BENOÎT XVI – Psaume 33 «Le Seigneur est mon berger, rien ne me manque»
http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20111005.html
BENOÎT XVI – Psaume 33 «Le Seigneur est mon berger, rien ne me manque»
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 5 octobre 2011
Chers frères et sœurs,
S’adresser au Seigneur dans la prière implique un acte radical de confiance, dans la conscience de s’en remettre à Dieu qui est bon, «Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité» (Ex 34, 6-7; Ps 86, 15; cf. Jl 2, 13; Gn 4, 2; Ps 103, 8; 145, 8; Né 9, 17). C’est pourquoi je voudrais aujourd’hui réfléchir avec vous sur un Psaume plein de confiance, dans lequel le Psalmiste exprime sa sereine certitude d’être guidé et protégé, mis à l’abri de tout danger, parce que le Seigneur est son pasteur. Il s’agit du Psaume 23 — selon la datation gréco-latine 22 — un texte familier à tous et aimé de tous.
: c’est ainsi que débute cette belle prière, évoquant le contexte nomade de l’élevage des brebis et l’expérience de la connaissance réciproque qui s’établit entre le pasteur et les brebis qui composent son petit troupeau. L’image rappelle une atmosphère de confidence, d’intimité, de tendresse: le pasteur connaît ses brebis une par une, il les appelle par leur nom et elles le suivent parce qu’elles le reconnaissent et qu’elles se fient à lui (cf. Jn 10, 2-4). Il prend soin d’elles, il les garde comme des biens précieux, prêt à les défendre, à en garantir le bien-être, à les faire vivre dans la tranquillité. Rien ne peut leur manquer si le pasteur est avec elles. C’est à cette expérience que fait référence le Psalmiste en appelant Dieu son pasteur, en se laissant guider par Lui vers des pâturages sûrs :
«Sur des prés d’herbe fraîche il me parque. / Vers les eaux du repos il me mène, / il y refait mon âme; il me guide aux sentiers de justice / à cause de son nom» (vv. 2-3).
La vision qui s’ouvre sous nos yeux est celle de prés verts et de sources d’eau limpide, une oasis de paix vers laquelle le pasteur accompagne le troupeau, symboles des lieux de vie vers lesquels le Seigneur conduit le Psalmiste, qui se sent comme les brebis étendues sur l’herbe à côté d’une source, au repos, non en tension ou en état d’alerte, mais confiantes et tranquilles, parce l’endroit est sûr, l’eau est fraîche, et le pasteur veille sur elles. Et n’oublions pas ici que la scène évoquée par le Psaume se passe dans une terre en grande partie désertique, battue par un soleil cuisant, où le pasteur semi-nomade du Moyen-Orient vit avec son troupeau dans les steppes desséchées, qui s’étendent autour des villages. Mais le pasteur sait où trouver l’herbe et l’eau fraîche, essentielles pour la vie, il sait conduire à l’oasis où l’âme «se raffermit» et où il est possible de reprendre des forces et de nouvelles énergies pour se remettre en chemin.
Comme le dit le Psalmiste, Dieu le guide vers les «prés d’herbe fraîche» et les «eaux du repos», où tout est surabondant, tout est donné de façon copieuse. Si le Seigneur est le pasteur, même dans le désert, lieu d’absence et de mort, la certitude d’une présence radicale de vie ne fait pas défaut, au point de pouvoir dire: «rien ne me manque». Le pasteur, en effet, a à cœur le bien de son troupeau, il adapte ses propres rythmes et ses propres exigences à celles de ses brebis, il marche et il vit avec elles, en les guidant sur des sentiers «justes», c’est-à-dire adaptés à elles, attentif à leurs besoins et non aux siens. La sécurité de son troupeau est sa priorité et c’est à elle qu’il obéit quand il le conduit.
Chers frères et sœurs, nous aussi, comme le Psalmiste, si nous marchons derrière le «bon Pasteur», aussi difficiles, tortueux ou longs que puissent apparaître les parcours de notre vie, souvent aussi dans des zones spirituellement désertiques, sans eau et sous le soleil d’un rationalisme cuisant, sous la conduite du bon pasteur, le Christ, nous sommes certains d’aller sur les routes «justes», que le Seigneur nous guide et qu’il est toujours proche de nous et qu’il ne nous manquera rien.
C’est pourquoi le Psalmiste peut déclarer une tranquillité et une sécurité sans incertitudes ni craintes :
«Passerais-je un ravin de ténèbres, / je ne crains aucun mal car tu es près de moi; / ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent» (v. 4).
Qui passe avec le Seigneur dans le ravin de ténèbres de la souffrance, de l’incertitude et de tous les problèmes humains, se sent en sécurité. Tu es avec moi: telle est notre certitude, celle qui nous soutient. L’obscurité de la nuit fait peur, avec ses ombres changeantes, la difficulté à distinguer les dangers, son silence rempli de bruits indéchiffrables. Si le troupeau se déplace à la nuit tombée, quand la visibilité se fait incertaine, il est normal que les brebis soient inquiètes, le risque existe de trébucher ou de s’éloigner et de se perdre, et il y a encore la crainte de possibles agresseurs qui se cachent dans l’obscurité. Pour parler de ce ravin de «ténèbres», le Psalmiste utilise une expression en hébreu qui évoque les ténèbres de la mort, pour lequel la vallée à traverser est un lieu d’angoisse, de terribles menaces, de dangers de mort. Et pourtant, l’orant continue avec certitude, avec assurance, sans peur, parce qu’il sait que le Seigneur est avec lui. Ce «tu es avec moi» est une proclamation de confiance, inébranlable, et elle synthétise l’expérience d’une foi radicale; la proximité de Dieu transforme la réalité, le ravin de ténèbres perd toute dangerosité, se vide de toute menace. Le troupeau à présent peut cheminer tranquille, accompagné par le bruit familier du bâton qui frappe le terrain et signale la présence rassurante du pasteur.
Cette image réconfortante termine la première partie du Psaume et laisse place à une scène différente. Nous sommes encore dans le désert, où le pasteur vit avec son troupeau, mais à présent nous sommes transportés sous sa tente, qui s’ouvre pour donner l’hospitalité:
«Devant moi tu apprêtes une table / face à mes adversaires; / d’une onction tu me parfumes la tête, / ma coupe déborde» (v. 5).
Maintenant, le Seigneur est présenté comme Celui qui accueille l’orant, avec les signes d’une hospitalité généreuse et pleine d’attentions. L’hôte divin prépare la nourriture sur la «table», un terme qui en hébreu indique, dans son sens primitif, la peau de bête qui était étendue par terre et sur laquelle on posait les plats pour le repas commun. Il s’agit d’un geste de partage non seulement de la nourriture, mais également de la vie, dans une offrande de communion et d’amitié qui crée des liens et exprime la solidarité. Et ensuite, il y a le don munificent de l’huile parfumée sur la tête, qui procure un soulagement contre la brûlure du soleil du désert, qui rafraîchit et adoucit la peau et réjouit l’esprit de son parfum. Enfin, le calice débordant ajoute une note de fête, avec son vin exquis, partagé avec une générosité surabondante. Nourriture, huile, vin: ce sont les dons qui font vivre et qui donnent la joie car ils vont au-delà de ce qui est strictement nécessaire et expriment la gratuité et l’abondance de l’amour. Le Psaume 104 proclame, en célébrant la bonté providentielle du Seigneur: «Tu fais croître l’herbe pour le bétail et les plantes à l’usage des humains, pour qu’ils tirent le pain de la terre et le vin qui réjouit le cœur de l’homme, pour que l’huile fasse luire les visages et que le pain fortifie le cœur de l’homme» (vv. 14-15). Le Psalmiste est l’objet de nombreuses attentions, c’est pourquoi il se voit comme un voyageur qui trouve refuge sous une tente hospitalière, alors que ses ennemis doivent s’arrêter pour regarder, sans pouvoir intervenir, car celui qu’ils considéraient comme leur proie a été mis en sécurité, il est devenu un hôte sacré, intouchable. Et nous sommes nous-mêmes le Psalmiste, si nous sommes réellement croyants en communion avec le Christ. Quand Dieu ouvre sa tente pour nous accueillir, rien ne peut nous faire de mal.
Ensuite, lorsque le voyageur repart, la protection divine se prolonge et l’accompagne au cours de son voyage :
«Oui, grâce et bonheur me pressent / tous les jours de ma vie; / ma demeure est la maison du Seigneur / en la longueur des jours» (v. 6).
La bonté et la fidélité de Dieu sont l’escorte qui accompagne le Psalmiste qui sort de la tente et se remet en chemin. Mais c’est un chemin qui acquiert un sens nouveau, et devient pèlerinage vers le Temple du Seigneur, le lieu saint où l’orant veut «demeurer» pour toujours et auquel il veut également «retourner». Le verbe hébreu utilisé ici a le sens de «revenir» mais, au moyen d’une petite modification de voyelle, il peut être entendu comme «demeurer» et et c’est ainsi qu’il est rendu par les antiques versions et par la majorité des traductions modernes. Les deux sens peuvent être maintenus: retourner au Temple et y demeurer est le désir de chaque Israélite, et habiter près de Dieu dans sa proximité et sa bonté est le désir et la nostalgie de tout croyant: pouvoir habiter réellement là où est Dieu, près de Dieu. Se placer à la suite du Pasteur conduit à sa maison, tel est le but de tout chemin, oasis recherchée dans le désert, tente où se réfugier en fuyant ses ennemis, lieu de paix où faire l’expérience de la bonté et de l’amour fidèle de Dieu jour après jour, dans la joie sereine d’un temps sans fin.
Les images de ce Psaume, avec leur richesse et leur profondeur, ont accompagné toute l’histoire et l’expérience religieuse du peuple d’Israël et accompagnent les chrétiens. La figure du pasteur, en particulier, évoque le temps originel de l’Exode, le long chemin dans le désert, comme un troupeau guidé par le Pasteur divin (cf. Is 63, 11-14; Ps 77, 20-21; 78, 52-54). Et sur la terre promise, c’était le roi qui avait le devoir de paître le troupeau du Seigneur, comme David, pasteur choisi par Dieu et figure du Messie (cf. 2 S 5, 1-2; 7, 8; Ps 78, 70-72). Puis, après l’exil de Babylone, presque dans un nouvel exode (cf. Is 40, 3-5.9-11; 43, 16-21), Israël revient dans sa patrie comme une brebis égarée et retrouvée, reconduite par Dieu vers de verts pâturages et des lieux de repos (cf. Ez 34, 11-16, 23-31). Mais c’est dans le Seigneur Jésus que toute la force évocatrice de notre Psaume atteint sa plénitude, trouve sa pleine signification: Jésus est le «Bon Pasteur» qui va à la recherche de la brebis égarée, qui connaît ses brebis et donne sa vie pour elles (cf. Mt 18, 12-14; Lc 15, 4-7; Jn 10, 2-4.11-18). Il est le chemin, la juste voie qui nous conduit à la vie (cf. Jn 14, 6), la lumière qui illumine la vallée obscure et vainc chacune de nos peurs (cf. Jn 1, 9; 8, 12; 9, 5; 12, 46). C’est Lui l’hôte généreux qui nous accueille et nous met à l’abri des ennemis en préparant la table de son corps et de son sang (cf. Mt 26, 26-29; Mc 14, 22-25; Lc 22, 19-20) et celle définitive du banquet messianique au Ciel (cf. Lc 14, 15sq; Ap 3, 20; 19, 9). C’est Lui le Pasteur royal, le roi dans la douceur et dans le pardon, intronisé sur le bois glorieux de la croix (cf. Jn 3, 13-15; 12, 32; 17, 4-5).
Chers frères et sœurs, le Psaume 23 nous invite à renouveler notre confiance en Dieu, en nous abandonnant totalement entre ses mains. Demandons donc avec foi que le Seigneur nous accorde, même sur les chemins difficiles de notre temps, de marcher toujours sur ses sentiers comme un troupeau docile et obéissant, qu’il nous accueille dans sa maison, à sa table et qu’il nous conduise vers des «eaux tranquilles» afin que, dans l’accueil du don de son Esprit, nous puissions nous abreuver à ses eaux, sources de l’eau vive «jaillissant en vie éternelle» (Jn 4, 14; cf. 7, 37-39). Merci.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.