Archive pour mars, 2018

HOMÉLIE DU JOUR DE PÂQUES, B

30 mars, 2018

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

imm fr

Jésus est ressuscité!

HOMÉLIE DU JOUR DE PÂQUES, B

Ac 10, 34a. 37-43 ; Col 3, 1-4 ou 1 Co 5, 6b-8 ; Jn 20, 1-9 ou Mc 16, 1-8

Rêve déçu, intensément tristes, découragées, trois femmes de la première compagnie de Jésus (pas celle des jésuites, mais des premiers disciples) se rendaient au cimetière avec des fleurs et du parfum. Mais le récit de Marc n’est pas un reportage pris sur le vif. Il n’y a pas eu de scène filmée ni de micro tendu. Ces pages de catéchèse sont déjà un écho de l’expérience spirituelle d’une communauté de croyants, où se mêlent les souvenirs, les faits et les symboles. Par contre, la peur, elle, est bien là. Le choc de l’émotion religieuse, la stupeur de ceux et celles qui s’approchent de Dieu et qui découvrent tout d’un coup à l’endroit la surprenante réalité que l’on voit d’habitude à l’envers. C’est-à-dire le monde des réalités spirituelles.
Le Christ de chair et d’os n’est plus là. Mais bien le Christ de la foi. C’est le message du Christ, et le Christ messager qui est au centre du récit : Le Nazaréen, Dieu l’a ressuscité. La mort est donc renversée, elle a changé de sens. Le crucifié mort est vivant.
Voilà une affirmation tranchante, sans preuves, sans explications. Une vérité exorbitante, présentée comme un fait accompli. Mais où est-il ? Ni là, ni ici, mais ailleurs. Dans un univers nouveau qu’elles devront découvrir. Une présence et un message qui les envoient en mission. Elles reçoivent un ordre de marche : Allez dire aux disciples, allez dire à Pierre… Mais elles s’enfuirent bouleversées, toutes tremblantes et en claquant des dents. Il est vrai qu’il y avait de quoi. Révélations et manifestations divines ont toujours provoqué l’effroi, la crainte et le tremblement. Mais, souligne Marc, elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. C’est ici que se termine son évangile.
Les spécialistes sont d’accord pour affirmer que la suite, l’épilogue, n’est pas de la plume de l’évangéliste, mais un « appendice » ajouté après coup pour offrir une finale heureuse. Car, en fait, elles ont finalement transmis leur message, comme on le voit chez Matthieu, Luc et Jean. Heureusement. Sinon, les disciples n’auraient rien su de l’événement et nous non plus. Mais il ne suffira pas de le dire et le redire avec des mots, il faudra en témoigner. Autrement dit, le mettre au monde dans la communauté des croyants, accoucher de son corps mystique. Elles vont donner corps à la Parole, enfanter des humains à la vie nouvelle, par la foi au Ressuscité.
Peut-on se fier à des femmes, se disaient les disciples ? Ainsi, des femmes, à qui la Loi juive déniait la capacité juridique de témoigner, vont témoigner de la résurrection du Christ et les sortir de leurs préoccupations terre-à-terre dont ils étaient prisonniers. C’est elles qui vont les ramener à tout ce que Jésus leur avait promis et confié, mais qui fut balayé par le désarroi et les abandons à l’heure de la Passion.
De fait, elles ont parlé aux Onze et à tous les autres, précise Luc. Résultat ? Elles furent mal reçues. Ils n’ont pas cru un mot de ce qu’elles racontaient et ont pris leurs paroles pour du délire… Des radotages de bonnes femmes !
Mais quand des hommes viendront faire part de leur rencontre et de leur expérience du Ressuscité, ils ne seront pas mieux reçus. Ce qui veut dire que l’incrédulité est plus spontanée que la foi. Ce n’est d’ailleurs que lentement et péniblement que la foi au Ressuscité s’est imposée aux apôtres comme venant de Dieu… Ce n’est pas plus facile pour nous ni plus rapide.
Quant à la preuve, car on réclame toujours des preuves, ce ne sera pas un tombeau vide, ni un saint suaire, ni un rapport de police, mais la transformation surprenante et profonde d’une poignée de poltrons en croyants audacieux. Un miracle ! « Les événements de la Pâque de l’an 30, écrit un exégète, ont transformé des femmes craintives en messagères et des lâches ou traîtres en témoins confessants ».
C’est d’ailleurs ce que l’on attend aujourd’hui de notre foi. Il nous faut mettre au tombeau notre esprit du monde et notre incrédulité, pour mener une vie nouvelle, une vie de ressuscité. Faire mourir ce qu’on appelle le vieil homme et laisser vivre un être nouveau, renouvelé.
Il n’empêche que nous rêvons facilement, jusqu’à en être avides, de signes venus du ciel, de preuves palpables, tangibles, visibles, indiscutables. Des témoignages irrésistibles, un raisonnement parfait, qui puissent nous rendre la foi plus facile ou plus claire. Voyez la course aux révélations, aux secrets, aux apparitions… Or, nous n’aurons pas de preuves en dehors de la foi. Par contre, la foi transforme les relations entre les êtres et les rapports entre les choses. C’est là que l’on attend aujourd’hui des témoins et des acteurs, heureux et fiers d’être des disciples du Ressuscité. On doit pouvoir les reconnaître à leur tête, des têtes de sauvés. Non pas simplement à leurs chants, ou à la saveur de leurs alleluias, mais à leur manière de vivre, de se comporter, de parler, de pardonner, d’être solidaires et de partager. D’authentiques artisans de paix. Des témoins crédibles.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

 

MÉDITATION DU VENDREDI SAINT (2014)

29 mars, 2018

http://www.chemindamourverslepere.com/archive/2014/04/18/meditation-du-vendredi-saint-5349629.html

fr -santo-sepolcro-golgota-greco-ortodosso-gerusalemme

Église orthodoxe-grecque du Saint-Sépulcre, Jérusalem

MÉDITATION DU VENDREDI SAINT (2014)

« L’âme de Jésus avait une soif aussi ardente des âmes, que son corps de l’eau du puits. Sa pensée s’étendait sur tous les siècles à venir, et il désirait avec ardeur multiplier la multitude des âmes rachetées. Hélas ! nous pouvons mesurer approximativement le tourment de la soif physique ; mais nous n’avons pas même une ombre qui puisse nous donner une idée de la réalité du tourment qu’endurait son âme. Si l’amour du Créateur pour les créatures qu’il a tirées du néant ne ressemble à aucun amour des anges ni des hommes, si l’espèce en est unique, si le degré en dépasse la portée de notre intelligence, ainsi en est-il de l’amour spirituel pour les âmes que renferme l’âme du Sauveur du monde. L’amour sauveur reste sans terme de comparaison, comme l’amour créateur. [...] Le tourment de cette soif était incomparablement bien plus cruel que celui de l’autre soif. Marie le vit, et cette vue même la transporta aussitôt, pour ainsi dire, dans un monde nouveau et inconnu de douleurs. Elle vit que cette seconde soif serait presque aussi peu satisfaite que l’autre. Elle vit comment, à ce moment, Jésus contemplait dans son âme la procession sans fin des hommes qui s’avançaient chaque jour, sans interruption, d’une aurore à l’autre, en portant avec eux dans l’enfer le caractère du baptême et le sceau du précieux sang de leur Rédempteur. Voyez ! maintenant même, alors que le Sauveur est mourant de soif, le larron impénitent ne veut pas lui donner à boire son âme souillée ! Ainsi allait-il en être à jamais. Marie voyait tout cela. [...] Comme lui elle avait soif des âmes, et son cœur défaillait en voyant que la soif de Jésus ne serait pas étanchée. Ô malheureux enfants que nous sommes ! Combien de nos âmes n’avons-nous pas tenues éloignées, qui ce jour-là auraient consolé la Mère et le Fils ! »

Crucifixion_Rubens_1a.jpg

Tableau de Pierre Paul Rubens (Source)

« Il ne faut pas que nous quittions la croix. Nous ne devons pas descendre du Calvaire avant d’être crucifiés, et que la croix et nous soyons devenus inséparables. Mais le Calvaire est le grand théâtre de l’impatience humaine. Beaucoup ont le courage de gravir la colline, portant bravement leur croix sur leurs épaules. Mais, quand ils arrivent au sommet, ils posent leur croix à terre et descendent dans la cité pour prendre part au reste de la fête avec le peuple. Quelques-uns se laissent dépouiller, mais ils se retirent alors, refusant de se laisser attacher à la croix. D’autres y sont cloués, mais se détachent avant l’élévation de la croix. Quelques-uns supportent le choc de l’élévation, puis descendent de la croix avant que les trois heures soient passées ; ceux-ci dès la première heure, ceux-là dans la seconde, d’autres, hélas ! au moment même où la troisième heure est près de sa fin. Hélas ! le monde est plein des déserteurs du Calvaire, et il en est tellement plein que la grâce prudente ou dédaigneuse semble peu s’inquiéter de les arrêter. Car la grâce ne crucifie nul homme malgré lui ; elle laisse ce travail au monde et il le fait traîtreusement ou tyranniquement. [...] Nous voulons bien que notre sanctification ressemble à une opération douloureuse, mais nous désirons que cette opération soit de courte durée ; nous ne pouvons attendre, si elle vient sous la forme d’une guérison graduelle… [...]

C’est seulement à l’aide de la grâce du silence que les saints portent de si lourdes croix. Une croix pour laquelle nous avons reçu de la sympathie, est bien plus lourde qu’elle ne l’était auparavant, ou il peut arriver que la sympathie nous ait énervés de telle sorte que le poids semble plus grand et la plaie plus douloureuse sur nos épaules. Le silence est l’atmosphère propre de la croix, comme le secret natal. Les meilleures croix sont secrètes, et nous pouvons être silencieux sous celles qui ne sont pas secrètes. Le silence crée réellement pour nous une sorte de secret, même en public. Car du moins nous pouvons cacher combien nous souffrons, si nous ne pouvons cacher tout à fait que nous souffrons. [...] D’une manière ou d’une autre, la sympathie humaine profane les opérations de la grâce. Elle mêle un élément avilissant à ce qui est divin : le Saint-Esprit s’en éloigne parce que c’est une chose qui « venant de la terre, est tout terrestre. » Le consolateur ne donne ses meilleures consolations qu’aux cœurs inconsolables… »

Crucifixion_tableau1a.jpg

« Mais il y a une vraie consolation, profondément cachée, il est vrai, et cependant à notre portée, dans ce renoncement à toute consolation humaine. C’est dans les ténèbres de la nature que nous trouvons réellement le voisinage de Jésus. C’est lorsque les créatures sont absentes que nous sommes soutenus dans l’embrassement sensible du Créateur. Les créatures apportent l’obscurité avec elles, partout où elles s’introduisent. Elles nous gênent toujours, interceptent les grâces, cachent Dieu, nous privent des consolations spirituelles, nous rendent languissants et irritables. Elles remplissent tellement nos sens extérieurs, que les sens intérieurs de nos âmes sont incapables d’agir. Nous désirons souvent que notre vie soit plus divine. Mais elle l’est en réalité plus que nous ne le croyons. C’est la douleur qui nous révèle cela… [...] Nous sommes avec Dieu, notre Créateur, notre Sauveur. il est tout à nous ; il est tel que nous l’a fait l’éloignement des créatures. Il était toujours là, toujours le même dans nos âmes ; seulement il était éclipsé par le faux éclat des créatures. Il paraît enfin dans la nuit comme les étoiles. La lune blanche du midi ne nous séduit pas par sa beauté, c’est seulement dans la nuit qu’elle nous charme. De même c’est l’obscurité d’un Calvaire spirituel qui répand sur nos âmes la douce clarté de notre admirable Sauveur. »

R.P. F.W. Faber (1814-1863), Le pied de la Croix ou les douleurs de Marie (ch. VI), Quatrième édition, Paris, Ambroise Bray, 1862.

 

HOMÉLIE DU JEUDI SAINT PAR LE FR. DENIS BISSUEL, OP

28 mars, 2018

http://dominicainslille.fr/homelie-du-jeudi-saint/

immag fr

La dernière Cène

HOMÉLIE DU JEUDI SAINT PAR LE FR. DENIS BISSUEL, OP

Je ne sais pas si vous avez l’expérience de la randonnée, pas la petite promenade digestive du dimanche, mais la marche qui doit vous conduire loin et haut, celle pour laquelle il vaut mieux se préparer et prendre quelques précautions si l’on veut arriver au bout, rester en forme et garder un bon moral : il est essentiel de prévoir un bon casse-croûte riche en calories et d’avoir les pieds en bon état.
Il en va de même dans notre vie de foi. Nous sommes des pérégrinant, pèlerins par nature, toujours en marche et à coup sûr éprouvés un jour ou l’autre par la faim, la fatigue ou la soif, parfois par ces ampoules qui vous écorchent là où ça fait bien mal et vous empêchent d’avancer ; ou encore assailli par le doute, le découragement, ou quelque question angoissante à vous tordre l’estomac.
Il faut pourtant continuer à avancer dans la vie, tenir à l’heure de l’épreuve, et ce sera peut-être plus difficile encore quand les ténèbres viendront soudain recouvrir la terre, quand Jésus, sur qui on croyait pouvoir s’appuyer fermement et compter semblera soudain vaincu lui-même, anéanti, terrassé par les forces du mal, emporté par la mort.
C’est aujourd’hui son heure, l’heure il entre dans sa Passion. La Pâque approche, l’ambiance est lourde, mortifère. Les grands prêtres et les scribes cherchent comment arrêter Jésus par ruse pour le tuer ; l’un de ses disciples va le trahir, un autre le renier, et Jésus est à table avec eux. Au cours de ce dernier repas, avant de quitter ce monde et d’aller vers le Père, Jésus va prendre soin d’eux, il va leur donner la nourriture dont ils ont besoin pour la route et s’occuper de leur laver les pieds, signe de son amour indéfectible. Il leur demande de reprendre ces gestes en mémoire de lui. Ils pourront alors avancer et persévérer sur un chemin parfois bien rude. Ce chemin doit traverser les déserts de la plaine, gravir les escarpements de la montagne, ce chemin passe par la croix
Tandis qu’ils mangeaient, Jésus prend du pain, ordinaire, celui qui est fait pour nourrir la masse des hommes, fruit de la terre et du labeur de l’humanité, que l’on sait aussi partager en signe d’amitié. Ce pain, Jésus le brise, le partage, le donne pour qu’il soit reçu, pris et mangé, sur lequel il prononce ces paroles : ceci est mon corps, pour vous. Car c’est lui qui dans sa Passion sera brisé. Par ce geste Jésus donne et se donne, jusqu’à se faire pain, nourriture pour la vie du monde, transformant notre vie pour qu’elle devienne fraternelle, sacramentelle.
Puis il prend une coupe, la coupe du sang versé de la nouvelle Alliance, qui n’est plus le sang d’un agneau à répandre sur le linteau des portes de nos maisons, mais le sang de Jésus qu’il nous invite à boire pour nous protéger des assauts destructeurs du mal et du péché. Prenez, mangez, buvez, ceci est mon corps, ceci est mon sang, pour vous.
Dans l’évangile selon saint Jean Jésus, dans un geste d’humble service, se met à genoux devant chacun de ses disciples, tel le Maître et Seigneur qu’il est en vérité, et il commence à leur laver les pieds à tous. Il y a là Pierre sur qui il bâtit son Église et qui allait le renier et André, des pêcheurs du lac, Jacques et Jean son frère, Philippe, Barthélémy, Matthieu un collecteur d’impôts, un autre Jacques, Thaddée, Simon un zélote, et Judas l’un des douze celui-là même qui allait le livrer. Et à leurs pieds, Jésus. C’est le monde à l’envers, mais bien le seul endroit de Dieu.
Dieu a toujours pris soin de son peuple. Lève-toi et mange autrement le chemin sera trop long pour toi, disait déjà Dieu à Elie épuisé, avant de lui servir une bonne galette et un verre d’eau fraîche. Souviens-toi, durant cette longue marche de 40 ans que tu as faite dans le désert, ton pied n’a jamais enflé, rappelait Moïse au peuple d’Israël. Dieu est fidèle à sa promesse d’être toujours avec nous et pour nous. Il le manifeste et le signifie en nous soutenant et nous secourant dans les réalités les plus vitales et les plus simples : manger, boire, servir, marcher, aimer. Ces réalités essentielles, Jésus les reprend, les accomplit en un sens radicalement nouveau ; sachons en découvrir la grâce et le mystère.
Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. Il fallait que Jésus prît la tenue de serviteur, endurât sa souffrance pour entrer dans sa gloire. Il en va de notre salut. Jésus insiste donc : il nous demande de lui faire confiance et de prendre et de reprendre en mémoire de lui ce qu’il a dit et fait pour nous : comme je vous ai lavés les pieds, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. Heureux serez-vous si vous le faites en mémoire de moi. Peut-être avons-nous comme l’apôtre Pierre quelques fierté ou réticences exprimées ou rentrées, toi Seigneur me laver les pieds à moi, jamais ! Mais il faut en passer par là.
Laissons-nous faire, laissons-nous laver les pieds et buvons à la coupe. Enterrons le vieil homme et mourrons au péché. Si nous parcourons avec le Christ le chemin de la Passion, de la vie, si nous devenons frères, sœurs, au service les uns des autres dans un véritable amour mutuel, alors nous pourrons percevoir la lueur de l’aube et commencer à comprendre : qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Amen

SUR LES SENS SPIRITUELS: SEPT MÉDITATIONS DU PIED DE LA CROIX

27 mars, 2018

http://www.abc.net.au/religion/articles/2017/04/13/4653730.htm

fr imm deposizione

dépôt de la croix

SUR LES SENS SPIRITUELS: SEPT MÉDITATIONS DU PIED DE LA CROIX

(première méditation)

(Google traduction de l’anglais)

Quand nous voyons la laideur d’un rictus de douleur sur le visage de Jésus, nous maintenons ensemble la difformité et la beauté. Et nous voyons plus. Nous voyons comment notre propre beauté est réalisée.
Quand nous voyons la laideur d’un rictus de douleur sur le visage de Jésus, nous maintenons ensemble la difformité et la beauté. Et nous voyons plus. Nous voyons comment notre propre beauté est réalisée.
Alison Milbank est professeure agrégée de littérature et de théologie à l’Université de Nottingham, et Priest Vicar de Southwell Minster, où ces méditations seront prononcées le vendredi saint 14 avril 2017.

Bienvenue au pied de la croix: il y a de la place pour tout le monde.
Je vous guiderai dans sept méditations à explorer par nos sens, pas seulement les visions, les sons, les goûts, les attouchements et les odeurs de ce jour de la crucifixion, mais une sensation spirituelle plus profonde que seule la foi peut ressentir.

Le Christ a dit: « Quand je serai élevé, j’attirerai tout le monde vers moi ». Alors, nous nous rapprocherons de lui dans la prière, en nous servant des paroles d’adoration de saint Augustin:
«Tu appelles et tu cries à haute voix et tu brises ma surdité, tu es rayonnante et resplendissante, tu mets en fuite mon aveuglement, tu es parfumée, et je retiens mon souffle et maintenant je te cherche, je te goûte et je ne sens que la faim. j’ai soif de toi, tu me touches, et je suis en feu pour atteindre la paix qui est à toi.
Retable d’ Issenheim, Matthias Gruenewald (Crédit: Vincent Desjardins / Wikimedia Commons)
Quand nous voyons la laideur d’un rictus de douleur sur le visage de Jésus, ou la distorsion de ses membres dans une peinture de crucifixion telle que celle de Matthias Gruenewald, notre esprit marque la distance de l’intégrité de la forme humaine. Nous tenons ensemble la difformité et la beauté. Et nous voyons plus. Nous voyons comment notre propre beauté est réalisée.

I. DISCERNER LA BEAUTÉ
Esaïe 53: 1-5
Pourquoi sommes nous ici? Pourquoi ressentons-nous le besoin de méditer sur la mort de Jésus? Simplement, nous nous sentons tenus de rester. Nous venons juste d’être avec Jésus, pour marquer ces trois heures de souffrance et d’humiliation, en compagnie de ces hommes et de ces femmes disciples qui l’ont suivi jusqu’au Golgotha, et qui pleuraient à distance.
Dans la semaine sainte, nous jouons beaucoup de rôles: nous crions pour la mort de Jésus avec la foule, et nous lavons les mains de la responsabilité comme Pilate. Seulement maintenant, comme des enfants jouant un jeu cruel, voyons-nous soudain le résultat de nos actions. Le poète WH Auden le compare à la rime du hasard d’un enfant, « comme volonté et tuer  » qui « se réalise / Avant que nous le réalisions. » Maintenant, il y a une victime.
Et il est un spectacle désolé. Du temps de saint François et de son identification mystique avec les blessures du Christ, des portraits réalistes de Jésus sur la croix nous sont familiers, montrant le sang qui coule des pieds, des mains et même de la tête percée d’épines; souvent la posture accroupie des jambes transmet la pression terrible sur la poitrine; le corps est souvent marqué avec les coups de fouet, ou marqué de pustules partout. Les coups ont dû être sévères, parce que Jésus est tombé pendant le voyage relativement court à l’extérieur des murs. Il portait probablement juste la barre transversale, mais il pesait environ quatre-vingts à cent livres, il n’est donc pas surprenant qu’après une flagellation, il ait dû être aidé par Simon de Cyrène.
Une partie de la punition était l’humiliation d’une telle mort, qui était si forte qu’il a fallu du temps avant que les chrétiens puissent supporter d’utiliser la croix comme un symbole. Nous savons que les soldats ont soumis Jésus à un rituel dégradant de royauté factionnaire, crachant sur lui et se moquant de ses prétentions messianiques.
D’une manière effroyable, la prophétie du serviteur souffrant dans Esaïe se réalise: « Il est méprisé et rejeté des hommes, un homme de douleurs, et mis au courant de chagrin: et nous avons caché pour ainsi dire nos visages de lui, il a été méprisé et nous ne l’avons pas estimé. La honte d’être à moitié nue, de perdre le contrôle des intestins, des marques d’actes de torture est une honte que nous pouvons comprendre, bien que dans une culture d’honneur et de honte telle que celle du premier siècle, une telle humiliation était beaucoup plus puissant et choquant.
De plus, dans la culture juive, elle était liée à une sorte de réalisme moral qui nous est familier dans le livre de Job, dans lequel la honte ou la souffrance est perçue comme l’accomplissement de la punition de Dieu. C’est ainsi qu’Esaïe dépeint la réponse au serviteur souffrant: «Nous l’estimions pourtant frappé, frappé de Dieu et affligé».
Mais ici, dans le venteux Golgotha ??est un homme innocent, victime d’une moquerie d’un procès et de l’hystérie de la foule. Comme Esaïe le poursuit: «Mais il a été blessé pour nos transgressions, il a été meurtri pour nos iniquités: le châtiment de notre paix était sur lui, et avec ses meurtrissures nous sommes guéris. Sa souffrance est le résultat de la cruauté et de la méchanceté humaines, pas la sienne. Il faut regarder plus profondément pour discerner la vérité. La scène extérieure d’un criminel qui prétendait être le roi des Juifs et blasphémait le temple, mis à mort comme un avertissement aux autres est trompeuse. « Les hommes ont fait étrange / Et personne ne désirait que le Christ le sache. » La vérité est plus profonde.
Alors pourquoi sommes-nous ici? Quel est notre rôle? Nous devons être avec le Christ d’une seconde manière: en tant que témoins du fait qu’ici est une victime; que les autorités politiques et religieuses ont comploté en présentant le bien comme le mal. Si nous ne pouvons rien faire d’autre face aux erreurs judiciaires épouvantables, aux actes violents contre les civils, au terrorisme et à toutes les horreurs de notre temps, nous pouvons témoigner: nous pouvons révéler la victime.
Le chant serviteur d’Isaïe souligne aussi fortement l’effet de la souffrance sur cette figure de serviteur: «Il n’a ni forme ni beauté, et quand nous le verrons, il n’y a pas de beauté que nous devrions le désirer … et nous avons caché comme notre des visages de lui.  » Les écrivains chrétiens des premiers siècles et du Moyen Âge discutèrent longuement de l’apparence physique du Christ, qui n’est jamais mentionnée dans les Evangiles. On a souvent cru qu’il était le plus beau de l’humanité parce qu’il était l’image expresse du Père, et parce qu’en Dieu la bonté, la vérité et la beauté sont unifiées. Pour saint Thomas, la beauté était particulièrement attribuable au Fils car il a parfaitement la nature du Père, et comme la Parole révèle la lumière et la splendeur de l’Esprit Éternel. Ce rayonnement divin doit d’une manière ou d’une autre avoir été exprimé à travers sa forme humaine en tant que serviteur.
Pour Augustin, le Christ est à la fois beau et laid lorsqu’il prend la forme d’un esclave en devenant humain; il voile sa gloire sur la croix, mais aussi, dans un sens, la révèle. En effet, sa prise en charge de la vie humaine avec tous ses défis et ses souffrances est elle-même belle. Pensez au visage d’une personne très âgée, ridée comme une pomme mais flamboyante de charité, ou encore à la patience d’un enfant malade. Augustine fait une déclaration forte qui vaut la peine de s’arrêter: « sa difformité était notre beauté ». Il écrit:
la difformité du Christ vous forme, car s’il n’avait pas voulu être déformé, vous n’auriez pas retrouvé la forme que vous avez perdue, il a donc été déformé sur la croix, mais sa difformité était notre beauté.
Voici donc notre troisième raison de rester près de la croix: percevoir la beauté des actions du Christ avec notre vision spirituelle, bien que nous soyons affligés par la torsion physique et la mutilation de son corps humain. Voir sa beauté, c’est aussi témoigner de l’injustice de sa profanation, comme de l’enfant mal nourri, dont les beaux et grands yeux émerveillés se posent sur la tige des membres faibles et au-dessus d’un estomac distendu. Toujours, si le mal doit être vaincu, nous devons affirmer le beau. Les beaux yeux de l’enfant affamé font d’autant plus tort à la distorsion de son corps.
Elaine Scarry, dans son petit livre sur la beauté et l’être juste , soutient que voir la beauté ne la coupe pas dans une oasis de privilège, mais ouvre des questions de comment il se rapporte à tout le reste. Elle écrit que «les belles choses donnent lieu à la notion de distribution, à une réciprocité qui sauve la vie, à l’équité … dans le sens d’une symétrie de la relation de chacun à l’autre».
Quand nous voyons la laideur d’un rictus de douleur sur le visage de Jésus, ou la distorsion de ses membres dans une peinture de crucifixion telle que celle de Matthias Gruenewald, notre esprit marque la distance de l’intégrité de la forme humaine. Nous tenons ensemble la difformité et la beauté. Et nous voyons plus. Nous voyons comment notre propre beauté est réalisée. Nous pourrions regarder le Jésus souffrant et voir notre condamnation. Car enfin, l’humanité aveugle y voit son propre péché, dont elle ne pourrait jamais avoir l’esprit. La crucifixion est ce que l’humanité a fait à cet amour inconnu, qui est venu nous aimer et nous sauver tous. Pourtant, il est également beau dans son humiliation, car cette difformité est la marque de l’amour du Christ pour nous.
Pour voir une beauté cachée, donc, est de voir notre salut. C’est une forme de justice qui fait que le juge s’étire sur une croix pour nous atteindre et nous inclure: « Par ses meurtrissures nous sommes guéris ». Même ces figures grotesques, monstrueuses et torturantes dans la peinture de l’ école Bosch de la foule moqueuse sont appelées à être belles, faites juste par la douleur du Christ.

Le Christ, malgré le sang qui coule de son front, et l’isolement que la douleur apporte, voit le plus clairement de n’importe qui. Même si la technique de la punition de la crucifixion fait de son mieux pour l’isoler de tout contact humain, ou de toute sympathie et identification humaine, cette distance ne fait qu’accentuer sa solidarité avec l’humanité stupide et volontaire.

PAUL VI – MÉDITATION SUR LA LITURGIE DE LA SEMAINE SAINTE (1968)

26 mars, 2018

http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/audiences/1968/documents/hf_p-vi_aud_19680410.html

imm imm en e fr - Copia

Jésus sous la croix

PAUL VI – MÉDITATION SUR LA LITURGIE DE LA SEMAINE SAINTE (1968)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi Saint, 10 avril 1968

Chers Fils et Chères Filles,

Nous vous saluons tous, en vous considérant comme participant avec Nous aux cérémonies de la Semaine Sainte dont la célébration est si importante. Non seulement cette semaine évoque le souvenir de la mort et de la résurrection du Seigneur, mais elle renouvelle l’efficacité de l’œuvre rédemptrice du Christ. Elle actualise le mystère pascal de la façon la plus authentique; elle le reflète dans sa liturgie, elle le reproduit dans son efficacité divine; elle le rend accessible aux fidèles qui veulent vivre des exemples et de la grâce du Christ; elle constitue, dans le cours du temps, le moment le plus rempli de la présence du Christ parmi nous, et dans le cours de l’année l’heure centrale vers laquelle tend et de laquelle part toute l’activité liturgique de l’Eglise. Elle concerne le Christ mort et ressuscité; mais elle concerne aussi chacun de nous, parce que chacun de nous doit mourir et ressusciter avec le Christ. C’est pour nous que le Christ a vécu le drame de la Rédemption; c’est avec nous qu’il veut la revivre. Ne laissons pas passer la fête de Pâques sans nous pénétrer de sa réalité et de ses exigences.
Nous savons que beaucoup d’entre vous sont actuellement à Rome en visiteurs, en touristes, pour admirer les souvenirs et les monuments de la Ville éternelle, pour faire une excursion de printemps, voir un peu de soleil et de ciel bleu. Mais Nous voulons croire qu’aucun de vous ne manquera de réserver quelque pensée à la Semaine Sainte et, si possible, quelques instants pour assister aux grandes cérémonies religieuses des églises romaines. Si vous êtes touristes, vous marchez, le guide en main, pour tout bien voir et tout bien connaître; de même, Nous voudrions, d’une façon sommaire, vous indiquer certains aspects de ces cérémonies auxquelles Nous vous exhortons à participer, afin que vous les compreniez mieux et que vous y assistiez avec plus de fruit.

Aspect historique
Le premier aspect est celui que nous pourrions appeler l’aspect historique, c’est-à-dire le caractère d’évocation que revêtent ces cérémonies. Elles se réfèrent aux derniers jours de la vie temporelle du Christ, comme chacun le sait. Mais en les replaçant, à nouveau devant nos yeux, l’Eglise veut réveiller, préciser ces souvenirs, retenir notre attention. Ce n’est pas sans raison que le récit de la passion est répété quatre fois pendant la Semaine Sainte. Et les trois derniers jours sont caractérisés par un fait dominant, particulier à chacun: le Jeudi-Saint par la Cène pascale, qui devient la Cène Eucharistique; le Vendredi-Saint par le procès, la crucifixion et la mort du Seigneur; le Samedi-Saint par le souvenir de sa sépulture, avant d’arriver à la nuit de la résurrection Pascale. La seule évocation de ces événements est déjà attirante par elle-même, et il n’est pas difficile d’en faire la première méditation, même si elle est uniquement descriptive.

Les personnages du drame
La seconde méditation porte sur les personnages du drame. Chacun d’eux est typique et représentatif. L’action dans laquelle ils se trouvent engagés, les uns et les autres, soit dans la passion, soit dans l’événement pascal, prend un relief impressionnant. L’humanité s’y révèle sous son jour le plus intéressant; la psychologie éternelle des hommes nous y apparait, non pas certes avec la majesté et la subtilité, souvent trop recherchées, des scènes célèbres du théâtre classique et du cinéma moderne, mais avec une sincérité et un naturel sans pareils, au point que l’on est tenté de répéter: voici l’homme. Cette exclamation fut prononcée par Pilate, à propos de Jésus. Et si nous arrêtons notre attention sur sa personne, quelle stupeur, quel attrait, quel trouble, quel amour envahissent les âmes attentives et fidèles! La passion du Christ est la révélation la plus profonde et la plus exacte qui nous soit donné de lui. Pensons, par exemple, aux paroles de Pierre qui se refuse au geste d’humilité de Jésus, penché devant lui pour lui laver les pieds: « Toi, Seigneur, me laver les pieds! » (Jn 13, 6). Que n’y a-t-il pas dans ce «toi »! Et, au terme de la tragédie la parole du Centurion: « Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu! » (Mt 27, 54). Mais pensons surtout au double témoignage de Jésus qui affirme être le Christ, Fils de Dieu (Mt 26, 64), au cours du procès religieux; et être le roi de l’histoire messianique, pendant le procès civil (Jn 18, 37), témoignages à cause desquels il sera crucifié. Les fidèles, les saints, s’efforcent d’explorer dans toute sa profondeur la psychologie de Jésus, et ils ne peuvent qu’en être enivrés d’émerveillement et d’amour.

Les raisons du drame
Puis la méditation devient plus large, plus profonde, plus théologique, plus cosmique, lorsqu’elle s’interroge sur les raisons de ce drame divin. Les lectures, spécialement celles de la vigile pascale, nous introduisent dans ce mystère où le péché de l’homme se rencontre avec la justice et la miséricorde de Dieu, où « la mort et la vie s’affrontent en un duel prodigieux » (Séquence pascale), et où la victoire du Christ ressuscité se présente comme une source de notre salut et prototype de la vie chrétienne.
Notre contemplation doit faire encore un pas de plus: celui de l’expérience émotive, dramatique et aimante de cette histoire, de cette célébration. Dans les magnifiques répons de l’office de matines des trois grandes journées qui précèdent Pâques, nous trouvons, par exemple, les cris les plus nobles et les plus profonds, les plus forts et les plus tendres, les plus violents et les plus doux qu’ait su exprimer l’âme de l’Eglise devant le mystère pascal. C’est dire que ces célébrations non seulement permettent une symphonie de sentiments, mais invitent à ajouter à la contemplation du drame pascal ses notes les plus hautes et les plus émouvantes, où la liturgie de la Semaine Sainte atteint à la beauté suprême.
Il y aurait trop à dire sur ce sujet. Mais sachez seulement que le grand cœur de l’Eglise, et avec lui l’humble cœur du Pape, vibre d’une émotion intense pendant la célébration du mystère pascal, et qu’il invite vos cœurs à vibrer avec lui. C’est à cela que vous encourage et vous exhorte Notre Bénédiction Apostolique.

 

HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION, B

23 mars, 2018

http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/

pens  e   fr in_gerusalemme - Copia

Jésus entre à Jérusalem

HOMÉLIE DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION, B

Mc 11, 1-10 (ou Jn 12, 12-16) ; Is 50, 4-7 ; Ph 2, 6-11 ; Mc 14, 1 – 15, 47

Dieu semble bien souvent absent. Surtout peut-être quand on en aurait le plus besoin. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (1). Voilà les seules paroles de Jésus en croix que Marc a retenues dans sa prédication de la Bonne Nouvelle. C’étaient d’ailleurs des paroles semblables que devaient crier dans les geôles romaines ou murmurer dans leurs cœurs désemparés tant de chrétiens victimes d’une persécution croissante.
Comment rendre confiance à ces enthousiastes déçus, à ces nouveaux convertis, juifs ou païens, qui ont reconnu dans le prophète de Nazareth le libérateur de tous les esclavages, l’élu de Dieu, bâtisseur d’un monde nouveau ?
On ne peut vraiment connaître le Christ qu’en passant par où il est passé, répond Marc. On ne peut découvrir en lui la divinité qu’en acceptant sans réserve son humanité.
La vie du Christ n’a pas été constamment adoucie et embellie par des interventions miraculeuses. Trahi par les siens, injustement accusé par ses opposants, condamné à mort, le témoin de la vérité, l’irréprochable, ne sera pas sauvé in extremis par une « légion d’anges ».
Ses déceptions seront intégralement humaines, l’angoisse ne lui sera pas épargnée et il sera rongé et torturé lui aussi par le doute lancinant jusqu’à laisser échapper une prière qui frise le désespoir.
La réalité est brutale mais on ne peut la gommer. Dieu « fait chair » n’a pas été bien accueilli. « Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reçu »… Bien des prophéties avaient évoqué très crûment la figure d’un messie, serviteur et souffrant, objet d’outrages de tous genres, maudit et malmené par les adorateurs du vrai Dieu… Prophéties oubliées au profit d’une image plus fidèle aux vanités humaines… Un messie royal et triomphant, politique et nationaliste, vainqueur de tous les ennemis et venu confirmer la religion officielle et ses adeptes les plus fervents.
Dès ses premières interventions, Jésus s’est heurté à tous les pouvoirs en place. La vérité de Dieu n’a pas plu à la vérité des hommes. La Bonne Nouvelle de la paternité divine et de la fraternité humaine, celles de l’amour et du pardon, de la justice et de la paix, ont été aussitôt censurées. Il faut faire taire ce blasphémateur !
La Parole aurait pu se prévaloir de ses origines divines et, comme l’écrit Paul, « revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ». Le Verbe n’a pas suivi la logique de l’esprit du monde. Il aurait pu se dérober à la spirale de la violence et du mal, éblouir ses adversaires et même se faire proclamer roi. Il a préféré la folle logique de l’amour et servir plutôt que d’être servi. Parfaitement homme, il a révélé un Dieu plus humain que l’homme, pour nous apprendre à être parfaitement et totalement homme ou femme.
Jésus n’a pas échappé aux épreuves de l’ingratitude et au supplice de la solitude. Son extraordinaire Bonne Nouvelle s’est constamment heurtée à l’incompréhension de ses proches et même de ses disciples. Marc nous fait toucher du doigt l’isolement progressif du miroir même de Dieu… Alliance des jalousies, des intégrismes et des fanatismes, pièges hypocrites et complots taillés sur mesure… Il faut relire la trahison de Judas, l’assoupissement des disciples, la fuite de la dernière garde et l’ultime et horrible blessure du reniement de Pierre.
A l’heure des miracles, il entendit les applaudissements de la foule. Condamné à mort au nom de Dieu et au nom de l’Empereur, c’est entouré de sarcasmes et de cris de haine qu’il traîna sa croix.
Progressivement, la Parole était devenue silence et c’est le silence de Dieu qui accompagna Jésus au calvaire. Y a-t-il plus grande solitude que celle du gibet ? L’espérance cependant n’est pas morte, car l’angoisse s’accompagne d’un cri : « Mon Dieu, mon Dieu… ».
Point d’orgue inattendu, c’est un soldat païen qui dénonce l’aveuglement des hommes et entonne le credo : « Vraiment cet homme était Fils de Dieu ».
Aujourd’hui encore, nous pouvons être Pierre ou Judas, Hérode, Caïphe, Pilate ou le Centurion. Nous pouvons trahir la Parole en l’écoutant sans la mettre en pratique. Nous pouvons emprisonner Jésus dans la solitude quand nos credo ne changent rien à notre vie. La Passion du Christ continue. Il est chaque jour re-crucifié, non par des juifs et des païens, mais par des baptisés qui « s’attaquent à la vie du juste et déclarent coupable l’innocente victime ». (Ps 93, 21)
L’ami et le fidèle, au contraire, est celui qui « se laisse réveiller chaque matin par la Parole, pour l’écouter comme celui qui se laisse instruire ».

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

(1) « Pourquoi m’as-tu abandonné ? », Chiara Lubich, Nouvelle Cité.

 

PAPE FRANÇOIS – 13. LITURGIE EUCHARISTIQUE. III. ‘NOTRE PÈRE’ ET UNE FRACTION DU PAIN

21 mars, 2018

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/audiences/2018/documents/papa-francesco_20180314_udienza-generale.html

pens e fr px-Antonello_da_Messina_004 - Copia

Antonello da Messina, Ecce Homo

PAPE FRANÇOIS – 13. LITURGIE EUCHARISTIQUE. III. ‘NOTRE PÈRE’ ET UNE FRACTION DU PAIN

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre

Mercredi 14 mars 2018

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous poursuivons la catéchèse sur la Messe. Lors de la Dernière Cène, après que Jésus ait pris le pain et la coupe du vin, et qu’il eut rendu grâce à Dieu, nous savons qu’il «rompit le pain». C’est à cette action que correspond, dans la liturgie eucharistique de la Messe, la fraction du Pain, précédée par la prière que le Seigneur nous a enseignée, c’est-à-dire le «Notre Père».
C’est ainsi que commencent les rites de communion, en prolongeant la louange et la supplique de la Prière eucharistique par la récitation communautaire du «Notre Père». Ce n’est pas l’une des nombreuses prières chrétiennes, mais c’est la prière des enfants de Dieu: c’est la grande prière que Jésus nous a enseignée. En effet, nous étant remis le jour de notre baptême, le «Notre Père» fait retentir en nous les mêmes sentiments qui furent ceux de Jésus Christ. Quand nous prions avec le «Notre Père», nous prions comme Jésus priait. C’est la prière qu’a faite Jésus, et il nous l’a enseignée; quand les disciples lui ont dit: «Maître, enseigne-nous à prier comme tu pries». Et Jésus priait ainsi. Il est si beau de prier comme Jésus! Formés à son enseignement divin, nous osons nous adresser à Dieu en l’appelant «Père», parce que nous sommes renés comme ses enfants à travers l’eau et l’Esprit Saint (cf. Ep 1, 5). Personne, en vérité, ne pourrait l’appeler familièrement «Abbà» — «Père» — sans avoir été engendré par Dieu, sans l’inspiration de l’Esprit, comme l’enseigne saint Paul (cf. Rm 8, 15). Nous devons penser: personne ne peut l’appeler «Père» sans l’inspiration de l’Esprit. Combien de fois des gens récitent le «Notre Père», mais sans savoir ce qu’ils disent. Car en effet, c’est le Père, mais est-ce que tu sens que quand tu dis «Père», Il est le Père, ton Père, le Père de l’humanité, le Père de Jésus Christ? As-tu un rapport avec ce Père? Quand nous récitons le «Notre Père», nous nous mettons en liaison avec le Père qui nous aime, mais c’est l’Esprit qui nous met en liaison, qui nous donne ce sentiment d’être des enfants de Dieu.
Quelle meilleure prière que celle enseignée par Jésus peut nous disposer à la communion sacramentelle avec Lui? Outre que pendant la Messe, le «Notre Père» est récité, le matin et le soir, pendant les laudes et les vêpres; de cette manière, l’attitude filiale envers Dieu et de fraternité avec notre prochain contribue à donner une forme chrétienne à nos journées.
Dans la prière du Seigneur — dans le «Notre Père» — nous demandons notre «pain quotidien», dans lequel nous apercevons une référence particulière au Pain eucharistique, dont nous avons besoin pour vivre comme enfants de Dieu. Nous implorons aussi «le pardon de nos offenses», et pour être dignes de recevoir le pardon de Dieu, nous nous engageons à pardonner ceux qui nous ont offensés. Et cela n’est pas facile. Pardonner les personnes qui nous ont offensés n’est pas facile; c’est une grâce que nous devons demander: «Seigneur enseigne-moi à pardonner comme tu m’as pardonné». C’est une grâce. Nous ne pouvons pas le faire avec nos forces: pardonner est une grâce de l’Esprit Saint. Ainsi, alors qu’il ouvre notre cœur à Dieu, le «Notre Père» nous dispose aussi à l’amour fraternel. Enfin, nous demandons aussi à Dieu de «nous délivrer du mal» qui nous sépare de Lui et nous divise de nos frères. Comprenons bien que ce sont des requêtes très adaptées à nous préparer à la communion (cf. Présentation générale du Missel romain, n. 81).
En effet, ce que nous demandons dans le «Notre Père» est prolongé par la prière du prêtre qui, au nom de tous, supplie: «Délivre-nous, Seigneur, de tout mal et donne la paix à notre temps». Et elle reçoit ensuite une sorte de sceau dans le rite de la paix: en premier lieu, on invoque du Christ que le don de sa paix (cf. Jn 14, 27) — si différente de la paix du monde — fasse grandir l’Eglise dans l’unité et dans la paix, selon sa volonté; puis, à travers le geste concret échangé entre nous, nous exprimons «la communion dans l’Eglise ainsi que leur amour mutuel avant de communier au sacrement» (PGMR, n. 82). Dans le rite romain, l’échange du signe de paix, placé dès l’antiquité avant la communion, a pour objectif la communion eucharistique. Selon l’avertissement de saint Paul, il n’est pas possible de communier à l’unique Pain qui fait de nous un seul Corps dans le Christ, sans nous reconnaître pacifiés par l’amour fraternel (cf. 1 Co 10, 16-17; 11, 29). La paix du Christ ne peut pas s’enraciner dans un cœur incapable de vivre la fraternité et de la recomposer après l’avoir blessée. C’est le Seigneur qui donne la paix: Il nous donne la grâce de pardonner ceux qui nous ont offensés.
Le geste de la paix est suivi de la fraction du Pain, qui dès les temps apostoliques a donné nom à toute la célébration de l’Eucharistie (cf. PGMR, n. 83; Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 1329). Accompli par Jésus au cours de la Dernière Cène, rompre le Pain est le geste révélateur qui a permis aux disciples de le reconnaître après sa résurrection. Rappelons les disciples d’Emmaüs, qui, en parlant de la rencontre avec le Ressuscité, racontent «qu’ils l’avaient reconnu lors de la fraction du pain» (cf. Lc 24, 30-31.35).
La fraction du Pain eucharistique est accompagnée par l’invocation de l’«Agneau de Dieu», la figure avec laquelle Jean-Baptiste a indiqué en Jésus «celui qui enlève le péché du monde» (Jn 1, 29). L’image biblique de l’Agneau parle de la rédemption (cf. Ex 12, 1-14; Is 53, 7; 1 P 1, 19; Ap 7, 14). Dans le Pain eucharistique, rompu pour la vie du monde, l’assemblée en prière reconnaît le véritable Agneau de Dieu, c’est-à-dire le Christ Rédempteur, et elle le supplie: «Prends pitié de nous… Donne-nous la paix».
«Prends pitié de nous», «Donne-nous la paix» sont des invocations qui, de la prière du «Notre Père» à la fraction du Pain, nous aident à disposer notre âme à participer au banquet eucharistique, source de communion avec Dieu et avec nos frères.
N’oublions pas la grande prière: celle que Jésus a enseignée, et qui est la prière avec laquelle Il priait le Père. Et cette prière nous prépare à la communion.

LA PÂQUE DE L’HÉBREU JÉSUS

20 mars, 2018

http://www.nostreradici.it/pasqua_Gesu.htm

fr

Pesach

LA PÂQUE DE L’HÉBREU JÉSUS

Traduction Google d’italien

La ville dans laquelle Jésus et ses hommes sont arrivés au terme de leur voyage, et où, pour la première fois, Jésus a été témoin d’un sacrifice sacré, est encombrée de fidèles venus de toute communauté juive, même de l’étranger. Jules Isaac écrit: « … Vous écoutez toutes les langues, la foule envahit tout, submerge tout … ». Un demi-siècle après le Christ, l’historien Josèphe parlera de deux ou trois millions de pèlerins. Dans ce cas aussi, ce chiffre ne doit pas être pris à la lettre, mais indique seulement une grande foule. Puisque la population de Jérusalem s’élevait alors à 270 000 âmes, on peut supposer au plus un nombre doublé.
Qui, d’ailleurs, représentait déjà une participation énorme. Les pèlerins qui ne pouvaient pas trouver une place dans des maisons privées campaient dans les rues ou autour de la ville. « Donc, toujours écrit J. Isaac, une des tentes a été ajoutée à la ville de pierre ».
Dans une atmosphère festive, religieuse et nationale, les Juifs rassemblés dans leur capitale ont célébré un événement décisif dans leur histoire: l’exode d’Egypte, et un moment particulièrement important pour leur culte. La Pâques célébrée à Jérusalem est peut-être le moment culminant de la vie juive en Palestine, où une tradition très ancienne a été reprise et animée par la fusion de deux fêtes différentes.
« Mon père était un Araméen errant: il est descendu en Egypte, il est resté là comme un étranger avec peu de gens et il est devenu une grande, forte et nombreuse nation … ».
Ce passage du Deutéronome (26.5) hante encore l’esprit de ceux qui, à l’époque du second Temple, se réunissaient à Jérusalem pour Pâques, comme celui de certains Juifs contemporains.
Cela indique que Pâques existait déjà, sous une forme plus pastorale, avant même l’esclavage en Egypte. A l’origine c’était la fête de la prima-vera qui, au moment de l’équinoxe, évoquait les jours de la création.
Dit Philon le Juif: « A cette époque, les éléments de la nature étaient résolus à s’ordonner harmonieusement entre eux. Le ciel était couvert de splendeur par le soleil, la lune et la trajectoire de toutes les étoiles, planètes et étoiles fixes. Il est embelli avec les différentes espèces de plantes, le vert qui couvrait les vallées et les montagnes, partout un sol riche et fertile faisait germer les fleurs. Pour se souvenir de la création, chaque année Dieu fait revenir le printemps et fait germer les plantes et les fleurs.
Dans le calendrier normal, le mois de Nissan est le septième de l’année. Mais à cause de l’éveil de la nature qui s’y produit et de l’appel à la création, à l’époque de Jésus, religieusement parlant, il était considéré comme le premier. Alors que celle de Tishri marque la nouvelle année civile, Nissan marque le début de l’année religieuse. La même Bible, d’ailleurs, la désigne comme première.
Pâques, comme les autres fêtes juives, rappelle le rythme naturel des saisons et de la vie pastorale menée par ces nomades Aramèis qui devinrent, après l’esclavage de l’Égypte et après le Sinaï, les peuples du monothéisme.
Plus tard, la tradition a réuni les deux parties. D’une part la pesah, ou Pâques proprement dite, c’est-à-dire la fête du passage, évoquant la libération et le départ des Juifs vers le mont Sion et le pays de Canaan; de l’autre, hag ha-massot, la fête des pains sans levain, c’est-à-dire ce pain sans levain que les Juifs nourrissaient de leur fuite précipitée d’Egypte. La fusion entre la tradition pastorale la plus éloignée et deux événements mémorables dans l’histoire juive imprègne l’atmosphère festive qui entoure Jésus et sa famille.
Il a donc assisté aux préparatifs de la fête. Il a vu l’énorme foire aux bestiaux qui a été apportée à Jérusalem depuis les collines environnantes et les épices des caravanes de Mésopotamie. Mais, à partir de midi, chaque travail a cessé.
La foule se rend au marché pour acheter les bêtes destinées aux sacrifices ou à la consommation domestique, ainsi que les herbes et les épices nécessaires au repas du seder. A la troisième heure, la trompette des Lévites annonce à la ville que le moment est venu de commencer les sacrifices.
Comme tous les premiers-nés d’Israël, Jésus aussi jeûne, pour racheter, avec cette abstinence, la mort du premier-né de l’Egypte, décrétée par Dieu pour forcer Pharaon à laisser partir son peuple.
Peu de temps après le sacrifice, il participera lui aussi au déjeuner de Pâques, appelé en Europe seder, mais que les communautés méditerranéennes appellent haggadah, à partir du titre de l’histoire faite par le chef de la famille lors de son développement.
En principe, ce repas rituel est fait à la maison. Les pèlerins qui ont pu être hébergés par des familles locales en consomment avec leurs invités; d’autres dans la rue, sur les places ou à la campagne. « Quand la nuit tombe, dit Haïm Schauss, des milliers d’agneaux sont torréfiés dans les cours des maisons, dans les rues, autour des tentes. Personne n’est seul à cette heure, pas même les plus pauvres et délaissée. Maîtres et serviteurs, hommes et femmes, jeunes et vieux, tous habillés, ils sont maintenant égaux et frères, couché sur les oreillers comme elle verse de l’eau et le vin et fait circuler le pot avec la viande, le pain sans levain et des herbes amères « .
C’est ainsi que Jésus participe à son premier déjeuner de Pâques à Jérusalem, auquel beaucoup d’autres suivront.
La cérémonie de Pâques sera en effet évoquée sept fois par les Evangiles.
Deux fois dans celui de Luc: le premier, à l’occasion du voyage à Jérusalem (2.41), le second pour la dernière Pâque célébrée par Jésus avant la Passion (22.14):
 » Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de Pâques, quand Jésus avait douze ans, ils remontaient, selon la coutume … etc. ».
« … j’ai ardemment désiré manger cette Pâques avec vous avant ma passion … ».
Matthieu parle deux fois de Pâques, mais seulement de la dernière célébrée par Jésus. 26.17, décrit la préparation du repas de Pâques, à savoir le Seder, faite par les disciples le jour des pains sans levain:
 » Le premier jour des pains sans levain, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent: » Où veux-tu que nous te préparions pour manger Pâques?  » … etc. »
Au c. 26.30 on parle à la place du « chant des psaumes », dont l’ensemble forme le hallel, l’ un des points forts de la liturgie pascale.
Marco, au début du c. 14, évoque aussi Pâques et la fête des azymes célébrés ensemble: « … Pendant ce temps deux jours manquaient pour Pâques et les Azzimi … ».
Et enfin, l’Evangile de Jean signale deux fois l’approche de la fête de Pâques, l’appelant « la fête des Juifs », célébrée par Jésus à son arrivée en Galilée:  » C’était près de Pâques, la fête des Juifs … » ( 6.4); et encore, après la résurrection de Lazare: « … Et beaucoup de la région sont allés à Jérusalem avant Pâques pour se purifier … » (11.55).
La fête de l’éveil et de la libération d’Egypte marque ainsi la vie d’un adolescent Jésus, puis de Jésus comme missionnaire, comme celle de tout Juif.
Les fêtes de Pâques durent sept jours. Les deux premiers sont entièrement festifs, impliquant l’interdiction de tout travail ou mouvement, autorisé dans les quatre suivants; le dernier est encore entièrement festif. Cette subdivision de la semaine de Pâques en trois moments distincts nous permet de mieux comprendre l’itinéraire du voyage vers Jérusalem, comme le dit l’Évangile de Luc.
Les trois jours préliminaires de la marche se terminent précisément la veille de Pâques, au moment précis où le sacrifice rituel commence la fête. Les deux suivants, à savoir le premier et le second séjour à Jérusalem, correspondent aux deux premières vacances, au cours desquelles Jésus et ses disciples suivent les offices sacrés du temple, et l’enfant, qui prépare son bar-miswah, est interrogé. des médecins. Dans les quatre suivants, ceux d’un demi-parti, toujours selon Luc, le retour à Nazareth aurait dû avoir lieu.
En effet, après le premier jour de marche, réalisant l’absence de Jésus, Marie et Joseph étaient retournés à Jérusalem, le trouvant « au bout de trois jours » dans le temple: ce qui signifie que les quatre demi-partis prévus pour le retour avaient plutôt passé dans la ville. Et les trouvant, bien que Luc ne spécifie rien, on peut raisonnablement supposer qu’ils sont restés là jusqu’à la fin de la semaine.
La liturgie de Pâques commence la veille avec le seder qui, vingt ans plus tard, deviendra la dernière Cène pour Jésus.
Ce repas est toujours l’un des moments les plus caractéristiques de la religiosité juive, l’une des plus révélatrices de la vocation d’Israël. Apparemment, c’est un repas normal, et les conversations qui y sont faites, bien que rituelles, ne diffèrent pas beaucoup des simples conversations familiales.
Cependant, dans son authenticité et son réalisme, et alors qu’il semble considérer Dieu comme un invité, le seder évoque la sacralité du monde et de la vie et la mission historique du peuple de Dieu.
Avant de servir pour leur subsistance, les aliments sont consacrés par des bénédictions qui révèlent leur caractère sacré. En effet, en vertu d’un symbolisme très direct, certains évoquent même les vicissitudes qui attendent un peuple destiné à une mission qui l’isolera du reste de l’humanité. Certains moments du dîner, certains gestes, certains mots, rappellent enfin le grand événement historique: la libération de l’Egypte, la traversée du désert, dont se souvient ou, plutôt, qui se réactive de temps en temps.
Tout cela crée une atmosphère simple et engageante, caractéristique de la religiosité juive, et qui, à l’époque de Jésus, la distinguait sans doute de celle des occupants païens. L’intervention de Dieu dans l’histoire est toujours accomplie par des moyens naturels. Les miracles, le cas échéant, se produisent sans bouleverser les lois de la nature, seulement en s’insérant au point précis où ces lois semblent hésiter sur le cours à prendre. Le miracle, signe de Dieu, peut influencer l’ordre de son univers, mais ne le contredit pas.
Le dîner de Pâques commence normalement. Prenant sa place à la table, le chef de la famille prononce la bénédiction rituelle sur le vin, dont les invités prennent une première gorgée. Trois autres tasses circuleront pendant le dîner: chacun de ces gestes a une signification particulière et est précédé d’une bénédiction spéciale.
La première coupe se réfère au qiddush (sanctification de la fête); le second à la haggadah (libération de l’Egypte); le troisième accompagne l’action de remerciement à la fin du repas; le quatrième, enfin, est celui du hallel, les psaumes de louange qui concluent la cérémonie de cette soirée fatidique, significative pour de nombreux aspects de notre destin …
« … Je lèverai la coupe de la libération et j’invoquerai le nom du Seigneur … » (Ps 116).
En fait, la tradition rapporte l’utilisation des quatre coupes aux quatre expressions utilisées par la Torah au moment de la promesse de Dieu à Moïse, pour libérer Israël de l’esclavage (Ex 6: 6-7):
« Je te ferai sortir du pays d’Egypte, je te délivrerai de l’ esclavage, je te sauverai de ton bras tendu, je te prendrai comme mon peuple ».
Ensuite, le cerfeuil et le persil est plongé dans l’eau salée ou de vinaigre dit: « Heureux celui qui a créé les fruits de la terre » est un premier appel à l’amertume de la vie, si souvent vécue par Israël.
Le pain azyme est alors partagé entre les convives, réservant une petite portion qui, enveloppée dans un linge, sera consommée à la fin du repas, avec le fruit.
Si ces simples gestes préliminaires ont rien qui met en évidence la solennité singulière de ce repas pris en commun, la conversation rituelle qui suit – la Haggadah – évoquera le grand événement historique dont la Pâque commémore. Le chef de famille prend alors le rôle du journaliste, alors que le plus jeune des personnes présentes – le « enfant sage » – il poser les questions qui doivent exprimer sa jeunesse merveille. Ainsi, le repas de Pâques devient une cérémonie domestique destinée à la formation religieuse des jeunes. Avec les moyens les plus simples, et sans l’ombre d’un accent, la haggadah atteint souvent le sublime.
Le père de la famille commence le dialogue rituel montrant aux invités un morceau de pain sans levain et disant:
« Ceci est le pain de la pauvreté que nos ancêtres mangeaient dans le pays d’Egypte Ceux qui ont faim viennent manger:.. Ceux qui ont besoin de Pâques et de faire venir cette année comme esclaves, l’an prochain les hommes libres. »
À ce stade, le plus jeune de la famille demande:
« Pourquoi cette nuit est différent des autres? Parce que les autres jours, nous mangeons du pain sans levain ou pain au levain, comme nous voulons, et ce soir à la place que du pain sans levain? Parce que d’autres nuits que nous mangeons toutes sortes de légumes, et ce soir seulement des herbes amères? Parce que d’autres nous ne trempons rien dans le vin, et ce soir nous le faisons deux fois – pourquoi les autres nuits s’asseoir ou se pencher, et au lieu de se reposer ce soir?
Les réponses Père évoquaient alors la libération de l’ Egypte, selon l’histoire de l’ Exode (12.1 et suiv.): « Nous étions esclaves de Pharaon en Egypte, et le Seigneur notre Père nous a libérés de la servitude à la main Bras puissant et tendu … etc; « .
À la fin de la narration, le père lève la coupe et conclut.
« … Et c’est cette promesse qui nous a soutenus, ainsi que nos pères, parce qu’aucun ennemi n’a essayé de nous exterminer, mais beaucoup l’ont fait, mais le Saint-béni soit-il – nous sauve de leurs mains ».
Ici, de nos jours, une chanson d’origine incertaine, appelée le Dayenu (« Ça aurait été assez») est dialoguée entre les invités . Le fonctionnaire énumère, à partir du verset en vers, les actes de Dieu en faveur de son peuple, et les convives répondent chaque fois « dayenu », « il aurait suffi »:
Combien Dieu nous a remplis de miracles!

S’il nous avait amenés d’Egypte
sans juger les Égyptiens …
dayenu

S’il avait frappé leur premier-né à la mort
sans livrer leurs biens …
dayenu

S’il nous avait donné leurs biens
sans ouvrir la mer devant nous …
dayenu

S’il avait ouvert la mer devant nous
sans nous laisser la traverser avec des pieds secs …
dayenu

S’il avait submergé nos ennemis
sans assurer notre survie dans le désert pendant quarante ans …
dayenu

S’il avait fourni notre subsistance
dans le désert sans nourrir la manne …
dayenu

S’il nous avait nourri de manne
sans nous donner le repos du sabbat …
dayenu

S’il nous avait accordé le reste du sabbat
sans nous conduire au pied du mont Sion …
dayenu

S’il nous avait conduits au pied du mont Sion
sans nous donner la loi …
dayenu

S’il nous avait donné la loi
sans nous introduire dans la terre d’Israël …
dayenu

S’il nous avait introduits dans la terre d’Israël
sans ériger pour nous le Temple de la Maison d’élection) …
dayenu

Comment devons-nous donc rendre grâce à Dieu pour les nombreuses faveurs qu’il nous a données!
Après diverses explications et commentaires bibliques sur l’agneau de Pâques, le pain azyme et les herbes amères, le chef de famille prononce l’affirmation solennelle, l’un des moments culminants du seder
« De génération en génération, chacun de nous a le devoir de se considérer comme ayant été libéré personnellement de l’esclavage d’Egypte, car il est écrit: Tu donneras cette explication à ton fils: c’est dans ce but que l’Éternel a agi dans le mien. quand il m’a fait sortir d’Egypte (Ex 13: 8). Maintenant, nos pères ont non seulement été libérés, mais nous aussi étions: le Saint – béni soit-il – nous a délivré avec eux, comme il est écrit: Il nous a fait sortir d’Egypte pour nous conduire ici et nous donner la terre promise à nos pères (Deut 6,23).
Nous tenons donc à remercier, chanter, la louange, la gloire, exaltent, célébrer, bénir, exalter et l’honorer qui, pour nous et pour nos pères ont fait toutes ces merveilles. Il nous a conduits de l’esclavage à la liberté, de la désolation à la joie, du deuil à la fête, des ténèbres à la lumière, de la servitude au salut. Chantons lui une nouvelle chanson, alleluja! « -
Ainsi se termine la première partie du seder. Le déjeuner est ensuite servi. accompagné des bénédictions habituelles sur le vin et les ablutions des mains, plus celles sur le pain sans levain et les herbes amères. La troisième coupe de vin est alors ivre, reposant sur le coude gauche (l’attitude du propriétaire par rapport à celle des esclaves). La coupe destinée au prophète Élie est aussi remplie de vin, et la porte est ouverte pour permettre à l’envoyé de Dieu et au pauvre d’entrer et de partager la table.
Enfin, après la récitation des psaumes de louange, la prière d’adoration déjà mentionnée (nishmat kol haj) est lue .
La cérémonie se termine en buvant la quatrième coupe. Au seder proprement dit, il faut suivre la lecture de certains passages bibliques et de certains chants, dont le plus populaire est le Tchad Gadyà, ou Canto del capretto. Composée en araméen, la langue utilisée en Palestine à l’époque de Jésus, cette comptine populaire a été écrite longtemps après le second Temple.
Cette chanson populaire est aussi une exaltation de la vie, montrant que quiconque menace d’être détruit. Et c’est aussi une allégorie de l’histoire universelle: les diverses forces qui ont combattu pour la domination du monde au cours des siècles, et qui ont si souvent tenté d’asservir ou de détruire Israël, finissent par s’anéantir elles-mêmes: tandis que les plus faibles de l’enfant – il subsistera toujours.
« L’enfant acheté par mon père pour deux deniers … » symbolise en fait le peuple d’Israël, que Dieu a gagné avec les deux tablettes de la Loi.
Le jour suivant, Marie, Joseph et Jésus assistent au bureau le premier jour de Pâques.
Comme chaque fête juive, ce bureau reprend les prières de la synagogue tous les samedis, avec l’ajout de textes spéciaux.
Dans ce premier rite qui aide dans le Temple, lors d’une cérémonie qui sans aucun doute l’exalte et le dérange, Jésus est peut-être particulièrement frappé par certaines phrases qui, comme en témoignent les Évangiles, puis affioriranno dans sa prédication.
Dans l’amidah, par exemple, il pourrait considérer en particulier l’annonce de la libération messianique: «Vous enverrez à votre postérité un rédempteur, au nom de votre amour et de votre gloire».
D’ autres bénédictions ont des thèmes qu’il a également répété un jour, comme celui qui apporte l’ humilité: « Heureux vous qui domine l’arrogant », ou celui qui chante la miséricorde de Dieu envers les déshérités: « Béni soit Dieu qui couvre le nu » .
Dans la prière de Moïse , l’homme de Dieu, il y a des mots appliqués aux idolâtres, que Jésus reprendra métaphoriquement pour désigner les incrédules: « Ils ont une bouche , mais ne peuvent pas parler, les yeux et ne pas voir, les oreilles et entendent pas … » Ecoutez également psaume (1 15) qui inspirera plus tard le commencement du Notre Père:  » Pas à nous, Seigneur, mais à toi seul sois gloire! ».
Dans l’hymne de David, enfin, nous utilisons une expression, le reste habituelle dans les textes prophétiques, en particulier dans Ezéchiel, qui, exalté et transfiguré, souvent dans retentisse la prédication de Jésus: « Le Fils de l’ homme. » Indiquant initialement la condition humaine commune, il deviendra dans les Évangiles le synonyme du Messie, ou même de Dieu lui-même.
Au cours de ce premier office de Pâques, certains thèmes inspirants, certains termes de vocabulaire, qui seront ceux de Jésus demain, doivent donc être définis.
La réalisation du rite conduit à l’évocation historique de la liberté reconquise et de l’intervention de Dieu dans la libération d’Israël. Après les premières bénédictions, le bureau vise donc à son objet particulier, célébré par Moïse dans le Cantique de la mer Rouge (Ex 1: 5): « Je chante au Seigneur, qui a montré un grand et miséricordieux: il jeté dans la mer cheval et cavalier … « etc.
Il s’ensuit, comme dans tous les offices juifs, la lecture de la Torah. La paracha du premier jour de Pâques est tirée des chapitres de l’Exode qui rappellent la sortie d’Égypte (chapitre 12). La lecture suivante, la haftarah, est prise par le prophète Giosué (3.5 ss). Voici le point culminant:
« Josué dit au peuple: » Sanctifiez-vous, car demain, le Seigneur accomplira des merveilles parmi vous. « Puis il dit aux prêtres: » Apportez l’Arche de l’Alliance et passez devant le peuple … « Et le Seigneur dit à Joshua: « Aujourd’hui, je commencerai à vous glorifier aux yeux de tout Israël, afin qu’ils sachent que, comme j’ai été avec Moïse, je serai avec vous maintenant . »
L’histoire est donc toujours présente et vivante dans ce bureau de Pâques, comme dans toutes les fêtes d’Israël: l’histoire, dont le flux est pérenne, mais qui pour un juif du temps de Jésus – et pour Jésus lui-même – constitue le fondement de chaque action sacrée.
Pendant la semaine de Pâques, un autre haftarah évoque l’un des moments les plus impressionnants du message prophétique: la vision d’Ezéchiel (Ez 31.1-14): « La main du Seigneur était sur moi, et le Seigneur m’a fait sortir dans l’esprit et m’a placé dans la plaine pleine d’ossements secs … « etc.
Malgré la pompe, qui l’émerveille sans doute, la cérémonie de Pâques donne à Jésus l’impression d’un équilibre atteint entre le ciel et la terre: l’annonce de la vie à venir et l’exaltation du terrestre. Au moment de lire la loi, il est proclamé:
« Dis-nous ta sainteté, afin que nous puissions obtenir, outre une vie heureuse ici, la béatitude éternelle dans le futur … ».
Presque en même temps , ils sont récités les derniers versets du Psaume 115: « Ce n’est pas les morts qui louent le Seigneur, ni ceux qui descendent dans la fosse, mais nous qui sommes en vie, nous donner la louange au Seigneur, maintenant et pour toujours Alléluia.! »

1 Traité par: R. Aron,Così a prié les Hébreux,Marietti, 1992

| la maison | haut de la page |

 

SOLENNITÉ DE SAINT JOSEPH – HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE PAUL VI (1969)

19 mars, 2018

http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/homilies/1969/documents/hf_p-vi_hom_19690319.html

ciottoli e fr giuseppe-e-gesù - Copia

SOLENNITÉ DE SAINT JOSEPH – HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE PAUL VI (1969)

Mercredi 19 mars 1969

Saint Joseph exemple et modèle de notre vie chrétienne

La fête de ce jour nous invite à la méditation sur saint Joseph, père légal et putatif de Jésus Notre-Seigneur. En raison de sa fonction près du Verbe Incarné pendant son enfance et sa jeunesse, il fut aussi déclaré protecteur de l’Eglise, qui continue dans le temps et reflète dans l’histoire l’image et la mission du Christ.
Pour cette méditation, de prime abord la matière semble faire défaut: que savons-nous de saint Joseph, outre son nom et quelques rares épisodes de la période de l’enfance du Seigneur? L’Evangile ne rapporte de lui aucune parole. Son langage, c’est le silence; c’est l’écoute de voix angéliques qui lui parlent pendant le sommeil; c’est l’obéissance prompte et généreuse qui lui est demandée; c’est le travail manuel sous ses formes les plus modestes et les plus rudes, celles qui valurent à Jésus le qualificatif de « fils du charpentier » (Mt 13, 55). Et rien d’autre: on dirait que sa vie n’est qu’une vie obscure, celle d’un simple artisan, dépourvu de tout signe de grandeur personnelle.
Cependant cette humble figure, si proche de Jésus et de Marie, si bien insérée dans leur vie, si profondément rattachée à la généalogie messianique qu’elle représente le rejeton terminal de la descendance promise à la maison de David (Mt 1, 20), cette figure, si on l’observe avec attention, se révèle riche d’aspects et de significations. L’Eglise dans son culte et les fidèles dans leur dévotion traduisent ces aspects multiples sous forme de litanies. Et un célèbre et moderne sanctuaire érigé en l’honneur du Saint par l’initiative d’un simple religieux laïc, Frère André, de la Congrégation de Sainte-Croix de Montréal, au Canada, met ces titres en évidence dans une série de chapelles situées derrière le maître-autel, toutes dédiées à saint Joseph sous les vocables de protecteur de l’enfance, protecteur des époux, protecteur de la famille, protecteur des travailleurs, protecteur des vierges, protecteur des réfugiés, protecteur des mourants.
Si vous observez avec attention cette vie si modeste, vous la découvrirez plus grande, plus heureuse, plus audacieuse que ne le paraît à notre vue hâtive le profil ténu de sa figure biblique. L’Evangile définit saint Joseph comme « juste » (Mt 1, 19). On ne saurait louer de plus solides vertus ni des mérites plus élevés en un homme d’humble condition, qui n’a évidemment pas à accomplir d’actions éclatantes. Un homme pauvre, honnête, laborieux, timide peut-être, mais qui a une insondable vie intérieure, d’où lui viennent des ordres et des encouragements uniques, et, pareillement, comme il sied aux âmes simples et limpides, la logique et la force de grandes décision, par exemple, celle de mettre sans délai à la disposition des desseins divins sa liberté, sa légitime vocation humaine, son bonheur conjugal. De la famille il a accepté la condition, la responsabilité et le poids, mais en renonçant à l’amour naturel conjugal qui la constitue et l’alimente, en échange d’un amour virginal incomparable. Il a ainsi offert en sacrifice toute son existence aux exigences impondérables de la surprenante venue du Messie, auquel il imposera le nom à jamais béni de Jésus (Mt 1, 21); il Le reconnaîtra comme le fruit de l’Esprit-Saint et, quant aux effets juridiques et domestiques seulement, comme son fils. S. Joseph est donc un homme engagé. Engagé — et combien! —: envers Marie, l’élue entre toutes les femmes de la terre et de l’histoire, son épouse non au sens physique, mais une épouse toujours virginale; envers Jésus, son enfant non au sens naturel, mais en vertu de sa descendance légale. A lui le poids, les responsabilités, les risques, les soucis de la petite et singulière Sainte Famille. A lui le service, à lui le travail, à lui le sacrifice, dans la pénombre du tableau évangélique, où il nous plaît de le contempler et, maintenant que nous savons tout, de le proclamer heureux, bienheureux.
C’est cela, l’Evangile, dans lequel les valeurs de l’existence humaine assument une tout autre mesure que celle avec laquelle nous avons coutume de les apprécier: ici, ce qui est petit devient grand (souvenons-nous des effusions de Jésus, au chapitre XI de saint Matthieu: « Je vous bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux simples »); ici, ce qui est misérable devient digne de la condition sociale du Fils de Dieu fait fils de l’homme; ici, ce qui est le résultat élémentaire d’un travail artisanal rudimentaire et pénible sert à initier à l’œuvre humaine l’Auteur du cosmos et du monde (cf. Jn 1, 3; 5, 17) et à fournir d’humble pain la table de celui qui se définira lui-même « le pain de vie » (Jn 6, 48); ici ce que l’on a perdu par amour du Christ est retrouvé (cf. Mt 10, 39), et celui qui sacrifie pour Lui sa vie en ce monde la conserve pour la vie éternelle (cf. Jn 12, 25). Saint Joseph est le type évangélique que Jésus, après avoir quitté l’atelier de Nazareth pour entreprendre sa mission de prophète et de maître, annoncera comme programme pour la rédemption de l’humanité. Saint Joseph est le modèle des humbles que le christianisme élève à de grands destins. Saint Joseph est la preuve que pour être bon et vrai disciple du Christ, il n’est pas nécessaire d’accomplir de grandes choses; qu’il suffit de vertus communes, humaines, simples, mais authentiques.
Et ici la méditation porte son regard de l’humble Saint au tableau de notre humaine condition personnelle, comme il advient d’habitude dans l’exercice de l’oraison mentale. Elle établit un rapprochement, une comparaison entre lui et nous: une comparaison dont nous n’avons assurément pas à nous glorifier, mais où nous pouvons puiser quelque bonne réflexion. Nous serons portés à imiter saint Joseph suivant les possibilités de nos conditions respectives; nous serons entraînés à le suivre dans l’esprit et la pratique concrète des vertus que nous trouvons en lui si vigoureusement affirmées, de la pauvreté, spécialement, dont on parle tant aujourd’hui. Et nous ne nous laisserons pas troubler par les difficultés qu’elle présente, dans un monde tourné vers la conquête de la richesse économique, comme si elle était la contradiction du progrès, comme si elle était paradoxale et irréelle dans notre société de consommation et de bien-être. Mais, avec saint Joseph pauvre et laborieux, occupé comme nous à gagner quelque chose pour vivre, nous penserons que les biens économiques aussi sont dignes de notre intérêt de chrétiens, à condition de n’être pas considérés comme fin en soi, mais comme moyens de sustenter la vie orientée vers les biens supérieurs; à condition de n’être pas l’objet d’un égoïsme avare, mais le stimulant et la source d’une charité prévoyante; à condition encore de n’être pas destinés à nous exonérer d’un travail personnel et à favoriser une facile et molle jouissance des prétendus plaisirs de la vie, mais d’être au contraire honnêtement et largement dispensés au profit de tous. La pauvreté laborieuse et digne de ce saint évangélique nous est encore aujourd’hui un guide excellent pour retrouver dans notre monde moderne la trace des pas du Christ. Elle est en même temps une maîtresse éloquente de bien-être décent qui, au sein d’une économie compliquée et vertigineuse, nous garde dans ce droit sentier, aussi loin de la poursuite ambitieuse de richesses tentatrices que de l’abus idéologique de la pauvreté comme force de haine sociale et de subversion systématique.
Saint Joseph est donc pour nous un exemple que nous chercherons à imiter; et, en tant que protecteur, nous l’invoquerons. C’est ce que l’Eglise, ces derniers temps, a coutume de faire, pour une réflexion théologique spontanée sur la coopération de l’action divine et de l’action humaine dans la grande économie de la Rédemption. Car, bien que l’action divine se suffise, l’action humaine, pour impuissante qu’elle soit en elle-même (cf. Jn 15, 5), n’est jamais dispensée d’une humble mais conditionnelle et ennoblissante collaboration. Comme protecteur encore, l’Eglise l’invoque dans un profond et très actuel désir de faire reverdir son existence séculaire par des vertus véritablement évangéliques, telles qu’elles ont resplendi en saint Joseph. Enfin l’Eglise le veut comme protecteur, dans la confiance inébranlable que celui à qui le Christ voulut confier sa fragile enfance humaine voudra continuer du ciel sa mission tutélaire de guide et de défenseur du Corps mystique du même Christ, toujours faible, toujours menacé, toujours dramatiquement en danger. Et puis nous invoquerons saint Joseph pour le monde, sûrs que dans ce cœur maintenant comblé d’une sagesse et d’une puissance incommensurables réside encore et pour toujours une particulière et précieuse sympathie pour l’humanité entière. Ainsi soit-il. 

JEAN PAUL II – HYMNE DE VICTOIRE POUR LE PASSAGE DE LA MER ROUGE

16 mars, 2018

https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/audiences/2001/documents/hf_jp-ii_aud_20011121.html

en e diario il passaggio del mar rosso  musee-national-marc-chagall - Copia (2)

Marc Chagall, Passage de la Mer Rouge

+JEAN PAUL II – HYMNE DE VICTOIRE POUR LE PASSAGE DE LA MER ROUGE

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 21 novembre 2001

Lecture: Ex 15, 1-4a.13.17

1. Cette hymne de victoire (cf. Ex 15, 1-18), proposée aux Laudes du samedi de la première semaine, nous reconduit à un moment-clé de l’histoire du salut: à l’événement de l’Exode, lorsqu’Israël fut sauvé par Dieu d’une situation humainement sans espoir. Nous connaissons les faits: après le long esclavage en Egypte, les Israélites désormais en marche vers la terre promise avaient été rejoints par l’armée du Pharaon, et rien ne pouvait empêcher qu’ils ne soient anéantis, si le Seigneur n’était pas intervenu de sa main puissante. L’hymne s’attarde à décrire l’arrogance des desseins de l’ennemi armé: « Je poursuivrai, j’atteindrai, je partagerai le butin… » ( Ex 15, 9).
Mais que peut même la plus grande armée face à la toute-puissance divine? Dieu commande à la mer de s’ouvrir pour laisser passer le peuple agressé et de se refermer au passage de ses agresseurs: « Tu soufflas de ton haleine, la mer les recouvrit, ils s’enfoncèrent comme du plomb dans les eaux formidables » ( Ex 15, 10).
Ce sont des images fortes, qui veulent donner la mesure de la grandeur de Dieu, alors qu’elles expriment l’émerveillement d’un peuple qui n’en croit presque pas ses yeux, et qui s’exprime à travers une seule voix dans un chant plein d’émotion: « Yahvé est ma force et mon chant, à lui je dois mon salut. Il est mon Dieu, je le célèbre, le Dieu de mon père et je l’exalte! » ( Ex 15, 2)
2. Le Cantique ne parle pas seulement de la libération obtenue; il en indique également le but positif, qui n’est autre que l’entrée dans la demeure de Dieu pour vivre dans la communion avec Lui: « Ta grâce a conduit ce peuple que tu as racheté, ta force l’a guidé vers ta sainte demeure » (Ex 15, 13). Ainsi compris, cet événement fut non seulement à la base de l’alliance entre Dieu et son peuple, mais il devint comme le « symbole » de toute l’histoire du salut. En de nombreuses autres occasions, Israël fera l’expérience de situations analogues, et l’Exode se réactualisera ponctuellement. Cet événement préfigure de façon particulière la grande libération que le Christ réalisera à travers sa mort et sa résurrection.
C’est pourquoi notre hymne retentit à un titre particulier dans la liturgie de la Veillée pascale, pour illustrer avec l’intensité de ses images ce qui s’est accompli dans le Christ. En Lui, nous avons été sauvés non pas d’un oppresseur humain, mais de l’esclavage de Satan et du péché, qui depuis les origines, pèse sur le destin de l’humanité. Avec lui, l’humanité se remet en marche, sur le sentier qui reconduit à la maison du Père.
3. Cette libération, déjà accomplie dans le mystère et présente dans le Baptême comme une semence de vie destinée à croître, atteindra sa plénitude à la fin des temps, lorsque le Christ reviendra en gloire et « remettra la royauté à Dieu le Père » (1 Co 15, 24). C’est précisément cet horizon final, eschatologique, que la Liturgie des Heures nous invite à considérer, en introduisant notre cantique par une citation de l’Apocalypse: « Ceux qui ont triomphé de la Bête… ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu » (Ap 15, 2.3).
A la fin des temps, se réalisera pleinement pour tous les rachetés ce que l’événement de l’Exode préfigurait et que la Pâque du Christ a accompli d’une façon définitive, mais ouverte à l’avenir. En effet, notre salut est réel et profond, mais il se trouve entre le « déjà » et le « pas encore » de la condition terrestre, comme nous le rappelle l’Apôre Paul: « Car notre salut est objet d’espérance » (Rm 8, 24).
4. « Je chante pour Yahvé car il s’est couvert de gloire » (Ex 15, 1). En mettant sur nos lèvres ces paroles de l’antique hymne, la liturgie des Laudes nous invite à placer notre journée dans le grand horizon de l’histoire du salut. Telle est la façon chrétienne de percevoir le passage du temps. Dans les jours qui succèdent aux jours, il n’y pas une fatalité qui nous opprime, mais un dessein qui s’accomplit et que nos yeux doivent apprendre à lire, comme en filigrane.
Les Pères de l’Eglise étaient particulièrement sensibles à cette perspective historique et salvifique, eux qui aimaient lire les faits de l’Ancien Testament – du déluge de l’époque de Noé à l’appel d’Abraham, de la libération de l’Exode au retour des Israélites après l’exil de Babylone – comme des « préfigurations » d’événements futurs, reconnaissant à ces faits une valeur d’ »archétype »: en ceux-ci étaient préannoncées les caractéristiques fondamentales qui devaient se répéter, d’une certaine façon, tout au long de l’histoire humaine.
5. Du reste, les prophètes avaient déjà relu les événements de l’histoire du salut, en montrant leur sens toujours actuel et en indiquant leur pleine réalisation dans l’avenir. C’est ainsi que, en méditant sur le mystère de l’alliance stipulée par Dieu avec Israël, ils en arrivent à parler d’une « nouvelle alliance » (Jr 31, 31; cf. Ez 36, 26-27), dans laquelle la loi de Dieu aurait été écrite dans le coeur même de l’homme. Il n’est pas difficile de voir dans cette prophétie la nouvelle alliance stipulée dans le sang du Christ et réalisée à travers le don de l’Esprit. En récitant cette hymne de victoire de l’ancien Exode à la lumière de l’Exode pascal, les fidèles peuvent vivre la joie de se sentir Eglise en pèlerinage dans le temps, vers la Jérusalem céleste.
6. Il s’agit donc de contempler avec un é merveillement toujours nouveau ce que Dieu a préparé pour son Peuple: « Tu les amèneras et tu les planteras sur la montagne de ton héritage, lieu dont tu fis, Yahvé, ta résidence, sanc-tuaire, Seigneur, qu’ont préparé tes mains » (Ex 15, 17). L’hymne de victoire n’exprime pas le triomphe de l’homme, mais le triomphe de Dieu. Ce n’est pas un chant de guerre, c’est un chant d’amour.
En laissant nos journées s’imprégner de ce frémissement de louange des anciens Israélites, nous marchons sur les routes du monde, qui ne manquent pas de dangers, de risques et de souffrances, avec la certitude d’être enveloppés par le regard miséricordieux de Dieu: rien ne peut résister à la puissance de son amour.

Chers Frères et Sœurs,
L’hymne de victoire entonnée par Moïse et les Israélites après le passage de la Mer Rouge, qui constitue un événement-clé et le «symbole» de toute l’histoire du salut, est aussi au point de départ de l’alliance entre Dieu et son peuple. Le Seigneur libère Israël de la servitude de l’Egypte pour le faire entrer dans sa sainte demeure, afin qu’il vive en communion avec lui. A de nombreuses reprises, Israël relira son histoire à la lumière de cet événement de l’Exode, aidé en particulier par la prédication des prophètes. L’Eglise a vu dans cet épisode de la vie du peuple de Dieu une préfiguration du salut. Dans la liturgie de la Vigile pascale, ce cantique prend un sens particulier, illustrant le salut apporté par le Christ à ceux qui étaient esclaves du péché, et que le Baptême a libérés de la mort. En récitant cette hymne du premier Exode à la lumière de l’Exode pascal, les fidèles peuvent se reconnaître comme étant l’Eglise qui chemine à travers le temps vers la Jérusalem céleste, à la rencontre du Père.

J’accueille avec joie les pèlerins de langue française. Que le Christ Sauveur qui, par le Baptême, vous a fait passer de la mort à la vie, vous affermisse dans l’espérance pour lutter contre la violence sous toutes ses formes et pour construire une humanité selon le cœur de Dieu ! A tous, j’accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique.
A l’issue de l’Audience générale du 21 novembre 2001, le Saint-Père invitait les fidèles à prier pour les religieuses de clôture:
Aujourd’hui, fête liturgique de la Présentation de la Très Sainte Vierge au Temple, nous célébrons la Journée mondiale des religieuses de clôture. Je désire assurer les soeurs appelées par le Seigneur, de ma proximité particulière, ainsi que de celle de la communauté ecclésiale tout entière. Je renouvelle, dans le même temps, mon invitation à tous les chrétiens afin qu’ils apportent aux monastères de clôture le soutien spirituel et matériel nécessaire. Nous devons beaucoup à ces personnes qui se consacrent entièrement à la prière incessante pour l’Eglise et pour le monde!

12