HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE DE L’AVENT B

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Ange de l’Annonciation

HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE DE L’AVENT B

2 S 7, 1-5, 8b-12, 14a. 16 ; Rm 16, 25-27 ; Lc 1, 26-38

Au musée des Beaux-Arts de Nantes (France), le tableau d’une Annonciation, signée Maurice Denis (1870-1943), nous montre un ange, vêtu d’une aube blanche sous une chasuble dorée. Il impose les mains sur Marie. Un peu comme, au cours de l’eucharistie, un célébrant invoque l’Esprit Saint sur le pain et le vin. Marie est à genoux, en prière. Vêtue de blanc comme une « communiante ». Un vêtement qui rappelle le baptême. Et Marie accueille la Parole, le Verbe, comme tout croyant est aussi invité à le faire, pour l’incarner dans le quotidien.
Au Louvre, à Paris, il s’agit d’une Annonciation de Van der Weyden, Rogier de la Pasture, le plus célèbre des « primitifs flamands » après Van Eyck. L’ange y est vêtu d’une robe blanche, il porte l’étole croisée du diacre qui, dans l’Eglise, est au service de la Parole de Dieu. Et, sur ses épaules, on voit une très belle cape de brocard, un vêtement liturgique que l’on appelle une chape. Marie est à genoux et, dans sa main gauche, elle tient un livre ouvert, qui est la Bible, Parole de Dieu.
Ces deux tableaux, choisis parmi tant d’autres, nous rappellent, à cinq siècles de distance, que tout est possible à Dieu quand sa Parole, c’est-à-dire le Verbe, est accueilli par un assentiment de la foi. Et que c’est donc la foi, et rien d’autre, qui fait la gloire de Marie, dont la virginité est symbole de sa disponibilité à la Parole et à la volonté de Dieu. Tout comme la maternité d’une femme stérile est, dans l’Ecriture, le symbole de la grandeur et de la gratuité du don que Dieu fait à son peuple. Il en est ainsi de la naissance d’Isaac, de Samson, de Samuel, de Jean Baptiste et de bien d’autres, toujours présentée selon un schéma qui inclut la stérilité de la future mère. Une fécondité inespérée de la « chair et du sang », que le Nouveau Testament traduira aussi en fécondité spirituelle, en fécondité de vie éternelle.
Dans tous les cas, le terrain où Dieu « prend pied », c’est la foi. Qui est ainsi sa « résidence ». Dieu choisit lui-même le lieu de son « repos », le lieu où il se fixe, écrit un théologien contemporain.
L’épisode de David et du prophète Nathan nous le rappelle aussi : Le roi veut offrir au Seigneur une superbe « maison de cèdre ». David rêve de « cathédrale » pour honorer et fixer la présence du Roi des rois. Et Nathan, le messager de Dieu, lui fait savoir que c’est Dieu lui-même qui construira sa maison. Et elle ne sera ni de bois, ni de marbre, mais de chair et de sang.
Dieu vient là où il sait rencontrer la foi, c’est-à-dire l’accueil et l’assentiment de l’être humain. C’est pourquoi Marie est la figure de l’humanité. Elle est la figure de l’Eglise, celle des femmes et des hommes offrant par leur foi un terrain d’incarnation à la Sagesse, au Verbe et à l’Esprit. Donc, à Dieu. D’où, l’importance de nos petits « fiats » quotidiens, prononcés dans la peine ou le découragement. Nous pouvons même, comme Elisabeth, « concevoir dans notre vieillesse, alors que jusque-là notre vie était peut-être stérile ».
Mais pour que cela se réalise, nous devons accueillir la Parole sans nous dérober. Alors, nous serons fécondés par l’Esprit, qui nous permettra de faire naître le Christ en ce monde. Et ce n’est pas une figure de style. « Heureux, vous aussi, qui avez entendu et qui avez cru ; car toute âme qui croit, conçoit et engendre le Verbe, et le reconnaît à ses œuvres », disait en prêchant le grand S. Ambroise.
La Bible nous rappelle constamment que la Parole de Dieu est toujours créatrice, toujours féconde. Et que, comme au premier jour de la création, l’Esprit de Dieu plane sur le monde, pour féconder la terre et féconder les cœurs.
Rien n’est impossible à Dieu. Cela veut dire en clair qu’il peut faire jaillir du neuf d’un monde « vague et vide ». Tout comme d’un cœur usé, malade, désespéré, mais aussi d’une civilisation épuisée, égarée, que l’on croirait à jamais stériles.
C’est pourquoi, sous peine de trahir ou même de mépriser l’Incarnation et son mystère, il ne faut jamais séparer l’annonce de la Nativité de l’annonce du Jugement dernier, qui nous révèle que le Christ n’est pas à chercher dans les nuées. Mais d’abord parmi les prisonniers et les affamés, les opprimés, les isolés, sans espoir, sans-abri.
Il ne suffit donc pas de se laisser émouvoir par le souvenir de l’enfant couché dans la mangeoire d’animaux, et de célébrer Noël dans la joie et les chants. Nous ne pouvons pas accueillir le Verbe de Dieu à Noël sans nous préoccuper d’une manière ou d’une autre, modestement peut-être, mais concrètement des sans crèche. De l’immense armée des enfants aussi, qui meurent de faim, ou sont livrés à l’esclavage du travail, aux chasseurs de sexe, aux fusils des escadrons de la mort. Ou d’autres enfants, gâtés, entourés, choyés, mais qui sont parfois en même temps délaissés, abandonnés à eux-mêmes, et finalement méprisés. S’il y a l’enfant roi, il y a aussi l’enfant victime.
Laisserons-nous le Seigneur construire lui-même sa demeure en nous ? Accepterons-nous qu’il bâtisse en nous son temple, comme il l’entend ?

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

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