HOMÉLIES DE NOËL

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Crèche italienne a New Haven

HOMÉLIES DE NOËL

Nativité du Seigneur

(Le Missel propose quatre messes : pour la veille, la nuit, l’aurore et le jour de la Nativité)

Is 57, 7-10 ; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18

Aujourd’hui, comme il y a deux mille ans, nous avons mille raisons de désespérer… Et, pendant que nous fêterons joyeusement Noël, les faits de guerre, les maladies, famines et crises… feront aussi l’actualité.
C’est dans ce monde-là, dans ce genre de ténèbres, que Dieu s’est fait petit bébé, fragile, non pas dans la sécurité de la maison familiale, mais au cours d’un déplacement obligatoire, et sans même trouver place dans la salle d’hôtes de l’auberge bondée. Selon Luc, sa mère l’a déposé dans une auge destinée au bétail, probablement moitié taillée dans le sol rocheux et la paroi de la grotte, et moitié façonnée en argile. Marc, lui, ne raconte rien. Matthieu se contente de dire que Jésus est né à Bethléem et qu’il reçut, à la maison, la visite des mages.
Mais les journaux n’en ont pas parlé. Tout cela paraît excessivement discret pour l’arrivée d’un libérateur attendu. Une discrétion qui nous étonne, voire même qui nous irrite, tellement cela cadre peu avec nos impatiences, nos agressivités et nos prédilections pour la manière forte et la contrainte. Mais c’est la manière de Dieu de faire la paix, en prenant le risque de la faiblesse et de l’amour, c’est-à-dire aussi de la patience, du pardon et de la réconciliation.
Dans la liturgie du jour de Noël, c’est Jean qui nous apporte la Bonne Nouvelle, mais tout autrement. « Noël, c’est l’irruption de l’éternité dans le temps » (Urs von Balthasar). C’est la venue parmi nous « du véritable exégète (interprète) de Dieu » et même, comme dit l’épître aux Hébreux, l’ »expression parfaite de son être », à tel point qu’on peut l’appeler son Fils. « Qui m’a vu a vu le Père », dira-t-il plus tard.
Mais Jean, le mystique, ne parle pas de l’enfant Jésus, ni de la crèche, ni de bergers, d’anges, de trompettes, ni de mages. Jean évoque la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, la Sagesse dont parle l’Ancien Testament, ou le Logos, comme disaient les philosophes grecs. Jean va appliquer ces notions à un être historique, concret : Jésus de Nazareth. Autrement dit, son intuition fut de percevoir comment ce qui était dit de la Parole de Dieu et de sa Sagesse dans l’Alliance ancienne, et ce que disait la culture grecque pour exprimer l’incréé – ce qui est hors du temps – se vérifiaient en la personne de Jésus.
Jean remonte à la Genèse… Au commencement, Il était. C’est par Lui que Dieu a créé le monde. C’est en Lui qu’est la vie, en Lui que Dieu se révèle. Tout ce qui vit tient l’être de Lui. Il est la lumière qui éclaire tout être humain, c’est-à-dire le principe qui permet à chacun de se comprendre lui-même. La lumière des origines a un nom : le Verbe créateur. Il est bien Vie et Lumière.
C’est par son Verbe, par sa Parole, que Dieu crée le monde et par Lui aussi qu’il se manifeste à la création tout entière. Le Logos est non seulement la Parole de Dieu, mais aussi sa Sagesse et sa Loi… « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Le Verbe, qui existe de toute éternité, est entré dans le temps et dans l’histoire humaine. Il a planté sa tente dans notre désert. Il est venu comme « Grâce et Vérité ». Vérité, ce qui veut dire : C’est bien ainsi qu’est Dieu. Et grâce signifie : « Dieu est l’amour pur et gratuit ».
En Jésus, être humain, la communauté des disciples de Jean a su voir la gloire de Dieu. C’est-à-dire : une qualité, un rayonnement, qui relèvent de Dieu. C’est pourquoi la théologie qui suivra parlera de divinité.
Mais pour Dieu, et donc pour son Verbe, il n’y a pas de temps. La Bonne Nouvelle du Verbe fait chair n’est pas seulement d’hier, mais d’aujourd’hui. Le Christ naît chaque jour, il est crucifié chaque jour. La Bonne Nouvelle fait partie de l’actualité immédiate. Elle est toujours création et donc créatrice. Une Parole d’amour, de vie, de libération, de miséricorde, de pardon, de solidarité.
Fêter Noël, c’est nous souvenir et croire activement que nous sommes porteurs de lumière et d’espérance au creux des horreurs de ce monde. Faire naître et rayonner Jésus, c’est témoigner que nous sommes vraiment des artisans de paix, des hommes et des femmes capables de pardonner, de se réconcilier, d’être solidaires à la manière du Christ. Bien sûr, nous ne sommes pas responsables de tout. Bien sûr, on ne peut pas grand chose, mais chacun est responsable du peu qu’il peut entreprendre là où il est. C’est le premier pas de l’espérance. Et, comme le disait Raymond Devos, « Rien c’est rien, mais un petit rien c’est déjà quelque chose ».

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

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