HOMÉLIE DU JOUR DE PÂQUES, B

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Jésus est ressuscité!

HOMÉLIE DU JOUR DE PÂQUES, B

Ac 10, 34a. 37-43 ; Col 3, 1-4 ou 1 Co 5, 6b-8 ; Jn 20, 1-9 ou Mc 16, 1-8

Rêve déçu, intensément tristes, découragées, trois femmes de la première compagnie de Jésus (pas celle des jésuites, mais des premiers disciples) se rendaient au cimetière avec des fleurs et du parfum. Mais le récit de Marc n’est pas un reportage pris sur le vif. Il n’y a pas eu de scène filmée ni de micro tendu. Ces pages de catéchèse sont déjà un écho de l’expérience spirituelle d’une communauté de croyants, où se mêlent les souvenirs, les faits et les symboles. Par contre, la peur, elle, est bien là. Le choc de l’émotion religieuse, la stupeur de ceux et celles qui s’approchent de Dieu et qui découvrent tout d’un coup à l’endroit la surprenante réalité que l’on voit d’habitude à l’envers. C’est-à-dire le monde des réalités spirituelles.
Le Christ de chair et d’os n’est plus là. Mais bien le Christ de la foi. C’est le message du Christ, et le Christ messager qui est au centre du récit : Le Nazaréen, Dieu l’a ressuscité. La mort est donc renversée, elle a changé de sens. Le crucifié mort est vivant.
Voilà une affirmation tranchante, sans preuves, sans explications. Une vérité exorbitante, présentée comme un fait accompli. Mais où est-il ? Ni là, ni ici, mais ailleurs. Dans un univers nouveau qu’elles devront découvrir. Une présence et un message qui les envoient en mission. Elles reçoivent un ordre de marche : Allez dire aux disciples, allez dire à Pierre… Mais elles s’enfuirent bouleversées, toutes tremblantes et en claquant des dents. Il est vrai qu’il y avait de quoi. Révélations et manifestations divines ont toujours provoqué l’effroi, la crainte et le tremblement. Mais, souligne Marc, elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. C’est ici que se termine son évangile.
Les spécialistes sont d’accord pour affirmer que la suite, l’épilogue, n’est pas de la plume de l’évangéliste, mais un « appendice » ajouté après coup pour offrir une finale heureuse. Car, en fait, elles ont finalement transmis leur message, comme on le voit chez Matthieu, Luc et Jean. Heureusement. Sinon, les disciples n’auraient rien su de l’événement et nous non plus. Mais il ne suffira pas de le dire et le redire avec des mots, il faudra en témoigner. Autrement dit, le mettre au monde dans la communauté des croyants, accoucher de son corps mystique. Elles vont donner corps à la Parole, enfanter des humains à la vie nouvelle, par la foi au Ressuscité.
Peut-on se fier à des femmes, se disaient les disciples ? Ainsi, des femmes, à qui la Loi juive déniait la capacité juridique de témoigner, vont témoigner de la résurrection du Christ et les sortir de leurs préoccupations terre-à-terre dont ils étaient prisonniers. C’est elles qui vont les ramener à tout ce que Jésus leur avait promis et confié, mais qui fut balayé par le désarroi et les abandons à l’heure de la Passion.
De fait, elles ont parlé aux Onze et à tous les autres, précise Luc. Résultat ? Elles furent mal reçues. Ils n’ont pas cru un mot de ce qu’elles racontaient et ont pris leurs paroles pour du délire… Des radotages de bonnes femmes !
Mais quand des hommes viendront faire part de leur rencontre et de leur expérience du Ressuscité, ils ne seront pas mieux reçus. Ce qui veut dire que l’incrédulité est plus spontanée que la foi. Ce n’est d’ailleurs que lentement et péniblement que la foi au Ressuscité s’est imposée aux apôtres comme venant de Dieu… Ce n’est pas plus facile pour nous ni plus rapide.
Quant à la preuve, car on réclame toujours des preuves, ce ne sera pas un tombeau vide, ni un saint suaire, ni un rapport de police, mais la transformation surprenante et profonde d’une poignée de poltrons en croyants audacieux. Un miracle ! « Les événements de la Pâque de l’an 30, écrit un exégète, ont transformé des femmes craintives en messagères et des lâches ou traîtres en témoins confessants ».
C’est d’ailleurs ce que l’on attend aujourd’hui de notre foi. Il nous faut mettre au tombeau notre esprit du monde et notre incrédulité, pour mener une vie nouvelle, une vie de ressuscité. Faire mourir ce qu’on appelle le vieil homme et laisser vivre un être nouveau, renouvelé.
Il n’empêche que nous rêvons facilement, jusqu’à en être avides, de signes venus du ciel, de preuves palpables, tangibles, visibles, indiscutables. Des témoignages irrésistibles, un raisonnement parfait, qui puissent nous rendre la foi plus facile ou plus claire. Voyez la course aux révélations, aux secrets, aux apparitions… Or, nous n’aurons pas de preuves en dehors de la foi. Par contre, la foi transforme les relations entre les êtres et les rapports entre les choses. C’est là que l’on attend aujourd’hui des témoins et des acteurs, heureux et fiers d’être des disciples du Ressuscité. On doit pouvoir les reconnaître à leur tête, des têtes de sauvés. Non pas simplement à leurs chants, ou à la saveur de leurs alleluias, mais à leur manière de vivre, de se comporter, de parler, de pardonner, d’être solidaires et de partager. D’authentiques artisans de paix. Des témoins crédibles.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

 

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