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HOMÉLIE DU 22E DIMANCHE ORDINAIRE A

1 septembre, 2017

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HOMÉLIE DU 22E DIMANCHE ORDINAIRE A

Jr 20, 7-9 ; Rm 12, 1-2 ; Mt 16, 21-27

Bâtir sur le roc, c’est construire solide. Une assurance pour la vie, un succès assuré. « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… ». Il est vrai qu’avant cette solennelle affirmation de Jésus, Simon-Pierre, au nom des disciples, avait merveilleusement affirmé sa foi au « Fils du Dieu Vivant ». « Tu es le Messie ! ». Hélas, placé sur la route, le roc peut devenir obstacle et faire trébucher les plus forts. De même, les credos les plus convaincants, les certitudes les plus profondément ancrées, gardent la fragilité des vases d’argile, si ce n’est l’illusoire sécurité de l’orgueil.
Claironner sa foi devant un public admiratif, suivre Jésus sous les applaudissements, les flashes et l’œil des caméras de la télévision, c’est une chose qui peut être grisante. Mais suivre inconditionnellement un prophète non-conformiste et son programme toujours dérangeant, essuyer quolibets, railleries et menaces, sacrifier ses illusions, renoncer aux rêves de succès et prendre de nombreux risques, c’est tout autre chose.
A peine Jésus a-t-il mis cartes sur table que Pierre-la-Fondation devient pierre d’achoppement, un piège sur la route du Seigneur. Hier, le fils de Yonas avait laissé parler en lui la voix de Dieu. Aujourd’hui, il l’étouffe et laisse s’exprimer la voix de la chair et du sang. Effrayé par les sombres perspectives d’avenir subitement entrevues, et déçu de voir menacées ses visions oniriques, Pierre passe de la louange aux vifs reproches, jusqu’à gommer la révélation et l’espérance de la résurrection. Non, Seigneur ! Tu n’auras pas à souffrir de la part des autorités religieuses, ni des garants de la Loi. Et tu n’as rien à craindre des scribes qui connaissent et conservent fidèlement « la tradition des anciens ». « Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas. » Peut-on imaginer le Messie, le Fils du Dieu Vivant, mis à mort par le Grand Conseil ? C’est totalement inconcevable… Simon, « baptisé » Pierre, devient Satan. Et le « Suis-moi » d’hier se transforme en « Va-t-en loin de moi, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ».
La leçon a certes porté, mais aucune leçon n’est définitive. C’est chaque jour qu’il nous faut méditer l’oracle du Seigneur : « Vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins » (Is 55, 8). C’est chaque jour aussi qu’il nous faut, comme le dit Paul, nous transformer en renouvelant notre façon de penser, pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu, au lieu de prendre pour modèle le monde présent.
On retrouvera Pierre à la dernière Cène, bien éveillé, au Jardin des Oliviers, profondément endormi. Dans la cour du palais du Grand Prêtre, le « Roc » trahit son Maître pour « sauver sa vie »… Et l’on vit même les disciples, après la résurrection, poser cette étonnante question : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? ». Leur foi était encore encombrée et perturbée par des idées triomphalistes.
Preuve éclatante d’authenticité, les évangélistes n’ont pas cédé aux tentations de la publicité et de la propagande, avec des portraits idéalisés et toujours angéliques, pour nous présenter les colonnes de l’Eglise. Des êtres humains, des croyants, mais qui portent le trésor de Jésus Christ et de l’Evangile « dans des vases d’argile » (2 Co 4, 7).
Tout chrétien qui ne se laisse pas modeler par le monde, la pression des majorités et celle des idéologies, et qui ne cède pas aux « envoûtements de l’argent et de la puissance », perd sa vie à cause du Christ, et la gardera.
Aujourd’hui encore, la Parole et les Béatitudes du Seigneur attirent, comme sur Jérémie, « l’injure et la moquerie », et même des menaces de mort.
Nous avons nous aussi, à offrir notre personne et notre vie en sacrifice et rendre ainsi à Dieu l’adoration et le culte véritable. Tout cela se vit et s’expérimente dans l’eucharistie. Par sa Parole, le Christ se fait connaître tel qu’il est, sans masque. Comme Pierre, nous sommes invités ensuite à affirmer notre credo en ce Jésus-là. Mais ce credo de la tête ou du cœur, qui s’exprime toujours en paroles, doit se traduire aussitôt en dispositions à le suivre. C’est le sacrifice saint, comme nous le rappelle Paul, qui nous permet vraiment de communier à celui de Jésus, toujours disponible pour faire la volonté de son Père, même au risque de sa vie. La qualité et l’authenticité de l’eucharistie se mesurent et se prouvent après la célébration, quand notre conduite est conforme au credo proclamé et à la communion exprimée. Quand la messe est finie, tout commence.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008