Archive pour mai, 2018

L’ÉCRITURE JUSTIFIE-T-ELLE LA VIOLENCE? – PAR GIANFRANCO RAVASI

7 mai, 2018

http://www.stpauls.it/vita06/0501vp/0501vp56.htm

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L’ÉCRITURE JUSTIFIE-T-ELLE LA VIOLENCE? – PAR GIANFRANCO RAVASI

 (Google traduction de l’italien)

   Vie pastorale n. Janvier 1, 2005 – Page d’accueil Nous commençons une nouvelle colonne sur des pages ou des thèmes bibliques qui créent des difficultés pour le lecteur d’aujourd’hui.
Le 4 mars, Mgr Enrico Galbiati, patriarche des érudits bibliques italiens, est mort non seulement par son âge mais aussi par son autorité. L’une de ses œuvres les plus réussies fut les pages difficiles de l’Ancien Testament (1951), écrites en collaboration avec Alessandro Piazza et, à partir de la troisième édition, devinrent des pages difficiles de la Bible traduites en français, espagnol, portugais, polonais et russe. Eh bien, même si nous allons passer des trajectoires différentes, nous aussi nous comme dans ce livre – maintenant à la fin de la lecture de l’ensemble psautier (qui seront recueillies à l’avenir en volume) – proposer des pages ou des thèmes bibliques qui créent des difficultés au lecteur moderne .
Mon engagement à long maintenant en tant que conférencier ou auteur écrit pour un conducteur large de programmes de lecteurs ou de télévision n’a cessé de me mettre en face de questions, souvent répétées et souvent assez difficile, sur un bon nombre de passages bibliques jugé « scandaleux « ou au moins problématique. Je vais en recueillir quelques-unes, en ne procédant pas selon un ordre cohérent mais selon des sujets différents.
Je commencerai par la question la plus «absolue» et qui me sera posée à l’infini: la violence dont dégoulinent les pages et les pages de l’Ancien Testament. En effet, si nous en sommes à une statistique développée par l’érudit allemand R. Schwager, dans la Bible nous trouvons 600 étapes qui nous informent que «les peuples, les rois et les individus ont attaqué les autres, les ont détruits ou tués»; plus de 1000 étapes est la colère de Dieu au rock « puni de mort, avec la ruine, avec le feu dévorant, à en juger, vengeur et menaçant l’anéantissement « et dans plus de 100 étapes est le Seigneur lui-même qui » a ordonné expressément tuer les hommes ».
Il est évident que le principe: «Il y a dans la Bible et donc c’est à croire» devient dangereux quand il est adopté de façon mécanique et littérale. C’est ce qu’on appelle le «fondamentalisme» qui, partant aussi d’une bonne foi personnelle et d’un désir de fidélité absolue, frise le paradoxe, pour ne pas dire dans l’absurde. Le discours est donc une nouvelle fois l’interprétation correcte des Ecritures en tenant compte, d’une part, une composante littéraire (la langue, la façon de parler, le « Genre », et ainsi de suite) et, d’autre part, une composante théologique capitale.
La Bible (Ancien et Nouveau Testament) n’est pas une collection aseptique de thèses ou de théorèmes abstraits à accepter et à pratiquer automatiquement. C’est une histoire de salut. Dieu se révèle en entrant dans l’histoire de l’humanité, dégoulinant de péché et de misères, et lentement, progressivement et patiemment, conduit l’homme vers des horizons de vérité et d’amour supérieurs et parfaits. La révélation n’est pas une parole suspendue dans les cieux et transmissible seulement avec l’extase, mais elle est conçue comme une graine ou un germe qui ouvre la voie sous le sol terne et opaque de l’existence terrestre. Il ne faut donc pas s’arrêter au seul pas: il peut être une expression de l’éducation patiente de Dieu à la «dureté de cœur» ou au «cou dur» de l’homme (cela s’applique aussi à la violence de l’ère chrétienne, malgré l’évidence collision avec l’Evangile).
Sans vouloir montrer la destination à laquelle le Christ nous conduit (défini par saint Paul « notre paix », qui nous invite même à « l’autre joue »), dans l’Ancien Testament est présenté un Dieu qui pardonne envers des milliers de (Ex 34,7), parie sur la possibilité de la conversion du pécheur, change même d’avis et empêche sa justice de briser le mal perpétré (Ex 32,14). À cet égard, nous citons deux textes emblématiques: « Peut-être que j’ai plaisir à la mort du méchant », dit le Seigneur Dieu, « ou plutôt, plutôt que de renoncer à sa conduite et de vivre? [...] Je n’aime pas la mort de celui qui meurt »(Ez 18,23.32); «Toi, maître de la force, juge avec humilité, dirige-nous avec beaucoup d’indulgence [...]. Avec cette façon d’agir, vous avez enseigné à votre peuple que les justes doivent aimer les hommes »(Sg 12,1819).
Une note particulière mérite la phrase de Jésus: «Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur terre; Je ne suis pas venu apporter la paix, mais une épée « (Mt 10,34). Encore une fois la lecture littéraliste est choquant: le Christ par l’image de l’épée est présentée comme un « signe de contradiction » (Lc 2:34) et exige une position claire à l’égard de son message, ce qui nécessite un choix tous » rien d’autre qu’indifférent et inoffensif à propos de sa propre existence et de ses décisions morales et vitales. La confirmation est dans les mots qu’il répète aux disciples le dernier soir de la vie terrestre, quand il les exhorte: «Celui qui n’a pas d’épée, vend son manteau et en achète un». Face à la réaction «littérale» et obtuse des disciples qui glissentade! », Jésus crie des cris:« Assez! »(Lc 22,36.38).

Gianfranco Ravasi

Vie pastorale n. 1er janvier 2005 – Page d’accueil

HOMÉLIE DU 6E DIMANCHE DE PÂQUES B

4 mai, 2018

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

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« Dieu est amour »

HOMÉLIE DU 6E DIMANCHE DE PÂQUES B

Act 10, 25-48 ; 1 J 4, 7-10 ; Jn 15, 9-17

Thème : « L’amour n’a pas de frontières mais il a des lois, celles de la gratuité »

(Prononcée en 2000 en la cathédrale des SS. Michel et Gudule (Bruxelles), les événements cités sont de cette époque)

L’évangéliste nous a plongé d’emblée dans une atmosphère de deuil. Nous sommes à l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père. Mais ses paroles testamentaires constituent un réel chant d’amour. Un amour évoqué neuf fois. Neuf fois aussi dans la lettre de Jean, proclamée il y a quelques instants. Il ne s’agit pas pour autant d’une rengaine fredonnée, car ces deux textes « résument ce qui est une véritable révolution dans la conception que les hommes pouvaient se faire de Dieu ». Quelle Bonne Nouvelle dès lors, de pouvoir enfin connaître Dieu tel qu’Il est ! Voici la tristesse changée en joie, ce dimanche, que l’on pourrait déclarer « fête de l’amour chrétien ». Même si « chrétien » et « aimer » sont en principe d’authentiques synonymes. (A. Sève)
Cette Bonne Nouvelle, nous sommes tous appelés à la diffuser. Elle nous est rappelée et répétée dans tous les textes liturgiques de ce jour. Et s’il nous faut chanter et même chanter un chant nouveau, confirme le psalmiste, c’est que le Seigneur a fait et ne cesse d’accomplir des merveilles. Notamment en nous rappelant son amour et sa fidélité.
Mais de quel Dieu et de quel amour s’agit-il ? Les humains que nous sommes ont toujours été et restent tentés d’imaginer un Dieu à LEUR ressemblance. Nous sommes ainsi enclins à faire de Dieu un maître tatillon, un juge impitoyable, un souverain jaloux de sa puissance et de ses pouvoirs. Un Dieu qui aurait même des comptes à régler avec l’humanité pécheresse. Une divinité qu’il faudrait dès lors apaiser par des sacrifices agréables. Ce fut donc une vraie révolution quand Jésus de Nazareth est venu révéler par sa parole et par ses actes que « DIEU EST AMOUR », il n’est rien qu’amour. Il EST l’absolu de l’Amour. Et donc aussi la miséricorde et le pardon. Une nouvelle surprenante, qui allait engendrer un bouleversement radical des rapports humains. Elle avait cependant été pressentie et préparée durant des siècles. Le psaume 103 en témoigne : « Yahweh est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». Et, contrairement à ce que nous sommes trop souvent, « il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches. Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses »… Déjà, le poète des cantiques sacrés d’Israël chantait dans les liturgies du Temple la louange d’un Dieu qui prend soin du plus pauvre et du plus démuni. A tel point qu’ « il relève l’indigent de la poussière, il retire le pauvre de son taudis pour le faire asseoir parmi les princes » (Ps 112).
Aujourd’hui, nous redit le Christ, qui est la Parole, le Verbe même de Dieu, « Mon commandement, LE voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Aimer chrétiennement, c’est donc aimer comme Jésus nous a aimés. Aimer jusqu’à se faire humble et serviteur, jusqu’à donner sa vie. Mais cette perle du commandement nouveau, LA parole essentielle, peut se scléroser en une litanie de mots fades et usés, qui ne conduit nulle part si l’on ne dépasse pas les aspects sentimentaux épidermiques et possessifs de l’amour. C’est pourquoi dimanche dernier, Jean précisait à nouveau : Aimer, certes, mais « pas avec des paroles ou des discours, mais par des actes et en vérité ». Car l’amour demande une volonté d’aimer, un inlassable effort pour aimer, un travail d’amour. C’est tellement vrai que Jean a remplacé le récit de l’institution de l’eucharistie à la Dernière Cène par celui du lavement des pieds, car « LE commandement, le voici : lavez-vous les pieds mutuellement. C’est à cela que tous vous reconnaîtront pour mes disciples ». Aimer, en effet, est une attitude d’ouverture, de don et de gratuit‚. Etre capable de se mettre au service les uns des autres. Ainsi, l’amour de Dieu peut s’incarner, se matérialiser, en utilisant nos paroles, nos bras, nos initiatives. « Il est mis entre nos mains » (A. Sève). C’est pourquoi les disciples du Christ sont envoyés pour aider, pardonner, guérir, rassurer, sauver, libérer, nourrir, encourager, élever.
En définitive, c’est grâce à l’amour incarné dans un éventail de services, que nos prières et nos rites seront en harmonie avec la volonté de Dieu qui n’est qu’amour. Encore faut-il pouvoir assumer l’amour dans la banalité quotidienne. Or, le plus difficile à aimer, estime Marie-Noëlle dans son œuvre poétique (Stock 1956), « C’est ton frère celui qui dérange la paix de tous les jours au seuil de ton petit ménage. Et c’est celui le plus proche et le plus familier dont constamment le dard entre et te mortifie au même endroit comme la pointe d’un soulier qu’on ne peut plus ôter, jusqu’au bout de la vie ».
Si l’esprit de service et de gratuit‚ constituent le label d’un amour authentique, Luc, dans le livre des Actes, nous a montré comment cet amour gratuit fait littéralement éclater les frontières. Mêmes religieuses. Hier comme aujourd’hui, les interventions familières de l’Esprit sont toujours surprenantes et dérangeantes. Autant de surprises qui se heurtent à la résistance de nos fausses certitudes, à certaines pratiques et habitudes exsangues de sève, donc sclérosées et sans vie. Voyez Pierre, resté scrupuleusement fidèle aux traditions de ses pères. Le voici troublé par une intuition ou une vision intérieure. Il se sent poussé à désobéir à cette vieille loi séculaire et sacrée qui réglementait l’usage des nourritures, pures ou impures. Pire encore, il est confronté à une invitation à se rendre dans la maison d’un païen, appartenant de surcroît à l’armée d’occupation. Une visite qui lui est rigoureusement interdite. Et de nouveau, pour raison d’impureté légale. En réalité, Dieu l’invitait ainsi à s’affranchir de l’interdit alimentaire, à le dépasser, tout comme à laisser tomber l’interdit de fréquenter des étrangers. L’amour vrai est réaliste, inventif, incarné. A problème nouveau, solution nouvelle. Manifestement, « tous nos scrupules ne sont pas toujours inspirés par l’Esprit Saint ». Ainsi, Pierre, juif et pleinement chrétien, a été stupéfait, avec tous ceux qui l’entouraient, de voir que même des païens, c’est-à-dire incirconcis et ignorant tout du baptême, « avaient reçu à profusion le don de l’Esprit Saint ». Ce n’était pas dans l’ordre des choses réglementées. Mais ce n’est pas à répéter indéfiniment et littéralement des manières d’agir, de penser et de parler de nos pères dans la foi, qui nous apprendra à être fidèles. Or, l’Esprit n’est pas moins actif, pas moins surprenant, pas moins audacieux, aujourd’hui, que dans ces premiers temps de l’Eglise. Et c’est lui et lui seul qui nous « mènera vers la vérité tout entière ». Encore faut-il oser et vouloir le suivre au-delà de nos barricades et au-delà des frontières construites par des hommes et des femmes.
Et, puisque nous avons été invités au repas festif de la Parole et du Pain, n’en perdons pas une miette.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

BENOÎT XVI – 2 MAY – SAINT ATHANASE

2 mai, 2018

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20070620.html

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Saint Athanase

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 20 juin 2007

Saint Athanase

Chers frères et sœurs,

En poursuivant notre évocation des grands Maîtres de l’Eglise antique, nous voulons aujourd’hui tourner notre attention vers saint Athanase d’Alexandrie. Cet authentique protagoniste de la tradition chrétienne, déjà quelques années avant sa mort, fut célébré comme « la colonne de l’Eglise » par le grand théologien et Evêque de Constantinople Grégroire de Nazianze (Discours 21, 26), et il a toujours été considéré comme un modèle d’orthodoxie, aussi bien en Orient qu’en Occident. Ce n’est donc pas par hasard que Gian Lorenzo Bernini en plaça la statue parmi celles des quatre saints Docteurs de l’Eglise orientale et occidentale – avec Ambroise, Jean Chrysostome et Augustin -, qui dans la merveilleuse abside la Basilique vaticane entourent la Chaire de saint Pierre.
Athanase a été sans aucun doute l’un des Pères de l’Eglise antique les plus importants et les plus vénérés. Mais ce grand saint est surtout le théologien passionné de l’incarnation, du Logos, le Verbe de Dieu, qui – comme le dit le prologue du quatrième Evangile – « se fit chair et vint habiter parmi nous » (Jn 1, 14). C’est précisément pour cette raison qu’Athanase fut également l’adversaire le plus important et le plus tenace de l’hérésie arienne, qui menaçait alors la foi dans le Christ, réduit à une créature « intermédiaire » entre Dieu et l’homme, selon une tendance récurrente dans l’histoire et que nous voyons en œuvre de différentes façons aujourd’hui aussi. Probablement né à Alexandrie vers l’an 300, Athanase reçut une bonne éducation avant de devenir diacre et secrétaire de l’Evêque de la métropole égyptienne, Alexandre. Proche collaborateur de son Evêque, le jeune ecclésiastique prit part avec lui au Concile de Nicée, le premier à caractère œcuménique, convoqué par l’empereur Constantin en mai 325 pour assurer l’unité de l’Eglise. Les Pères nicéens purent ainsi affronter diverses questions et principalement le grave problème né quelques années auparavant à la suite de la prédication du prêtre alexandrin Arius.
Celui-ci, avec sa théorie, menaçait l’authentique foi dans le Christ, en déclarant que le Logos n’était pas le vrai Dieu, mais un Dieu créé, un être « intermédiaire » entre Dieu et l’homme, ce qui rendait ainsi le vrai Dieu toujours inaccessible pour nous. Les Evêques réunis à Nicée répondirent en mettant au point et en fixant le « Symbole de la foi » qui, complété plus tard par le premier Concile de Constantinople, est resté dans la tradition des différentes confessions chrétiennes et dans la liturgie comme le Credo de Nicée-Constantinople. Dans ce texte fondamental – qui exprime la foi de l’Eglise indivise, et que nous répétons aujourd’hui encore, chaque dimanche, dans la célébration eucharistique – figure le terme grec homooúsios, en latin consubstantialis: celui-ci veut indiquer que le Fils, le Logos est « de la même substance » que le Père, il est Dieu de Dieu, il est sa substance, et ainsi est mise en lumière la pleine divinité du Fils, qui était en revanche niée par le ariens.
A la mort de l’Evêque Alexandre, Athanase devint, en 328, son successeur comme Evêque d’Alexandrie, et il se révéla immédiatement décidé à refuser tout compromis à l’égard des théories ariennes condamnées par le Concile de Nicée. Son intransigeance, tenace et parfois également très dure, bien que nécessaire, contre ceux qui s’étaient opposés à son élection épiscopale et surtout contre les adversaires du Symbole de Nicée, lui valut l’hostilité implacable des ariens et des philo-ariens. Malgré l’issue sans équivoque du Concile, qui avait clairement affirmé que le Fils est de la même substance que le Père, peu après, ces idées fausses prévalurent à nouveau – dans ce contexte, Arius lui-même fut réhabilité -, et elles furent soutenues pour des raisons politiques par l’empereur Constantin lui-même et ensuite par son fils Constance II. Celui-ci, par ailleurs, qui ne se souciait pas tant de la vérité théologique que de l’unité de l’empire et de ses problèmes politiques, voulait politiser la foi, la rendant plus accessible – à son avis – à tous ses sujets dans l’empire.
La crise arienne, que l’on croyait résolue à Nicée, continua ainsi pendant des décennies, avec des événements difficiles et des divisions douloureuses dans l’Eglise. Et à cinq reprises au moins – pendant une période de trente ans, entre 336 et 366 – Athanase fut obligé d’abandonner sa ville, passant dix années en exil et souffrant pour la foi. Mais au cours de ses absences forcées d’Alexandrie, l’Evêque eut l’occasion de soutenir et de diffuser en Occident, d’abord à Trèves puis à Rome, la foi nicéenne et également les idéaux du monachisme, embrassés en Egypte par le grand ermite Antoine, à travers un choix de vie dont Athanase fut toujours proche. Saint Antoine, avec sa force spirituelle, était la personne qui soutenait le plus la foi de saint Athanase. Réinstallé définitivement dans son Siège, l’Evêque d’Alexandrie put se consacrer à la pacification religieuse et à la réorganisation des communautés chrétiennes. Il mourut le 2 mai 373, jour où nous célébrons sa mémoire liturgique.
L’oeuvre doctrinale la plus célèbre du saint Evêque alexandrin est le traité Sur l’incarnation du Verbe, le Logos divin qui s’est fait chair en devenant comme nous pour notre salut. Dans cette œuvre, Athanase dit, avec une affirmation devenue célèbre à juste titre, que le Verbe de Dieu « s’est fait homme pour que nous devenions Dieu; il s’est rendu visible dans le corps pour que nous ayons une idée du Père invisible, et il a lui-même supporté la violence des hommes pour que nous héritions de l’incorruptibilité » (54, 3). En effet, avec sa résurrection le Seigneur a fait disparaître la mort comme « la paille dans le feu » (8, 4). L’idée fondamentale de tout le combat théologique de saint Athanase était précisément celle que Dieu est accessible. Il n’est pas un Dieu secondaire, il est le vrai Dieu, et, à travers notre communion avec le Christ, nous pouvons nous unir réellement à Dieu. Il est devenu réellement « Dieu avec nous ».
Parmi les autres œuvres de ce grand Père de l’Eglise – qui demeurent en grande partie liées aux événements de la crise arienne – rappelons ensuite les autres lettres qu’il adressa à son ami Sérapion, Evêque de Thmuis, sur la divinité de l’Esprit Saint, qui est affirmée avec netteté, et une trentaine de lettres festales, adressées en chaque début d’année aux Eglises et aux monastères d’Egypte pour indiquer la date de la fête de Pâques, mais surtout pour assurer les liens entre les fidèles, en renforçant leur foi et en les préparant à cette grande solennité.
Enfin, Athanase est également l’auteur de textes de méditation sur les Psaumes, ensuite largement diffusés, et d’une œuvre qui constitue le best seller de la littérature chrétienne antique: la Vie d’Antoine, c’est-à-dire la biographie de saint Antoine abbé, écrite peu après la mort de ce saint, précisément alors que l’Evêque d’Alexandrie, exilé, vivait avec les moines dans le désert égyptien. Athanase fut l’ami du grand ermite, au point de recevoir l’une des deux peaux de moutons laissées par Antoine en héritage, avec le manteau que l’Evêque d’Alexandrie lui avait lui-même donné. Devenue rapidement très populaire, traduite presque immédiatement en latin à deux reprises et ensuite en diverses langues orientales, la biographie exemplaire de cette figure chère à la tradition chrétienne contribua beaucoup à la diffusion du monachisme en Orient et en Occident. Ce n’est pas un hasard si la lecture de ce texte, à Trèves, se trouve au centre d’un récit émouvant de la conversion de deux fonctionnaires impériaux, qu’Augustin place dans les Confessions (VIII, 6, 15) comme prémisses de sa conversion elle-même.
Du reste, Athanase lui-même montre avoir clairement conscience de l’influence que pouvait avoir sur le peuple chrétien la figure exemplaire d’Antoine. Il écrit en effet dans la conclusion de cette œuvre: « Qu’il fut partout connu, admiré par tous et désiré, également par ceux qui ne l’avaient jamais vu, est un signe de sa vertu et de son âme amie de Dieu. En effet, ce n’est pas par ses écrits ni par une sagesse profane, ni en raison de quelque capacité qu’Antoine est connu, mais seulement pour sa piété envers Dieu. Et personne ne pourrait nier que cela soit un don de Dieu. Comment, en effet, aurait-on entendu parler en Espagne et en Gaule, à Rome et en Afrique de cet homme, qui vivait retiré parmi les montagnes, si ce n’était Dieu lui-même qui l’avait partout fait connaître, comme il le fait avec ceux qui lui appartiennent, et comme il l’avait annoncé à Antoine dès le début? Et même si ceux-ci agissent dans le secret et veulent rester cachés, le Seigneur les montre à tous comme un phare, pour que ceux qui entendent parler d’eux sachent qu’il est possible de suivre les commandements et prennent courage pour parcourir le chemin de la vertu » (Vie d’Antoine 93, 5-6).
Oui, frères et soeurs! Nous avons de nombreux motifs de gratitude envers Athanase. Sa vie, comme celle d’Antoine et d’innombrables autres saints, nous montre que « celui qui va vers Dieu ne s’éloigne pas des hommes, mais qu’il se rend au contraire proche d’eux » (Deus caritas est, n. 42).

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