Archive pour juin, 2018

HOMÉLIE POUR LE 10E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « UN COMBAT JAMAIS FINI »

8 juin, 2018

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HOMÉLIE POUR LE 10E DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE ANNÉE B « UN COMBAT JAMAIS FINI »

Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P.H. du Séminaire de Québec. Homélie du 10 juin 2018 Année B. Textes: Genèse 3, 9-15,2 Corinthiens 4, 13 – 5, 1 et Marc 3, 20-35 .

Vous remarquerez que le président de la célébration porte une chasuble verte. La couleur verte, synonyme d’espérance, nous accompagnera pour le reste de l’année liturgique jusqu’à l’Avent 2018.
Les dimanches se succéderont avec, dans chaque cas, des textes de la Parole de Dieu qui nous permettront d’approfondir notre foi et notre rencontre de Jésus Ressuscité. En général, la première lecture et celle de l’évangile nous donnent le thème de notre réflexion. C’est le cas aujourd’hui.
Ce matin, les lectures mettent devant nos yeux une réalité assez dure, mais constante dans la Parole de Dieu et dans l’enseignement de Jésus. Cette réalité est celle du combat, de la lutte contre les forces du mal à l’œuvre dans le monde et dans nos vies. Voilà le fil conducteur que nous suivrons. Je l’éclairerai avec la première lecture où Adam est en scène et avec les réflexions de Jésus sur Satan, le leader des forces du mal qu’il nomme Belzébul, et sur le péché contre l’Esprit Saint. Nous laisserons de côté le message sur les frères et soeurs de Jésus dont il est question à la fin de l’évangile.
I – Le combat perdu de notre père Adam
La Bible nous présente dans la réponse d’Adam et Ève aux sollicitations du Serpent une forme de réponse à la question « D’où vient le mal ? ». Une question qui touche tout le monde et qui est aussi une question qui de tout temps a été posée par les générations qui se sont succédé.
Toute une question, me direz-vous. Ce n’est pas ici que j’y répondrai en détail, mais je ne puis l’éviter puisque le récit de la Genèse nous apporte une explication qui a nourri la foi des Hébreux dans l’Ancien Testament et qui nourrit encore notre foi aujourd’hui.
En deux mots : le mal qui est en nous ne vient pas de Dieu. Il est entré en nous par un choix libre de notre père Adam. Ce choix a obscurci la beauté de la nature créée par Dieu et a mis une ombre réelle dans la vie de ses créatures qui se retrouvent ainsi forcées de le combattre à répétition.
On voit dans notre lecture que le péché d’Adam et Ève entraîne un changement qui est comme une peine qu’ils doivent porter et qu’ils transmettent à leurs descendants et descendantes nous dit notre foi. Saint Augustin a fait de cette réalité la base de sa théologie et de sa prédication.
Pour nous disciples de Jésus, on retient ce que saint Paul dit aux Romains : « En effet, de même que par la désobéissance d’un seul être humain la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle rendue juste ». (Romains 5, 19) Le mal est entré dans le monde par un seul et il est vaincu par un seul, le Christ. Le rôle de Sauveur de Jésus ne se comprend qui si on porte notre regard sur cette réalité du mal et de son origine. Face à la présence du mal, nous sommes invités à reconnaître en Jésus Ressuscité celui qui est plus fort que le mal et qui vient nous en libérer.
II – Les forces du mal à l’œuvre
Dans l’évangile de ce jour, la discussion que Jésus a avec les pharisiens, nous permet de faire un pas de plus et manifeste que le mal n’est pas seulement en nous par notre choix. Il est aussi l’œuvre du Malin, de Satan, de Belzébul. Le mal provient alors d’une cause extérieure à nous. Il se propage par toutes sortes d’artifices. Satan met à l’œuvre des forces mystérieuses qui s’en font les moteurs.
Jésus apparaît ici comme celui qui est capable de les reconnaitre. C’est pourquoi, il les dénonce et les confronte. Il est ainsi présenté par saint Marc comme le vainqueur de Satan. Jésus ne se contente pas de dénoncer le mal, il l’écrase par son action, par ses miracles.
Les pharisiens reconnaissent cette puissance à l’œuvre, mais ils se trompent de cible en l’attribuant à Satan lui-même. Jésus leur répond de façon adroite que ce ne peut être le cas car ainsi Satan travaillerait contre lui-même. « C’est par la puissance de Dieu que je fais toutes ces guérisons et ces libérations » dit Jésus.
III – Le refus du salut
Il y a une libération qui paraît quasi impossible à faire. Jésus l’appelle le « péché contre l’Esprit Saint ». De quoi s’agit-il?
On peut penser qu’il s’agit ici d’un choix de vie réfléchi qui ouvre la porte au mal de façon continue et sans remords. Un choix qui s’inscrit comme un refus conscient du salut. Voilà ce que serait le péché contre l’Esprit Saint.
Il est difficile d’aller plus loin, car cette phrase de Jésus reste mystérieuse. Elle se veut toutefois une mise en garde qui a un côté dramatique et une interpellation à enregistrer dans notre mémoire.
Bien sûr la miséricorde de Dieu ne souffre pas de limites, mais ici Jésus laisse entendre que cette miséricorde peut trouver un tel refus qu’elle cesse d’être active et laisse la personne à ses seules ressources humaines.
Conclusion
En terminant, retenons que le mal ne vient pas de Dieu. Les forces du mal se concrétisent dans l’action du Malin et de ses subordonnés. Mais elles restent sans effet si le sujet n’y donne pas son acquiescement.
Le parcours du mal se dessine dans la vie du monde et dans nos vies personnelles. Il est toujours là comme tapi derrière la porte, prêt à se manifester. C’est ce qui arrive trop souvent.
Dans la nouvelle version du Notre Père déjà utilisée en France (et qui le sera bientôt au Canada), on dit à Dieu « Ne nous laisse pas entrer en tentation » et non seulement « Ne nous soumets pas à la tentation ». Cette nuance met le doigt sur ce qui nous est nécessaire dans notre combat contre le mal : un discernement qui nous permet de reconnaître le mal lorsqu’il se pointe.
Je nous souhaite, en terminant, que Jésus soit toujours pour nous Celui vers qui nous nous tournons avec confiance. Et je vous invite à répéter souvent la prière ancienne dite Prière de Jésus « Jésus Christ. Fils de Dieu Sauveur, aie pitié de moi pécheur ».

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l’Université Laval
Séminaire de Québec

Un secret à redécouvrir: la sainteté de Mère Teresa

5 juin, 2018

http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/16498575af.html?fr=y

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Un secret à redécouvrir: la sainteté de Mère Teresa

Un livre révèle au grand public ce que le procès en béatification avait déjà mis en évidence: sa solitude intérieure, son sentiment d’être abandonnée par Dieu. C’est pour cela qu’elle a encore plus été une pauvre parmi les pauvres, à tous points de vue. Le commentaire du prédicateur de la Maison pontificale, le père Raniero Cantalamessa
par Sandro Magister

ROMA, le 4 septembre 2007 – Il y a trois jours, s’adressant à trois cents mille jeunes réunis à Lorette, Benoît XVI a rappelé que même une sainte comme Mère Teresa de Calcutta, malgré « toute sa charité et sa force de foi… souffrait du silence de Dieu ».
Il a ajouté: « Un livre a été publié sur les expériences spirituelles de Mère Teresa, où ce que nous savions déjà apparaît de manière plus explicite ».
Le livre cité par le pape s’intitule « Mother Teresa: Come Be My Light [Mère Teresa: viens, sois ma lumière]« . Il est en vente depuis le 4 septembre dans son édition anglaise, éditée et préfacée par le père Brian Kolodiejchuk, des Missionnaires de la Charité, postulateur du procès de canonisation de Mère Teresa.
L’ouvrage rassemble certaines lettres que la religieuse, morte il y a dix ans et aujourd’hui bienheureuse, a écrites à différents moments à ses directeurs spirituels. Elles témoignent de cette longue phase de sa vie au cours de laquelle elle a vécu la « nuit de la foi ».
La simple annonce de ce livre, avant même qu’il soit sorti, a déchaîné un tourbillon de discussions dans différents pays du monde. Comme s’il contenait des révélations sans précédents, susceptibles de briser l’image de la bienheureuse.
Et pourtant, il n’y a rien de nouveau, comme l’a fait remarquer Benoît XVI. Les lettres publiées aujourd’hui et d’autres écrits du même ordre étaient déjà présents dans les huit volumes du procès de béatification de Mère Teresa. Le jour de sa béatification, le 19 octobre 2003, il était textuellement écrit dans la biographie officielle diffusée par le Vatican:
« Il y avait un côté héroïque de cette grande femme qui fut révélé seulement après sa mort. Cachée aux yeux de tous, cachée même à ses plus proches, sa vie intérieure fut marquée par l’expérience d’un sentiment profond, douloureux et constant d’être séparée de Dieu, même rejetée par lui, accompagné d’un désir toujours croissant de son amour. Elle appela son expérience intérieure, ‘l’obscurité’. La nuit douloureuse de son âme qui débuta à peu près au moment où elle commençait son travail pour les pauvres et qui continua jusqu’à la fin de sa vie, conduisit Mère Teresa à une union toujours plus profonde avec Dieu. A travers cette obscurité, elle participa mystiquement à la soif de Jésus dans son désir d’amour douloureux et ardent, et elle partagea la désolation intérieure des pauvres ».
De cette obscurité intérieure qui a duré un demi-siècle – alors que le monde entier admirait sa joie chrétienne rayonnante – Mère Teresa n’a informé que ses directeurs spirituels. Elle leur a ordonné de détruire ensuite ses lettres, ce qu’ils n’ont pas fait.
L’obscurité de la foi a marqué la vie de nombreux autres saints, même des plus grands. Mais il y a toujours quelque chose de particulier en chacun. Chez Mère Teresa aussi.
Dans le commentaire qui suit, un auteur d’exception essaie de traiter la particularité de Mère Teresa, par rapport justement aux doutes qu’elle éprouvait dans sa foi. Il s’agit du père Raniero Cantalamessa, franciscain, historien des origines du christianisme et prédicateur officiel de la Maison pontificale.
Ce commentaire est paru le dimanche 26 août dans « Avvenire », au moment des discussions qui ont suivi l’annonce du livre.
Dans le commentaire, le père Cantalamessa soutient une thèse hardie: il fait de Mère Teresa la compagne idéale de voyage et de repas pour les nombreux « athées de bonne foi » qui peuplent le monde actuel. Ceux que Jésus aime le plus, lui qui a expérimenté plus que tous l’abandon de Dieu.

MÈRE TERESA, « LA NUIT » ACCEPTÉE COMME UN DON – PAR RANIERO CANTALAMESSA

Que s’est-il passé après que Mère Teresa a répondu oui à l’inspiration divine qui l’appelait à tout abandonner pour se mettre au service des plus pauvres d’entre les pauvres?
Le monde a été bien informé de ce qui s’est passé autour d’elle: l’arrivée des premières compagnes, l’approbation ecclésiastique, le développement vertigineux de ses activités caritatives. Mais, jusqu’à sa mort, personne n’a su ce qui s’est passé en elle.
On le sait maintenant par les journaux intimes et les lettres adressées à son directeur spirituel et publiées aujourd’hui par le postulateur de son procès de canonisation. Je ne crois pas que les éditeurs, avant de se décider à les publier, aient eu à surmonter la crainte que ces écrits puissent troubler ou même scandaliser les lecteurs. Loin de diminuer la stature de Mère Teresa, ils la grandissent au contraire considérablement, la plaçant aux côtés des plus grands mystiques du christianisme.
Un de ses proches, le jésuite Joseph Neuner, a écrit: « Dès le début de sa nouvelle vie au service des pauvres, une obscurité oppressante s’est emparée d’elle ». Quelques courts extraits suffisent pour donner une idée de la densité des ténèbres où elle s’est trouvée. « Il y a tellement de contradiction dans mon âme, un désir ardent de Dieu, profond au point de faire mal, une souffrance permanente – et en même temps le sentiment de ne pas être voulue par Dieu, d’être repoussée, vide, sans foi, sans amour, sans zèle… Le ciel ne signifie rien pour moi, il m’apparaît comme un lieu vide ».
On reconnaît immédiatement dans cette expérience de Mère Teresa un cas classique de ce que les spécialistes de la mystique, après saint Jean de la Croix, ont pris l’habitude de nommer la nuit obscure de l’esprit.
u existe ou non, si nous-mêmes sommes vivants ou morts. Nous sommes alors pris par une douleur tellement étrange que le monde entier nous semble oppressant dans son extension. Nous n’avons plus ni expérience ni connaissance de Dieu. Tout le reste nous semble aussi répugnant, de telle sorte que l’on a l’impression d’être prisonnier entre deux murs ».
Tout laisse à penser que cette obscurité a accompagné Mère Teresa jusqu’à sa mort, avec une courte parenthèse en 1958, quand elle a pu écrire, jubilante: « Aujourd’hui, mon âme est pleine d’amour, de joie indicible et d’une union d’amour interrompue ». Si elle n’en parle presque plus du tout à partir d’un certain moment, ce n’est pas parce que la nuit est finie, mais parce que Mère Teresa s’est désormais adaptée à vivre en elle. Non seulement elle l’a acceptée, mais elle reconnaît la grâce extraordinaire qu’elle renferme pour elle. « J’ai commencé à aimer mon obscurité, parce que je crois maintenant qu’elle constitue une partie, une toute petite partie, de l’obscurité et de la souffrance que Jésus a vécues sur terre ».
Le silence de Mère Teresa
La fleur la plus parfumée de la nuit de Mère Teresa est le silence qu’elle a gardé à ce sujet. Elle craignait, si elle en parlait, d’attirer l’attention sur elle. Jusqu’au bout, même les personnes les plus proches n’ont jamais rien deviné de ce tourment intérieur. Elle avait donné l’ordre à son directeur spirituel de détruire toutes ses lettres. Si certaines d’entre elles ont été sauvées, c’est parce que – avec la permission de Mère Teresa – il en avait fait pour l’archevêque et futur cardinal Trevor Lawrence Picachy une copie, retrouvée dans ses papiers après sa mort. L’archevêque, heureusement pour nous, s’était refusé à les détruire, comme le lui avait aussi demandé Mère Teresa.
Pour l’âme, le danger le plus insidieux de la nuit obscure de l’esprit est de se rendre compte qu’il s’agit justement de la nuit obscure, de ce que les grands mystiques ont vécu avant elle et ainsi de faire partie d’un cercle d’âmes élues. Par la grâce de Dieu, Mère Teresa a évité ce risque, en cachant à tous son tourment sous un sourire permanent. « Toujours en train de sourire, disent mes sœurs et les gens. Ils pensent qu’au fond de moi je suis remplie de foi, de confiance et d’amour… Si seulement ils savaient à quel point ma joie n’est qu’un manteau sous lequel je cache le vide et la misère! « . Un dicton des Pères du désert rappelle: « Aussi grandes soient tes peines, ta victoire sur elles réside dans le silence ». Mère Teresa l’a mis en pratique de manière héroïque.
Pas seulement une purification
Pourquoi donc ce phénomène étrange d’une nuit de l’esprit qui dure pratiquement toute la vie? Il y a là quelque chose de nouveau par rapport à ce qu’ont vécu et expliqué les maîtres du passé, y compris saint Jean de la Croix. Cette nuit obscure ne s’explique pas seulement par l’idée traditionnelle de la purification passive, que l’on appelle communément voie purgative, qui prépare à la voie illuminative et à la voie unitive. Mère Teresa était convaincue qu’il s’agissait justement de cela dans son cas. Elle pensait qu’il lui était particulièrement difficile de vaincre son « moi », puisque Dieu était contraint de la maintenir si longtemps dans cet état.
Ce n’était sûrement pas cela. La nuit interminable que vivent certains saints modernes est le moyen de protection inventé par Dieu pour les saints d’aujourd’hui qui vivent et travaillent en permanence sous l’œil des médias. Comme la tenue d’amiante protège celui qui doit traverser les flammes. Comme la matière isolante empêche le courant électrique de se disperser en provocant des courts-circuits.
Saint Paul disait: « Pour que l’excellence même de ces révélations ne m’enorgueillisse pas, il m’a été mis une écharde dans la chair » (2 Corinthiens, 12,7). Pour Mère Teresa, l’épine dans la chair que constituait le silence de Dieu s’est révélée très efficace. Il l’a préservée de toute ivresse, au milieu de tout le bien que l’on disait d’elle, même lors de la remise du prix Nobel de la paix. « La douleur intérieure que je ressens – disait-elle – est tellement grande que je n’éprouve rien face à toute la publicité et à tout ce que disent les gens ». Dans son essai venimeux intitulé « Dieu n’est pas grand. La religion empoisonne toute chose », Christopher Hitchens est bien loin de la vérité lorsqu’il fait de Mère Teresa un produit de l’ère médiatique!
Il y a une raison plus profonde encore qui explique ces nuits qui s’étendent tout au long d’une vie: l’imitation du Christ, la participation à la nuit obscure de l’esprit qui a enveloppé Jésus au Gethsémani puis sur le Calvaire lorsqu’il a crié avant de mourir: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? ». Mère Teresa est parvenue à percevoir de manière toujours plus claire son épreuve comme une réponse au désir de partager le cri « J’ai soif » de Jésus sur la Croix. « Si la peine et la souffrance, mon obscurité et ma séparation d’avec toi donnent une goutte de consolation, mon Jésus, fais de moi ce que tu veux… Imprime dans mon âme et dans ma vie la souffrance de ton cœur… Je veux étancher ta soif avec chaque goutte de sang que tu peux trouver en moi. Ne cherche pas à revenir rapidement: je suis prête à t’attendre pour toute l’éternité ».
Penser que la vie de ces personnes n’est qu’une obscure souffrance serait une grave erreur. Au plus profond de leur âme, ces personnes jouissent d’une paix et d’une joie inconnues du reste des hommes. Elles sont le fruit de la certitude, plus forte chez ces personnes que le doute, d’être dans la volonté de Dieu. Sainte Catherine de Gênes compare la souffrance des âmes qui sont dans cet état à celle du Purgatoire. Elle affirme qu’elle « est si grande que l’on ne peut la comparer qu’à celle de l’Enfer », mais qu’il y a en elle une « très grande joie  » que l’on ne peut comparer qu’à celle des saints au Paradis. La joie et la sérénité qui émanaient du visage de Mère Teresa n’étaient pas un masque, mais le reflet de l’union profonde avec Dieu dans laquelle vivait son âme. C’était elle qui « se trompait » sur son compte et non les autres.
Aux côtés des athées
Le monde d’aujourd’hui connaît une nouvelle catégorie de personnes: les athées de bonne foi, ceux qui vivent dans la douleur le silence de Dieu, qui ne croient pas en Dieu mais qui n’en font pas un sujet de fierté. Ils expérimentent plutôt l’angoisse existentielle et le manque de sens du tout. Eux aussi vivent, à leur manière, dans une nuit obscure de l’esprit. Dans son roman « La Peste », Albert Camus les appelait « les saints sans Dieu ». Les mystiques existent surtout pour eux. Ils sont leurs compagnons de voyage et de repas. Comme Jésus, ils « ont fait bon accueil aux pécheurs et ont mangé avec eux » (cf. Luc 15,2).
Cela explique la passion avec laquelle certains athées, une fois convertis, se sont jetés sur les écrits des mystiques. Claudel, Bernanos, les deux Maritain, Léon Bloy, l’écrivain Joris-Karl Huysmans et beaucoup d’autres sur les écrits d’Angela da Foligno. Thomas Stearns Eliot sur ceux de Julienne de Norwich. Ils y retrouvaient le même paysage qu’ils avaient quitté, mais cette fois éclairé par le soleil. Peu de personnes savent que l’auteur d’ »En attendant Godot », Samuel Beckett, lisait saint Jean de la Croix à ses heures perdues.
Le mot « athée » peut avoir un sens actif et un sens passif. Il peut indiquer quelqu’un qui refuse Dieu, mais aussi quelqu’un qui – c’est en tout cas ce dont il a l’impression – est refusé par Dieu. Dans le premier cas, il s’agit d’un athéisme de faute (quand il n’est pas de bonne foi); dans le second cas, il s’agit d’un athéisme de souffrance ou d’expiation. On peut déduire de ce dernier sens que les mystiques, dans la nuit de l’esprit, sont des a-thées, des sans-Dieu et que Jésus aussi, sur la croix, était un a-thée, un sans-Dieu.
Mère Teresa a tenu ces propos que personne n’aurait imaginé de sa part: « Ils disent que la souffrance éternelle que les âmes connaissent en Enfer est la perte de Dieu… Dans mon âme, je vis justement cette terrible souffrance d’être damnée, d’être refusée par Dieu, de Dieu qui n’est pas Dieu, de Dieu qui, en réalité, n’existe pas. Jésus, je t’en prie, pardonne mon blasphème ». Mais elle se rend compte que son a-théisme est différent, fait de solidarité et d’expiation: « Dans ce monde si loin de Dieu et qui a tourné le dos à la lumière de Jésus, je veux vivre pour aider les gens, en prenant sur moi une partie de leur souffrance ». Preuve incontestable que son athéisme est d’une toute autre nature, la souffrance indicible qu’il provoque chez les mystiques. Les athées courants ne se tourmentent pas de cette façon à cause de leur athéisme.
Les mystiques sont arrivés tout près du monde où vivent les sans-Dieu. Ils ont connu le vertige de se jeter en bas. Mère Teresa écrivait encore à son père spirituel: « J’ai été sur le point de dire Non… J’ai l’impression qu’un jour ou l’autre quelque chose va se briser en moi ». « Prie pour moi, pour que je ne refuse pas Dieu en cette heure. Je ne le veux pas mais je crains d’en être capable ».
Pour cette raison, les mystiques sont les évangélisateurs idéaux dans le monde post-moderne, où l’on vit « etsi Deus non daretur », comme si Dieu n’existait pas. Ils rappellent aux athées honnêtes qu’ils ne sont pas « loin du royaume de Dieu ». Qu’il leur suffirait de faire un saut pour se retrouver sur la rive des mystiques, et passer du rien au tout.
Karl Rahner avait raison de dire: « Le christianisme du futur sera mystique ou ne sera pas ». Padre Pio et Mère Teresa sont la réponse à ce signe des temps. Nous ne devons pas gâcher les saints, en les réduisant à des distributeurs de grâces ou à des bons exemples.

PAPE FRANÇOIS (dessein créateur de Dieu, la fête et le travail.)

4 juin, 2018

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PAPE FRANÇOIS (dessein créateur de Dieu, la fête et le travail.)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI

Mercredi 19 août 2015

Chers frères et sœurs, bonjour!

Après avoir réfléchi sur la valeur de la fête dans la vie de la famille, nous nous arrêtons aujourd’hui sur l’élément complémentaire, qui est celui du travail. Tous deux font partie du dessein créateur de Dieu, la fête et le travail.
Le travail, dit-on communément, est nécessaire pour faire vivre la famille, faire grandir les enfants, pour assurer à ses proches une vie digne. La chose la plus belle que l’on puisse dire d’une personne sérieuse et honnête est: «C’est un travailleur», c’est vraiment quelqu’un qui travaille, c’est quelqu’un qui dans la communauté, ne vit pas aux crochets des autres. J’ai vu qu’il y a beaucoup d’Argentins aujourd’hui, je dis donc comme l’on dit chez nous: «No vive de arriba».
Et en effet, le travail, sous ses innombrables formes, à partir de celle au foyer, prend soin également du bien commun. Et où apprend-on ce style de vie laborieux? On l’apprend avant tout dans la famille. La famille éduque au travail par l’exemple des parents: le père et la mère qui travaillent pour le bien de la famille et de la société.
Dans l’Evangile, la Sainte Famille de Nazareth apparaît comme une famille de travailleurs, et Jésus lui-même est appelé «fils du charpentier» (Mt 13, 55) ou même «le charpentier» (Mc 6, 3). Et saint Paul ne manquera pas d’avertir les chrétiens: «Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus» (2 Th 3, 10). — C’est une bonne recette pour maigrir cela, on ne travaille pas, on ne mange pas! — L’apôtre se réfère de façon explicite au faux spiritualisme de certains qui, de fait, vivent aux crochets de leurs frères et sœurs «ne travaillant pas du tout» (2 Th 3, 11). L’occupation du travail et la vie de l’esprit, dans la conception chrétienne, ne sont en aucun cas en opposition entre eux. Il est important de bien comprendre cela! Prière et travail peuvent et doivent aller de pair en harmonie, comme l’enseigne saint Benoît. Le manque de travail nuit également à l’esprit, tout comme le manque de prière nuit également à l’activité pratique.
Travailler — je le répète, sous d’innombrables formes — est le propre de la personne humaine. Cela exprime sa dignité d’être créée à l’image de Dieu. C’est pourquoi on dit que le travail est sacré. Et c’est pourquoi la gestion de l’emploi est une grande responsabilité humaine et sociale, qui ne peut être laissée aux mains de quelques-uns ou abandonnée à un «marché» sacralisé. Provoquer une perte d’emplois signifie provoquer un grave dommage social. Je suis triste lorsque je vois qu’il y a des gens sans travail, qui ne trouvent pas de travail et qui n’ont pas la dignité d’apporter de quoi manger à la maison. Et je me réjouis tant quand je vois que les gouvernants font beaucoup d’efforts pour trouver des postes de travail et pour faire en sorte que tous aient un travail. Le travail est sacré, le travail donne de la dignité à une famille. Nous devons prier afin que ne manque pas le travail dans une famille.
Donc le travail aussi, comme la fête, fait partie du dessein de Dieu Créateur. Dans le livre de la Genèse, le thème de la terre comme maison-jardin, confiée au soin et au travail de l’homme (2, 8.15), est anticipé par un passage très touchant: «Au temps où Yahvé Dieu fit la terre et le ciel, il n’y avait encore aucun arbuste des champs sur la terre et aucune herbe des champs n’avait encore poussé, car Yahvé Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol. Toutefois, un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol» (2, 4b-6a). Ce n’est pas du romantisme, mais c’est la révélation de Dieu; et nous avons la responsabilité de la comprendre et de l’assimiler entièrement. L’encyclique Laudato si’, qui propose une écologie intégrale, contient également ce message: la beauté de la terre et la dignité du travail sont faites pour être unies. Elles vont de pair: la terre devient belle lorsqu’elle est travaillée par l’homme. Quand le travail se détache de l’alliance de Dieu avec l’homme et la femme, lorsqu’il se sépare de leurs qualités spirituelles, lorsqu’il est otage de la logique du seul profit et qu’il méprise les liens d’affection de la vie, l’avilissement de l’âme contamine tout: même l’air, l’eau, l’herbe, la nourriture… La vie civile se corrompt et l’habitat se détériore. Et les conséquences frappent surtout les plus pauvres et les familles les plus pauvres. L’organisation moderne du travail montre parfois une dangereuse tendance à considérer la famille comme une gêne, un poids, une passivité, pour la productivité du travail. Mais demandons-nous: quelle productivité? Et pour qui? Ce que l’on appelle la «ville intelligente» est sans aucun doute riche de services et d’organisation; mais, par exemple, elle est souvent hostile aux enfants et aux personnes âgées.
Parfois, l’intérêt de ceux qui projettent réside dans la gestion d’une main d’œuvre individuelle, pouvant être assemblée et utilisée ou mise au rebut selon l’intérêt économique. La famille est un banc d’essai important. Lorsque l’organisation du travail la retient en otage, ou en empêche même le chemin, alors nous sommes certains que la société humaine a commencé à travailler contre elle-même!
Les familles chrétiennes reçoivent de cette conjoncture un grand défi et une grande mission. Elles détiennent les fondements de la création de Dieu: l’identité et le lien de l’homme et de la femme, la génération des enfants, le travail qui domestique la terre et rend le monde habitable. La perte de ces fondements est un problème très grave, et dans la maison commune, il y a déjà trop de fissures! Cette tâche n’est pas facile. Parfois, les associations familiales peuvent avoir l’impression d’être comme David face à Goliath… Mais nous savons comment ce défi a fini! Cela exige de la foi et de l’audace. Que Dieu nous accorde d’accueillir avec joie et espérance son appel, en ce moment difficile de notre histoire, l’appel au travail pour conférer une dignité à soi-même et à sa famille. 

HOMÉLIE DU SAINT-SACREMENT DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST (…Et voici aujourd’hui que le sang coule dans les textes bibliques…)

2 juin, 2018

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HOMÉLIE DU SAINT-SACREMENT DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST (…Et voici aujourd’hui que le sang coule dans les textes bibliques…)

Ex 24, 3-8 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16, 22-26

Du sang dans les journaux, du sang sur nos petits écrans… Et voici aujourd’hui que le sang coule dans les textes bibliques… La première lecture nous a offert un spectacle haut en couleurs, avec un Moïse trempant son goupillon dans un bassin rempli du sang de jeunes taureaux à peine égorgés. Il en asperge généreusement l’autel, puis le peuple rassemblé. C’est plus spectaculaire et moins propre qu’une aspersion d’eau bénite. Il y a aussi le symbole traditionnel de la Pâque, avec un agneau immolé, le pain rompu, brisé , partagé, et le vin versé dans la coupe, qui évoque le sang de Jésus crucifié.
Mais c’est tous les jours qu’il y a des victimes qui répandent leur sang sur la route et les champs de bataille, dans les massacres et attentats. Le sang est signe de mort.
Or, il est tout autant image de vie et d’espérance quand il est transfusé pour soigner un malade ou sauver un mourant. Ou encore, quand il est offert pour la défense de la Patrie, pour sa foi, pour affirmer qu’il y a des valeurs plus importantes encore que la vie. Chez les peuples primitifs, le sang était déjà considéré comme porteur de vie. C’est lui qui la maintient, la transmet et la signifie. Quand deux êtres humains mêlent quelques gouttes de leur sang, comme cela se fait encore dans certaines sociétés secrètes, il s’agit d’un échange rituel, qui signifie qu’une alliance est conclue. Que la fraternité est soudée. C’est un contrat scellé dans le sang, « pour le meilleur et pour le pire ».
C’est précisément ce fondement spirituel d’une alliance que nous trouvons présent et exprimé entre Moïse et son peuple au pied du Sinaï. Une alliance que nous retrouvons à la Dernière Cène, où Jésus la présente à ses disciples. Le sang est le signe extérieur d’une alliance intérieure. Ils sont symboliquement liés, inséparablement. C’est ainsi que le rite est toujours le signe extérieur, visible, d’une réalité intérieure. Il ne s’agit donc en aucun cas de magie. Le sang des taureaux, versé sur l’autel et sur la foule, n’a aucun pouvoir, aucun effet. Il signifie. Il invite à un échange, à l’union des cœurs et des volontés. Il est comme la signature entre deux contractants. D’un côté, Dieu, symbolisé par l’autel, et de l’autre, la communauté des croyants, qui vont partager la même vie. L’essentiel, c’est évidemment l’engagement réciproque, concret. Le prophète inspiré affirme que Dieu promet de rendre vraiment libre et heureux tous ceux et celles qui l’écoutent et le suivent. Quant au peuple interpellé, il répond : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique ». C’est le contrat de l’alliance. Dieu propose, il offre, et de son côté l’être humain accueille cette Parole par la foi qui va inspirer son comportement.
C’est dans ce sens que le rite engage. Par conséquent, un rite est vide et inutile s’il ne correspond pas à l’attitude intérieure du cœur et de l’esprit. Exactement comme dans un mariage, le rite de l’échange des alliances n’a rien de magique. Il ne signifie rien s’il n’est pas le signe extérieur d’une volonté intérieure d’amour et de confiance mutuelle, « pour le meilleur et pour le pire ». Ainsi, tout au long de l’histoire d’Israël, et on pourrait le dire aussi de l’histoire de l’Eglise, on voit constamment les prophètes rappeler à cor et à cri que la beauté, la solennité des liturgies, l’abondance des rites et des sacrifices ne sont pas agréables à Dieu s’ils ne sont pas l’expression sincère d’une attitude spirituelle et morale conformes à l’alliance d’amour.
De même, quand nous disons que le Christ nous a sauvés par son sang, il ne s’agit pas pour autant d’accorder au sang un pouvoir magique. Ni croire que Dieu a exigé un sacrifice sanglant pour qu’il accorde son pardon. Ce qui est vrai, c’est que Jésus est resté totalement fidèle à sa mission, à l’amour de Dieu et à l’amour de ses frères et sœurs humains, au risque de sa vie. Mourir plutôt que de rompre l’alliance avec le Père. Rester fidèle à sa mission au risque de sa vie. Ce que nous rappelle l’évangile aujourd’hui, c’est que Jésus, avant même d’être arrêté, condamné, flagellé, crucifié, a donné à ces événements futurs mais tout proches un visage rituel. Ainsi, la nouvelle alliance pourra être proclamée, renouvelée, célébrée, et mise en pratique, jusqu’à la fin des temps…
L’eucharistie n’est donc pas un rite magique. Elle est une célébration, un rituel de l’alliance. Elle est renouvellement du contrat d’amour, qui suppose écoute, réponse et engagement. La Parole de vie est proclamée. Elle attend que nous y communions. « Tout ce que le Seigneur a dit, et tout ce qu’il a fait, nous le mettrons nous aussi en pratique ». Pain rompu, sang versé, lavement des pieds, égale être prêts, comme le Christ à servir. Encore faut-il que toutes ces démarches se doublent d’une volonté de servir Dieu et le prochain dans la vie quotidienne. Sinon, nous restons au niveau de rites extérieurs et parfaitement vains.
Recevoir ou célébrer le Corps et le Sang du Christ en toute vérité et authenticité, c’est accepter, comme le disait saint Léon le Grand, de devenir ce que nous avons entendu, devenir ce que nous avons reçu. C’est accepter aussi d’épouser les mœurs du Royaume, d’entrer dans les vues et les projets de Dieu, et donc de choisir, promettre et s’efforcer d’aimer comme lui, au risque de certaines souffrances, et parfois même de sa vie.
C’est finalement, et comme toujours, sur le terrain de la vie quotidienne qu’il nous faut mettre en pratique ce que nous avons célébré. C’est quand la célébration eucharistique est terminée qu’elle commence.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

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