Archive pour juillet, 2018

HOMÉLIE POUR LE 14E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « D’OÙ CELA LUI VIENT-IL ? »

6 juillet, 2018

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Jesus lisant Isaie

HOMÉLIE POUR LE 14E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « D’OÙ CELA LUI VIENT-IL ? »

Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P.H. du Séminaire de Québec. Homélie du 8 juillet 2018 Année B. Homélie à la Chapelle du Lac Poulin et de la Chapelle du Lac Raquette par Mgr Hermann Giguère P.H., du Séminaire de Québec, recteur de ces dessertes.

Textes: Ézékiel 2, 2-5, 2 Corinthiens 12, 7-10 et Marc 6, 1-6.

Excursus : Un petit mot sur les frères et sœurs de Jésus. La tradition très ancienne de l’Église a toujours tenu que Jésus n’a pas eu de frères ou de sœurs au sens strict de ces termes. Le mot grec ici employé « adelphoi » sert à désigner des parents plus ou moins éloignés. Il s’agirait donc dans les évangiles d’un usage semblable à celui des vietnamiens ou des africains qui appellent volontiers leurs cousins et cousines, frères et sœurs. Voilà! Revenons maintenant à la scène racontée par saint Marc.

I – Une visite dans son patelin
L’évangile commence en disant que Jésus se rend dans son lieu d’origine avec ses disciples. On peut s’imaginer cette visite à Nazareth comme celles que nous faisons dans nos familles en venant ici au lac. C’est toujours agréable de retrouver des lieux qu’on aime et des gens connus. Jésus, peut-on penser, en profite pour faire connaitre aussi ses nouveaux amis, ses disciples, Pierre, Jacques, Jean, André etc.
Ce qui est différent de nos visites à la maison paternelle ou au chalet, c’est que Jésus ne se contente pas de faire des salutations d’usage et de prendre du temps pour se rappeler des souvenirs avec un tel ou une telle, de vivre de bons moments, ce qu’il a fait j’en suis sûr, mais, il fait passer sa visite à une vitesse supérieure, pourrait-on dire, car, après les papotages de circonstance : la température, les nouveautés du village, les décès etc. il prend la parole pour exprimer ce qu’il l’habite maintenant qu’il est parti pour réaliser une mission qu’il avait en lui, mais qu’il n’avait pas fait connaitre quand il était le charpentier que tous fréquentaient vivant près de sa famille et de sa parenté.
Ne voilà-t-il pas que maintenant il se permet de parler en clair de cette mission qui lui a été confirmée par son cousin Jean-Baptiste qui l’a appelé l’Agneau de Dieu et par la parole de Dieu qui s’est faite entendre lors de son baptême : « Voici mon Fils bien-aimé, écoutez-le ».?
Jésus depuis lors s’est mis à révéler ce qui l’habite : sa proximité avec Dieu et son Alliance qui veut rejoindre tout le monde et manifester l’amour de Dieu pour chacun et chacune, un amour qui n’écrase pas, mais qui libère, qui n’est pas fait uniquement de rites et d’observances, un amour gratuit que les disciples reçoivent et qu’ils vivent en faisant la même chose que leur Père, en s’aimant les uns les autres.

II – Des paroles qui dérangent
Quel message! C’est ce message qui sidère les auditeurs et les auditrices de Nazareth qui se demandent d’où lui viennent ces pensées, d’où lui vient cette assurance? Il parle avec autorité. On ne le reconnait pas. Il n’est plus seulement ce jeune homme pieux et fidèle à la prière chaque semaine à la synagogue, serviable et aimable pour tous et toutes. Il parle avec son cœur et il parle au nom de Dieu.
Certains s’en offusquent. Ils sont choqués.
Jésus loin de les envoyer paître se contente de noter leur manque de foi. Il ne se laisse pas arrêter par ce contretemps. Il laisse son village. Sa visite se termine là et il part pour aller dans d’autres villages. Il se situe ainsi dans la lignée des prophètes comme Ezékiel, dont il est question dans la première lecture. Celui-ci ne se décourage pas. Il reste fidèle à annoncer le salut de Dieu même à des gens au « visage dur » et au « cœur obstiné » qui s’en désintéresse. Jésus se chauffera du même bois et cela le mènera jusqu’à la croix, mais, pour l’instant, il n’insiste pas. Chaque chose en son temps.

II – Application
Dans cette visite de Jésus à Nazareth, on a ce matin une belle scène vivante et très près de nous. On peut s’identifier à Jésus qui revient chez lui et comprendre que le contact avec les proches à qui on se confie dans ce qui nous fait vivre comme le fait Jésus n’est pas toujours facile.
Des amis chrétiens qui sont très impliqués dans leur foi, qui exercent diverses professions et métiers et qui se rencontrent une fois par semaine pour se ressourcer m’ont raconté leur façon de faire au travail et ou dans des rencontres sociales. Pour dire leur foi, par exemple, ils soulignent un lundi matin qu’ils ont été à la messe en fin de semaine ou encore qu’ils vont faire suivre la catéchèse à leur fils ou à leur fille, par exemple etc.
La réaction de leurs amis leur permettra de doser leur annonce de l’évangile. Ils ont trois façons qui correspondent à la lumière rouge ou jaune ou verte, disent-ils, dépendant des réactions des personnes avec qui elles parlent. Dans certains cas, on en restera au neutre – c’est la lumière rouge – en attendant une autre occasion pour parler de la foi. Dans d’autres cas, on verra une avance possible mais sans trop d’intérêt, on se contentera alors de continuer un peu sur le sujet – c’est la lumière jaune – mais sans aller plus loin. Enfin dans d’autres cas, ce sera l’occasion de parler plus à fond de ce qui les fait vivre – c’est la lumière verte – et ainsi de témoigner de l’Évangile et de devenir des disciples-missionnaires comme le souhaite le pape François.

Conclusion
Cet épisode de la visite de Jésus dans son village de Nazareth est pour nous l’occasion de reconnaitre que son enseignement vient de Dieu. Il est l’Envoyé de Dieu parmi nous. C’est pourquoi, nous pouvons le suivre avec confiance malgré les questionnements, les doutes parfois qui nous envahissent, car il n’est pas facile aujourd’hui d’affirmer qu’on est croyants et disciples de Jésus.
Que cette Messe nous aide à être de plus en plus convaincus de ce que nous avons reçu en étant baptisés dans la foi en Jésus-Christ vivant et ressuscité. On voit Jésus ici ce matin parcourant les chemins des villages de Galilée. Il parcourt encore nos chemins et il nous dit le même message à savoir que Dieu a tellement aimé le monde qu’Il nous a donné son Fils unique pour que nous ayons la vie éternelle (cf. Jean 6, 12).

C’est ce que je vous souhaite à toutes et à tous.

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

 

L’HEURE ET LA GLOIRE

5 juillet, 2018

https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/831.html

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ancienne horloge à Prague

L’HEURE ET LA GLOIRE

Théologie

Approfondir

Le terme  » heure  » est employé vingt-six fois dans le Quatrième évangile. Il exprime quelquefois l’heure que l’on peut mesurer chronologiquement : ainsi il y a douze heures dans la journée (11,9) ; les premiers disciples rencontrent Jésus à la dixième heure (1,39), la Samaritaine va puiser de l’eau à la sixième heure (4,6), le fils du fonctionnaire royal est guéri à la septième heure (4,52), etc. Les dimensions symbolique ou métaphorique de ces références ne sont pas absentes, mais l’usage premier reste celui d’un horaire de la journée.

L’Heure
Cependant, l’évangéliste utilise le plus souvent le mot  » heure  » pour indiquer un temps qu’une horloge ne pourrait pas mesurer. La plupart des traductions l’écrivent alors avec une majuscule. Cette Heure fait référence au moment de l’accomplissement du projet de salut de Dieu et, pour le Quatrième évangile, ce temps de Dieu se réalise à la crucifixion. C’est l’Heure du retour de Jésus vers le Père (13,1), donc celui de l’élévation (3,14 ; 12,32-33).
Dans le Livre des signes, ce terme apparaît déjà aux noces de Cana, quand Jésus dit à sa mère que son Heure n’est pas encore arrivée (2,4). Bien des éléments de ce texte (Jn 2,1-12) préparent le moment  » crucial  » où l’Heure sera là, l’heure paradoxale de la gloire sur la croix (Jn 19,25-27.34). Dans les deux épisodes, La mère de Jésus est présente, et nous pouvons rapprocher l’eau transformée en vin du sang et de l’eau qui sortent du côté du crucifié. Cela nous aide à comprendre la croix comme l’Heure où le sang versé est le bon vin donné en abondance.
Alors que Jésus est à Jérusalem, on ne réussit pas à l’arrêter, tant que son Heure n’est pas encore arrivée (7,30, voir aussi 8,20). Mais quand les Grecs demandent à Philippe de voir Jésus, celui-ci répond que l’Heure est là (12,23), qu’il veut la vivre, car il est venu pour cette Heure (12,27).
Dans le discours après la Cène, cependant, l’Heure ne fait pas seulement référence à la mort de Jésus sur la croix mais aux persécutions que subiront les disciples et à leur mort (16,2.4). Elle est mise en relation avec l’enfantement et permet de parler de la mort sur la croix comme d’un accouchement douloureux précédent la joie de la naissance (16,21). Elle est le temps où Jésus ne parlera plus du Père à ses disciples par comparaisons, mais ouvertement. Elle est malheureusement marquée par l’abandon des disciples (16,32). Toutefois, Jésus ne sera pas seul. Le Père est avec lui. Jésus prie donc son Père en reconnaissant que l’Heure est venue (17,1). C’est finalement à partir de cette Heure (dans les deux sens du terme) que le Disciple aimé reçoit la mère de Jésus comme sa propre mère (19,27).

La gloire
On peut également donner à la deuxième partie de l’évangile le titre de  » Livre de la gloire « , car l’Heure est le moment de la  » glorification  » (12,23).
Dans la Bible, la gloire est un attribut de Dieu. Elle se manifeste dans la nuée, le feu et la lumière (Ex 24,15-16 ; Ez 1,28). Elle remplit la terre (Is 6,3 ; Ps 108,2) et se trouve associée avec la sainteté et les œuvres du Seigneur (Ex 14,21-22 ; Is 6,3 ; Ps 19,2) qui rend justice et donne le salut (Ez 39,21 ; Ps 79,9).
Le terme  » gloire  » et le verbe  » glorifier  » sont employés plus d’une trentaine de fois dans le Quatrième évangile. Celui-ci affirme, dès le Prologue, que la gloire de Dieu est visible dans le Logos incarné (Jn 1,14). C’est donc bien de Dieu et non des hommes que Jésus reçoit la gloire. Il l’affirme lui-même (5,41) et accuse ses interlocuteurs de rechercher une gloire humaine au lieu de recevoir celle de Dieu (5,44).
La gloire de Dieu n’est pas une question de solennité, d’honneurs et d’admiration. La gloire vient de Dieu lui-même, et elle se communique par son amour. Ainsi l’amour du Père pour le Fils attribue à ce dernier la gloire du Père (Jn 17,24). Quand, dans sa prière, Jésus demande au Père de le glorifier, il parle aussi de glorifier le Père (17,1.4.5) et témoigne de cette façon d’un don réciproque ou amour mutuel. Mais l’amour du Père et du Fils ne les replie pas sur eux-mêmes, il se traduit par le don de la gloire aux disciples de telle façon que ceux-ci pourront entrer dans l’amour et la communion du Père et du Fils (17,22).
Par le signe de Cana, Jésus manifeste sa gloire et amène les disciples à croire en lui (Jn 2,11). Mais le vin abondant des noces oriente le lecteur vers la croix où s’exprime la plénitude de l’amour manifesté par Jésus aux siens (Jn 13,1) et se révèle comme le lieu de la glorification. La mort au Golgotha n’est donc pas un échec. De fait, au moment où Judas sort pour aller livrer son maître, Jésus ne parle pas de malheur, mais de gloire :  » Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui ; si Dieu est glorifié en lui, Dieu en retour lui donnera sa propre gloire  » (Jn 13,31-32).
L’évangile se termine sur les bords du lac de Galilée (Jn 21), mais cet épisode ne met pas un point final à la Bonne Nouvelle. Le Ressuscité, en effet, indique à Pierre qu’il pourra à son tour glorifier Dieu. Il l’invite par un solennel  » Suis-moi  » (Jn 21,19) à marcher sur ses traces jusqu’à la mort que le disciple pourra vivre comme glorification.

Bernadette Escaffre, SBEV / Éd. du Cerf,Cahier Évangile n° 146 (décembre 2008) « Évangile de J.-C. selon St Jean. 2 – Le Livre de l’Heure (Jn 13–21) », pages 4-6.

BENOÎT XVI – THOMAS APÔTRE – 3 JUILLET

3 juillet, 2018

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2006/documents/hf_ben-xvi_aud_20060927.html

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THOMAS APÔTRE

BENOÎT XVI – THOMAS APÔTRE – 3 JUILLET

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 27 septembre 2006

Chers frères et soeurs,

Poursuivant nos rencontres avec les douze Apôtres choisis directement par Jésus, nous consacrons aujourd’hui notre attention à Thomas. Toujours présent dans les quatre listes établies par le Nouveau Testament, il est placé dans les trois premiers Evangiles, à côté de Matthieu (cf. Mt 10, 3; Mc 3, 18; Lc 6, 15), alors que dans les Actes, il se trouve près de Philippe (cf. Ac 1, 13). Son nom dérive d’une racine juive, ta’am, qui signifie « apparié, jumeau ». En effet, l’Evangile de Jean l’appelle plusieurs fois par le surnom de « Didyme » (cf. Jn 11, 16; 20, 24; 21, 2), qui, en grec, signifie précisément « jumeau ». La raison de cette dénomination n’est pas claire.
Le Quatrième Evangile, en particulier, nous offre plusieurs informations qui décrivent certains traits significatifs de sa personnalité. La première concerne l’exhortation qu’il fit aux autres Apôtres lorsque Jésus, à un moment critique de sa vie, décida de se rendre à Béthanie pour ressusciter Lazare, s’approchant ainsi dangereusement de Jérusalem (cf. Mc 10, 32). A cette occasion, Thomas dit à ses condisciples: « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui! » (Jn 11, 16). Sa détermination à suivre le Maître est véritablement exemplaire et nous offre un précieux enseignement: elle révèle la totale disponibilité à suivre Jésus, jusqu’à identifier son propre destin avec le sien et à vouloir partager avec Lui l’épreuve suprême de la mort. En effet, le plus important est de ne jamais se détacher de Jésus. D’ailleurs, lorsque les Evangiles utilisent le verbe « suivre » c’est pour signifier que là où Il se dirige, son disciple doit également se rendre. De cette manière, la vie chrétienne est définie comme une vie avec Jésus Christ, une vie à passer avec Lui. Saint Paul écrit quelque chose de semblable, lorsqu’il rassure les chrétiens de Corinthe de la façon suivante: « Vous êtes dans nos coeurs à la vie et à la mort » (2 Co 7, 3). Ce qui a lieu entre l’Apôtre et ses chrétiens doit, bien sûr, valoir tout d’abord pour la relation entre les chrétiens et Jésus lui-même: mourir ensemble, vivre ensemble, être dans son coeur comme Il est dans le nôtre.
Une deuxième intervention de Thomas apparaît lors de la Dernière Cène. A cette occasion, Jésus, prédisant son départ imminent, annonce qu’il va préparer une place à ses disciples pour qu’ils aillent eux aussi là où il se trouve; et il leur précise: « Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin » (Jn 14, 4). C’est alors que Thomas intervient en disant: « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas; comment pourrions-nous savoir le chemin? » (Jn 14, 5). En réalité, avec cette phrase, il révèle un niveau de compréhension plutôt bas; mais ses paroles fournissent à Jésus l’occasion de prononcer la célèbre définition: « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). C’est donc tout d’abord à Thomas que cette révélation est faite, mais elle vaut pour nous tous et pour tous les temps. Chaque fois que nous entendons ou que nous lisons ces mots, nous pouvons nous placer en pensée aux côtés de Thomas et imaginer que le Seigneur nous parle à nous aussi, comme Il lui parla. Dans le même temps, sa question nous confère à nous aussi le droit, pour ainsi dire, de demander des explications à Jésus. Souvent, nous ne le comprenons pas. Ayons le courage de dire: je ne te comprends pas, Seigneur, écoute-moi, aide-moi à comprendre. De cette façon, avec cette franchise qui est la véritable façon de prier, de parler avec Jésus, nous exprimons la petitesse de notre capacité à comprendre et, dans le même temps, nous nous plaçons dans l’attitude confiante de celui qui attend la lumière et la force de celui qui est en mesure de les donner.
Très célèbre et même proverbiale est ensuite la scène de Thomas incrédule, qui eut lieu huit jours après Pâques. Dans un premier temps, il n’avait pas cru à l’apparition de Jésus en son absence et il avait dit: « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté; non, je ne croirai pas! » (Jn 20, 25). Au fond, ces paroles laissent apparaître la conviction que Jésus est désormais reconnaissable non pas tant par son visage que par ses plaies. Thomas considère que les signes caractéristiques de l’identité de Jésus sont à présent surtout les plaies, dans lesquelles se révèle jusqu’à quel point Il nous a aimés. En cela, l’Apôtre ne se trompe pas. Comme nous le savons, huit jours après, Jésus réapparaît parmi ses disciples, et cette fois, Thomas est présent. Jésus l’interpelle: « Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta main, et mets-la dans mon côté: cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jn 20, 27). Thomas réagit avec la plus splendide profession de foi de tout le Nouveau Testament: « Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jn 20, 28). A ce propos, saint Augustin commente: Thomas « voyait et touchait l’homme, mais il confessait sa foi en Dieu, qu’il ne voyait ni ne touchait. Mais ce qu’il voyait et touchait le poussait à croire en ce que, jusqu’alors, il avait douté » (In Iohann. 121, 5). L’évangéliste poursuit par une dernière parole de Jésus à Thomas: « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu » (Jn 20, 29). Cette phrase peut également être mise au présent: « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Quoi qu’il en soit, Jésus annonce un principe fondamental pour les chrétiens qui viendront après Thomas, et donc pour nous tous. Il est intéressant d’observer qu’un autre Thomas, le grand théologien médiéval d’Aquin, rapproche de cette formule de béatitude celle apparemment opposée qui est rapportée par Luc: « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez » (Lc 10, 23). Mais saint Thomas d’Aquin commente: « Celui qui croit sans voir mérite bien davantage que ceux qui croient en voyant » (In Johann. XX lectio VI 2566). En effet, la Lettre aux Hébreux, rappelant toute la série des anciens Patriarches bibliques, qui crurent en Dieu sans voir l’accomplissement de ses promesses, définit la foi comme « le moyen de posséder déjà ce qu’on espère, et de connaître des réalités qu’on ne voit pas » (11, 1). Le cas de l’Apôtre Thomas est important pour nous au moins pour trois raisons: la première, parce qu’il nous réconforte dans nos incertitudes; la deuxième, parce qu’il nous démontre que chaque doute peut déboucher sur une issue lumineuse au-delà de toute incertitude; et, enfin, parce que les paroles qu’il adresse à Jésus nous rappellent le sens véritable de la foi mûre et nous encouragent à poursuivre, malgré les difficultés, sur notre chemin d’adhésion à sa personne.
Une dernière annotation sur Thomas est conservée dans le Quatrième Evangile, qui le présente comme le témoin du Ressuscité lors du moment qui suit la pêche miraculeuse sur le Lac de Tibériade (cf. Jn 21, 2). En cette occasion, il est même mentionné immédiatement après Simon-Pierre: signe évident de la grande importance dont il jouissait au sein des premières communautés chrétiennes. En effet, c’est sous son nom que furent ensuite écrits les Actes et l’Evangile de Thomas, tous deux apocryphes, mais tout de même importants pour l’étude des origines chrétiennes. Rappelons enfin que, selon une antique tradition, Thomas évangélisa tout d’abord la Syrie et la Perse (c’est ce que réfère déjà Origène, rapporté par Eusèbe de Césarée, Hist. eccl. 3, 1), se rendit ensuite jusqu’en Inde occidentale (cf. Actes de Thomas 1-2 et 17sqq), d’où il atteignit également l’Inde méridionale. Nous terminons notre réflexion dans cette perspective missionnaire, en formant le voeu que l’exemple de Thomas corrobore toujours davantage notre foi en Jésus Christ, notre Seigneur et notre Dieu. 

Dieu est « créateur du ciel et de la terre », qu’est-ce que ça veut dire ? La première pensée chrétienne sur le démiurge (extrait)

2 juillet, 2018

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Dieu Createur

Dieu est « créateur du ciel et de la terre », qu’est-ce que ça veut dire ? La première pensée chrétienne sur le démiurge (extrait)

4) Lecture de deux textes : Rm 1, 18-19 et Col 1, 15-19.

a) Rm 1, 18-19. La création (ktisis) du cosmos.
On pourrait citer un exemple très intéressant qui se trouve dans le premier chapitre de la lettre aux Romains. C’est curieusement un texte qui est utilisé très souvent par les théologiens et même par le concile de Vatican Ier pour dire qu’il y a une connaissance naturelle de Dieu. Mais ce n’est pas la question : cette question-là n’intéresse pas saint Paul.
« 18En effet, la colère de Dieu se dévoile du haut du ciel sur toute impiété et tout désajustement des hommes qui détiennent la vérité dans le désajustement. 19Car le connaissable de Dieu est manifesté en eux car (c’est-à-dire) Dieu le leur a manifesté ; 20en effet les invisibles [de Dieu] sont vus à partir de la création (ktisis) du cosmos, par les œuvres (poiêmasin), et son éternelle dunamis (puissance), et sa divinité, en sorte qu’ils [les hommes] soient inexcusables (anapologêtous), 21parce que, connaissant Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu, ni eucharistié, mais ils se sont évanouis dans leurs dialogismes, et leur cœur insensé s’est enténébré. 22Prétendant être sages (allusion à la philo-sophia), ils sont devenus fous.» (Rm 1).[9]
Vous avez ici une analyse de l’entrée du péché dans le monde. Très souvent l’entrée du péché dans le monde se dit en référence à la figure d’Adam, sous plusieurs formes d’ailleurs[10], mais ici c’est « ils » et c’est le même péché qui est en question. En quoi consiste le péché essentiel ? « Ils n’eucharistièrent pas » c’est-à-dire qu’ils ne furent pas au monde sur le mode du don puisque eucharistier c’est rendre grâce. Les deux modes d’être au don c’est « demander » ou « remercier », donc la demande et l’action de grâces. Ici c’est « ils n’eucharistièrent pas » alors que le monde leur a été donné. Mais que le monde donné soit dévoilé comme figure de Dieu n’est pas du tout de l’ordre de la connaissance naturelle, c’est un dévoilement.
Autrement dit ce qui concerne le monde et la ktisis (la présence de l’homme au monde) c’est quelque chose qui a sa place éminemment dans le Nouveau Testament mais qui est manqué dès l’origine ; et c’est ce qui est repris dans l’Eucharistie, c’est-à-dire dans l’action de grâces qui est l’action de grâces que le Christ accomplit en accomplissant l’œuvre. Voilà la perspective ouverte par cette page. C’est très intéressant pour la notion de péché. Tous les termes seraient à méditer.
Voilà ce que j’avais à dire. Il est important de ne pas prendre le Père « tout-puissant, créateur » en premier comme le « tout-puissant fabricateur du monde ». Ce qui est en premier c’est la paternité, c’est la divine régie du prince du monde nouveau, et de tout ce qui relève de ce qui est donné, y compris cela qui s’appelle la ktisis c’est-à-dire l’humanité toute entière, d’abord au sens paulinien, et puis le monde.
Est-ce que je me fais comprendre sur cette position par rapport à l’idée de création ? Vous ne voyez peut-être pas immédiatement pourquoi j’insiste sur ce point, enfin vous apercevez quelque chose. Et je rappelle que le tout premier Credo dit « Je crois en Dieu, Père et Pantokratôr » « point ».

b) Col 1, 15-19 : Créateur du ciel et de la terre.
La formule « créateur du ciel et de la terre » donne une idée de la création qui est assez éloignée sans doute de ce que nous en pensons. On trouve ciel-terre partout chez Jean. Et le lieu fondamental, chez Paul se trouve au chapitre premier de la lettre aux Colossiens où il s’agit du Christ.
« 15Il est l’image du Dieu invisible – il est donc le visible de l’invisible : « Faisons l’homme à notre image » (Gn 1, 26) signifie chez les anciens « Faisons le Christ ressuscité » car « l’homme à l’image » c’est le Christ. En effet image et fils ont un rapport, on trouve cela par exemple dans « Adam vécut 130 ans, à sa ressemblance et selon son image il engendra un fils » (Gn 5, 3). L’image n’a pas le sens dégradé d’une image par rapport à un modèle, l’image c’est la venue à visibilité de la chose elle-même – premier-né de toute ktisis – de toute création c’est-à-dire de toute l’humanité – 16car en lui la totalité a été créée dans les cieux et sur la terre – on peut dire qu’il est arkhê, donc « En lui la totalité a été créée » ce qu’on traduit par : « Dans l’arkhê (dans le principe) la totalité fut créée (c’est-à-dire le ciel et la terre) ». Nous avons donc ici une lecture christologique de la première ligne de la Genèse : « Dans l’arkhê Dieu créa le ciel et terre ». Et la suite du texte commente « dans les cieux et sur la terre » – les visibles et les invisibles – le ciel c’est les invisibles, et la terre c’est les visibles ; il n’est pas question ici d’une sorte d’infériorité. Or la liste du Credo de Cyrille de Jérusalem garde ceci : « créateur du ciel et de la terre, de tous les visibles et invisibles » ; et le concile de Nicée, qui s’appuie sans doute sur le Credo de Cyrille comme certains le pensent, nous donne ce que nous disons : « créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible » ; donc il reprend cela, il ne le crée pas purement et simplement. C’est une tradition qui progressivement s’installe, se précise. Au fond ceux que Paul appelle les invisibles ce sont ceux qu’il appelle : – les trônes, les seigneuries, les principautés et les puissances. La totalité a été créée par lui et en vue de lui, 17et il est avant toute chose etla totalité se tient en lui – voilàles invisibles ; et les visibles sont les hommes – 18et lui est la tête du corps qui est l’Ekklêsia – « en tête » c’est la traduction du mot « én arkhê » qui traduit le mot hébreu bereshit, mot qui a pour racine rosh (la tête) ; « entête », c’est ainsi que Chouraqui traduit bereshit. La « tête du corps », c’est la même chose que le principe (ou le prince) de la totalité, car le corps signifie ici la totalité de l’humanité. « Le corps qui est l’Ekklêsia » c’est-à-dire l’humanité convoquée – lui qui est arkhê – képhalê (tête) et arkhê, sont deux mots qui traduisent le reshit de bereshit ; et ceci, qui est une lecture de la Genèse, est en fait une lecture à partir de la Résurrection – premier-né d’entre les morts– vous voyez le rapprochement fulgurant qui est fait ici – en sorte qu’il soit en tout prééminent, 19puisque Dieu a trouvé bon qu’habite en lui tout le plérôme (la plénitude). » Le Plêrôma c’est ici la plénitude des dénominations, des trônes, des seigneuries etc. mais aussi de l’humanité. « Le plêrôma habite en lui » : habiter est un verbe du Pneuma, c’est le Pneuma qui habite. Le Plêrôma c’est le Pneuma, c’est la plénitude. Elle habite dans le Christos, c’est-à-dire que le Pneuma descend en plénitude sur le Christos, et la mort du Christos est la condition pour que le Pneuma se répande sur la totalité de l’humanité. Le Pneuma descend dans la parole « Tu es mon Fils » lors du Baptême, et cette plénitude est pour l’Ekklêsia, c’est-à-dire pour la convocation de l’humanité tout entière.
La notion de corps mystique (comme on a dit par la suite) ne se base pas sur une sorte de comparaison avec la membrure d’un corps humain, avec une planche anatomique. C’est la méditation du mot « én arkhêi » le premier mot de la Genèse.
Il est l’arkhê de la totalité, c’est-à-dire la tête du corps, il est le principe de la plénitude (du Plérôme), le Plérôme étant en même temps l’Esprit de résurrection qui se répand sur la totalité.
C’était donc à propos de « créateur du ciel et de la terre ». Mais chez Paul, quand il est question de la création, il est question de la création à partir de ce qui se dit ultimement, c’est-à-dire « le premier-né d’entre les morts » et donc le Prince (ou le principe) de la résurrection pour la totalité de l’Ekklêsia.

Le ciel c’est aussi le plus intime.
Ciel et terre : nous avions dit à l’occasion de « Notre Père qui es aux cieux » que ciel nomme certes le lointain, mais nomme plutôt l’insu que le lointain, c’est-à-dire l’invisible Or ce qui est plus proche de nous que ce que nous voyons est plus loin que le lointain. Je veux dire par là que c’est le plus intime de nous-mêmes qui est à nous-mêmes le plus lointain. C’est pourquoi quand nous disons le Notre Père, si nous levons les yeux aux cieux, nous pouvons aussi les fermer sur le plus intime de nous-mêmes, c’est la même chose[11].

 

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