Archive pour septembre, 2018

HOMÉLIE POUR LE 26E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « CELUI QUI N’EST PAS CONTRE NOUS EST POUR NOUS »

28 septembre, 2018

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-26e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-B-Celui-qui-n-est-pas-contre-nous-est-pour-nous_a854.html

imm fr en CHI NON E’ CONTRO DI NOI E’ PER NOI.

« 7 Si ton oeil est un obstacle dans ta vie, qu’il soit arraché au plus vite. Il vaut mieux pour toi entrer avec un seul oeil dans le monde de Dieu, »

HOMÉLIE POUR LE 26E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « CELUI QUI N’EST PAS CONTRE NOUS EST POUR NOUS »

Textes: Nombres 11,25-29, Jacques 5, 1-6 et Marc 9, 38-43.5.47-48.

Jésus est toujours en déplacement sur les routes de Galilée et, ces dimanches-ci, nous le suivons avec l’évangile selon saint Marc . Au cours de ces pérégrinations, ce ne sont pas les sujets de conversation qui manquent. Ce matin, saint Marc en rapporte deux. Le premier est fourni par une activité qui suscite le questionnement des disciples et le second rassemble des propos sur le scandale.

Reprenons-les à la suite
I – Pour ou contre Jésus ?
Le premier sujet de conversation nous livre les réactions des disciples devant un cas où des gens ont réussi à chasser des démons en invoquant le nom de Jésus sans être ses disciples. « En son nom », ils ont réalisé ce que les disciples et Jésus lui-même font. Faut-il alors les réprimander ou les laisser faire ?
Voilà la question qui se pose. On voit que Jésus ici, dans le récit reflétant les préoccupations des premiers chrétiens auxquels saint Marc s’adresse, est plein d’ouverture. « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » répond-il.
C’est très intéressant. Car les premiers chrétiens avaient à cœur que la Bonne nouvelle se répande. Ils ne la regardaient pas, comme on l’a fait plus tard, avec un sentiment de possession de celle-ci. Ils avaient conscience que les chemins que Dieu prend peuvent être différents de ceux qu’on estime devoir prendre. C’est pourquoi ils avaient développé une attitude de tolérance, de grandeur d’âme et de largeur de vue. Voilà le sens de la sentence retenue par saint Marc « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».
On trouve une ouverture semblable dans la première lecture ou deux jeunes Israélites prophétisent alors que c’est une action réservée habituellement à des gens reconnus. La réaction de Moïse est, elle aussi, une réaction de largeur de vue. À son assistant, Josué, qui le supplie d’arrêter ces deux jeunes, il répond « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! ».
Dans les deux cas, la motivation est la même : l’Esprit de Dieu se manifeste de différentes façons et ce n’est pas nous qui en avons le contrôle.
Quel beau message d’ouverture et d’accueil à appliquer dans nos vies et dans l’Église ! En effet, nous pouvons être tentés de juger ou de reléguer dans le placard des habitudes, des gestes ou des évènements où n’avons pas eu la part qu’on aurait souhaitée comme disciples de Jésus.
Retenons que ce qui est important c’est que l’Évangile soit annoncé. Quand des amis, des concitoyens, se penchent avec générosité sur les pauvres, les réfugiés, les démunis, ils sont déjà dans la suite de Jésus. C’est ce qu’il dit lui-même lorsqu’il dit à la fin de l’évangile : « Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense ».

II – Le scandale
Le second sujet qui est abordé par saint Marc est celui du scandale. Il est abordé de front avec des paroles dures et des condamnations percutantes
Regardons-y de plus près.
Au cœur des paroles de Jésus, il y les « petits qui croient en moi ». Les petits sont tous ceux et celles qui suivent Jésus dans une foi et une confiance totales. Ils sont comme des enfants. Ce que Jésus demande à tous ses disciples d’être.
Il s’agit donc en premier lieu ici du scandale dans la communauté chrétienne. Vivre ensemble à la suite de Jésus exige une solidarité de tous les instants. Les écarts sont malheureusement présents. Ce sont des scandales car la foi et la confiance des frères et sœurs sont amoindries ou détruites par ces comportements. On le voit, il s’agit avant tout de vivre l’amour mutuel dans la communauté des croyants et croyantes.
Mais Jésus va plus loin, il met en cause aussi le comportement moral des individus et des personnes. Lorsqu’il identifie des sources de péché comme la main, les pieds ou les yeux, il indique une voie implacable pour y faire front. Il demande de s’en séparer. Saint Jacques dans la deuxième lecture est tout aussi direct : « Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés par les mites, votre or et votre argent sont rouillés…vous avez recherché sur la terre le plaisir et le luxe ».
Dans les deux cas nous avons là des paroles qui ne laissent pas place à des demi-mesures. Ce sont des paroles interpellantes. Considérant le cheminement humain, il est normal de voir ici un idéal qui est proposé. Il ne faudrait pas pendre ces paroles au pied de la lettre. Jésus, dans son action concrète l’a compris et à la femme adultère, par exemple, il dit « va et ne pèche plus ». Il ne lui impose pas de peine. Et le pape François à une question sur les personnes homosexuelles, a eu une réponse qui a fait le tour du monde « Qui suis-je pour juger? »
Voilà mes réflexions sur ce passage assez spécial.

III – Application
Retenons ce matin un mot qui résume tout « En son nom ». Nous sommes invités dans quelques circonstances que ce soit à ne pas regarder ailleurs que du côté de Jésus. C’est lui qui est le modèle à imiter. Il a donné un exemple qui a été reçu et retenu par les premiers chrétiens à travers les récits des évangélistes comme celui de ce matin. Il y aura toujours des choses à mesurer, à peser, à évaluer, car l’image de Jésus est complexe et il est très important que nous ne regardions jamais un seul aspect de sa vie ou de son enseignement,
Si nous étions parmi les gens autour de lui sur les routes de Galilée nous le ferions spontanément, car nous ne ferions pas que l’écouter, mais nous mangerions avec lui, nous le verrions parler avec toute le monde, se retirer pour prier, Nous aurions avec lui une rencontre personnelle.
Eh bien ! Nous pouvons encore aujourd’hui avoir avec lui cette rencontre personnelle, marcher avec lui sur la route. Il est présent dans l’Eucharistie qui est son Corps et son Sang donnés pour nous accompagner et nous inspirer. Il est présent dans celui dont nous nous approchons et que nous reconnaissons comme Lui-même nous rappelant les paroles de l’évangile de saint Mathieu : « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” (Mathieu 25, 35-36).

Conclusion
Dans cette Messe nous avons entendu la Parole de Dieu qui nous a proposé une nourriture spirituelle et nous recevons le Corps du Christ qui permet de nous rapprocher de lui sur le chemin de notre vie quotidienne.
Rendons grâces à Dieu de ce qu’il nous donne et prions que toute l’humanité reçoive sa lumière et sa grâce. Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval

LE PARADIS DE DIEU EST LE COEUR DE L’HOMME

27 septembre, 2018

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010717_alfonso-liguori_fr.html

imm en e fr - Copia

Fête des archanges 29 septembre

LE PARADIS DE DIEU EST LE COEUR DE L’HOMME

« Deliciae meae esse cum filiis hominum (Prov. VII,31). Le paradis de Dieu est, pour ainsi dire, le coeur de l’homme.
Dieu vous aime? Aimez-le. (…)

Prenez l’habitude de lui parler seul à seul, familièrement, avec confiance et amour, comme à un ami, le plus cher que vous ayez et qui vous aime le plus.
Et si c’est une grande erreur, comme on a dit, de traiter Dieu avec méfiance (…), c’est une erreur encore plus grande de penser que converser avec Dieu ne soit qu’ennui et amertume.
Non, ce n’est pas vrai : Non… habet amaritudinem conversatio illius, nec taedium convictus illius (parce que sa compagnie ne porte pas d’amertume, ni douleur sa convivence) (Sag. VIII, 16). Demandez-le aux âmes qui l’aiment d’un amour vrai et elles vous diront que dans les peines de leurs vies, elles ne trouvent de soulagement plus grand et plus vrai que dans la conversation amoureuse avec Dieu.
On ne vous demande pas encore une application mentale continue, telle que vous deviez oublier toutes vos affaires et vos divertissements.
Mais l’on vous demande que, sans délaisser vos occupations, vous fassiez envers Dieu ce que vous faites envers ceux qui vous aiment et que vous aimez.
Votre Dieu est toujours auprès de vous, bien plus, il est en vous: In ipso… vivimus, et movemur, et sumus (Actes XVII, 28).
Il n’y a pas de portier, si vous désirez lui parler; au contraire, Dieu aime que vous vous confiez à Lui.
Parlez-Lui de vos affaires, de vos projets, de vos peines, de vos peurs, et de tout ce qui vous appartient.
Faites-le surtout, comme je vous l’ai dit, en confiance et le coeur ouvert, parce que Dieu n’a pas coutume de parler à l’âme qui ne lui parle pas; en effet celle-ci, peu habituée à lui parler, comprendrait bien peu s’Il s’adressait à elle.
Dieu sans attendre que vous alliez à Lui, vous devance et se présente à vous, lorsque vous desirez son amour, portant alors les grâces et les remèdes dont vous avez besoin. Il attend seulement que vous lui parliez, pour vous montrer qu’il est proche de vous, prêt à vous écouter et à vous consoler (…)
Notre Dieu habite en haut des cieux, mais il ne dédaigne pas passer jour et nuit avec ses enfants fidèles et il leur fait partager ses divines consolations, dont une seule surpasse tous les délices de ce monde, et seul celui qui ne les a jamais goûtées, ne les désire pas. Gustate et videte quoniam suavis est Dominus (Ps XXXIII,9). »
Des “Oeuvres ascétiques” de St. Alphonse Marie de Ligure (CSSR, Rome 1933, Vol I, pp. 316-318).

Prière
O mon Jésus, aie pitié de moi. Je t’offre mon coeur ingrat, mais repenti. Oui, mon Rédempteur, je me repens surtout de t’avoir méprisé. Je m’en repens et je t’aime de toute mon âme.
Oui, mon Sauveur, mon Dieu, je t’aime, je t’aime. Ou plutôt, que ce soit toi qui me rappelles toujours combien tu as souffert pour moi, afin que je n’oublie plus de t’aimer. (de St. Alphonse M. de Ligure)

CHANTEZ AU SEIGNEUR UN CHANT NOUVEAU – SAINT AUGUSTIN, ÉVÊQUE

25 septembre, 2018

http://www.vatican.va/spirit/documents/spirit_20010508_agostino-vescovo_fr.html

mm fr angeli-musicanti-riproduzione-silvia-salvadori

ange musicien

CHANTEZ AU SEIGNEUR UN CHANT NOUVEAU – SAINT AUGUSTIN, ÉVÊQUE

« Nous sommes invités à chanter au Seigneur un chant nouveau. L’homme nouveau connaît ce chant nouveau. Le chant est affaire de joie, et si nous y réfléchissons plus attentivement, il est affaire d’amour. Donc, celui qui sait aimer la vie nouvelle sait chanter le chant nouveau. Qu’est-ce que la vie nouvelle ? Nous y sommes invités à cause du chant nouveau. Car tout appartient au même royaume: l’homme nouveau, le chant nouveau, le testament nouveau. Donc l’homme nouveau chantera le chant nouveau et appartiendra au testament nouveau.
Chacun aime, mais on doit chercher quel est l’objet de cet amour. Par conséquent, on ne nous demande pas de renoncer à l’amour, mais de choisir ce que nous devons aimer. Mais que pourrons-nous choisir, si d’abord nous ne sommes choisis ? Écoutez l’Apôtre Jean : Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. Cherche comment l’homme peut aimer Dieu, et tu ne trouveras absolument rien d’autre que ceci : c’est Dieu le premier qui l’a aimé. Celui que nous avons aimé s’est donné lui-même, il s’est donné pour que nous ayons de quoi aimer. Qu’a-t’il donné pour que nous ayons de quoi aimer? Sachez plus clairement en écoutant l’Apôtre Paul, qui dit: L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs. D’où cela vient-il? de nous? de qui donc ? Par l’Esprit Saint qui nous a été donné.
Puisque nous avons une telle garantie, aimons Dieu de par Dieu. Écoutez cette parole plus explicite de saint Jean : Dieu est amour. Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. Il ne suffit pas de dire : L’amour vient de Dieu. Mais qui d’entre nous oserait dire comme saint Jean : Dieu est amour ? Celui qui a dit cela savait ce qu’il avait en lui.
Dieu se donne à nous plus parfaitement. Aimez-moi, dit-il, et vous me possèderez; car vous ne pouvez m’aimer sans me posséder.
Ô mes frères! Ô mes fils! Enfants de l’Église catholique! Plantation sainte et céleste! Vous qui êtes régénérés dans le Christ et qui avez reçu la naissance d’en haut, écoutez-moi, ou plutôt écoutez par ma voix : Chantez au Seigneur un chant nouveau! Et bien, dis-tu, je chante! Tu chantes, oui, tu chantes, je l’entends. Mais il ne faut pas que ta vie porte témoignage contre tes paroles.
Chantez avec la voix, chantez avec le cœur, chantez avec la bouche, chantez par toute votre vie: Chantez au Seigneur un chant nouveau. Vous cherchez comment chanter celui que vous aimez? Car, sans aucun doute, tu veux chanter celui que tu aimes. Tu cherches quelles louanges lui chanter? Vous avez entendu: Chantez au Seigneur un chant nouveau. Vous cherchez où sont ses louanges? Sa louange est dans l’assemblée des fidèles. La louange de celui que l’on veut chanter, c’est le chanteur lui-même. Vous voulez dire les louanges de Dieu? Soyez ce que vous dites. Vous êtes sa louange, si vous vivez selon le bien. »

Des Homélies de saint Augustin, évêque (Serm. 34, 1-3.5-6; CCL 41, 424-426)

Prière
Seigneur, tu ouvres ton Royaume à ceux qui renaissent de l’eau et de l’Esprit : fais croître en eux la grâce pour que, déjà purifiés de leurs fautes, ils ne rendent vaine aucune de tes promesses. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen

Préparé par le Département de Théologie Spirituelle de
L’Université Pontificale de la Sainte-Croix

BENOÎT XVI – La justice de Dieu s’est manifestée moyennant la foi au Christ (Rm 3, 21-22)

24 septembre, 2018

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/messages/lent/documents/hf_ben-xvi_mes_20091030_lent-2010.html

imm fr

MESSAGE DE SA SAINTETÉ BENOÎT XVI POUR LE CARÊME 2010

La justice de Dieu s’est manifestée moyennant la foi au Christ (Rm 3, 21-22)

Chers frères et sœurs,
Chaque année, à l’occasion du carême, l’Église nous invite à une révision de vie sincère à la lumière des enseignements évangéliques. Cette année j’aimerais vous proposer quelques réflexions sur un vaste sujet, celui de la justice, à partir de l’affirmation de saint Paul : «La justice de Dieu s’est manifestée moyennant la foi au Christ. » (Rm 3, 21-22)
Justice : « dare cuique suum »
En un premier temps, je souhaite m’arrêter sur le sens du mot « justice » qui dans le langage commun revient à « donner à chacun ce qui lui est dû – dare cuique suum » selon la célèbre expression d’Ulpianus, juriste romain du III siècle. Toutefois cette définition courante ne précise pas en quoi consiste ce « suum » qu’il faut assurer à chacun. Or ce qui est essentiel pour l’homme ne peut être garanti par la loi. Pour qu’il puisse jouir d’une vie en plénitude il lui faut quelque chose de plus intime, de plus personnel et qui ne peut être accordé que gratuitement : nous pourrions dire qu’il s’agit pour l’homme de vivre de cet amour que Dieu seul peut lui communiquer, l’ayant créé à son image et à sa ressemblance. Certes les biens matériels sont utiles et nécessaires. D’ailleurs, Jésus lui-même a pris soin des malades, il a nourri les foules qui le suivaient et, sans aucun doute, il réprouve cette indifférence qui, aujourd’hui encore, condamne à mort des centaines de millions d’êtres humains faute de nourriture suffisante, d’eau et de soins. Cependant, la justice distributive ne rend pas à l’être humain tout ce qui lui est dû. L’homme a, en fait, essentiellement besoin de vivre de Dieu parce que ce qui lui est dû dépasse infiniment le pain. Saint Augustin observe à ce propos que « si la justice est la vertu qui rend à chacun ce qu’il lui est dû… alors il n’y a pas de justice humaine qui ôte l’homme au vrai Dieu» (De Civitate Dei XIX, 21)
D’où vient l’injustice?
L’évangéliste Marc nous transmet ces paroles de Jésus prononcées à son époque lors d’un débat sur ce qui est pur et ce qui est impur : « Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller… ce qui sort de l’homme voilà ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, du cœur des hommes que sortent les desseins pervers. » (Mc 7, 14-15 ; 20-21) Au-delà du problème immédiat de la nourriture, nous pouvons déceler dans la réaction des pharisiens une tentation permanente chez l’homme : celle de pointer l’origine du mal dans une cause extérieure. En y regardant de plus près, on constate que de nombreuses idéologies modernes véhiculent ce présupposé : puisque l’injustice vient du dehors, il suffit d’éliminer les causes extérieures qui empêchent l’accomplissement de la justice. Cette façon de penser, nous avertit Jésus, est naïve et aveugle. L’injustice, conséquence du mal, ne vient pas exclusivement de causes extérieures ; elle trouve son origine dans le cœur humain où l’on y découvre les fondements d’une mystérieuse complicité avec le mal. Le psalmiste le reconnaît douloureusement : « Vois dans la faute je suis né, dans le péché ma mère m’a conçu. » (Ps 51,7). Oui, l’homme est fragilisé par une blessure profonde qui diminue sa capacité à entrer en communion avec l’autre. Naturellement ouvert à la réciprocité libre de la communion, il découvre en lui une force de gravité étonnante qui l’amène à se replier sur lui-même, à s’affirmer au-dessus et en opposition aux autres : il s’agit de l’égoïsme, conséquence du péché originel. Adam et Eve ont été séduits par le mensonge du Satan. En s’emparant du fruit mystérieux, ils ont désobéi au commandement divin. Ils ont substitué une logique du soupçon et de la compétition à celle de la confiance en l’Amour, celle de l’accaparement anxieux et de l’autosuffisance à celle du recevoir et de l’attente confiante vis-à-vis de l’autre (cf. Gn 3, 1-6) de sorte qu’il en est résulté un sentiment d’inquiétude et d’insécurité. Comment l’homme peut-il se libérer de cette tendance égoïste et s’ouvrir à l’amour ?
Justice et Sedaqah
Au sein de la sagesse d’Israël, nous découvrons un lien profond entre la foi en ce Dieu qui « de la poussière relève le faible » (Ps 113,7) et la justice envers le prochain. Le mot sedaqah, qui désigne en hébreux la vertu de justice, exprime admirablement cette relation. Sedaqah signifie en effet l’acceptation totale de la volonté du Dieu d’Israël et la justice envers le prochain (cf. Ex 20,12-17), plus spécialement envers le pauvre, l’étranger, l’orphelin et la veuve (cf. Dt 10, 18-19). Ces deux propositions sont liées entre elles car, pour l’Israélite, donner au pauvre n’est que la réciprocité de ce que Dieu a fait pour lui : il s’est ému de la misère de son peuple. Ce n’est pas un hasard si le don de la Loi à Moïse, au Sinaï, a eu lieu après le passage de la Mer Rouge. En effet, l’écoute de la Loi suppose la foi en Dieu qui, le premier, a écouté les cris de son peuple et est descendu pour le libérer du pouvoir de l’Egypte ( cf. Ex 3,8). Dieu est attentif au cri de celui qui est dans la misère mais en retour demande à être écouté : il demande justice pour le pauvre (cf. Sir 4,4-5. 8-9), l’étranger (cf. Ex 22,20), l’esclave (cf. Dt 15, 12-18). Pour vivre de la justice, il est nécessaire de sortir de ce rêve qu’est l’autosuffisance, de ce profond repliement sur-soi qui génère l’injustice. En d’autres termes, il faut accepter un exode plus profond que celui que Dieu a réalisé avec Moïse, il faut une libération du cœur que la lettre de la Loi est impuissante à accomplir. Y a-t-il donc pour l’homme une espérance de justice ?
Le Christ, Justice de Dieu
L’annonce de la bonne nouvelle répond pleinement à la soif de justice de l’homme. L’apôtre saint Paul le souligne dans son Épître aux Romains : « Mais maintenant sans la Loi, la justice de Dieu s’est manifestée…par la foi en Jésus Christ à l’adresse de tous ceux qui croient. Car il n’y a pas de différence : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu et ils sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la rédemption accomplie par le Christ Jésus. Dieu l’a exposé instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi. » (3, 21-25)
Quelle est donc la justice du Christ ? C’est avant tout une justice née de la grâce où l’homme n’est pas sauveur et ne guérit ni lui-même ni les autres. Le fait que l’expiation s’accomplisse dans « le sang » du Christ signifie que l’homme n’est pas délivré du poids de ses fautes par ses sacrifices, mais par le geste d’amour de Dieu qui a une dimension infinie, jusqu’à faire passer en lui la malédiction qui était réservée à l’homme pour lui rendre la bénédiction réservée à Dieu (cf. Gal 3, 13-14). Mais immédiatement pourrait-on objecter : de quel type de justice s’agit-il si le juste meurt pour le coupable et le coupable reçoit en retour la bénédiction qui revient au juste ? Est-ce que chacun ne reçoit-il pas le contraire de ce qu’il lui est dû ? En réalité, ici, la justice divine se montre profondément différente de la justice humaine. Dieu a payé pour nous, en son Fils, le prix du rachat, un prix vraiment exorbitant. Face à la justice de la Croix, l’homme peut se révolter car elle manifeste la dépendance de l’homme, sa dépendance vis-à-vis d’un autre pour être pleinement lui-même. Se convertir au Christ, croire à l’Évangile, implique d’abandonner vraiment l’illusion d’être autosuffisant, de découvrir et accepter sa propre indigence ainsi que celle des autres et de Dieu, enfin de découvrir la nécessité de son pardon et de son amitié.
On comprend alors que la foi ne soit pas du tout quelque chose de naturel, de facile et d’évident : il faut être humble pour accepter que quelqu’un d’autre me libère de mon moi et me donne gratuitement en échange son soi. Cela s’accomplit spécifiquement dans les sacrement de la réconciliation et de l’eucharistie. Grâce à l’action du Christ, nous pouvons entrer dans une justice « plus grande », celle de l’amour (cf. Rm 13, 8-10), la justice de celui qui, dans quelque situation que ce soit, s’estime davantage débiteur que créancier parce qu’il a reçu plus que ce qu’il ne pouvait espérer.
Fort de cette expérience, le chrétien est invité à s’engager dans la construction de sociétés justes où tous reçoivent le nécessaire pour vivre selon leur dignité humaine et où la justice est vivifiée par l’amour.
Chers frères et sœurs, le temps du carême culmine dans le triduum pascal, au cours duquel cette année encore, nous célébrerons la justice divine, qui est plénitude de charité, de don et de salut. Que ce temps de pénitence soit pour chaque chrétien un temps de vraie conversion et d’intime connaissance du mystère du Christ venu accomplir toute justice. Formulant ces vœux, j’accorde à tous et de tout cœur ma bénédiction apostolique.

Cité du Vatican, le 30 octobre 2009

 

HOMÉLIE POUR LE 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « DE QUOI DISCUTIEZ-VOUS EN CHEMIN ? »

22 septembre, 2018

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-25e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-B-De-quoi-discutiez-vous-en-chemin_a853.html

imm fr si

Jésus et les enfants

HOMÉLIE POUR LE 25E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « DE QUOI DISCUTIEZ-VOUS EN CHEMIN ? »

Homélie du 23 septembre 2018 Année B. Textes: Sagesse 2, 12.17-20, Jacques 3, 16-4,3 et Marc 9, 30-37.

Saint Marc dans l’évangile de ce matin nous fait entrer dans les conversations de Jésus au cours de ses déplacements en Galilée. Ce sont des souvenirs qu’il a reçu de ceux et celles qui étaient avec Jésus dans ces moments-là ou qui les ont entendus de d’autres. Il ne se préoccupe pas de les organiser selon un plan défini. Ce sont des sentences, des phrases qui sont rapportées un peu à bâtons rompus, pourrait-on dire.
Dans le texte de l’évangile qui vient d’être proclamé il y a trois sujets qui sont retenus par l’évangéliste dans le but d’aider les premières communautés à mieux connaitre Jésus et à le suivre.

I – La deuxième annonce de la Passion
Le premier sujet est grave. Saint Marc relève que Jésus avance dans sa mission et qu’elle approche désormais de son terme. Ce terme est celui de sa Passion et de sa Mort sur la croix. « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera.»
En annonçant cette mort sur la croix avec les souffrances qui l’accompagneront, Jésus fait entrer ses disciples dans le mystère de l’amour de Dieu qui l’envoie porter les péchés du monde et réconcilier l’humanité avec Lui.
L’Ancien Testament l’annonçait. Les paroles du Livre de la Sagesse qu’on peut appliquer à Jésus en témoignent : « Soumettons-le à des outrages et à des tourments, nous saurons ce que vaut sa douceur ».
Les apôtres ont déjà entendu ce discours qui avait révolté Pierre et que Jésus avait rabroué. Nous avions cet épisode dans l’évangile de dimanche dernier. Ici, Jésus se contente de confirmer aux disciples que tel est bien la destinée vers où il se dirige. Il leur donnera plus de détails quand l’heure sera venue. Après cette annonce, saint Marc passe à un autre sujet.

II – Le désir d’être en premier
Cet autre sujet c’est la discussion des disciples entre eux pour savoir qui est le plus grand. Et quand Jésus leur demande « De quoi discutiez-vous en chemin ? », ils sont un peu mal à l’aise et ne répondent pas. Ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand nous dit saint Marc. Leurs préoccupations et leurs conversations apparaissent ainsi tout à fait dans l’esprit du monde, l’esprit « mondain » que dénonce souvent le pape François.
Dans la deuxième lecture, la Lettre de saint Jacques dénonce cette mentalité mondaine : « D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. »
Les premiers chrétiens n’étaient pas indemnes de tentations comme celle des apôtres. Être le plus grand et briller par le pouvoir et par les honneurs exercent toujours un certain attrait qu’il faut reconnaître et combattre. Nous ne sommes pas différents d’eux. C’est pourquoi, comme eux nous avons à encore à apprendre de Jésus la véritable attitude du disciple. C’est le troisième sujet qui invite à créer dans les premières communautés chrétiennes un cadre de vie à l’inverse des valeurs que la société leur propose.

III – Le cadre du service et de l’amour mutuel
Ce cadre de vie est celui du service et de l’amour mutuel. Voilà le troisième sujet abordé par Jésus ce matin.
Saint Marc rappelle cette parole de Jésus qui a été conservé soigneusement : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».
Dans la communauté chrétienne les valeurs de promotion personnelle, de compétition et de réussite ne sont pas ce qui est recherché d’abord et avant tout. C’est le service qui met les uns et les autres sur le même pied, c’est l’amour mutuel. C’est le « aimez-vous les uns les autres ».
Et pour illustrer, ce cadre particulier du service et de l’amour mutuel dans la communauté, saint Marc rappelle les paroles de Jésus sur les enfants. Il montre même Jésus qui prend un enfant, le place au milieu des disciples et l’embrasse en leur disant : « Quiconque accueille en mon nom, un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé ».
On peut penser que cet enfant représente le disciple qui se fait, tel un enfant, petit et accueillant et qui s’en remet à Dieu comme l’enfant s’en remet à ses parents pour grandir et se développer Ce fut la découverte de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui disait « Je suis petite et Dieu mon Père fait tout pour moi. Je me contente de me laisser aimer car par moi-même je ne puis rien ». Saint Paul ne parlait pas autrement lorsqu’il écrivait que Dieu se manifeste dans la faiblesse « Et lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort de la force de Dieu » (2 Corinthiens 12, 10).

Conclusion
Voilà trois belles considérations pour nous inspirer cette semaine. Demandons au Seigneur dans cette Eucharistie d’entrer de plus en plus dans cette révélation que Jésus nous fait de lui-même et prions-le de nous accorder de devenir nous aussi comme les premiers chrétiens des disciples attentifs à le découvrir de plus en plus.
Que par la coupe et par le pain partagés nous le recevions déjà afin qu’il nous rende de plus en plus semblables à lui et que nous pussions dire comme saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi ». (Galates 2, 20)
Amen.

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec
18 septembre 2018

JEAN-PAUL II – «Lumière véritable qui éclaire tout homme» (Jn 1, 9) (1998)

20 septembre, 2018

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/1998/documents/hf_jp-ii_aud_16091998.html

imm fr il cristo sorridente nel Castillo de Javier, Navarra

Christ souriant dans le castillo de javier navarra.

JEAN-PAUL II – «Lumière véritable qui éclaire tout homme» (Jn 1, 9) (1998)

AUDIENCE GÉNÉRALE

16 septembre 1998

1. En reprenant une affirmation du Livre de la Sagesse (1, 7), le Concile œcuménique Vatican II nous enseigne que «l’Esprit du Seigneur», qui comble de ses dons le Peuple de Dieu en pèlerinage dans l’histoire, «replet orbem terrarum», remplit tout l’univers (cf. Gaudium et spes, n. 11). Il guide sans cesse les hommes vers la plénitude de la vérité et de l’amour que Dieu le Père a communiquée en Jésus-Christ.
Cette conscience profonde de la présence et de l’action de l’Esprit Saint illumine depuis toujours la conscience de l’Eglise, faisant en sorte que tout ce qui est authentiquement humain trouve un écho dans le cœur des disciples du Christ (cf. Ibid., n. 1).
Déjà, dans la première moitié du II siècle, le philosophe saint Justin pouvait écrire: «Tout a toujours été affirmé de façon éminente et ce que découvrirent ceux qui font de la philosophie ou instituent des lois, a été accompli par eux à travers la recherche ou la contemplation d’une partie du Verbe» (II Apol., 10, 1-3).
2. L’ouverture de l’esprit humain à la vérité et au bien s’accomplit toujours dans le cadre de la «Lumière véritable qui éclaire tout homme» (Jn 1, 9). Cette lumière est le Christ Seigneur lui-même, qui a illuminé dès les origines les pas de l’homme et qui est entré dans son «cœur». A travers l’Incarnation, dans la plénitude des temps, la Lumière est apparue au monde dans toute sa splendeur, brillant aux yeux de l’homme comme splendeur de la vérité (cf. Jn 14, 6).
Déjà préannoncée dans l’Ancien Testament, la manifestation progressive de la plénitude de la vérité, qu’est le Christ Jésus, s’accomplit au cours des siècles par l’œuvre de l’Esprit Saint. Cette action spécifique de l’«Esprit de Vérité» (cf. Jn 14, 17; 15, 26; 16, 13) concerne non seulement les croyants, mais, de façon mystérieuse, tous les hommes qui, ignorant l’Evangile sans faute de leur part, cherchent sincèrement la vérité et s’efforcent de vivre avec rectitude (cf. Lumen gentium, n. 16).
Sur les traces des Pères de l’Eglise, saint Thomas d’Aquin peut considérer qu’aucun esprit n’est «aussi ténébreux qu’il ne puisse participer en rien à la lumière divine. En effet, toute vérité connue par quiconque est entièrement due à cette “lumière qui brille dans les ténèbres”; car toute vérité, prononcée par quiconque, provient de l’Esprit Saint» (Super Ioannem, 1, 5 lect; 3, n. 103).
3. C’est pourquoi, l’Eglise encourage chaque recherche authentique de la pensée humaine et elle estime sincèrement le patrimoine de sagesse élaboré et transmis par les diverses cultures. En celui-ci, l’intarissable créativité de l’esprit humain, guidé par l’Esprit de Dieu vers la plénitude de la vérité, a trouvé son expression.
La rencontre entre la parole de vérité prêchée par l’Eglise et la sagesse exprimée par les cultures et élaborée par les philosophies, invite ces dernières à s’ouvrir et à trouver leur propre accomplissement dans la révélation qui vient de Dieu. Comme le souligne le Concile Vatican II, cette rencontre enrichit l’Eglise, la rendant capable de pénétrer toujours plus au cœur de la vérité, de l’exprimer à travers les langages des diverses traditions culturelles et de la présenter — immuable dans la subs-tance — sous la forme la plus adaptée au changement des temps (cf. Gaudium et spes, n. 44).
La confiance dans la présence et dans l’action de l’Esprit Saint, également dans le ferment de la culture de notre temps, peut constituer, à l’aube du troisième millénaire, les prémisses pour une nouvelle rencontre entre la vérité du Christ et la pensée humaine.
4. Dans la perspective du grand Jubilé de l’An 2000, il faut approfondir l’enseignement du Concile à propos de cette rencontre toujours renouvelée et féconde entre la vérité révélée, conservée et transmise par l’Eglise, et les multiples formes de la pensée et de la culture humaine. Malheureusement, la constatation de Paul VI dans la Lettre encyclique Evangelii nuntiandi, selon laquelle «la rupture entre Evangile et culture est sans doute le drame de notre époque» (n. 20) est encore valable aujourd’hui.
Pour remédier à cette rupture, qui comporte de graves conséquences pour les consciences et les comportements, il faut réveiller chez les disciples de Jésus-Christ ce regard de foi, en mesure de découvrir les «semences de la vérité» répandues par l’Esprit Saint chez nos contemporains. On pourra également contribuer à leur purification et maturation à travers l’art patient du dialogue, qui vise en particulier à la présentation du visage du Christ dans toute sa splendeur.
Il est en particulier nécessaire de bien garder à l’esprit le grand principe formulé par le dernier Concile, que j’ai voulu rappeler dans l’Encyclique Dives in misericordia: «Tandis que les divers courants de pensée, anciens et contemporains, étaient et continuent à être enclins à séparer et même à opposer théocentrisme et anthropocentrisme, l’Eglise au contraire, à la suite du Christ, cherche à assurer leur conjonction organique et profonde dans l’histoire de l’homme» (n. 1).
5. Ce principe se révèle fécond non seulement pour la philosophie et la culture humaniste, mais également pour les secteurs de la recherche scientifique et de l’art. En effet, l’homme de science qui «s’efforce, avec persévérance et humilité, de pénétrer les secrets des choses, celui-là, même s’il n’en a pas conscience, est comme conduit par la main de Dieu, qui soutient tous les êtres et les fait ce qu’ils sont» (Gaudium et spes, n. 36).
D’autre part, l’artiste véritable a le don de l’intuition et d’exprimer l’horizon lumineux et infini dans lequel l’existence de l’homme et du monde est plongée. S’il est fidèle à l’inspiration qui l’habite et le transcende, il acquiert une connaturalité secrète avec la beauté dont l’Esprit Saint revêt la création.
Que l’Esprit Saint, Lumière qui illumine les esprits et divin «artiste du monde» (S. Bulgakov, Le Paraclet, Bologne 1971, p. 311), guide l’Eglise et l’humanité de notre temps sur les sentiers d’une nouvelle rencontre surprenante avec la Splendeur de la Vérité.

 

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE (sur le jour du repos) 12.9.2018

19 septembre, 2018

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2018/documents/papa-francesco_20180912_udienza-generale.html

imm fr dieu-donne-les-tables-de-la-loi-mose-10-638

Genèse 2,1-4 

PAPE FRANÇOIS – AUDIENCE GÉNÉRALE (sur le jour du repos) 12.9.2018

Mercredi 12 septembre 2018

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans la catéchèse d’aujourd’hui, nous revenons une fois de plus sur le troisième commandement, celui sur le jour du repos. Le Décalogue, promulgué dans le livre de l’Exode, est répété dans le livre du Deutéronome de façon à peu près identique, à l’exception de cette Troisième Parole, dans laquelle apparaît une différence précieuse: tandis que dans l’Exode, le motif de repos est la bénédiction de la création, dans le Deutéronome, en revanche, il commémore la fin de l’esclavage. Ce jour-là, l’esclave doit se reposer comme le maître, pour célébrer la mémoire de la Pâque de libération.
En effet, les esclaves, par définition, ne peuvent pas se reposer. Mais il existe de nombreux types d’esclavage, tant extérieur qu’intérieur. Il y a les contraintes extérieures, comme les oppressions, les vies séquestrées par la violence et par d’autres types d’injustice. Il existe également les prisons intérieures qui sont, par exemple, les blocages psychologiques, les complexes, les limites caractérielles et autres. Le repos existe-t-il dans ces conditions? Un homme reclus ou opprimé peut-il quand même rester libre? Et une personne tourmentée par des difficultés intérieures peut-elle être libre?
En effet, il y a des personnes qui, même en prison, vivent une grande liberté d’âme. Pensons, par exemple, à saint Maximilien Kolbe, ou au cardinal Van Thuan, qui transformèrent de sombres oppressions en lieux de lumière. Tout comme il existe des personnes marquées par de grandes fragilités intérieures qui connaissent toutefois le repos de la miséricorde et savent le transmettre. La miséricorde de Dieu nous libère. Et quand tu rencontres la miséricorde de Dieu, tu as une grande liberté intérieure et tu es également capable de la transmettre. C’est pour cela qu’il est si important de s’ouvrir à la miséricorde de Dieu pour ne pas être esclaves de nous-mêmes.
Qu’est-ce que la véritable liberté? Consiste-t-elle dans la liberté de choix? Celle-ci est certainement une partie de la liberté, et nous nous engageons afin qu’elle soit assurée à tout homme et femme (cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 73). Mais nous savons bien que pouvoir faire ce que l’on désire ne suffit pas à être véritablement libres, et pas même heureux. La véritable liberté est beaucoup plus.
En effet, il existe un esclavage qui enchaîne plus qu’une prison, plus qu’une attaque de panique, plus qu’une imposition de toute sorte: c’est l’esclavage de son propre ego [1]. Ces gens qui, toute la journée, se regardent dans le miroir pour voir leur ego. Et leur ego est plus grand que leur corps. Ils sont esclaves de leur ego. L’ego peut devenir un bourreau qui torture l’homme où qu’il soit et qui lui procure l’oppression la plus profonde, celle qui s’appelle «péché», qui n’est pas la banale violation d’un code, mais l’échec de l’existence et la condition d’esclaves (cf. Jn 8, 34).[2] Le péché est, à la fin, dire et faire l’ego. «Je veux faire cela, et peu m’importe s’il y a une limite, s’il y a un commandement, peu m’importe également s’il y a l’amour».
L’ego, par exemple, pensons-y, dans les passions humaines: le gourmand, le luxurieux, l’avare, le coléreux, l’envieux, le paresseux, l’orgueilleux — et ainsi de suite — sont esclaves de leurs vices, qui les tyrannisent et les tourmentent. Il n’existe pas de trêve pour le gourmand, parce que la gourmandise est l’hypocrisie de l’estomac, qui est plein, mais qui veut faire croire qu’il est vide. L’estomac hypocrite nous rend gourmands. Nous sommes esclaves d’un estomac hypocrite. Il n’y a pas de trêve pour le gourmand et le luxurieux qui doivent vivre de plaisir; l’anxiété de posséder détruit l’avare, il amasse toujours de l’argent, en faisant du mal aux autres; le feu de la colère et le ver de l’envie détruisent les relations. Les écrivains disent que l’envie faire devenir le corps et l’âme jaunes, comme quand une personne est atteinte d’hépatite: elle devient jaune. Les envieux ont l’âme jaune, parce qu’ils ne peuvent jamais avoir la fraîcheur de l’âme saine. L’envie détruit. L’acédie qui évite tout effort rend incapables de vivre; l’égocentrisme — l’ego dont je parlais — orgueilleux creuse un fossé entre soi et les autres.
Chers frères et sœurs, qui donc est le véritable esclave? Qui est celui qui ne connaît pas de repos? Celui qui n’est pas capable d’aimer! Et tous ces vices, ces péchés, cet égoïsme, nous éloignent de l’amour et nous rendent incapables d’aimer. Nous sommes esclaves de nous-mêmes et nous ne pouvons pas aimer, parce que l’amour va toujours vers les autres.
Le troisième commandement, qui invite à célébrer la libération dans le repos, est pour nous chrétiens prophétie du Seigneur Jésus, qui brise l’esclavage intérieur du péché pour rendre l’homme capable d’aimer. Le véritable amour est la véritable liberté: détachée de la possession, elle reconstruit les relations, elle sait accueillir et valoriser le prochain, elle transforme en don joyeux tout effort et rend capables de communion. L’amour rend libres également en prison, même si nous sommes faibles et limités.
Voilà la liberté que nous recevons de notre Rédempteur, notre Seigneur Jésus Christ.

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II – Louange au Seigneur créateur (2003)

17 septembre, 2018

http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2003/documents/hf_jp-ii_aud_20030903.html

imm fr La-creazione-della-terra

La création de la terre

AUDIENCE GÉNÉRALE DE JEAN-PAUL II – Louange au Seigneur créateur (2003)

Mercredi 3 septembre 2003

Lecture: Ps 91, 2-3.6-7-13-14

1. Le cantique qui vient d’être proposé est celui d’un homme fidèle au Dieu saint. Il s’agit du Psaume 91 qui, comme le suggère l’antique titre de la composition, était utilisé par la tradition hébraïque « pour le jour du sabbat » (v. 1). L’hymne s’ouvre par un ample appel à célébrer et à louer le Seigneur à travers le chant et la musique (cf. vv. 2-4). Il s’agit d’un genre de prière qui semble ne jamais s’interrompre, car l’amour divin doit être exalté le matin, lorsque la journée commence, mais il doit aussi être proclamé durant la journée et tout au long des heures nocturnes (cf. v. 3). C’est précisément la référence aux instruments musicaux, faite par le Psalmiste dans l’invitation de l’introduction, qui a poussé saint Augustin à cette méditation dans son Discours sur le Psaume 91: « Que signifie, mes frères, prononcer des hymnes avec le psautier? Le psautier est un instrument musical muni de cordes. Notre psautier est notre oeuvre. Quiconque accomplit de bonnes oeuvres de ses mains élève des hymnes à Dieu avec le psautier. Quiconque confesse avec la bouche, élève un chant à Dieu. Chante avec la bouche! Prononce un psaume à travers les oeuvres!… Mais alors, qui sont ceux qui chantent? Ceux qui accomplissent le bien dans la joie. Le chant, en effet, est signe d’allégresse. Que dit l’Apôtre? « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9, 7). Quoi que tu fasses, fais-le avec joie. Alors tu fais le bien, et tu le fais bien. Si, en revanche, tu oeuvres avec tristesse, même si le bien est accompli à travers toi, ce n’est pas toi qui le fais: tu tiens le psautier, tu ne chantes pas » (Discours sur les Psaumes, III, Rome 1976, pp. 192-195).
2. A travers les paroles de saint Augustin nous pouvons entrer au coeur de notre réflexion, et affronter le thème fondamental du Psaume: celui du bien et du mal. L’un et l’autre sont examinés par le Dieu juste et saint, « élevé pour toujours » (v. 9), Celui qui est éternel et infini, à qui rien n’échappe de l’action humaine.
Deux comportements antithétiques sont ainsi confrontés à plusieurs reprises. La conduite du fidèle est consacrée à célébrer les oeuvres divines, à pénétrer dans la profondeur des pensées du Seigneur et, sur cette voie, sa vie rayonne de lumière et de joie (cf. vv. 5-6). Au contraire, l’homme pervers est décrit à travers son caractère obtus, incapable de comprendre le sens caché des événements humains. La chance momentanée le rend arrogant, mais en réalité, il est intimement fragile et voué, après son succès éphémère, à la débâcle et à la ruine (cf. vv. 7-8). Le Psalmiste, suivant un modèle d’interprétation tiré de l’Ancien Testament, celui de la rétribution, est convaincu que Dieu récompensera les justes déjà dans cette vie, en leur accordant une vieillesse heureuse (cf. v. 15) et qu’il châtiera au plus tôt les mauvais.
En réalité, comme l’affirmera Job et l’enseignera Jésus, l’histoire ne peut pas être interprétée de façon aussi linéaire. La vision du Psalmiste devient donc une supplication au Dieu juste et « élevé » (cf. v. 9), afin qu’il pénètre la succession des événements humains pour les juger, en faisant resplendir le bien.
3. L’opposition entre le juste et le mauvais est à nouveau reprise par l’orant. D’un côté, voilà les « ennemis » du Seigneur, les « malfaisants » sont encore une fois voués à la dispersion et à la défaite (cf. v. 10). De l’autre, les fidèles apparaissent dans toute leur splendeur, incarnés par le Psalmiste qui se décrit lui-même à travers des images pittoresques, tirées du symbolisme oriental. Le juste a la force irrésistible d’un taureau et il est prêt à défier toute adversité; son front glorieux est oint par l’huile de la protection divine, qui devient comme une sorte de bouclier, protégeant l’élu en le mettant en lieu sûr (cf. v. 11). Du haut de sa puissance et de son abri, l’orant voit les iniques précipiter dans l’abîme de leur ruine (cf. v. 12).
Du Psaume 91 se dégage donc une impression de bonheur, de confiance, d’optimisme: des dons que nous devons demander à Dieu précisément à notre époque, dans laquelle s’insinue facilement la tentation du découragement et même du désespoir.
4. Notre hymne, dans le sillage de la profonde sérénité qui l’imprègne, jette pour finir un regard sur les jours de vieillesse des justes et il prévoit qu’ils seront également sereins. Même lorsque ces jours viendront, l’esprit de l’orant sera encore vif, joyeux et actif (cf. v. 15). Il se sent comme les palmiers et les cèdres, qui sont plantés dans les cours du temple de Sion (cf. vv. 13-14).
Les racines du juste plongent en Dieu même, dont il reçoit la lymphe de la grâce divine. La vie du Seigneur l’alimente et le transforme, en le rendant florissant et luxuriant, c’est-à-dire en mesure de donner aux autres et de témoigner de sa propre foi. Les dernières paroles du Psalmiste, dans cette description d’une existence juste et active et d’une vieillesse intense et dynamique, sont en effet liées à l’annonce de la fidélité éternelle du Seigneur (cf. v. 16). Nous pourrions donc conclure, à ce point, par la proclamation du chant qui s’élève vers le Dieu glorieux dans le dernier Livre de la Bible, l’Apocalypse: un livre de lutte terrible entre le bien et le mal, mais également d’espérance dans la victoire finale du Christ: « Grandes et merveilleuses sont tes oeuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations… Car seul tu es saint; et tous les païens viendront se prosterner devant toi, parce que tu as fait éclater tes vengeances. Tu es juste « Il est et Il était « , le Saint, d’avoir ainsi châtié. Oui, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, tes châtiments sont vrais et justes » (15, 3-4; 16, 5.7).

 

HOMÉLIE POUR LE 24E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « POUR VOUS, QUI SUIS-JE ? »

15 septembre, 2018

http://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-24e-dimanche-du-temps-ordinaire-Annee-B-Pour-vous-qui-suis-je_a852.html

imm « Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive.

« Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » 

HOMÉLIE POUR LE 24E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « POUR VOUS, QUI SUIS-JE ? »

Dans notre évangile de ce matin Jésus se lance dans une manière de sondage pour voir ce qu’on dit et pense de lui, puis par la suite il apporte ses commentaires sur ce qu’il a entendu.
Commençons par le sondage.

I – Le sondage
Jésus va de villages en villages depuis quelque temps. Il est maintenant aux alentours de Césarée-de-Philippe, une ville située aux sources du fleuve le Jourdain. C’était une ville romaine florissante dont on peut visiter les ruines aujourd’hui, ce que j’ai pu faire il y a quelques années.
Au cours de ces longs déplacements à pied, les conversations occupent le temps agréablement. Elles se font sérieuses par moments. On a ici un de ces moments où Jésus procède à un sondage le concernant avec deux questions à ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » et « Pour vous, qui suis-je? »
Les réponses sont des plus intéressantes. Elles nous donnent comme une photographie de Jésus, le prédicateur recherché et le guérisseur couru. Les gens reconnaissent en lui une dimension qui n’est pas le lot commun. Jésus, disent-ils, leur fait penser à Jean-Baptiste, à Élie ou à l’un des prophètes. Ce disant, les gens voient et mettent entre Jésus et Dieu une relation particulière. Ils ne savent pas exactement de quoi il s’agit, mais ils soupçonnent chez cet homme un destin unique, une mission extraordinaire.
Les disciples, eux, pour répondre à la question « Pour vous, qui suis-je? » vont plus loin que les gens questionnés auparavant. Ils ont fréquenté Jésus de près. Ils l’ont écouté. Il leur a expliqué en particulier certains de ses propos, de ses paraboles. Ils ont donc une longueur d’avance sur les autres gens. C’est Pierre qui se fera le porte-parole du groupe des disciples et il affirmera sans hésitation que pour eux Jésus est l’Envoyé de Dieu pour apporter le salut au monde. Il est le Christ c’est-à-dire celui qui a été choisi et qui a reçu l’onction de Dieu qui le fait Sauveur de tous ceux et celles qui croient en lui et qui le reçoivent comme leur Sauveur personnel.
Voilà les réponses au sondage rapide que fait Jésus en marchant dans la belle nature de cette région des sources du Jourdain.

II – Les commentaires de Jésus
Ce n’est pas fini. Jésus décide de profiter de ces réponses pour aller plus loin. La suite du texte de saint Marc rapporte les commentaires de Jésus lui-même qui nous révèlent les contours de l’identité même de Jésus comme Envoyé de Dieu et Sauveur.
Les propos de Jésus ne récusent pas ce qui a été dit par les gens et par les disciples, loin de là. Jésus reconnaît sa relation particulière avec Dieu et sa mission de Sauveur, mais il entre dans les détails de celle-ci. Et c’est là que les disciples sont sidérés.
« Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. » C’est une première annonce de sa Passion dont le prophète Isaïe donne un aperçu dans la première lecture lorsqu’il met ces paroles dans la bouche du Messie : « Je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. »
On comprend la surprise des disciples qui attendent un Messie qui redonnera la royauté à Israël, qui libérera les juifs du joug des Romains et qui sera comme un nouveau David. Rien à voir avec un Messie qui souffre, qui est rejeté, qui meurt et qui ressuscite.
Et là encore, Pierre se lance et intervient au nom du groupe. « Cela ne se passera pas ainsi. Nous y verrons ». Et Jésus, tout entier consacré à sa mission, rejette de façon brutale l’intervention de Pierre : « Retire-toi, tu es comme Satan qui essaie de me faire dévier de ma mission. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».
On le voit ici, Jésus est déjà tout imprégné des attentes de Dieu sur lui. Il a cheminé et il sait que le plan de Dieu pour le salut de l’humanité passe par un amour fou, un amour qui donne son propre Fils pour le salut de tous.
Et Jésus plutôt que de s’attarder sur les étapes où il passera, sa mort et sa résurrection, se tourne vers ses disciples et leur indique comment, eux, ils peuvent se joindre à lui dans sa réponse à la mission reçue de son Père.

III – Application
Écoutons les mots mêmes que les premiers chrétiens ont retenus de cette intervention de Jésus. Ils tiennent en deux phrases très connues depuis des siècles
La première : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».
Ici, Jésus insiste pour que ses disciples regardent vers lui et qu’ils marchent à sa suite. Prendre sa croix, n’est autre chose que d’imiter Jésus, de le suivre. L’important est la relation avec lui qui entraîne le disciple dans celle que lui-même vit avec Dieu son Père.
On voit qu’on est loin d’un ascétisme et d’une recherche de sacrifices, de mortifications. Les croix sont plutôt la marque qu’on suit Jésus. Elles font que notre vie de tous les jours est unie à celle de Jésus.
Deuxième phrase à retenir : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera ».
C’est la phrase qui est la plus connue et qui a inspiré de nombreux saints et saintes au cours de leur vie. Saint François de Laval (1623-1708), apôtre de l’Amérique et premier évêque de Québec, l’avait gravée dans son cœur et il la répétait très souvent.
Perdre sa vie ou la sauver? Mais de quelle vie s’agit-il.? On n’en a qu’une seule. Il est donc important de la diriger dans le bon sens. Jésus ici invite à faire les choix qu’il propose et de mettre à la base de ceux-ci les Béatitudes qui sont la « carte d’identité» du véritable disciple de Jésus comme le dit le pape François.
En effet, pour présenter la sainteté aujourd’hui dans son Exhortation apostolique Gaudete et Exultate, le pape François retient les Béatitudes comme cadre de la sainteté chrétienne. Il en fait un commentaire stimulant. « À travers celles-ci, écrit le pape, se dessine le visage du Maître que nous sommes appelés à révéler dans le quotidien de nos vies. Le mot « heureux » ou “bienheureux”, devient synonyme de “saint”, parce qu’il exprime le fait que la personne qui est fidèle à Dieu et qui vit sa Parole atteint, dans le don de soi, le vrai bonheur. » (GE 63 et 64)
On n’aura jamais fini d’en tirer toutes les conséquences pour notre vie avec Dieu. L’extrait de la lettre de saint Jacques lu dans le deuxième lecture nous y invite par ces mots : « Si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? » « La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » constate cette lettre remarquable attribuée à saint Jacques.

Conclusion
Nous avons fait un parcours à l’écoute de Jésus sur les chemins des villages aux sources du Jourdain, et Jésus continue de cheminer avec nous sur les chemins des « villages d’aujourd’hui » que sont nos occupations diverses, nos loisirs, nos problèmes personnels ou communautaires comme celui des migrants et des réfugiés, nos relations familiales, nos défis environnementaux, nos choix pour la vie etc., ce sont des « villages » très animés dans notre société, mais qui attendent que l’on passe y révéler la Bonne Nouvelle qu’est Jésus lui-même, notre Seigneur et Sauveur.
Que cette Eucharistie soit encore une fois une occasion de cheminer tout à côté de Jésus qui y est présent réellement par sa Parole et par son Pain. À la table de la Parole et à la table du Pain nous l’écoutons et nous nous nourrissons de sa vie pour être, selon ce qu’il nous demande, des témoins, nous aussi, de l’amour de Dieu pour toute l’humanité.
Amen!

Mgr Hermann Giguère, P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

14 septembre 1998 – Fête de la  » Croix glorieuse  » – Basilique d’ARS

14 septembre, 2018

http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cclergy/documents/rc_con_cclergy_doc_14091998_ars_fr.html

Sainte fête de l'Exaltation de la Sainte Croix

Homélie en la Basilique d’ARS

Avec les séminaristes de la « Société S. Jean-Marie Vianney »

14 septembre 1998 – Fête de la  » Croix glorieuse « 

Mes biens chers frères,

 » Ce monde, tel qu’il est aujourd’hui, ce monde confié à l’amour et au ministère des pasteurs de l’Eglise, Dieu l’a tant aimé qu’il a donné pour lui son Fils unique  » (cf. Jn 3,16). Tels sont pratiquement les derniers mots du Concile Vatican II, dans son décret sur les prêtres (PO 22).
Le mystère de la Croix glorieuse nous invite à toujours revenir à cette réalité : Dieu a aimé le monde, jusqu’au sacrifice de son Fils. Dans son encyclique sur la miséricorde (n. 7), le Saint-Père soulignait :  » Dans la passion et la mort du Christ – dans le fait que le Père n’a pas épargné son Fils, mais « l’a fait péché pour nous », s’exprime la justice absolue, car le Christ subit la passion et la croix à cause des péchés de l’humanité. Il y a vraiment là une « surabondance » de justice, puisque les péchés de l’homme se trouvent « compensés » par le sacrifice de l’Homme-Dieu. Toutefois cette justice divine révélée dans la croix du Christ est « à la mesure » de Dieu, parce qu’elle naît de l’amour et s’accomplit dans l’amour, en portant des fruits de salut « . Croire dans le Fils crucifié signifie donc  » croire que l’amour est présent dans le monde, et que cet amour est plus puissant que les maux de toutes sortes dans lesquels l’homme, l’humanité et le monde sont plongés. Croire en un tel amour signifie croire dans la miséricorde.
Or de ce sacrifice du Christ, les prêtres sont dépositaires. Ils ont en eux la source vive qui peut porter la miséricorde au monde. À chaque Messe, ils rendent présent le monde d’aujourd’hui à cet unique sacrifice, ce signe si déconcertant de la tendresse de Dieu qui nous redit que Dieu veut faire miséricorde au monde. Et plus que cela : qui réalise cette victoire de la miséricorde, et qui rend possible, dans le cœur de tous les fidèles, un nouvel engagement en faveur de ce monde, en communion avec le Christ.
Nous nous trouvons devant la chasse du Saint Curé d’Ars. Son langage était différent de celui du Concile, mais la réalité dont il vivait était la même :  » Toutes les bonnes œuvres réunies n’équivalent pas au sacrifice de la messe, parce qu’elles sont les œuvres des hommes, et la sainte messe est l’œuvre de Dieu. Le martyre n’est rien à comparaison : c’est le sacrifice que l’homme fait à Dieu de sa vie : la messe est le sacrifice que Dieu fait pour l’homme de son corps et de son sang  » (Monnin I, 342). L’Eglise a traduit cela en rappelant, dans le décret Presbyterorum Ordinis, que la Messe est la  » cause finale  » des trois dimensions du sacerdoce. En rappelant également que ces dimensions sont inséparables : je ne peux prêcher, et je ne peux étendre la miséricorde, dans les oeuvres sociales, que si je l’ai d’abord expérimentée à la Messe. Nous avons un autre témoignage de Jean-Marie Vianney sur cette unité du ministère : il nous disait  » Je ne me repose que deux fois par jour : à l’autel et en chaire « .
Demandons au saint Curé qu’il nous fasse part de sa propre ferveur ; demandons-le pour nous, et pour tout le clergé du monde dont il est devenu le protecteur, puisqu’il avertissait déjà :  » La cause du relâchement du prêtre, c’est qu’on ne fait pas attention à la messe « . Puissions-nous nous engager à la célébrer quotidiennement, quand bien même il ne serait pas possible de le faire en présence de peuple (cf. Directoire pour le ministère et la vie des prêtres). C’est au contact de cette miséricorde que nous trouverons un autre élément indispensable pour travailler au service de ce monde à la manière que nous a recommandée le Concile : la foi du semeur, qui ne cherche pas à mesurer les résultats de son ministère parce qu’il sait que le Christ a vaincu le monde et  » qu’il peut tout faire, et bien au-delà de nos demandes et de nos pensées  » (Eph 20 ; cf. PO 22).

 

12