouveau Temple n’est pas présence de Dieu dans la pierre mais désormais dans le « Corps du Christ ». La nourriture apportée par l’ange préfigure le pain spirituel, l’Eucharistie, qui sera nourriture pour les fidèles et qui nous permettra de faire mémoire du Christ jusqu’à son retour. « Ô Vierge, après avoir été nourrie de pain céleste, dans le Temple du Seigneur, tu as mis au monde le Verbe, le pain céleste de la Vie. Temple choisi sans tache, tu as été élue par l’Esprit pour devenir l’Épouse de Dieu le Père » (Matines).
Marie est assise au sommet de l’escalier comme au sommet de l’échelle spirituelle. Sa vocation de Mère de Dieu la place au dessus même des anges. « Fruit illustre d’une promesse sainte, la Mère de Dieu est montrée au monde vraiment élevée au-dessus de toute la création » (Matines). La Présentation de Marie nous montre la terre maintenant prête à donner naissance au Sauveur. « Le Sans-commencement se donnera un commencement, l’Éternel sera uni au mortel dans la chair pour nous recréer, nous qui étions tombés » (Vêpres).
L’Église, en grande pédagogue, place cette fête pendant le Carême de Noël. Dans l’Église orthodoxe, la période du 15 novembre au 25 décembre constitue un temps de jeûne et d’abstinence, qui place les fidèles dans une situation de conversion pour manifester l’attente de la parousie, comme Marie et tous les ancêtres du Seigneur qui ont attendu la venue du Messie promis. Le thème de la lumière revient souvent aux offices de la fête, comme pour préparer la fête de Noël, fête qui coïncide, rappelons-le, avec le retour de la lumière après le solstice d’hiver : « Dans le Temple saint, tu apparais comme réceptacle de l’inaccessible lumière divine » (Matines). C’est cette acclamation que le prêtre reprend pour entonner le « Magnificat » au lever de chaque jour, à l’office des Matines : « Par nos chants, magnifions la Mère de Dieu et de la lumière »

HOMÉLIE POUR LE 33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « LE FIGUIER QUI VERDIT »

16 novembre, 2018

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HOMÉLIE POUR LE 33E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « LE FIGUIER QUI VERDIT »

Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P.H. du Séminaire de Québec. Homélie du 18 novembre 2018 Année B. Textes: Daniel 12, 1-3, Hébreux 10, 11-14.18 et Marc 13, 24-32.

Les jeunes, et les moins jeunes aussi, de nos jours aiment bien regarder des vidéos ou des films qui racontent des histoires remplies de péripéties. Les effets techniques sont au rendez-vous. Ce sont les voitures qui se poursuivent, des personnages qui changent d’aspect, des mondes inconnus qui apparaissent sur les écrans etc. Ce sont bien sûr des images et on aime les regarder. Pourquoi? Pour en ressentir une émotion, pour sortir de son quotidien, pour vivre des choses nouvelles ou inconnues, que sais-je?
Ce mot d’introduction vise à nous faire mieux entrer dans les lectures que la Parole de Dieu nous propose aujourd’hui. Ces lectures, celle du prophète Daniel et celle de l’évangile selon saint Marc, sont du même genre que les vidéos ou les films dont je parlais il y un instant. Ce sont des images qui sont là pour nous faire entrer dans des émotions et dans un monde nouveau qui est celui de la révélation divine. Voir la note à la fin sur le style apocalyptique.

I – Le prophète Daniel
Commençons par le prophète Daniel. Ce qui est décrit vise la situation des juifs en ce temps-là. Ils ont persécutés par un roi qui veut les éliminer, Antiochus Épiphane vers 175 avant Jésus-Christ. Ils vivent dans la détresse. Ils sont écrasés. Certains remettent en cause leur foi. C’est une détresse qui apparaît insurmontable.
Et le message que le prophète apporte c’est qu’il y a une issue qui, même si elle n’est pas visible maintenant, sera un jour de joie et un jour de libération.
En d’autres termes, le bien triomphera du mal. La victoire est assurée. Les péripéties engagent la vie maintenant, mais au final elles ne n’empêcheront pas le bien de triompher. C’est un message que les juifs reçurent avec joie. Et leur foi fut récompensée plus tard lorsque vint Celui qu’ils attendaient, Jésus le Sauveur du monde, le Messie.
L’action de Dieu dans le monde ne se laisse jamais arrêter quoiqu’il en soit des tourmentes de l’Histoire. Elles seront toujours passagères. C’est l’amour de Dieu qui triomphera.

II – L’évangile
Cet enseignement rejoint celui de l’évangile. Les images de Jésus sont fortes. « Après une grande détresse, dit Jésus, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées ». Le monde est transformé. C’est la fin d’un monde.
Et apparaît Celui qui le renouvelle totalement : Le Fils de l’Homme, Jésus, le Christ, qui viendra « dans les nuées avec grande puissance et avec gloire ».
Pour nous faire mieux entrer dans cette nouveauté remplie d’espérance, Jésus nous donne l’image du figuier. Un arbre de Palestine qui lorsqu’il entre en dormance semble mort, alors qu’à la saison suivante les bourgeons éclatent et lui redonnent vigueur et beauté.
Il en est ainsi de ce qui est vécu par la communauté de Rome à laquelle saint Marc s’adresse dans son évangile. Au moment où il leur écrit ce récit, les chrétiens et les chrétiennes de Rome, comme les juifs du temps d’Antiochus Épiphane, connaissent eux aussi les persécutions. C’est l’époque de l’empereur Néron. Les chrétiens sont hors-la-loi et pourchassés. Les paroles de Jésus seront pour eux un soutien inestimable dans leur résistance et dans leur résilience. Non! ils ne se laisseront pas abattre, car comme le figuier ils reverront la lumière.
Oui! Encore ici, le message donné par Jésus est un message d’espoir comme celui de Daniel. Le mal a beau nous entourer, il ne triomphera pas. C’est le bien, l’amour qui aura le dernier mot. Se lèvera un monde nouveau où Dieu « essuiera toute larme de [nos] yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » (Apocalypse 21,4).

III – Application
Nous ne sommes plus « en ce temps-là » bien sûr, au temps d’Antiochus Épiphane ou de Néron , nous vivons « en ce temps-ci ». Et comme « en ce temps-là » cependant, les nuages sont importants dans le monde d’aujourd’hui. Les croyants et l’Église connaissent de durs moments : désaffectation des personnes, mise au rancart de la religion, séquelles des abus sexuels etc. pour n’en nommer que quelques-uns.
Mais l’horizon n’est pas rempli que de problèmes à résoudre avec sagesse, il nous montre aussi la place de tous ceux et celles qui témoignent dans leur vie de la présence du Fils de l’homme, le Christ, déjà là Ressuscité et vivant pour nous sauver. Même si on la voit pas extérieurement, l’action de Dieu habite ceux et celles qui se remettent à Lui avec foi comme nos devanciers des temps perturbés d’autrefois.
Les baptisés attendent le Retour du Christ dans l’espérance. Cette attente ne les sort pas des réalités présentes qu’ils vivent dans la foi. Malgré les détresses, les malheurs, les difficultés, ils ont la promesse que l’amour aura le dernier mot, que le monde nouveau viendra.
C’est vers ce monde que tous et toutes nous nous dirigeons. Il n’empêche pas de vivre dans celui-ci. Au contraire, c’est parce que nous sommes bien insérés dans celui-ci que nous pouvons, comme le figuier, voir des pousses nouvelles apparaître.
Le monde à venir est déjà commencé.

Conclusion
Quelle belle leçon et quel beau message nous sont livrés aujourd’hui à travers des images dignes des vidéos et films d’épouvante. Oui! Nous en avons l’assurance, le bien est plus fort que le mal, la vie est plus forte que la mort.
Faisons cette prière : « Seigneur Jésus, nous ne connaissons ni le jour ni l’heure de ton Retour, mais nous t’attendons et nous sommes sûrs que tes paroles ne passeront pas. Que ton Esprit nous fasse comprendre à quel point elles donnent sens aux événements de notre vie, les plus marquants comme les plus simples. À travers ceux-ci, nous apprenons l’amour du Père qui fait de toi notre Sauveur et nous désirons demeurer unis à toi maintenant et pour l’éternité ».
Soulignons en terminant que ce dimanche, le 33e dimanche du temps ordinaire avant la fête du Christ-Roi, à la demande du pape François est devenu la Journée mondiale des pauvres. La première édition de la journée mondiale des pauvres a lieu le 19 novembre 2017 et cette année elle a lieu le 18 novembre non seulement à Rome comme en 2017 mais sur les cinq continents. Ils sont 12, comme les apôtres… 12 évêques ou cardinaux issus des cinq continents, 12 successeurs des apôtres qui ont choisi d’organiser des évènements emblématiques dans leur diocèse à l’occasion de la 2e Journée mondiale des pauvres dont le cardinal Lacroix, à Québec. Le thème en 2018 est « Un pauvre crie, Dieu entend ». Proposition d’une célébration eucharistique provenant du Diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière au Québec

Amen!

PAPE FRANÇOIS – EN POURSUIVANT L’EXPLICATION DU DÉCALOGUE, NOUS ARRIVONS AUJOURD’HUI À LA SEPTIÈME PAROLE: «TU NE VOLERAS PAS».

15 novembre, 2018

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2018/documents/papa-francesco_20181107_udienza-generale.html

imm fr Donatello (attr.), Madonna and Child

Donatello, Madonna and Child

PAPE FRANÇOIS – EN POURSUIVANT L’EXPLICATION DU DÉCALOGUE, NOUS ARRIVONS AUJOURD’HUI À LA SEPTIÈME PAROLE: «TU NE VOLERAS PAS».

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 7 novembre 2018

Chers frères et sœurs, bonjour!

En poursuivant l’explication du Décalogue, nous arrivons aujourd’hui à la Septième Parole: «Tu ne voleras pas».
En écoutant ce commandement, nous pensons au thème du vol et au respect de la propriété des autres. Il n’existe pas de culture dans laquelle le vol et l’appropriation de biens soient licites; en effet, la sensibilité humaine est très susceptible en ce qui concerne la défense de la possession.
Mais il vaut la peine de nous ouvrir à une lecture plus ample de cette Parole, en nous concentrant sur le thème de la propriété des biens à la lumière de la sagesse chrétienne.
Dans la doctrine sociale de l’Eglise, on parle de destination universelle des biens. Qu’est-ce que cela signifie? Ecoutons ce que dit le Catéchisme: «Au commencement, Dieu a confié la terre et ses ressources à la gérance commune de l’humanité pour qu’elle en prenne soin, la maîtrise par son travail et jouisse de ses fruits (cf. Gn 1, 26-29). Les biens de la création sont destinés à tout le genre humain» (n. 2402). Et encore: «La destination universelle des biens demeure primordiale, même si la promotion du bien commun exige le respect de la propriété privée, de son droit et de son exercice» (n. 2403).[1]
Mais la Providence n’a pas établi un monde «en série», il y a des différences, des conditions diverses, des cultures diverses, ainsi on peut vivre en subvenant aux besoins les uns des autres. Le monde est riche de ressources pour assurer à tous les biens primaires. Pourtant, un grand nombre vit dans une indigence scandaleuse et les ressources, utilisées sans critère, se détériorent. Mais il n’y a qu’un seul monde! Il n’y a qu’une seule humanité![2] La richesse du monde est aujourd’hui entre les mains d’une minorité, de peu de personnes et la pauvreté, et même la misère et la souffrance entre les mains de nombreuses personnes, de la majorité.
Si la faim existe sur terre, ce n’est pas par manque de nourriture! Au contraire, en raison des exigences du marché, on va parfois jusqu’à la détruire, la jeter. Ce qui manque est un esprit d’entreprise libre et clairvoyant, qui assure une production adéquate, et une organisation solidaire et qui assure une distribution équitable. Le Catéchisme dit encore: «L’homme, dans l’usage qu’il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes: en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aux autres» (n. 2404). Toute richesse, pour être bonne, doit avoir une dimension sociale.
C’est dans cette perspective qu’apparaît la signification positive et vaste du commandement «tu ne voleras pas». «La propriété d’un bien fait de son détenteur un administrateur de la Providence» (ibid.). Personne n’est le maître absolu des biens: c’est un administrateur des biens. La possession est une responsabilité: «Mais je suis riche de tout…» — c’est une responsabilité que tu as. Et tout bien soustrait à la logique de la Providence de Dieu est trahi, il est trahi dans son sens le plus profond. Ce que je possède vraiment est ce que je sais donner. Telle est la mesure pour juger de la façon dont je parviens à gérer les richesses, bien ou mal; cette parole est importante: ce que je possède vraiment est ce que je sais donner. Si je sais donner, je suis ouvert, alors je suis riche non seulement de ce que je possède, mais également dans la générosité, la générosité également comme un devoir de donner la richesse afin que tous y participent. En effet, si je n’arrive pas à donner quelque chose, c’est parce que cette chose me possède, elle a un pouvoir sur moi et j’en suis esclave. La possession des biens est une occasion pour les multiplier avec créativité et les utiliser avec générosité, et ainsi croître dans la charité et dans la liberté.
Le Christ lui-même, bien qu’étant Dieu, «ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’anéantit lui-même» (Ph 2, 6-7) et nous a enrichis par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9).
Tandis que l’humanité s’essouffle pour avoir plus, Dieu la rachète en se faisant pauvre: cet Homme crucifié a payé pour tous un prix inestimable de la part de Dieu le Père, «riche en miséricorde» (Ep 2, 4; cf. Jc 5, 11). Ce qui nous rend riches, ce ne sont pas les biens, mais l’amour. Nous avons souvent entendu ce que le peuple de Dieu dit: «Le diable entre par les poches». On commence par l’amour pour l’argent, la soif de posséder; puis vient la vanité: «Ah, je suis riche et je m’en vante»; et, à la fin, l’orgueil et la vanité. Voilà la façon d’agir du diable en nous. Mais la porte d’entrée sont les poches.
Chers frères et sœurs, encore une fois, Jésus Christ nous dévoile le sens plénier des Ecritures. «Tu ne voleras pas» signifie: aime avec tes biens, profites des moyens que tu as pour aimer comme tu peux. Alors, ta vie devient bonne et la possession devient véritablement un don. Parce que la vie n’est pas le temps pour posséder, mais pour aimer. Merci.
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le Collège Fénelon-Sainte Marie de Paris. Notre vie n’est pas faite pour posséder mais pour aimer. Efforçons-nous, frères et sœurs, de faire du bien, autant que possible, avec les biens que nous possédons. Notre vie sera bonne et nos biens deviendront un don pour tous. Que Dieu vous bénisse !

[1] Cf. Enc. Laudato si’, n. 67: «Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de sa fertilité pour les générations futures; car, en définitive, “au Seigneur la terre” (Ps 24, 1), à lui appartiennent “la terre et tout ce qui s’y trouve” (Dt 10, 14). Pour cette raison, Dieu dénie toute prétention de propriété absolue: “La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient, et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes” (Lv 25, 23)».
[2] Cf. Saint Paul VI, Enc. Populorum progressio, n. 17: «Mais chaque homme est membre de la société: il appartient à l’humanité tout entière. Ce n’est pas seulement tel ou tel homme, mais tous les hommes qui sont appelés à ce développement plénier. [...] Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous et nous ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir».

UN TEMPS DE SILENCE POUR QUE DIEU PARLE

12 novembre, 2018

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UN TEMPS DE SILENCE POUR QUE DIEU PARLE

Essaie que le lieu de la lectio divina et l’heure de la journée te permettent aussi le silence extérieur, préliminaire nécessaire au silence intérieur. « Le Maître est là et il t’appelle » (cf. Jn 11,28), et pour entendre sa voix tu dois faire taire les autres voix, pour écouter la Parole, tu dois baisser le ton de tes paroles. Il y a des temps mieux adaptés au silence que d’autres : le coeur de la nuit, tôt le matin, tard le soir… Vois selon ton horaire de travail, mais reste fidèle à ce temps et détermine-le dans ta journée une fois pour toutes. Ce n’est pas sérieux d’aller au Seigneur dans la prière seulement quand tu as un trou dans tes engagements, comme si le Seigneur était un bouche-trou. Et ne dit jamais : « Je n’ai pas le temps », parce que c’est comme si tu te déclarais idolâtre : le temps de la journée est à ton service, ce n’est pas toi qui dois être esclave du temps.
Enveloppe-toi donc de silence, et le temps de la lectio divina rythmera ta vie. Tu sais qu’il faut prier toujours, sans jamais te lasser (cf. Le 18,1-8; I Thess. 5,17), mais tu sais aussi qu’il faut des temps précis, explicitement et visiblement donnés à la prière, pour soutenir la mémoire de Dieu dans toute la journée. Es-tu un amoureux du Seigneur, ou t’efforces-tu de le devenir ? Alors tu ne dédaigneras pas de lui consacrer un peu du temps que tu consacres habituellement, chaque jour et sans fatigue, à ta femme, à tes proches ou à tes amis.
Et n’oublie pas que ce temps pour la lectio doit être suffisamment long, pas seulement un petit moment. Tu dois reprendre ton calme, être en paix, quelques minutes ne suffisent pas. Pour la lectio, il faut au moins une heure, disent les Pères…
Combien de paroles entends-tu dans la journée, combien de lectures fais-tu ! Que les paroles n’étouffent pas la Parole : en cela aussi, tu dois être vigilant. Si les paroles mondaines sont si abondantes, comment la Parole de Dieu peut-elle avoir concrètement la primauté sur elles ? Faire la lectio divina avec ponctualité, chaque jour, ne te dispense pas de vérifier le rapport entre la Parole et les paroles. Celles-ci, par leur quantité et leur qualité, peuvent étouffer la voix divine et ne pas permettre à celle-là de croître et de donner son fruit en toi (cf. Mc 4,13-20).Quel sens cela a-t-il de lire de tout, de trouver sa nourriture dans des sujets mondains, de faire des lectures qui laissent de profondes traces d’impureté dans le coeur, et de prétendre ensuite vivre de la Parole « qui sort de la bouche de Dieu » ? Si tu n’es pas vigilant dans ta vie sur le rapport Parole/paroles, tu es condamné à rester un dilettante, un « écoutant » paralysé en face de ce qui devrait être un vrai chemin d’initiation.

Tiré de:
ENZO BIANCHI, Prier la Parole. Une introduction à la lectio divina
Bellefontaine, 1996 (nouvelle édition).

HOMÉLIE POUR LE 32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « L’OBOLE DE LA VEUVE »

9 novembre, 2018

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HOMÉLIE POUR LE 32E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « L’OBOLE DE LA VEUVE »

J’avais été frappé, lors d’un congrès religieux à la Nouvelle- Orléans, de voir à la fin du Congrès les gens qui, à l’invitation des organisateurs, remettaient des sommes qui me paraissaient importantes pour eux. En les regardant, je voyais des gens simples qui n’avaient sûrement pas de grands moyens et pourtant je voyais les billets en grand nombre qu’ils mettaient dans les sacs qu’on faisait circuler dans l’assemblée.
L’obole de la veuve, les deux pièces de monnaie qu’elle dépose dans le tronc, m’a fait penser à cette expérience. Son geste suscite notre admiration comme celui de ces personnes à la Nouvelle-Orléans. Mais si on s’arrêtait là, on manquerait quelque chose que la Parole de Dieu nous livre aujourd’hui, car celle-ci nous présente non seulement l’obole de la veuve de Jérusalem mais aussi une autre veuve au temps du prophète Élie et il y a un lien entre ces deux scènes qui nous livrent un message sur ce que Dieu attend de nous.

Cherchons ensemble quel est ce message.

I – Deux pièces de monnaie
Notons en commençant qu’il s’agit de veuves. Dans la terre d’Israël le sort des veuves était très difficile. Sans mari elles étaient comme exclues de la vie communautaire. C’est pourquoi, elles vivaient le plus souvent dans une grande pauvreté.
Elles représentent bien ainsi ce pourquoi Jésus, le Fils de Dieu, est venu dans le monde : « Sauver ce qui était perdu, apporter le don de l’amour de Dieu à tous et à toutes, mais en premier lieu aux petits et aux pauvres » (cf. Luc 19,10, Mathieu 18, 11, Marc 2, 17). Ces veuves sont l’image de nous tous et toutes.
Dans le cas de la veuve de l’évangile, le récit de saint Marc la met en parallèle avec les scribes et les pharisiens qui « dévorent les biens des veuves ». Elle ne cherche pas le paraître comme eux. Elle n’est pas dans les apparences. Elle est elle-même. Elle vit sa foi totalement. Elle va même jusqu’à prendre sur son nécessaire pour manifester la priorité de Dieu dans sa vie. Pour elle jeter un peu de monnaie n’est pas se délester d’une obligation, c’est manifester une foi à toute épreuve. Elle est le modèle de tous ceux et celles qui sont prêts à aller jusqu’au bout de ce qu’ils croient.

II – Une farine et une huile qui ne s’épuisent pas
La première veuve, celle du temps d’Élie, encouragée par le prophète Élie, accepte de prendre sur le peu qu’elle a et de laisser la puissance de Dieu agir. Elle va expérimenter alors la beauté et la largesse de l’amour de Dieu à travers la nourriture, la farine et l’huile, qui ne s’épuisera pas.
Tel est l’amour de Dieu. Il ne s’épuise jamais malgré nos limites et nos retards, nos manques d’accueil. Quelqu’un me disait un jour que l’amour des parents pour leurs enfants est comme une eau qui coule et qui coule toujours quelques que soient les circonstances. C’est ce que cette personne vivait avec ses enfants qu’elle chérissait plus que tout et qu’elle n’abandonnerait jamais quelles que soient les circonstances et même s’il n’y avait pas de retour. Il en est ainsi de l’amour de Dieu pour nous.
Le message de ce passage de l’Ancien Testament complète ici celui de l’évangile. Dans les deux cas, nous voyons deux veuves, deux êtres démunis faire une confiance totale à leur Dieu en lui remettant ce qui les fait vivre et ce qui est pour elles le nécessaire. Dans le passage de l’Ancien Testament, on voit la réponse à ce geste en action. La nourriture ne se tarit pas. Dans l’évangile, on se contente d’inviter à faire confiance en donnant tout. Mais, on peut être sûr que la réponse de Dieu sera la même : celle d’un amour qui va au-delà de ce qu’on peut imaginer et qui remplit tout l’être de la personne.

III – Application
Vous voyez que la Parole de Dieu aujourd’hui est bien actuelle pour nous. Car tout en nous assurant que l’amour de Dieu est toujours là, qu’il se déploie en chacune et en chacun de nous, elle nous rappelle que nous devons y mettre du nôtre pour lui permettre de donner des fruits concrets.
C’est notre obole, notre farine, notre huile que Dieu attend comme celles des veuves que nous a présenté la Parole de Dieu aujourd’hui. Nos offrandes sont prises dans ce que nous sommes. Ce sont nos ressources de toutes sortes comme nos biens, nos dons, nos relations etc. C’est tout notre être. Le message de la Parole de Dieu aujourd’hui est clair : nous sommes invités comme les deux veuves en cause à faire une confiance absolue en la bonté et en l’amour de Dieu, à laisser entrer en nous son Royaume.
Les gestes de ces deux deux veuves nous questionnent ce matin n’est-ce pas? Laissons ces questions monter en nous. Et demandons au Seigneur la grâce d’y répondre sans retenue et sans crainte.

Conclusion
Que cette Eucharistie où Dieu se donne totalement dans le Corps et le Sang de Jésus qui se fait notre nourriture soit notre force et nous donne l’élan nécessaire sur les chemins de notre vie et qu’elle nous accompagne vers la demeure où Dieu nous attend.
Amen!

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – «Tu ne commettras pas d’adultère»

7 novembre, 2018

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2018/documents/papa-francesco_20181031_udienza-generale.html

imm fr The Unction of Christ by Julia Stankova

The Unction of Christ

PAPE FRANÇOIS – «Tu ne commettras pas d’adultère»

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 31 octobre 2018

Chers frères et sœurs, bonjour!

Je voudrais aujourd’hui compléter la catéchèse sur la sixième parole du Décalogue — «Tu ne commettras pas d’adultère» —, en soulignant que l’amour fidèle du Christ est la lumière pour vivre la beauté de l’affectivité humaine. En effet, notre dimension affective est un appel à l’amour, qui se manifeste dans la fidélité, dans l’accueil et dans la miséricorde. Cela est très important. Comment se manifeste l’amour? Dans la fidélité, dans l’accueil et dans la miséricorde.
Il ne faut cependant pas oublier que ce commandement se réfère explicitement à la fidélité matrimoniale, et il est donc bon de réfléchir plus en profondeur sur sa signification sponsale. Ce passage des Ecritures, ce passage de la lettre de saint Paul, est révolutionnaire! Penser, avec l’anthropologie de cette époque, et dire que le mari doit aimer sa femme comme le Christ aime l’Eglise: mais c’est une révolution! Peut-être, à cette époque, est-ce la chose la plus révolutionnaire qui a été dite sur le mariage. Toujours sur la route de l’amour. Nous pouvons nous demander: ce commandement de fidélité, à qui est-il destiné? Seulement aux époux? En réalité, ce commandement est pour tous, c’est une Parole paternelle de Dieu adressée à chaque homme et à chaque femme.
Rappelons-nous que le chemin de la maturation humaine est le parcours même de l’amour qui va de recevoir des soins à la capacité d’offrir des soins, de recevoir la vie à la capacité de donner la vie. Devenir des hommes et des femmes adultes veut dire arriver à vivre l’attitude sponsale et parentale, qui se manifeste dans les diverses situations de la vie comme la capacité de prendre sur soi le poids de quelqu’un d’autre et de l’aimer sans ambiguïté. C’est donc une attitude globale de la personne qui sait assumer la réalité et qui sait entrer dans une relation profonde avec les autres.
Qui est donc l’adultère, le luxurieux, l’infidèle? C’est une personne immature, qui garde pour elle sa propre vie et qui interprète les situations sur la base de son propre bien-être et de sa propre satisfaction. Pour se marier, il ne suffit donc pas de célébrer le mariage! Il faut faire un chemin du moi au nous, de penser tout seul à penser à deux, de vivre seul à vivre à deux: c’est un beau chemin, c’est un chemin beau. Quand nous arrivons à nous décentrer, alors chaque acte est sponsal: nous travaillons, nous parlons, nous décidons, nous rencontrons les autres avec une attitude accueillante et oblative.
Dans ce sens, chaque vocation chrétienne — à présent nous pouvons élargir un peu la perspective, et dire que chaque vocation chrétienne, dans ce sens, est sponsale. Le sacerdoce l’est parce que c’est l’appel, dans le Christ et dans l’Eglise, à servir la communauté avec toute l’affection, le soin concret et la sagesse que donne le Seigneur. L’Eglise n’a pas besoin d’aspirants au rôle de prêtre — non, elle n’en a pas besoin, il vaut mieux qu’ils restent chez eux —, mais elle a besoin d’hommes à qui l’Esprit Saint touche le cœur par un amour sans réserves pour l’épouse du Christ. Dans le sacerdoce on aime le peuple de Dieu avec toute la paternité, la tendresse et la force d’un époux et d’un père. Il en est de même pour la virginité consacrée dans le Christ, que l’on vit avec fidélité et avec joie comme relation sponsale et féconde de maternité et de paternité.
Je répète: chaque vocation chrétienne est sponsale, parce qu’elle est le fruit du lien de l’amour dans lequel nous sommes tous régénérés, le lien d’amour avec le Christ, comme nous l’a rappelé le passage de Paul lu au début. A partir de sa fidélité, de sa tendresse, de sa générosité nous considérons avec foi le mariage et chaque vocation, et nous comprenons le sens plénier de la sexualité.
La créature humaine, dans son inséparable unité d’esprit et de corps, et dans sa polarité masculine et féminine, est une très bonne réalité, destinée à aimer et à être aimée. Le corps humain n’est pas un instrument de plaisir, mais le lieu de notre appel à l’amour, et dans l’amour authentique il n’y a pas de place pour la luxure et pour sa superficialité. Les hommes et les femmes méritent plus que cela!
La Parole «Tu ne commettras pas d’adultère», bien que sous une forme négative, nous oriente donc vers notre appel originel, c’est-à-dire l’amour sponsal total et fidèle, que Jésus Christ nous a révélé et donné (cf. Rm 12, 1).
Je salue cordialement les pèlerins francophones, venus de France, de Suisse, en particulier les diocésains d’Evry, avec l’évêque, Mgr Michel Pansard, la Communauté de l’Arche de Montpellier ainsi que les jeunes de Metz, du Mans et de Lille. Chers amis, à la veille de la fête de la Toussaint, je vous invite à laisser grandir en vous le désir de marcher sur les chemins de la sainteté, pour la plus grande gloire de Dieu. Que Dieu vous bénisse !

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