Archive pour octobre, 2018

BENOÎT XVI – Commémoration de tous les fidèles défunts (2.11.11)

31 octobre, 2018

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20111102.html

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Résurrection de la mort

BENOÎT XVI – Commémoration de tous les fidèles défunts (2.11.11)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 2 novembre 2011

Chers frères et sœurs !

Après avoir célébré la solennité de tous les saints, l’Eglise nous invite aujourd’hui à commémorer tous les fidèles défunts, à tourner notre regard vers les nombreux visages qui nous ont précédés et qui ont conclu leur chemin terrestre. Au cours de l’Audience d’aujourd’hui, je voudrais donc vous proposer quelques pensées simples sur la réalité de la mort qui pour nous, chrétiens, est illuminée par la Résurrection du Christ, et pour renouveler notre foi dans la vie éternelle.
Comme je le disais déjà hier au cours de l’Angélus, nous nous rendons ces jours-ci au cimetière pour prier pour les personnes chères qui nous ont quittés, nous allons en quelque sorte leur rendre visite pour leur exprimer, une fois de plus, notre affection, pour les sentir encore proches, en rappelant également, de cette façon, un article du Credo : dans la communion des saints existe un lien étroit entre nous, qui marchons encore sur cette terre, et nos nombreux frères et sœurs qui ont déjà atteint l’éternité.
Depuis toujours, l’homme se préoccupe de ses morts et tente de leur donner une deuxième vie à travers l’attention, le soin, l’affection. D’une certaine façon, on veut conserver leur expérience de vie ; et, paradoxalement, c’est précisément des tombes devant lesquelles se bousculent les souvenirs que nous découvrons la façon dont ils ont vécu, ce qu’ils ont aimé, ce qu’ils ont craint, ce qu’ils ont espéré, et ce qu’ils ont détesté. Celles-ci représentent presque un miroir de leur monde.
Pourquoi en est-il ainsi ? Car, bien que la mort soit souvent un thème presque interdit dans notre société, et que l’on tente constamment de chasser de notre esprit la seule idée de la mort, celle-ci concerne chacun de nous, elle concerne l’homme de tout temps et de tout lieu. Et devant ce mystère, tous, même inconsciemment, nous cherchons quelque chose qui nous invite à espérer, un signe qui nous apporte un réconfort, qui nous ouvre un horizon, qui offre encore un avenir. Le chemin de la mort, en réalité, est une voie de l’espérance et parcourir nos cimetières, comme lire les inscriptions sur les tombes, signifie accomplir un chemin marqué par l’espérance d’éternité.
Mais nous nous demandons : pourquoi éprouvons-nous de la crainte face à la mort ? Pourquoi une grande partie de l’humanité ne s’est-elle jamais résignée à croire qu’au-delà de la mort, il n’y pas pas simplement le néant ? Je dirais qu’il existe de multiples réponses : nous éprouvons une crainte face à la mort car nous avons peur du néant, de ce départ vers quelque chose que nous ne connaissons pas, qui nous est inconnu. Il existe alors en nous un sentiment de rejet parce que nous ne pouvons pas accepter que tout ce qui a été réalisé de beau et de grand au cours d’une existence tout entière soit soudainement effacé, tombe dans l’abîme du néant. Et surtout, nous sentons que l’amour appelle et demande l’éternité et il n’est pas possible d’accepter que cela soit détruit par la mort en un seul moment.
De plus, nous éprouvons de la crainte à l’égard de la mort car, lorsque nous nous trouvons vers la fin de notre existence, existe la perception qu’un jugement est exercé sur nos actions, sur la façon dont nous avons mené notre vie, surtout sur les zones d’ombre que nous savons souvent habilement éliminer ou que nous nous efforçons d’effacer de notre conscience. Je dirais que c’est précisément la question du jugement qui est souvent à l’origine de la préoccupation de l’homme de tous les temps pour les défunts, de l’attention pour les personnes qui ont compté pour lui et qui ne sont plus à ses côtés sur le chemin de la vie terrestre. Dans un certain sens, les gestes d’affection et d’amour qui entourent le défunt sont une façon de le protéger dans la conviction qu’ils ne demeurent pas sans effet sur le jugement. C’est ce que nous pouvons constater dans la majorité des cultures qui caractérisent l’histoire de l’homme.
Aujourd’hui, le monde est devenu, tout au moins en apparence, beaucoup plus rationnel, ou mieux, la tendance s’est diffusée de penser que chaque réalité doit être affrontée avec les critères de la science expérimentale, et qu’également à la grande question de la mort on ne doit pas tant répondre avec la foi, mais en partant de connaissances expérimentables, empiriques. On ne se rend cependant pas suffisamment compte que, précisément de cette manière, on a fini par tomber dans des formes de spiritisme, dans la tentative d’avoir un contact quelconque avec le monde au-delà de la mort, presque en imaginant qu’il y existe une réalité qui, à la fin, serait une copie de la réalité présente.
Chers amis, la solennité de la Toussaint et la commémoration de tous les fidèles défunts nous disent que seul celui qui peut reconnaître une grande espérance dans la mort, peut aussi vivre une vie à partir de l’espérance. Si nous réduisons l’homme exclusivement à sa dimension horizontale, à ce que l’on peut percevoir de manière empirique, la vie elle-même perd son sens profond. L’homme a besoin d’éternité et toute autre espérance est trop brève, est trop limitée pour lui. L’homme n’est explicable que s’il existe un Amour qui dépasse tout isolement, même celui de la mort, dans une totalité qui transcende aussi l’espace et le temps. L’homme n’est explicable, il ne trouve son sens profond, que s’il y a Dieu. Et nous savons que Dieu est sorti de son éloignement et s’est fait proche, qu’il est entré dans notre vie et nous dit : « Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26).
Pensons un moment à la scène du Calvaire et écoutons à nouveau les paroles que Jésus, du haut de la Croix, adresse au malfaiteur crucifié à sa droite : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23, 43). Pensons aux deux disciples sur la route d’Emmaüs, quand, après avoir parcouru un bout de chemin avec Jésus Ressuscité, ils le reconnaissent et partent sans attendre vers Jérusalem pour annoncer la Résurrection du Seigneur (cf. Lc 24, 13-35). Les paroles du Maître reviennent à l’esprit avec une clarté renouvelée : « Que votre cœur ne se trouble pas ! Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l’aurais dit ; je vais vous préparer une place » (Jn 14, 1-2). Dieu s’est vraiment montré, il est devenu accessible, il a tant aimé le monde « qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16), et dans l’acte d’amour suprême de la Croix, en se plongeant dans l’abîme de la mort, il l’a vaincue, il est ressuscité et nous a ouvert à nous aussi les portes de l’éternité. Le Christ nous soutient à travers la nuit de la mort qu’Il a lui-même traversée; il est le Bon Pasteur, à la direction duquel on peut se confier sans aucune crainte, car Il connaît bien la route, même dans l’obscurité.
Chaque dimanche, en récitant le Credo, nous réaffirmons cette vérité. Et en nous rendant dans les cimetières pour prier avec affection et avec amour pour nos défunts, nous sommes invités, encore une fois, à renouveler avec courage et avec force notre foi dans la vie éternelle, ou mieux, à vivre avec cette grande espérance et à la témoigner au monde : derrière le présent il n’y a pas le rien. C’est précisément la foi dans la vie éternelle qui donne au chrétien le courage d’aimer encore plus intensément notre terre et de travailler pour lui construire un avenir, pour lui donner une espérance véritable et sûre. Merci.

TOUSSAINT – LE SAINT, GARDIEN DE LA NOSTALGIE DU CIEL

30 octobre, 2018

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Toussaint

(Traduction Google de l’italien)

TOUSSAINT – LE SAINT, GARDIEN DE LA NOSTALGIE DU CIEL

Don Luca Garbinetto

Assis sur la montagne, avec ses disciples à ses côtés, Jésus regarde la foule. Ce devait être un regard d’une tendresse poignante. Les mots qui suivent dégagent l’émotion du Père, qui pénètre dans le cœur du Fils avec une lumière perturbatrice: celle du paradis! C’est l’Esprit qui suggère. Jamais comme dans les béatitudes, le ciel et la terre manifestent l’intersection de leur recherche mutuelle
Jésus voit les gens, son peuple, qui est toute l’humanité, et a une secousse de désir et d’espoir: « Oh, comme j’aimerais que vous soyez tous déjà comme ça! », Semble vouloir dire, alors qu’il annonce le chemin de la félicité. ‘Oh, comme j’aimerais que le feu soit déjà allumé et consumé!’. Le feu de la sainteté, qui fait de nous, comme Dieu, le seul vraiment saint.
C’est précisément dans la rencontre des désirs, ou plutôt du désir intime, que réside le mystère de la sainteté. Dieu veut rencontrer l’homme et Jésus s’assoit pour pouvoir converser avec lui, comme il l’avait fait il y a bien longtemps sous les feuilles du jardin. Et l’homme, au plus profond de lui-même, veut rencontrer Dieu, se laisse pénétrer par son regard. C’est dans l’incomplétude de sa propre personne que réside la possibilité de la sainteté, qui coïncide avec l’occasion donnée à Dieu de demeurer et de s’approprier l’espace de vide qui fait de nous des créatures et rend authentique la filiation.
Les pauvres, les affligés, mais aussi les doux et les miséricordieux, comme les cœurs purs, sont des hommes et des femmes qui laissent sortir le cri le plus profond et le plus original des larmes de leur vie intérieure: pas plus ou pas seulement la nécessité d’une réponse immédiate, mais le désir que Quelqu’un soit présent à jamais dans cette nécessité constitutive. Les bienheureux sont des êtres désireux, qui ont réussi à se débarrasser des peurs superficielles ou des aspirations distraites et à aller à l’essentiel: « De Toi, mon Dieu, j’ai un désir infini ».
Les artisans de paix, les affamés et les justes, ceux qui sont persécutés pour son nom sont ceux qui ont motivé la lutte de ce désir. Parce que ce n’est pas une propension sereine et pacifique à l’autre. La vie elle-même génère une confrontation et une tension avec une limite personnelle, mais aussi historique et relationnelle. Le désir de vivre en Dieu, de le laisser vivre en nous pour qu’il devienne sa transparence, pour tisser la relation vitale avec sa présence n’est pas automatique et à l’abri de la tentation. La sainteté est le choix conscient et fidèle de lutter contre toutes les forces qui éloignent ou, pire encore, déforment et camouflent le visage authentique du Bien-aimé. ‘Je veux te connaître, mon Dieu, pour me connaître en toi’.
Et ainsi, dans cette dynamique de relation, qui plonge dans des horizons de beauté inattendus, même au beau milieu des épreuves de la vie quotidienne – bien connus de Dieu: après tout, le premier bienheureux est Jésus de Nazareth – la joie s’ensuit que cela devient un jaillissement de ne pas retenir. Aucun bonheur n’est donné pour la complaisance. Ce n’est pas l’orgueil de la perfection qu’un homme humble peut apporter au monde, mais le témoignage d’une plénitude qui déborde dans le style des relations, dans la manière de se mettre à voix, dans les regards empruntés au Seigneur. Le bonheur, la sainteté est contagieuse de la sienne. Ceux qui sont infectés, ou du moins sous le choc, le réalisent. Cependant, de la part de la partie intéressée, le bienheureux et le saint demeurent le travail nécessaire pour poursuivre la lutte et se sentir toujours un peu plus absents: non pas du perfectionnisme, mais de sa présence, qui voudrait déjà de nos jours une totale et pérenne. Par conséquent, le saint, invariablement missionnaire de l’Amour, frappe surtout la nostalgie irrépressible du paradis. Nostalgie qui sent le paradis, ici et maintenant, la chose la plus simple et la plus ordinaire qu’il soit appelé à vivre

UN MURMURE DANS L’ÂME : LE SILENCE DE DIEU

29 octobre, 2018

https://opusdei.org/fr-fr/article/un-murmure-de-lame-le-silence-de-dieu/

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Jésus est la pleine expression du cœur de Dieu Père

UN MURMURE DANS L’ÂME : LE SILENCE DE DIEU

Le silence est souvent le « lieu » où Dieu nous attend, pour que nous soyons capables de l’écouter, lui, plutôt que d’entendre le bruit de notre propre voix.

LA LUMIÈRE DE LA FOI
4 juin 2018

Opus Dei – Un murmure dans l’âme : le silence de Dieu
Le livre de l’Exode rapporte que Dieu est apparu à Moïse au mont Sinaï dans l’éclat de sa gloire : toute la montagne tremblait violemment. Moïse parlait et Dieu lui répondait dans le tonnerre et les éclairs (Ex 19, 16-22). Le peuple tout entier écoutait, fort impressionné par le pouvoir et la majesté de Dieu. Même si d’autres théophanies semblables ont marqué l’histoire d’Israël[1], la plupart du temps Dieu s’est manifesté à son peuple par d’autres voies : non pas dans un éclat de lumière, mais dans le silence, dans l’obscurité.
Quelques siècles après Moïse, le prophète Elie, fuyant la reine Jézabel, emprunte une nouvelle fois sous l’impulsion de Dieu le chemin de la montagne sainte. Caché dans une grotte, le prophète contemple les mêmes signes que dans la théophanie de l’Exode : le tremblement de terre, l’ouragan, le feu. Or, Dieu n’y était pas. Après le feu, l’écrivain sacré dit qu’il y eut « le son d’un silence subtil ». Élie, se voilant le visage avec son manteau, est sorti à la rencontre de Dieu. C’est alors que Dieu lui a parlé (cf. 1 R 19, 9-18). Le texte hébreu dit littéralement qu’il entendit « le bruit ou la voix d’un silence (demama) subtil ».
LA DIFFICULTÉ À SAISIR LA PROXIMITÉ DE DIEU, SPÉCIALEMENT DANS LES SITUATIONS DIFFICILES DE LA VIE, EST UNE EXPÉRIENCE COMMUNE AUX CROYANTS ET AUX NON-CROYANTS, MÊME SI ELLE PREND DES FORMES DIVERSES CHEZ LES UNS ET LES AUTRES.
La version grecque des Septante et la Vulgate ont traduit « un murmure doux », probablement pour éviter la contradiction apparente entre bruit et voix d’une part et silence de l’autre. Or ce que le mot demama signifie est précisément le silence. Par ce mot, l’auteur sacré suggère donc que le silence n’est pas vide mais rempli de la présence divine. « Le silence protège le mystère »[2], le mystère de Dieu. L’Écriture nous invite à entrer dans ce silence si nous voulons rencontrer Dieu.
Comme le murmure que nous entendons venant de lui est subtil !
Cependant, cette façon de parler de la part de Dieu présente des difficultés pour nous. Les psaumes l’affirment clairement : « Ô Dieu, ne reste pas muet, plus de repos, plus de silence, ô Dieu ! » (Ps 83, 2). « Pourquoi caches-tu ta face ? » (Ps 44, 25). Que les païens ne disent : “Où est leur Dieu?”» (Ps 115, 2). Par le biais du texte sacré, Dieu met ces questions sur nos lèvres et dans notre cœur : il veut que nous les lui adressions et que nous les méditions dans la forge de la prière, car elles sont importantes. D’un côté, elles concernent directement la voie par laquelle il se révèle habituellement, sa logique : elles nous aident à chercher son visage, elles nous apprennent à écouter sa voix. De l’autre, elles montrent que la difficulté à saisir la proximité de Dieu, spécialement dans les situations difficiles de la vie, est une expérience commune aux croyants et aux non-croyants, même si elle prend des formes diverses chez les uns et les autres. La foi et la vie de la grâce ne rendent pas Dieu évident ; le croyant peut expérimenter lui aussi l’absence apparente de Dieu.« CELUI QUI POSSÈDE EN VÉRITÉ LA PAROLE DE JÉSUS PEUT ENTENDRE MÊME SON SILENCE, AFIN D’ÊTRE PARFAIT, AFIN D’AGIR PAR SA PAROLE ET DE SE FAIRE CONNAÎTRE PAR SON SILENCE » (SAINT IGNACE D’ANTIOCHE)
Pourquoi Dieu se tait-il ? Souvent, les Écritures nous présentent son silence, son éloignement, comme une conséquence de l’infidélité de l’homme. C’est ainsi qu’il le dit dans le Deutéronome : « Ce peuple est sur le point de se prostituer en suivant des dieux du pays étranger où il va pénétrer. Il m’abandonnera et rompra l’alliance que j’ai conclue avec lui. […] Et moi, oui, je cacherai ma face en ce jour, à cause de tout le mal qu’il aura fait, en se tournant vers d’autres dieux. » (Dt 31, 16-18). Le péché, l’idolâtrie est comme un voile qui recouvre Dieu et nous empêche de le voir, comme un bruit qui le rend inaudible. Dieu attend alors avec patience, derrière cet écran que nous interposons entre lui et nous, en guettant le moment opportun de venir à notre rencontre ? « Je n’aurai plus pour vous un visage sévère, car je suis miséricordieux » (Jr 3, 12).
Dieu ne se tait donc pas. C’est plutôt nous qui l’empêchons de parler ou qui ne l’écoutons pas, parce qu’il y a trop de bruit dans notre vie. « Il n’existe pas seulement la surdité physique, qui isole l’homme en grande partie de la vie sociale. Il existe également un affaiblissement de la capacité auditive à l’égard de Dieu, dont nous souffrons particulièrement à notre époque. Tout simplement, nous n’arrivons plus à l’entendre, trop de fréquences différentes parasitent nos oreilles. Ce que l’on dit de lui nous semble préscientifique, et ne semble plus adapté à notre temps. Avec l’affaiblissement de la capacité auditive ou même la surdité à l’égard de Dieu, nous perdons naturellement également notre capacité de parler avec lui ou à lui. De cette façon, toutefois, nous perdons une perception décisive. Nos sens intérieurs courent le danger de s’éteindre. Avec la disparition de cette perception, l’étendue de notre rapport avec la réalité en général est également limitée de façon drastique et dangereuse. »[3]
Cela dit, parfois il ne s’agit pas de la surdité humaine à l’égard de Dieu ; on dirait plutôt que Dieu n’écoute pas, qu’il demeure passif. Le livre de Job, par exemple, montre que les prières du juste dans l’adversité peuvent rester quelque temps sans réponse de sa part. « Nous n’en saisissons qu’un faible écho » (Jb 26, 14). L’expérience quotidienne de tous montre aussi à quel point le besoin de recevoir un mot ou une aide de Dieu se trouve comme en suspens. La miséricorde de Dieu, dont les Écritures et la catéchèse chrétienne parlent tant, peut être difficile à percevoir pour celui qui traverse des circonstances douloureuses, marquées par la maladie ou l’injustice, dans lesquelles même ses prières semblent n’obtenir aucune réponse. Pourquoi Dieu n’écoute-t-il pas ? Pourquoi, s’il est un Père, ne me vient-il pas en aide, alors qu’il pourrait le faire ? « L’éloignement de Dieu, l’obscurité et les doutes sur lui, sont de nos jours plus intenses que jamais ; même nous, qui nous efforçons d’être de bons croyants, nous avons souvent la sensation qu’en réalité Dieu nous a échappé des mains. Ne nous demandons-nous pas fréquemment s’il est toujours submergé dans l’immense silence de ce monde ? N’avons-nous pas parfois l’impression que, après une longue réflexion, nous n’avons que des mots, alors que la réalité de Dieu se trouve plus lointaine que jamais ?[4]
Au cœur de la Révélation, plus encore que dans n’importe quelle expérience, nous trouvons l’histoire de Jésus qui nous fait entrer plus profondément dans le mystère du silence de Dieu. Jésus, le vrai juste, le serviteur fidèle, le Fils bien-aimé, n’a pas été épargné des tourments de la passion et de la Croix. En réponse à sa prière à Gethsémani un ange a été envoyé pour le réconforter mais non pour le délivrer de sa torture imminente. Nous sommes aussi surpris par le fait que Jésus a repris sur la Croix quelques mots du psaume 22 : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné, insoucieux de me sauver, malgré les mots que je rugis ? » (Ps 22, 2). Que celui qui n’a pas connu le péché (2 Co 5, 21) ait fait une telle expérience de la souffrance met bien en évidence que la douleur marquant parfois dramatiquement la vie des hommes ne doit pas être interprétée comme un signe de réprobation de la part de Dieu, pas plus que son silence comme une absence ou un éloignement.
Dieu se fait connaître par son silence
En passant à côté d’un aveugle-né, les apôtres posent une question qui révèle une mentalité assez répandue à l’époque : « Qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » (Jn 9, 1). De nos jours, une telle question semblerait assez étrange mais, tout bien considéré, elle n’est pas tellement éloignée de la pensée actuelle qui voit dans la souffrance, quelle qu’elle soit, une sorte de destin aveugle face auquel seule la résignation est possible une fois que toutes les tentatives pour l’éviter ont échoué. Jésus corrige les apôtres : « Ni lui ni ses parents n’ont péché, mais c’est afin que soient manifestées en lui les œuvres de Dieu » (Jn 9, 3). Dieu demeure parfois en silence, apparemment inactif et indifférent à notre sort, parce qu’il veut se frayer un chemin dans notre âme. Ainsi seulement, nous pouvons comprendre par exemple qu’il ait permis la souffrance de saint Joseph dans son incertitude sur la maternité inattendue de Marie (cf. Mt 1, 18-20), alors qu’il aurait pu tout « programmer » différemment. Dieu préparait saint Joseph à quelque chose de grand. Il « ne trouble jamais la joie de ses enfants que pour leur en préparer une plus grande et plus sûre »[5]
DIEU DEMEURE PARFOIS EN SILENCE, APPAREMMENT INACTIF ET INDIFFÉRENT À NOTRE SORT, PARCE QU’IL VEUT SE FRAYER UN CHEMIN DANS NOTRE ÂME
Saint Ignace d’Antioche écrit que « celui qui possède en vérité la parole de Jésus peut entendre même son silence, afin d’être parfait, afin d’agir par sa parole et de se faire connaître par son silence »[6]. Le silence de Dieu est souvent pour l’homme le « lieu », la possibilité et la prémisse pour écouter Dieu au lieu de s’écouter soi-même. Sans la voix silencieuse de Dieu dans la prière, « le “moi” humain finit par se fermer sur lui-même, et la conscience, qui devrait être l’écho de cette voix de Dieu, risque de se réduire au reflet du moi, si bien que le dialogue intérieur devient un monologue en donnant lieu à mille autojustifications »[7]. En y pensant calmement, si Dieu parlait et intervenait constamment dans notre vie pour résoudre nos problèmes, ne faudrait-il pas admettre que nous banaliserions facilement sa présence ? Que nous finirions, comme les deux fils de la parabole (cf. Lc 15, 11-32), par préférer nos intérêts à la joie de vivre avec lui ?
« Le silence est capable de creuser un espace intérieur au plus profond de nous-mêmes, pour y faire habiter Dieu, pour que sa Parole demeure en nous, pour que l’amour pour lui s’enracine dans notre esprit et notre cœur, et anime notre vie »[8]. Grâce à ses recherches et à une prière confiante dans les difficultés, l’homme se libère de l’autosuffisance, met en action ses ressources intérieures et voit se renforcer ses relations de communion avec les autres. Le silence de Dieu, le fait qu’il n’intervient pas toujours rapidement pour résoudre nos affaires selon nos préférences, réveille le dynamisme de la liberté humaine, appelle l’homme à prendre bien en main sa vie ou celle des autres, ainsi que leurs besoins concrets. C’est pourquoi la foi est « la force, qui en silence et sans bruit change le monde et le transforme en Royaume de Dieu, c’est la foi et l’expression de la foi, c’est la prière. […] Dieu ne peut pas changer les choses sans notre conversion, et notre véritable conversion commence avec le “cri” de l’âme, qui implore le pardon et le salut »[9].
Dans les enseignements de Jésus, la prière apparaît comme un dialogue filial entre l’homme et le Père du Ciel, dans lequel la demande occupe une place très importante (cf. Lc 11, 5-11 ; Mt 7, 7-11). L’enfant sait que son Père l’écoute toujours, mais ce qui lui est garanti est moins une porte de sortie pour sa souffrance ou sa maladie que le don de l’Esprit Saint (Lc 11, 13). La réponse de Dieu pour venir en aide à l’homme est le Don de l’Esprit-Amour. Cela peut nous sembler insuffisant, mais c’est un don bien plus précieux et fondamental que toute solution humaine à nos problèmes. C’est un don qui doit être accueilli dans la foi filiale qui n’élimine pas l’effort personnel à l’heure de faire face aux difficultés. Avec Dieu, les « vallées obscures » que nous devons parfois traverser ne s’éclairent pas automatiquement ; nous devons poursuivre le chemin, peut-être avec peur mais dans la confiance : « Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » (Ps 22, 4).
SI DIEU PARLAIT ET INTERVENAIT CONSTAMMENT DANS NOTRE VIE POUR RÉSOUDRE NOS PROBLÈMES, NE FAUDRAIT-IL PAS ADMETTRE QUE NOUS BANALISERIONS FACILEMENT SA PRÉSENCE ?
Les modalités de l’action de Dieu, éveillant la détermination et la confiance en l’homme, peuvent se reconnaître à la façon dont il s’est révélé dans l’histoire. Pensons à Abraham. Il quitte son pays et se met en route vers une terre inconnue, en se fiant à la promesse divine, sans savoir où Dieu voulait le conduire (cf. Gn 12, 1-4). Pensons aussi à la confiance du peuple d’Israël dans le salut de Dieu, y compris lorsque tous les espoirs humains semblaient s’effondrer (cf. Est 4, 17a-17kk) ; ou à la fuite sereine de la Sainte Famille en Égypte (cf. Mt 2, 13-15), lorsque Dieu semble se soumettre aux caprices d’un roitelet… En ce sens, se figurer que la foi était plus facile pour les témoins de la vie de Jésus ne correspond pas à la réalité, étant donné qu’eux aussi ont dû prendre la décision sérieuse de croire ou de ne pas croire en lui, de reconnaître en lui la présence et l’action de Dieu[10]. De nombreux passages du Nouveau Testament montrent clairement qu’une telle décision n’était pas évidente[11].
Hier comme aujourd’hui, même si la Révélation de Dieu offre d’authentiques signes de crédibilité, le voile de l’inaccessibilité de Dieu ne se lève pas complètement et ses silences continuent de défier l’homme. « L’existence humaine est un chemin de foi et, en tant que tel, avance davantage dans l’ombre que dans la lumière, non sans moments d’obscurité, mais également d’intenses ténèbres. Tant que nous nous trouvons ici-bas, notre relation avec Dieu a lieu davantage dans l’écoute que dans la vision »[12]. Tout cela n’est pas uniquement la manifestation du fait que Dieu sera toujours plus grand que notre intelligence, mais aussi la conséquence d’une logique faite d’appels et de réponses, de dons gratuits et de tâches, selon laquelle il entend conduire notre histoire : l’histoire universelle et l’histoire personnelle de chacun. Au bout du compte, un lien réciproque existe entre la façon dont Dieu se révèle et la liberté de l’homme, créé à son image. La Révélation de Dieu demeure dans un clair-obscur permettant à la liberté de faire son choix, celui de s’ouvrir à lui ou de se refermer sur son autosuffisance. Dieu est « un Roi avec un cœur de chair comme le nôtre ; l’auteur de l’univers et de chacune de ses créatures, qui n’impose pas sa domination mais mendie un peu d’amour en nous montrant en silence les plaies de ses mains »[13]
L’ombre du silence
Dans sa prière sur la Croix — « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » (Mt 27, 46 — Jésus « « fait sien ce cri de l’humanité qui souffre de l’apparente absence de Dieu et porte ce cri au cœur du Père. En priant ainsi dans cette ultime solitude avec toute l’humanité, Il nous ouvre le cœur de Dieu »[14]. En effet, après les lamentations, le psaume avec lequel Jésus adresse sa clameur au Père ouvre la voie à un horizon d’espérance (cf. Ps 22, 20-32)[15]; un horizon qu’il a sous les yeux, même au milieu de son agonie. « Entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46), dit-il au Père avant d’expirer. Jésus sait que le don de sa vie ne tombe pas dans le vide, qu’il va changer l’histoire pour toujours, même s’il semble que le mal et la mort ont le dernier mot. Son silence sur la Croix l’emporte sur les cris de ceux qui le condamnent. « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5).
JÉSUS SAIT QUE LE DON DE SA VIE NE TOMBE PAS DANS LE VIDE, QU’IL VA CHANGER L’HISTOIRE POUR TOUJOURS, MÊME S’IL SEMBLE QUE LE MAL ET LA MORT ONT LE DERNIER MOT
« La foi signifie aussi croire en lui, croire qu’il nous aime vraiment, qu’il est vivant, qu’il est capable d’intervenir mystérieusement, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il tire le bien du mal par sa puissance et sa créativité infinie. C’est croire qu’il marche victorieux dans l’histoire […] que le Règne de Dieu est déjà présent dans le monde, et qu’il se développe çà et là, de diverses manières »[16]. Par ses silences, Dieu fait grandir chez les siens la foi et l’espérance : il les fait « nouveaux » et, avec eux, « il fait toutes choses nouvelles ». Il revient donc à chacun et à chacune de répondre au doux silence de Dieu par un silence attentif, un silence qui écoute, afin de découvrir « la façon mystérieuse dont le Seigneur agit » dans notre cœur, et « quelle est l’ombre, […] quel est le style de l’Esprit Saint pour couvrir notre mystère. Cette ombre en nous, dans notre vie, s’appelle silence. Le silence est précisément l’ombre qui couvre le mystère de notre relation avec le Seigneur, de notre sainteté et de nos péchés »[17]

Marco Vanzini – Carlos Ayxelá

HOMÉLIE POUR LE 30E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « FILS DE DAVID, JÉSUS, PRENDS PITIÉ DE MOI ! »

26 octobre, 2018

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-30e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-B-Fils-de-David-Jesus-prends-pitie-de-moi-_a858.html

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fils de David, Jésus, prends pitié de moi !

HOMÉLIE POUR LE 30E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « FILS DE DAVID, JÉSUS, PRENDS PITIÉ DE MOI ! »

Textes: Jérémie 31, 7-9, Hébreux 5, 1-6 et Marc 10, 46b-52 .

Dans l’évangile de ce jour, on voit Jésus à l’œuvre et que fait-il? Il fait voir un aveugle, il fait resplendir pour lui la lumière du jour. Dieu agit de même avec l’Église et avec chaque personne. Ce sera le thème de notre méditation aujourd’hui : « Le Seigneur fait resplendir la lumière ».

I – Un soutien tenace qui ne se dément pas
Regardons pour commencer le texte de Jérémie qui annonce une éclaircie lumineuse pour le peuple d’Israël qui vient de connaître 70 ans de ténèbres dans l’exil à Babylone. Le texte lu se termine ainsi : « Je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné ». Le retour des Juifs exilés à Babylone est un moment d’allégresse et de joie. C’est la lumière d’un jour nouveau qui se lève.
Par les prophètes de l’Ancien Testament, Dieu annonce qu’il fait une alliance nouvelle, une alliance dans les cœurs. « Je vous donnerai un coeur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau; j’ôterai de votre corps le coeur de pierre, et je vous donnerai un coeur de chair » dit-il par l’intermédiaire du prophète Ézéchiel (Ézéchiel 36, 26).
C’est pourquoi, le psalmiste chante dans le psaume 125 qui a été choisi comme psaume responsorial : « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie. »
Vous voyez combien l’action du Seigneur dans la vie des siens fait resplendir en eux une lumière qui les pénètre, les remplit de joie et de confiance. Ainsi le Seigneur en se montrant proche d’eux les invite à aller de l’avant sur un chemin d’amour qui rassemble « l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée » comme le dit le prophète Jérémie et on pourrait continuer « le jeune et le vieux, l’homme et la femme, les parents et les enfants, les riches et les pauvres etc. » Rassemblés, ils ne formeront désormais qu’une seule famille dont Dieu est le Père.
Ce beau texte de la première lecture tirée du prophète Jérémie permet de relire celui de l’évangile « avec des yeux nouveaux ».

II – Un aveugle qui voit
En effet, l’aveugle de Jéricho, le fils de Timée, Bartimée, que Jésus rencontre sur son chemin vers Jérusalem c’est chacun et chacune de nous, c’est aussi la communauté des fidèles, l’Église.
Regardons la scène de plus près. L’aveugle au bord de la route saisit que le brouhaha qui l’entoure est dû à quelque chose de spécial. On lui dit que c’est Jésus qui passe. Il en a entendu parler et que fait-il? Il se met à crier sa foi en lui. Il l’interpelle dans sa détresse en lui demandant de le soutenir. « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! »
Le brouhaha devient plus grand. On tente de le faire taire et Jésus dit « Appelez-le ». L’aveugle court vers Jésus et lorsque celui-ci lui demande « Que veux-tu que je fasse pour toi? », il s’écrie : « Rabbouni c’est-à-dire Maître, que je vois ». Jésus lui répond « Va, ta foi t’a sauvé » et, guéri, l’homme suit Jésus.
La réponse de Jésus éclaire toute cette scène qui n’est pas une guérison banale car elle nous transporte sur le registre de l’Alliance avec Dieu qui se réalise en Jésus. Cette alliance qui guérit les corps comme ici, est premièrement une alliance qui guérit les cœurs et le chemin pour y entrer est celui de la foi.

III – Une foi qui éclaire
Comme les yeux de l’aveugle se sont ouverts sur la lumière, la foi ouvre en nous un espace de lumière qui resplendit. Cette lumière de la foi n’est pas comme la lumière naturelle. Elle dépend de nos choix et de notre liberté. C’est à nous de crier vers Dieu comme Bartimée « Seigneur, aie pitié de moi », de Lui présenter nos limites, nos pauvretés, nos péchés, Sans cette implication de notre part, il manque un partenaire à l’alliance que Dieu propose.
La lumière de la foi aussi est porteuse de liens non seulement avec Dieu et avec Jésus son Envoyé, mais entre nous, croyants et non-croyants, « gens du centre et gens de périphéries », comme le dit le pape François, car aucune personne n’est mise de côté par le Père.
Enfin, elle construit la communauté des croyants. En effet, un chrétien n’est jamais seul dans sa foi. Il la reçoit comme une bénédiction et la partage avec ses frères et sœurs comme nous le faisons en ce moment. Sans la communauté, impossible de durer dans sa foi car celle-ci est toujours celle de l’Église que je partage avec mes frères et sœurs et avec les pasteurs que sont le pape, les évêques et les prêtres.
C’est ainsi que le Seigneur fait resplendir sa lumière, une lumière dont notre monde a tant besoin. Dans les tracas et les questionnements, face aux dérives possibles et réelles, devant les guerres et les conflits, le chrétien et sa communauté peuvent regarder avec confiance vers leur Dieu qui, comme il l’a fait autrefois, peut faire revenir et rassembler ceux et celles qui sont éloignés.
Pour vivre la communauté, la communion fraternelle, nous pouvons compter, comme le dit la Lettre aux Hébreux dans la seconde lecture, sur un grand prêtre, le Christ Jésus, qui est « en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement », qui est lui aussi rempli de faiblesse, mais qui a reçu de Dieu la mission d’intercéder toujours pour nous auprès du Père. Nous avons ainsi l’assurance que nous ne sommes jamais abandonnés quoiqu’il arrive.

Conclusion
Notre célébration eucharistique dominicale nous fait entrer dans ce mouvement d’offrande du Christ à son Père. C’est en nous unissant à lui par le Pain et le Vin devenus son Corps et son Sang que nous pouvons nous aussi offrir nos vies à la gloire de Dieu et ainsi permettre que la lumière de Dieu resplendisse autour de nous.
Que cette messe soit pour nous un moment de remise à Dieu avec une confiance comme celle de l’aveugle de Jéricho. Et je suis sûr que nous entendrons alors le Seigneur nous dire « Va ta foi t’a sauvé ».

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

PAPE FRANÇOIS – cinquième parole du Décalogue, «Tu ne tueras pas» (17.10.18)

24 octobre, 2018

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PAPE FRANÇOIS – cinquième parole du Décalogue, «Tu ne tueras pas» (17.10.18)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 17 octobre 2018

Chers frères et sœurs, bonjour!

Je voudrais aujourd’hui poursuivre la catéchèse sur la cinquième parole du Décalogue, «Tu ne tueras pas». Nous avons déjà souligné que ce commandement révèle qu’aux yeux de Dieu, la vie humaine est précieuse, sacrée et inviolable. Personne ne peut mépriser la vie d’autrui ou la sienne; en effet, l’homme porte en lui l’image de Dieu et il est l’objet de son amour infini, quelle que soit la condition dans laquelle il a été appelé à l’existence.
Dans le passage évangélique que nous venons d’écouter, Jésus nous révèle un sens encore plus profond de ce commandement. Il affirme que, devant le tribunal de Dieu, la colère contre un frère est aussi une forme d’homicide. C’est pourquoi l’apôtre Jean écrira: «Quiconque hait son frère est un homicide» (1 Jn 3, 15). Mais Jésus ne s’arrête pas à cela, et dans la même logique, il ajoute que l’insulte et le mépris peuvent aussi tuer. Nous sommes habitués à insulter, c’est vrai. L’insulte vient à nos lèvres comme on respire. Et Jésus nous dit: «Arrête-toi, parce que l’insulte fait mal, elle tue». Le mépris. «Mais moi… ces gens, celui-ci, je le méprise». Et il s’agit d’une façon de tuer la dignité d’une personne. Il serait beau que cet enseignement de Jésus entre dans l’esprit et dans le cœur, et que chacun de nous dise: «Je n’insulterai jamais personne». Ce serait une belle intention, parce que Jésus nous dit: «Regarde, si tu méprises, si tu insultes, si tu hais, c’est un homicide».
Aucun code humain, en effet, ne compare des actes aussi différents en leur attribuant le même degré de jugement. Et de manière cohérente, Jésus invite même à interrompre l’offrande du sacrifice dans le temple si on se souvient qu’un frère est fâché avec nous, pour aller le chercher et se réconcilier avec lui. Nous aussi, quand nous allons à la Messe, nous devrions avoir cette attitude de réconciliation avec les personnes avec lesquelles nous avons eu des problèmes. Même si nous avons pensé du mal d’elles, si nous les avons insultées. Mais très souvent, alors que nous attendons que le prêtre vienne dire la Messe, on bavarde un peu et on parle mal des autres. Il ne faut pas le faire. Pensons à la gravité de l’insulte, du mépris, de la haine: Jésus les met sur le même plan que tuer.
Qu’entend dire Jésus, en étendant jusqu’à ce point la cinquième parole? L’homme a une vie noble, très sensible, et il possède un moi caché tout aussi important que son être physique. En effet, pour blesser l’innocence d’un enfant, il suffit d’une phrase inopportune. Pour blesser une femme, il suffit d’un geste de froideur. Pour briser le cœur d’un jeune, il est suffisant de lui refuser la confiance. Pour anéantir un homme, il suffit de l’ignorer. L’indifférence tue. C’est comme dire à une autre personne: «Tu es mort pour moi», parce que tu l’as tué dans ton cœur. Ne pas aimer est le premier pas pour tuer; et ne pas tuer est le premier pas pour aimer.
Dans la Bible, au début, on lit cette phrase terrible sortie de la bouche du premier homicide, Caïn, après que le Seigneur lui demande où est son frère. Caïn répond: «Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère?» (Gn 4, 9)1. C’est ainsi que parlent les assassins: «Cela ne me regarde pas», «Ce sont tes affaires», et d’autres choses semblables. Essayons de répondre à cette question: sommes-nous les gardiens de nos frères? Oui, nous le sommes! Nous sommes les gardiens les uns des autes! Et c’est la route de la vie, c’est la route pour ne pas tuer.
La vie humaine a besoin d’amour. Et quel est l’amour authentique? C’est celui que le Christ nous a montré, c’est-à-dire la miséricorde. L’amour dont nous ne pouvons pas nous passer est celui qui pardonne, qui accueille celui qui nous a fait du mal. Personne d’entre nous ne peut survivre sans la miséricorde, nous avons tous besoin du pardon. Donc, si tuer signifie détruire, supprimer, éliminer quelqu’un, alors ne pas tuer voudra dire prendre soin, valoriser, inclure. Et aussi pardonner.
Personne ne doit se faire d’illusion en pensant: «Tout va bien, parce que je ne fais rien de mal». Un minéral ou une plante ont ce type d’existence, en revanche, un homme non. Une personne — un homme ou une femme — non. A un homme ou à une femme, il est demandé davantage. Il faut faire le bien, préparé pour chacun de nous, chacun le sien, qui nous fait devenir nous-mêmes jusqu’au bout. «Tu ne tueras pas» est un appel à l’amour et à la miséricorde, c’est un appel à vivre selon le Seigneur Jésus, qui a donné sa vie pour nous et qui est ressuscité pour nous. Une fois, nous avons répété tous ensemble, ici sur la place, une phrase d’un saint à ce propos. Cela nous aidera peut-être: «Ne pas faire de mal est une bonne chose. Mais ne pas faire le bien n’est pas bien». Nous devons toujours faire du bien. Aller au-delà.
Lui, le Seigneur, qui, en s’incarnant, a sanctifié notre existence; Lui, qui par son sang l’a rendue inestimable; Lui, «l’auteur de la vie» (Ac 3, 15), grâce à qui chacun est un don du Père. En Lui, dans son amour plus fort que la mort, et par la puissance de l’Esprit que le Père nous donne, nous pouvons accueillir la Parole «Tu ne tueras pas» comme l’appel le plus important et essentiel: c’est-à-dire que ne pas tuer signifie un appel à l’amour.

Je suis heureux de saluer les pèlerins venus de France et de divers pays francophones, en particulier des pèlerins de Chambéry et de Nancy, avec leurs évêques Mgr Ballot et Mgr Papin, tous les jeunes présents, ceux de Versailles, de Paris, de Fougères, de Bucquoy, de Rouen et d’Évreux, ainsi que des pèlerins de Namur. Puissions-nous accueillir en Jésus, dans son amour plus fort que la mort, et par le don de l’Esprit du Père, le commandement « tu ne tueras pas ». C’est l’appel le plus important et le plus essentiel de nos vies : l’appel à l’amour ! Que Dieu vous bénisse !

[1] Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, 2259: «L’Ecriture, dans le récit du meurtre d’Abel par son frère Caïn (cf. Gn 4, 8-12), révèle, dès les débuts de l’histoire humaine, la présence dans l’homme de la colère et de la convoitise, conséquences du péché originel. L’homme est devenu l’ennemi de son semblable. Dieu dit la scélératesse de ce fratricide: “Qu’as-tu fait? La voix du sang de ton frère crie vers moi. Maintenant donc maudit sois-tu de par le sol qui a ouvert sa bouche pour prendre de ta main le sang de ton frère”(Gn 4, 10-11)».

PAPE FRANÇOIS « miséricorde et consolation »

23 octobre, 2018

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Dieu, miséricorde et amour

PAPE FRANÇOIS « miséricorde et consolation »

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 16 mars 2016

Chers frères et sœurs, bonjour,

Dans le livre du prophète Jérémie, les chapitres 30 et 31 sont dits « Livres de la Consolation », parce qu’en eux, la miséricorde de Dieu se présente dans toute sa capacité de réconforter et d’ouvrir le cœur des affligés à l’espérance. Aujourd’hui, nous voulons nous aussi écouter ce message de consolation.
Jérémie s’adresse aux Israélites qui ont été déportés en terre étrangère et annonce le retour dans leur patrie. Ce retour est le signe de l’amour infini de Dieu le Père qui n’abandonne pas ses enfants, mais qui en prend soin et les sauve. L’exil a été une expérience dévastatrice pour Israël. Sa foi avait vacillé car en terre étrangère, sans le temple, sans le culte, après avoir vu le pays détruit, il était difficile de continuer à croire en la bonté du Seigneur. Je pense à la proche Albanie et à la façon dont, après tant de persécutions et de destructions, elle a réussi à se relever dans la dignité et dans la foi. C’est aussi ce qu’avaient souffert les Israélites lors de l’exil.
Nous aussi, nous pouvons vivre parfois une sorte d’exil, lorsque la solitude, la souffrance, la mort nous font penser que nous avons été abandonnés par Dieu. Combien de fois avons-nous entendu cette phrase : « Dieu m’a oublié ». Ce sont des personnes qui souffrent et qui se sentent abandonnées. Et combien de nos frères, en revanche, vivent en ce temps une situation réelle et dramatique d’exil, loin de leur patrie, ayant encore devant les yeux les ruines de leurs maisons, dans leur cœur la peur et souvent, malheureusement, la douleur pour la perte de personnes chères ! Dans ces cas, on peut se demander : où est Dieu ? Comment est-il possible que tant de souffrance puisse s’abattre sur des hommes, des femmes et des enfants innocents ? Et lorsqu’ils tentent d’entrer ailleurs, on leur ferme la porte. Et ils sont là, à la frontière, parce que tant de portes et tant de cœurs sont fermés. Les migrants d’aujourd’hui qui souffrent du froid, sans nourriture et ne peuvent entrer, ne font pas l’expérience de l’accueil. Je suis si heureux lorsque j’apprends que les pays, les gouvernants, ouvrent leur cœur et leurs portes !
Le prophète Jérémie nous donne une première réponse. Le peuple exilé pourra revoir sa terre et faire l’expérience de la miséricorde du Seigneur. C’est la grande annonce de réconfort: Dieu n’est pas absent non plus aujourd’hui, dans ces situations dramatiques, Dieu est proche, et accomplit de grandes œuvres de salut pour ceux qui ont confiance en Lui. On ne doit pas céder au désespoir, mais continuer à être certains que le bien vainc le mal et que le Seigneur essuiera toutes les larmes et nous libérera de toutes les peurs. C’est pourquoi Jérémie prête sa voix aux paroles d’amour de Dieu pour son peuple : « D’un amour éternel je t’ai aimée, / aussi t’ai-je maintenu ma faveur. / De nouveau je te bâtirai et tu seras rebâtie, / vierge d’Israël. / De nouveau tu te feras belle, avec tes tambourins, / tu sortiras au milieu des danses joyeuses » (31, 3-4).
Le Seigneur est fidèle, il n’abandonne pas au désespoir. Dieu aime d’un amour sans fin, que pas même le péché ne peut freiner, et grâce à Lui, le cœur de l’homme est comblé de joie et de réconfort.
Le rêve réconfortant du retour dans la patrie continue dans les paroles du prophète qui, s’adressant à ceux qui retourneront à Jérusalem, dit : « Ils viendront, criant de joie, sur la hauteur de Sion, / ils afflueront vers les biens de Yahvé / le blé, le vin et l’huile, / les brebis et les bœufs ; / ils seront comme un jardin bien arrosé, / ils ne languiront plus » (31, 12).
Dans la joie et dans la reconnaissance, les exilés reviendront à Sion, en gravissant la montagne sacrée vers la maison de Dieu, et ainsi, ils pourront à nouveau élever des hymnes et des prières au Seigneur qui les a libérés. Ce retour à Jérusalem et à ses biens est décrit par un verbe qui signifie littéralement « affluer, couler ». Le peuple est vu, dans un mouvement paradoxal, comme un fleuve en crue qui coule vers les hauteurs de Sion, en remontant vers le sommet du mont. Une image audacieuse pour dire combien la miséricorde du Seigneur est grande !
La terre, que le peuple avait dû abandonner, était devenue la proie des ennemis et désolée. À présent, en revanche, elle reprend vie et refleurit. Et les exilés eux-mêmes seront comme un jardin irrigué, comme une terre fertile. Israël, ramenée dans sa patrie par son Seigneur, assiste à la victoire de la vie sur la mort et de la bénédiction sur la malédiction.
C’est ainsi que le peuple est fortifié et consolé par Dieu. Ce mot est important : consolé ! Les rapatriés reçoivent la vie d’une source qui les irrigue gratuitement.
Le psaume nous dit que lorsqu’ils retournèrent dans leur patrie, un grand sourire apparut sur leur bouche ; c’est une joie si grande ! C’est le don que le Seigneur veut faire aussi à chacun de nous, avec son pardon qui convertit et réconcilie.
Le prophète annonce alors la plénitude de la joie et, toujours au nom de Dieu, proclame : « Je changerai leur deuil en allégresse, / je les consolerai, je les réjouirai après leurs peines » (32, 13).
Le prophète Jérémie nous a donné l’annonce, en présentant le retour des exilés comme un grand symbole de la consolation donnée au cœur qui se convertit. Le Seigneur Jésus, pour sa part, a accompli ce message du prophète. Le véritable retour radical de l’exil et la lumière réconfortante après l’obscurité de la crise de la foi se réalise à Pâques, dans l’expérience pleine et définitive de l’amour de Dieu, amour miséricordieux qui donne la joie, la paix et la vie éternelle.
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes des lycées et des collèges. Alors que nous continuons notre chemin vers Pâques, j’invite chacun à s’approcher du Seigneur, en particulier en recevant le Sacrement de la réconciliation, afin d’expérimenter sa miséricorde et de connaître la paix et la joie. Que Dieu vous bénisse.

HOMÉLIE POUR LE 29E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « LES FILS DE ZÉBÉDÉE »

19 octobre, 2018

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HOMÉLIE POUR LE 29E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « LES FILS DE ZÉBÉDÉE »

Textes: Isaïe 53, 10-11, Hébreux 4, 14-16 et Marc 10, 42-45.

Les textes de la Parole de Dieu aujourd’hui nous rappellent ce qu’on pourrait appeler la « loi fondamentale » du Royaume de Dieu qui est aussi celle de la communauté chrétienne et de l’Église dans le monde.
On connaît bien le commandement de l’amour fraternel au cœur du message de Jésus (Jean 13, 34-35), mais celui-ci est inopérant s’il ne se joint pas à celui, tout aussi fondamental, que nous propose Jésus aujourd’hui qui est la « loi du service ».

I – Un malentendu profond
Regardez la démarche de Jacques et Jean, fils de Zébédée. Ils n’ont rien compris aux enseignements de Jésus qui leur a expliqué plusieurs fois que sa mission était d’aller vers les brebis perdues, de servir la volonté de salut de son Père pour toute l’humanité sans faire d’exception.
La scène que nous avons dans l’évangile d’aujourd’hui nous les montre au sortir d’une discussion avec les autres apôtres pour savoir qui est le plus grand (Marc 9, 33 et suivants). Au cours de cette discussion, les apôtres se voient chacun sur un siège autour de Jésus trônant comme un roi temporel puissant. Ils se voient ainsi aux premiers rangs de sa cour royale. Jacques et Jean veulent s’assurer d’être non seulement aux premiers rangs, mais d’être « l’un à sa droite » et « l’autre à sa gauche ».
Et la réponse de Jésus fait éclater le malentendu au coeur de la discussion des apôtres : « Oui, dit Jésus vous serez avec moi si vous me suivez jusqu’à donner votre vie comme moi ». Ses mots exacts sont : « Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
Jésus pense aux outrages, eux aux honneurs.
Jésus pense au gibet où il sera élevé, eux pensent à des trônes.
Jésus pense à donner sa vie pour tous, eux veulent s’élever aux dépens de tous.
Et on pourrait continuer. Malentendu profond.
Pour dissiper tout malentendu auprès de Jacques et de Jean ainsi qu’auprès des autres apôtres qui s’offusquaient en pensant que Jacques et Jean auraient des places spéciales dans le Royaume de Jésus, Jésus y va de précisions qui sont à retenir et qui constituent cette « loi fondamentale du service » dont je parlais en commençant.

II – Des précisions révélatrices
La voici cette « loi du service » dans la communauté chrétienne : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous » (Marc 10, 43-44).
Et quel est le fondement de cette « loi du service » ? C’est l’exemple et l’attitude même de Jésus, l’Envoyé du Père, c’est « parce que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Dans cette réponse Jésus nous situe au coeur de sa mission salvatrice.
L’image du Serviteur souffrant que présente Isaïe dans la première lecture va à merveille à Jésus. Dans sa passion, il sera ce Serviteur souffrant et ainsi « il justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés ». Cette mission Jésus l’a pleinement assumée, et le soir du Jeudi-Saint, il a posé un geste que vous connaissez bien et qui illustre parfaitement le cœur de sa mission : le lavement des pieds des apôtres. À saint Pierre qui se rebiffait, il dit « Si je ne te lave pas, tu ne pourras avoir part avec moi » et il conclut par ces mots : « C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi ». (Jean 13, 8 et 15)
La « loi fondamentale du service » dans le Royaume de Dieu, c’est un esprit nouveau, un renversement des perspectives auxquelles s’attendaient les apôtres. Ils le comprendront parfaitement après la Résurrection. Et nous le comprendrons, nous, en nous laissant habiter par l’Esprit de Jésus.

III – Application
En effet, il y a tout un chemin à faire pour développer cet esprit de service dont parle Jésus. Ce n’est pas évident dans notre monde d’aujourd’hui où la compétition a une si grande place et où les réussites sociales, financières, professionnelles sont sur le devant de la scène. Alors qu’en est-il de cet appel de Jésus dans nos vies?
Pour nous, chrétiens-croyants, il s’agit d’une règle absolue que nous ne mettons pas en doute. Elle s’applique non seulement aux ministres ordonnés, diacres, prêtres, évêques, mais à tous les fidèles membres de la communauté chrétienne. L’Église n’en sera que plus belle lorsque tous et toutes s’efforceront d’incarner dans leur vie de tous les jours cette « loi du service ».
Cet idéal du service demeure l’idéal incontournable du disciple de Jésus. Il nous revient de chercher à le vivre de diverses façons. Ce peut être en privilégiant le service de sa famille, le service des concitoyens, l’aide à des gens dans le besoin, la participation à des associations impliquées socialement etc. L’important n’est pas ce que nous faisons, mais c’est le cœur que nous y mettons car devenir disciple de Jésus c’est entrer dans une famille où il y a place pour tout le monde et où il y a de l’amour fraternel qui se sent et se voit.
Le pape François pour répondre à un journaliste qui, lors de sa conférence de presse sur l’avion à son retour de Philadelphie le 27 septembre 2015, lui demandait s’il se voyait comme une star s’est contenté de lui répondre, selon l’antique formule, le pape est « le serviteur des serviteurs de Dieu ». Quelle belle réponse et quel défi aussi ! Être serviteur n’est pas seulement la mission du pape, c’est aussi celle de chaque personne baptisée.

Conclusion
Frères et sœurs, dans cette célébration eucharistique dominicale, comme toutes les fois où nous sommes réunis « en son Nom », nous voulons rendre présente la « loi du service » qui est au cœur de la mission de Jésus. Cette mission envoie les disciples jusqu’aux extrémités de la terre.
Oui! allons servir, soutenu par Celui qui vient heureusement, par son Corps et son Sang, nous donner ainsi, lorsque nous le partageons, le moyen d’être de plus en plus des « disciples-missionnaires » comme le souhaite le pape François dans son Exhortation apostolique La joie de l’Évangile au numéro 120 : « Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes ‘disciples’ et ‘missionnaires’, mais toujours que nous sommes ‘disciples-missionnaires’ ». Amen!

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
l’Université Laval
Séminaire de Québec
16 octobre 2018

 

SAINT LUC EVANGELISTE – 18 OCTOBRE (F) L’ÉVANGÉLISTE ET SON PROJET D’ÉCRITURE

17 octobre, 2018

http://www.interbible.org/interBible/ecritures/exploration/2012/exp_120828.html

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SAINT LUC EVANGELISTE – 18 OCTOBRE (F) L’ÉVANGÉLISTE ET SON PROJET D’ÉCRITURE

Avec cette première livraison de la rentrée automnale, nous amorçons la découverte de l’Évangile selon saint Luc. Cette série complétera donc notre tour d’horizon des évangiles.

Ce ne sont pas les scènes d’évangile qui manquent dans l’album de notre mémoire religieuse. Si vous parcourez cet album, vous y trouverez sans doute un grand nombre de passages provenant de l’évangile de Luc, en commençant par les récits de l’enfance de Jésus, notamment l’annonciation à Marie et la naissance de Jésus à Bethléem. Mais qui ne connaît pas la parabole de l’enfant prodigue ou celle du bon Samaritain, le repas de Jésus chez Marthe et Marie, le crucifiement de Jésus entre deux brigands, la rencontre du Ressuscité par les deux disciples d’Emmaüs et le récit de l’Ascension. Et si on passe aux Actes des Apôtres, du même saint Luc, on connaît bien le récit de la Pentecôte, le martyre d’Étienne et la conversion de Saul le persécuteur qui deviendra Paul l’évangélisateur. Voilà pour ce petit exercice de mémoire que vous pouvez continuer par vous-même.
L’évangéliste a ceci de particulier qu’il nous présente d’entrée de jeu les objectifs de son projet d’écriture : offrir aux lecteurs, représentés par Théophile, un récit ordonné des événements entourant la vie et la mission de Jésus afin qu’ils puissent constater la solidité des enseignements reçus (cf. Lc 1, 1-4). Bien qu’ils soient considérés comme des œuvres littéraires, les évangiles ne peuvent être assimilés à des récits biographiques, des livres d’histoire, des essais ou des ouvrages savants, même si nous pouvons y découvrir quelques similitudes avec ces types d’ouvrages familiers. Il est indéniable qu’ils renferment des éléments biographiques sur Jésus, des données historiques, des réflexions théologiques. Mais Luc précise que son objectif, qui est sans doute partagé par les autres évangélistes, se situe à un autre niveau.
Pour emprunter une formule de plus en plus fréquente dans notre Église, osons comparer l’évangile à un parcours de catéchèse qui favorise l’éducation continue des personnes qui ont mis leur foi dans le Christ, grâce à une première annonce de l’Évangile. Ainsi Luc se propose de consolider la foi de son cher Théophile, un amant de Dieu comme l’indique son nom, en lui racontant ce que lui-même a reçu de la tradition des apôtres, les témoins oculaires de Jésus, depuis les débuts de son ministère jusqu’à sa résurrection, et qui sont devenus, par la puissance de l’Esprit, les serviteurs de la Parole.
Luc propose à Théophile un parcours dans la vie et l’enseignement de Jésus qui se subdivise en 5 parties : une introduction constituée par les récits d’enfance jusqu’au baptême de Jésus, suivie de quatre périodes.

1. Introduction : 1, 1 – 4, 13
• L’enfance de Jean Baptiste et de Jésus : 1-2
• La préparation du ministère de Jésus : la prédication de Jean Baptiste : 3, 1-20
• Le baptême de Jésus, la généalogie et l’enracinement de Jésus dans l’histoire universelle, la tentation au désert : 3, 21-4,13.

2. Première période : Jésus exerce son ministère en Galilée : 4, 14 – 9, 50
• Le commencement de la prédication dans la synagogue de Nazareth : 4, 14-30
• L’annonce de l’Évangile du salut par des activités de guérison et d’enseignement, dont le discours dans la plaine : 4, 31 – 9, 50.

3. Deuxième période : Jésus entreprend sa montée vers Jérusalem : 9, 51 – 19, 27
• Les pivots de l’existence chrétienne : l’amour du prochain, la prière, la primauté de la Parole, la confiance en la Providence : 9, 51 – 13, 21
• Le cœur de l’évangile : la miséricorde de Dieu envers ceux qui sont perdus; les obstacles au salut, le danger des richesses, le conflit avec les autorités, le discernement des signes de la venue du Fils de l’homme : 13, 22 – 19, 27.

4. Troisième période : le ministère de Jésus à Jérusalem : 19, 28– 21, 38
• L’entrée du Messie à Jérusalem : 19, 28-40
• L’enseignement au Temple : 19, 41 – 21, 38

5. Quatrième période : la passion et la résurrection : 22 – 24
• La passion et la mort de Jésus : 22, 1 – 23, 56
• La résurrection et l’ascension : 24

Yves Guillemette, ptre

SAINT IGNACE D’ANTIOCHE – 17 Octobre (m)

16 octobre, 2018

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La Légende dorée du Bienheureux Jacques de Voragine nouvellement traduite en français avec introduction, notices, notes et recherches sur les sources par l’abbé J.-B. M. Roze, chanoine honoraire de la Cathédrale d’Amiens, Édouard Rouveyre, éditeur, 76, rue de Seine, 76, Paris mdccccii

SAINT IGNACE

Ignace est ainsi nommé, de ignem patiens, c’est-à-dire qu’il a enduré le feu de l’Amour Divin.
Saint Ignace fut disciple de Saint Jean et Évêque d’Antioche. On dit qu’il adressa à la Sainte Vierge une lettre conçue en ces termes:
« A Marie Porte-Christ, Ignace son dévoué. Vous avez dû fortifier et consoler en moi le néophyte et le disciple de votre Jean. J’ai appris en effet de votre Jésus des choses admirables à dire, et j’ai été stupéfait en les entendant.
Or, j’attends de vous, qui avez toujours été unie d’amitié avec lui, et qui étiez de tous ses secrets, que vous m’assuriez la vérité de tout ce que j’ai entendu. »
Une autre leçon ajoute ce qui suit: « Je vous ai déjà écrit plusieurs fois, et vous ai demandé des explications.
Adieu, et que les néophytes qui sont avec moi reçoivent force de vous, par vous et en vous.»
Alors la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, lui répondit: « A Ignace, son disciple chéri, l’humble servante de Jésus-Christ.
Les choses que vous avez apprises et entendues de Jean, touchant Jésus, sont vraies ; croyez-les, étudiez-les, attachez-vous fermement à ce que vous avez promis à Jésus-Christ, et conformez-y vos mœurs et votre vie.
Je viendrai avec Jean, vous voir et ceux qui sont avec vous. Soyez ferme et agissez avec les principes de la Foi, pour ‘que la violence de la persécution ne vous ébranle pas, mais que votre esprit soit fort et, ravi en Dieu voire sauveur; ainsi soit-il » *.
* Ces deux lettres sont-elles authentiques? Les auteurs anciens disent oui, les modernes disent non. Ce qu’il y a de certain c’est qu’elles remontent à une très haute antiquité.
Or, Saint Ignace jouissait d’une autorité si grande que Denys lui-même, le disciple de l’apôtre Saint Paul, qui fut si profond en philosophie et si accompli dans la science divine, citait les paroles de Saint Ignace comme une autorité, pour prouver ce qu’il avançait.
En son livre des Noms divins, il rapporte que quelques-uns voulaient rejeter le nom d’amour en disant que dans les choses divines il y avait plutôt dilection qu’amour; il dit, en voulant montrer que ce mot d’Amour devait être employé en tout dans les choses divines :
« Le divin Ignace a écrit : Mon amour a été crucifié. » On lit dans l’Histoire tripartite (Liv. X, ch. IX.) que Saint Ignace entendît les anges chanter des Antiennes sur- une montagne, et dès lors il ordonna qu’on chanterait dés Antiennes dans l’église et qu’on entonnerait des Psaumes sur les Antiennes.
Après avoir longuement prié le Seigneur pour la paix de l’église, Saint Ignace redoutant le péril, non pour lui, mais pour les faibles, alla au-devant de l’empereur Trajan, qui commença à régner l’an 100, alors qu’à son retour, après une victoire, il menaçait de mort tous les Chrétiens; il déclara ouvertement qu’il était lui-même Chrétien.
Trajan le fit charger de chaînes, le confia à dix soldats et ordonna de le conduire à Rome en le menaçant de, le jeter en pâture aux bêtes.
Or, pendant le trajet, Ignace préparait des lettres, destinées à toutes les Églises et, les confirmait dans la Foi de Jésus-Christ.
Il y en avait une pour l’Église de Rome, ainsi que le rapporte l’Histoire ecclésiastique, dans laquelle il priait qu’on ne fit rien pour, empêcher son martyre.
Voici ses paroles: « De la Syrie jusqu’à Rome, je combats avec les bêtes par mer et par terre, le jour et la nuit, lié et attaché au milieu de dix léopards (ce sont les soldats qui, me gardent), dont la cruauté augmente en raison du bien que je leur fais: mais leur cruauté est mon instruction.
O bêtes salutaires, qui me sont réservées ! Quand viendront-elles ? Quand seront-elles lâchées ? Quand leur sera-t-il permis de se nourrir de mes chairs ?
Je les inviterai à me dévorer, je les prierai pour qu’elles ne craignent pas de toucher mon corps, comme elles l’ont fait à d’autres.
Je ferai plus, si elles tardent trop, je leur ferai violence, je me mettrai dans leur gueule.
Pardonnez-moi, je vous prie ; je sais ce qui m’est avantageux. Qu’on réunisse contre moi le feu, les croix, les bêtes, que mes os soient broyés, que tous les membres de mon corps soient mis en pièces, que tous les tourments inventés par le diable soient amassés sur moi, pourvu que je mérite d’être uni à Jésus-Christ. »
Arrivé à Rome et amené devant Trajan, cet empereur lui dit: « Ignace, pourquoi fais-tu révolter Antioche et convertis-tu mon peuple à la Chrétienté? »
Ignace lui répondit : « Plût à Dieu que je puisse te convertir aussi, afin que tu jouisses toujours d’une autorité inébranlable. »
Trajan lui dit : « Sacrifie à mes Dieux et tu seras le premier de tous les prêtres. »
Ignace répondit: Je ne sacrifierai point à tes dieux, et je n’ambitionne pas la dignité que tu m’offres. Tu pourras faire de moi tout ce que tu veux, mais jamais tu ne me changeras. »
« Brisez-lui les épaules, reprit Trajan, avec des fouets plombés, déchirez-lui les côtés et frottez ses blessures avec des pierres aiguës. »
Il resta immobile au milieu de tous les tourments, et Trajan dit ; «Apportez des charbons ardents, et faites-le marcher dessus les pieds nus.»
Ignace lui dit : «Ni le feu ardent, ni l’eau bouillante ne pourront éteindre en moi la Charité de J-C. »
Trajan ajouta « C’est maléfice cela, de ne point céder après de pareilles tortures. »
Ignace lui répondit: « Nous autres Chrétiens, nous n’usons pas de maléfices, puisque dans notre loi, nous devons ôter la vie aux enchanteurs c’est vous, au contraire, qui usez de maléfices, vous qui adorez des idoles.»
Trajan reprit; « Déchirez-lui le dos avec des ongles de fer, et mettez du sel dans ses plaies. » Ignace lui dit : « Les souffrances de la vie présente n’ont point de proportion avec la gloire à venir. »
Trajan insista: « Enlevez-le, attachez-le avec des chaînes de fer à un poteau, gardez-le au fond d’un cachot, laissez-le sans boire ni manger et dans trois jours, donnez-le à dévorer aux bêtes. »
Le troisième jour donc étant venu, l’Empereur, le Sénat et tout le peuple s’assemblèrent pour voir l’Évêque d’Antioche combattre les bêtes, et Trajan dit :
« Puisque Ignace est superbe et contumace, liez-le et lâchez deux lions sur lui afin qu’il ne reste rien de sa personne. »
Alors Saint Ignace dit au peuple présent : « Romains, qui assistez à ce spectacle, je n’ai pas travaillé pour rien.
Si je souffre, ce n’est pas pour avoir commis des crimes, mais c’est pour ma piété envers Dieu. »
Ensuite il se mit à dire, ainsi que le rapporte l’Histoire ecclésiastique : « Je suis le froment de J.-C., je serai moulu par les dents des bêtes afin de devenir un pain pur. »
En entendant ces mots, l’empereur dit: « La patience des chrétiens est grande; quel est celui des Grecs qui en endurerait autant pour son Dieu ? »
Ignace répondit : « Ce n’a pas été par ma vertu, mais avec l’aide de Dieu que j’ai supporté ces tourments.»
Alors Saint Ignace provoqua les lions pour qu’ils accourussent le dévorer. Deux lions furieux accoururent donc et ne firent que l’étouffer sans toucher aucunement sa chair.
Trajan, à cette vue, se retira dans une grande admiration en donnant l’ordre de ne pas empêcher que l’on vint enlever les restes du martyr.
C’est pourquoi les chrétiens prirent son corps et l’ensevelirent avec honneur.
Quand Trajan eut reçu une lettre, par laquelle Pline le jeune recommandait vivement les Chrétiens que l’empereur immolait, il fut affligé, de ce qu’il avait fait endurer à Ignace, et ordonna qu’on ne recherchât plus les Chrétiens, mais que s’il en tombait quelqu’un entre les mains de la justice, il fût puni.
On lit encore que Saint Ignace, au milieu de tant de tourments, ne cessait d’invoquer le nom de J.-C.
Comme ses bourreaux lui demandaient pourquoi il répétait si souvent ce nom, il dit : « Ce nom, je le porte écrit dans mon cœur ; c’est la raison pour laquelle je ne puis cesser de l’invoquer. »
Or, après sa mort, ceux qui l’avaient entendu parler ainsi voulurent s’assurer du fait; ils ôtent donc son cœur de son corps, le coupent en deux, et trouvent ces mots gravés en lettres d’or au milieu : « J.-C. »
Ce qui donna la Foi à plusieurs.
Saint Bernard parle ainsi de ce Saint, dans son commentaire sur le Psaume : Qui habitat. « Le grand Saint Ignace fut l’élève du disciple que Jésus aimait ; il fut martyr aussi et ses précieuses reliques enrichirent notre pauvreté.
Dans plusieurs lettres qu’il adressa à Marie, il la salue du nom de Porte-Christ : c’est un bien grand titre de dignité et une recommandation d’un immense honneur!

 

BENOÎT XVI – SAINTE THÉRÈSE DE JÉSUS (2011) 15 octobre

15 octobre, 2018

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110202.html

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BENOÎT XVI – SAINTE THÉRÈSE DE JÉSUS (2011)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 2 février 2011

Chers frères et sœurs,

Au cours des catéchèses que j’ai voulu consacrer aux Pères de l’Eglise et aux grandes figures de théologiens et de femmes du Moyen-âge, j’ai eu l’occasion de m’arrêter également sur certains saints et saintes qui ont été proclamés docteurs de l’Eglise en raison de leur éminente doctrine. Aujourd’hui, je voudrais commencer une brève série de rencontres pour compléter la présentation des docteurs de l’Eglise. Et je commence par une sainte qui représente l’un des sommets de la spiritualité chrétienne de tous les temps: sainte Thérèse d’Avila (de Jésus).
Elle naît à Avila, en Espagne, en 1515, sous le nom de Teresa de Ahumada. Dans son autobiographie, elle mentionne elle-même certains détails de son enfance: la naissance de «parents vertueux et craignant Dieu», au sein d’une famille nombreuse, avec neuf frères et trois sœurs. Encore enfant, alors qu’elle n’avait pas encore 9 ans, elle a l’occasion de lire les vies de certains martyrs, qui lui inspirent le désir du martyre, si bien qu’elle improvise une brève fugue de chez elle pour mourir martyre et monter au Ciel (cf. Vie, 1, 4): «Je veux voir Dieu» déclare la petite fille à ses parents. Quelques années plus tard, Thérèse parlera de ses lectures d’enfance, et affirmera y avoir découvert la vérité, qu’elle résume dans deux principes fondamentaux: d’un côté, «le fait que tout ce qui appartient au monde ici bas passe» et de l’autre, que seul Dieu est «pour toujours, toujours, toujours», un thème qui revient dans la très célèbre poésie «Que rien ne te trouble,/ que rien ne t’effraie;/ tout passe. Dieu ne change pas:/ la patience obtient tout;/ celui qui possède Dieu/ ne manque de rien/ Dieu seul suffit!». Orpheline de mère à l’âge de 12 ans, elle demande à la Très Sainte Vierge de lui servir de mère (cf. Vie, 1, 7).
Si, au cours de son adolescence, la lecture de livres profanes l’avait conduite aux distractions d’une vie dans le monde, l’expérience comme élève des moniales augustiniennes de Sainte-Marie-des-Grâces d’Avila, ainsi que la lecture de livres spirituels, en particulier des classiques de la spiritualité franciscaine, lui enseignent le recueillement et la prière. A l’âge de 20 ans, elle entre au monastère carmélite de l’Incarnation, toujours à Avila; dans sa vie religieuse, elle prend le nom de Thérèse de Jésus. Trois ans plus tard, elle tombe gravement malade, au point de rester quatre jours dans le coma, apparemment morte (cf. Vie, 5, 9). Même dans la lutte contre ses maladies, la sainte voit le combat contre les faiblesses et les résistances à l’appel de Dieu: «Je désirais vivre — écrit-elle — car je le sentais, ce n’était pas vivre que de me débattre ainsi contre une espèce de mort; mais nul n’était là pour me donner la vie, et il n’était pas en mon pouvoir de la prendre. Celui qui pouvait seul me la donner avait raison de ne pas me secourir; il m’avait tant de fois ramenée à lui, et je l’avais toujours abandonné» (Vie, 8, 2) En 1543, sa famille s’éloigne: son père meurt et tous ses frères émigrent l’un après l’autre en Amérique. Au cours du carême 1554, à l’âge de 39 ans, Thérèse atteint le sommet de sa lutte contre ses faiblesses. La découverte fortuite de la statue d’«un Christ couvert de plaies» marque profondément sa vie (cf. Vie, 9). La sainte, qui à cette époque trouvait un profond écho dans les Confessions de saint Augustin, décrit ainsi le jour décisif de son expérience mystique: «Le sentiment de la présence de Dieu me saisissait alors tout à coup. Il m’était absolument impossible de douter qu’il ne fût au dedans de moi, ou que je ne fusse toute abîmée en lui» (Vie, 10, 1).
Parallèlement au mûrissement de son intériorité, la sainte commence à développer concrètement l’idéal de réforme de l’ordre du carmel: en 1562, elle fonde à Avila, avec le soutien de l’évêque de la ville, don Alvaro de Mendoza, le premier carmel réformé, et peu après, elle reçoit aussi l’approbation du supérieur général de l’ordre, Giovanni Battista Rossi. Dans les années qui suivent, elle continue à fonder de nouveaux carmels, dix-sept au total. La rencontre avec saint Jean de la Croix, avec lequel, en 1568, elle fonde à Duruelo, non loin d’Avila, le premier couvent de carmélites déchaussées, est fondamentale. En 1580, elle obtient de Rome l’érection en Province autonome pour ses carmels réformés, point de départ de l’ordre religieux des carmélites déchaussées. Thérèse termine sa vie terrestre au moment où elle est engagée dans l’activité de fondation. En 1582, en effet, après avoir fondé le carmel de Burgos et tandis qu’elle est en train d’effectuer son voyage de retour à Avila, elle meurt la nuit du 15 octobre à Alba de Tormes, en répétant humblement ces deux phrases: «A la fin, je meurs en fille de l’Eglise» et «L’heure est à présent venue, mon Epoux, que nous nous voyons». Une existence passée en Espagne, mais consacrée à l’Eglise tout entière. Béatifiée par le Pape Paul V en 1614 et canonisée en 1622 par Grégoire XV, elle est proclamée «Docteur de l’Eglise» par le Serviteur de Dieu Paul VI en 1970.
Thérèse de Jésus n’avait pas de formation universitaire, mais elle a tiré profit des enseignements de théologiens, d’hommes de lettres et de maîtres spirituels. Comme écrivain, elle s’en est toujours tenu à ce qu’elle avait personnellement vécu ou avait vu dans l’expérience des autres (cf. Prologue au Chemin de perfection), c’est-à-dire en partant de l’expérience. Thérèse a l’occasion de nouer des liens d’amitié spirituelle avec un grand nombre de saints, en particulier avec saint Jean de la Croix. Dans le même temps, elle se nourrit de la lecture des Pères de l’Eglise, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand, saint Augustin. Parmi ses œuvres majeures, il faut rappeler tout d’abord son autobiographie, intitulée Livre de la vie, qu’elle appelle Livre des Miséricordes du Seigneur. Composée au Carmel d’Avila en 1565, elle rapporte le parcours biographique et spirituel, écrit, comme l’affirme Thérèse elle-même, pour soumettre son âme au discernement du «Maître des spirituels», saint Jean d’Avila. Le but est de mettre en évidence la présence et l’action de Dieu miséricordieux dans sa vie: c’est pourquoi l’œuvre rappelle souvent le dialogue de prière avec le Seigneur. C’est une lecture fascinante, parce que la sainte non seulement raconte, mais montre qu’elle revit l’expérience profonde de sa relation avec Dieu. En 1566, Thérèse écrit le Chemin de perfection, qu’elle appelle Admonestations et conseils que donne Thérèse de Jésus à ses moniales. Les destinataires en sont les douze novices du carmel de saint Joseph d’Avila. Thérèse leur propose un intense programme de vie contemplative au service de l’Eglise, à la base duquel se trouvent les vertus évangéliques et la prière. Parmi les passages les plus précieux, figure le commentaire au Notre Père, modèle de prière. L’œuvre mystique la plus célèbre de sainte Thérèse est le Château intérieur, écrit en 1577, en pleine maturité. Il s’agit d’une relecture de son chemin de vie spirituelle et, dans le même temps, d’une codification du déroulement possible de la vie chrétienne vers sa plénitude, la sainteté, sous l’action de l’Esprit Saint. Thérèse fait appel à la structure d’un château avec sept pièces, comme image de l’intériorité de l’homme, en introduisant, dans le même temps, le symbole du ver à soie qui renaît en papillon, pour exprimer le passage du naturel au surnaturel. La sainte s’inspire des Saintes Ecritures, en particulier du Cantique des cantiques, pour le symbole final des «deux Epoux», qui lui permet de décrire, dans la septième pièce, le sommet de la vie chrétienne dans ses quatre aspects: trinitaire, christologique, anthropologique et ecclésial. A son activité de fondatrice des carmels réformés, Thérèse consacre le Livre des fondations, écrit entre 1573 et 1582, dans lequel elle parle de la vie du groupe religieux naissant. Comme dans son autobiographie, le récit tend à mettre en évidence l’action de Dieu dans l’œuvre de fondation des nouveaux monastères.
Il n’est pas facile de résumer en quelques mots la spiritualité thérésienne, profonde et articulée. Je voudrais mentionner plusieurs points essentiels. En premier lieu, sainte Thérèse propose les vertus évangéliques comme base de toute la vie chrétienne et humaine: en particulier, le détachement des biens ou pauvreté évangélique, et cela nous concerne tous; l’amour des uns pour les autres comme élément essentiel de la vie communautaire et sociale; l’humilité comme amour de la vérité; la détermination comme fruit de l’audace chrétienne; l’espérance théologale, qu’elle décrit comme une soif d’eau vive. Sans oublier les vertus humaines: amabilité, véracité, modestie, courtoisie, joie, culture. En deuxième lieu, sainte Thérèse propose une profonde harmonie avec les grands personnages bibliques et l’écoute vivante de la Parole de Dieu. Elle se sent surtout en harmonie avec l’épouse du Cantique des Cantiques et avec l’apôtre Paul, outre qu’avec le Christ de la Passion et avec Jésus eucharistie.
La sainte souligne ensuite à quel point la prière est essentielle: prier, dit-elle, «signifie fréquenter avec amitié, car nous fréquentons en tête à tête Celui qui, nous le savons, nous aime» (Vie 8, 5). L’idée de sainte Thérèse coïncide avec la définition que saint Thomas d’Aquin donne de la charité théologale, comme amicitia quaedam hominis ad Deum, un type d’amitié de l’homme avec Dieu, qui le premier a offert son amitié à l’homme; l’initiative vient de Dieu (cf. Summa Theologiae -II, 21, 1). La prière est vie et se développe graduellement en même temps que la croissance de la vie chrétienne: elle commence par la prière vocale, elle passe par l’intériorisation à travers la méditation et le recueillement, jusqu’à parvenir à l’union d’amour avec le Christ et avec la Très Sainte Trinité. Il ne s’agit évidemment pas d’un développement dans lequel gravir les plus hautes marches signifie abandonner le type de prière précédent, mais c’est plutôt un approfondissement graduel de la relation avec Dieu qui enveloppe toute la vie. Plus qu’une pédagogie de la prière, celle de Thérèse est une véritable «mystagogie»: elle enseigne au lecteur de ses œuvres à prier en priant elle-même avec lui; en effet, elle interrompt fréquemment le récit ou l’exposé pour se lancer dans une prière.
Un autre thème cher à la sainte est le caractère central de l’humanité du Christ. En effet, pour Thérèse la vie chrétienne est une relation personnelle avec Jésus, qui atteint son sommet dans l’union avec Lui par grâce, par amour et par imitation. D’où l’importance que celle-ci attribue à la méditation de la Passion et à l’Eucharistie, comme présence du Christ, dans l’Eglise, pour la vie de chaque croyant et comme cœur de la liturgie. Sainte Thérèse vit un amour inconditionné pour l’Eglise: elle manifeste un vif sensus Ecclesiae face aux épisodes de division et de conflit dans l’Eglise de son temps. Elle réforme l’Ordre des carmélites avec l’intention de mieux servir et de mieux défendre la «Sainte Eglise catholique romaine », et elle est disposée à donner sa vie pour celle-ci (cf. Vie 33, 5).
Un dernier aspect essentiel de la doctrine thérésienne, que je voudrais souligner, est la perfection, comme aspiration de toute la vie chrétienne et objectif final de celle-ci. La sainte a une idée très claire de la «plénitude» du Christ, revécue par le chrétien. A la fin du parcours du Château intérieur, dans la dernière «pièce», Thérèse décrit cette plénitude, réalisée dans l’inhabitation de la Trinité, dans l’union au Christ à travers le mystère de son humanité.
Chers frères et sœurs, sainte Thérèse de Jésus est une véritable maîtresse de vie chrétienne pour les fidèles de chaque temps. Dans notre société, souvent en manque de valeurs spirituelles, sainte Thérèse nous enseigne à être des témoins inlassables de Dieu, de sa présence et de son action, elle nous enseigne à ressentir réellement cette soif de Dieu qui existe dans la profondeur de notre cœur, ce désir de voir Dieu, de chercher Dieu, d’être en conversation avec Lui et d’être ses amis. Telle est l’amitié qui est nécessaire pour nous tous et que nous devons rechercher, jour après jour, à nouveau. Que l’exemple de cette sainte, profondément contemplative et efficacement active, nous pousse nous aussi à consacrer chaque jour le juste temps à la prière, à cette ouverture vers Dieu, à ce chemin pour chercher Dieu, pour le voir, pour trouver son amitié et trouver ainsi la vraie vie; car réellement, un grand nombre d’entre nous devraient dire: «Je ne vis pas, je ne vis pas réellement, car je ne vis pas l’essence de ma vie». C’est pourquoi, le temps de la prière n’est pas du temps perdu, c’est un temps pendant lequel s’ouvre la voie de la vie, s’ouvre la voie pour apprendre de Dieu un amour ardent pour Lui, pour son Eglise, c’est une charité concrète pour nos frères. Merci.

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