HOMÉLIE DU 26E DIMANCHE ORDINAIRE A
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HOMÉLIE DU 26E DIMANCHE ORDINAIRE A
Ez 18, 25-28 ; Ph 2, 1-11 ; Mt 21, 28-32
L’enseignement à tirer des trois lectures de ce dimanche est clair. D’une part, dans le royaume de Dieu, nous sommes personnellement et collectivement responsables et solidaires. D’autre part, ce qui compte, ce ne sont pas les discours, ni les déclarations de principe, mais les actes. Ce ne sont pas les indignations, les générosités ou les réformes verbales, mais la mise en pratique. Ce que les prophètes ont toujours dénoncé et que Jésus reprend à son compte, c’est une foi de formules qui se traduit par une conduite de rites. Or, ce que Jésus nous enseigne, c’est une foi d’amour et une conduite en conformité avec le projet, avec le plan de Dieu.
En d’autres termes, il s’agit de mettre en pratique dans le concret de l’existence ce qui fait l’essentiel de la foi. Nous devons, comme nous le dit Paul, « adopter les sentiments et le comportement du Christ Jésus. « Que chacun ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres ». Deux petites phrases de l’apôtre, qui sont énormes de conséquences.
Ces tensions entre le dire et le faire, entre la foi affirmée et la foi vécue, existent encore aujourd’hui. Nous ne sommes pas toujours à l’aise quand l’Eglise nous rappelle, au nom du Christ, qu’il n’est pas possible de respecter les droits de Dieu quand on ne respecte pas les droits élémentaires de la personne humaine. Nos devoirs envers Dieu commencent par le respect des droits des autres. Et dans ce domaine aussi, nous sommes responsables personnellement et collectivement.
Nous ne sommes jamais assez étonnés de voir Jésus se heurter constamment aux autorités religieuses légitimes, aux spécialistes de la Loi, et à l’élite des croyants. Il est vrai que le jeune prophète de Nazareth est constamment critiqué au nom des grands principes et des traditions de la religion. Critiqué à cause de ses initiatives, sa façon de lire l’Ecriture, de la comprendre, de l’expliquer, et de la vivre. Souvent considéré comme un véritable provocateur, il est d’autant plus dangereux qu’il ne peut se prévaloir d’aucun titre, d’aucun diplôme, d’aucun mandat officiel. Il dénonce même des prêtres, des docteurs de la Loi, d’éminents juristes, qui, selon lui, ont accaparé le pouvoir spirituel et font sentir aux autres leur supériorité. Jusqu’à les écraser. Alors qu’en réalité, tout en connaissant bien la Loi, ils sont loin de bien la pratiquer. Ils sont murés dans leur bonne conscience. Prisonniers de l’étroitesse de leurs principes et de leurs certitudes de fer. Par contre, des gens bien moins formés, des hommes, des femmes ordinaires, des non pratiquants, des collaborateurs de l’occupant, des exclus et d’autres encore que l’on montre du doigt, accueillent avec sympathie et confiance les enseignements critiques mais libérateurs du Nazaréen.
Soupçonné et harcelé, Jésus ne laisse pas pour autant tomber les bras. Il ne se laisse pas museler. Il va reformuler sa façon de voir, sous forme d’une parabole lumineuse. Une devinette dont la réponse est facile. La logique est imparable. Mais c’est un piège. Les autorités religieuses, les théologiens et les canonistes, qui poursuivent Jésus de leurs menaces, y tombent à pieds joints. Peut-être aurons-nous envie d’applaudir. Il vaut mieux rester prudents et modestes. Car il nous arrive aussi de dire et de ne pas faire, de promettre et de ne pas honorer nos engagements. J’en ai fait moi-même bien des fois l’expérience. Prenons simplement le rassemblement eucharistique du dimanche, où nous faisons Eglise, Corps du Christ. Nous y disons ou nous chantons très souvent : Amen : qu’il en soit ainsi ! Mais la mise en pratique ne suit pas pour autant. Applaudir à un projet, y reconnaître un idéal, manifester son accord, ne suffit pas. Il faut passer à sa concrétisation, à son incarnation.
Et l’envoi final ! Allez dans la paix du Christ ! Sommes-nous vraiment pressés d’aller travailler à la vigne du Seigneur comme artisans de paix ? Or, il ne suffit pas de « penser juste » ni même de « vouloir juste », mais bien de persévérer dans un « agir juste ».
En fait, le comportement du second fils est celui des béni-oui-oui qui se gargarisent de professions de foi, chantent des « amen » et des « alleluia » sur tous les tons, sans trop se soucier d’honorer leurs promesses et de respecter leurs engagements. Ce qui nous arrive à tous, et même trop souvent.
Par contre, ce qui a dû faire l’effet d’une bombe, c’est de voir le fils exemplaire, symbole des promus aux premières place dans le Royaume de Dieu, que Jésus remplace par les pécheurs, les marginalisés, les exclus de la bonne et fervente société. Qu’ont-ils donc fait ? Ils ont accepté l’amitié tout à fait inattendue de Jésus. Devenus lucides sur leur manière d’agir, ils ont été capables de se repentir. Ils ont vraiment cru et pris un chemin de conversion pour le suivre.
Dans quel camp sommes-nous ? A quels fils ressemblons-nous ? Parfois l’un, parfois l’autre, peut-être. C’est en tout cas l’occasion de découvrir ou de redécouvrir les véritables exigences de l’amour, celui du Père, et celui de nos frères et sœurs humains. Mais les deux ne font qu’un.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
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