HOMÉLIE DU 21E DIMANCHE ORDINAIRE A (Tu es Petrus)

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HOMÉLIE DU 21E DIMANCHE ORDINAIRE A

Is 22, 19-23 ; Rm 11, 33-36 ; Mt 16, 13-20

C’est à nous tous, sans exception, ici et maintenant, que Jésus nous pose cette question de confiance : Pour vous, qui suis-je ? Ne cherchons pas la réponse dans un catéchisme. Et il ne suffit pas de réciter le credo, ni même de proposer une définition correcte. D’autant plus qu’elle peut s’exprimer de plusieurs manières, et qui peuvent être marquées par le langage d’une époque.
Matthieu, comme Luc et Marc, eux, font tous trois écho à cette sorte de sondage d’opinion, que Jésus a réalisé en interpellant ses disciples. Il sait qu’ils n’ont pas les yeux en poche ni les oreilles bouchées. Nous apprenons ainsi que le jeune prédicateur est généralement considéré par ses compatriotes comme un grand prophète, tel que Jean Baptiste, Elie, Jérémie, et d’autres encore. Or, Elie était un rigoriste de la vraie foi. Un agressif, qui prétendait toujours avoir raison. A tel point qu’il a fait massacrer des prêtres païens. Plus tard, on a vu des chrétiens qui s’en sont même inspirés pour combattre violemment ceux qui pensaient autrement qu’eux. Jésus, par contre, n’a jamais voulu anéantir des non croyants. Il les a plutôt invités à entrer dans le Royaume.
Jérémie, c’est l’exemple du juste souffrant. Mais il avait une vision tellement masochiste de la vie, qu’il allait jusqu’à préférer la souffrance au bonheur. Ce qui ne ressemble guère à Jésus. Il se souciait plutôt de vérité, de réconciliation, de justice et de paix. Aujourd’hui encore, il nous invite à assumer la souffrance plutôt que la rechercher. Et Jean Baptiste ? Un contemporain. Et même son cousin. Le dernier grand prophète du premier Testament. Un ascète de grand format. L’ascèse fait certainement partie d’une vie chrétienne. Il n’empêche ! Jésus ne l’a jamais mise au premier plan. A tel point que de pieux intégristes l’ont même fait passer pour  » un glouton et un ivrogne « .
Ce qui importe surtout à Jésus, c’est que nous trouvions la vie. Découvrir, rencontrer et connaître le Père à travers lui, pour accéder ainsi à la foi, à la liberté, et à la qualité de fils ou de fille. La foi n’est donc pas d’abord un problème de doctrine. C’est le fruit d’une rencontre avec quelqu’un. Une confiance, qui permet d’aboutir à une relation personnelle. La question que Jésus nous pose est d’ailleurs claire et directe :  » Pour vous, qui suis-je ? « .
Ne cherchons donc pas la réponse dans un livre. Croire, c’est un tête-à-tête, un cœur à cœur, une intimité, une amitié. La rencontre d’un  » je  » et d’un  » tu « .  » Pierre, m’aimes-tu ? « . Un dialogue qui se prolonge, s’enracine, et s’épanouit dans une communion. On devient alors à son tour une pierre, un roc, sur lequel on peut bâtir. Ou un sol nourricier, qui puisse accueillir des semences, celles d’un arbre, capable de produire du fruit. La foi est communion, terrain à bâtir et terre féconde.
Encore faut-il être prêt à suivre le Christ, et même à transformer notre propre vie, pour devenir un être nouveau. L’essentiel n’est donc pas de le confesser en paroles. Mais bien de le suivre chaque jour, en nous efforçant de mettre nos pas dans les siens. C’est-à-dire nous en inspirer, l’imiter, autant que possible. Il est lui-même le Chemin.
Avez-vous remarqué qu’à la première question posée par Jésus, tout le monde répond ? Par contre, à la seconde, très personnelle, tout le monde se tait. Sauf Pierre. Evidemment, il ne s’agit pas d’une scène filmée ni d’un enregistrement. C’est une leçon de catéchèse. La promesse de Jésus à Pierre va d’ailleurs connaître diverses interprétations. (Un sujet qu’on ne peut ici qu’effleurer)
Aujourd’hui encore, l’Eglise d’Orient suit l’interprétation d’Origène. Théologien et exégète, mort martyr au 3e siècle. Pour lui, le roc sur lequel Jésus bâtit sa communauté, c’est la foi de Pierre et non pas la personne de Pierre. D’où, une conception très collégiale de l’autorité dans l’Eglise. Jésus aurait ainsi confié son ministère à ses Douze associés, réunis sous la présidence de Pierre. Tandis que l’Eglise latine de Rome appliquera la promesse à Pierre lui-même, et après lui à ses successeurs. C’est ainsi que l’Occident, contrairement à l’Orient, mettra l’accent sur l’autorité personnelle de l’évêque de Rome, qui deviendra le père,  » il papa « , le pape. D’où, l’expression : une  » monarchie spirituelle « . Ce qui explique tensions, conflits, jusqu’à la rupture définitive entre Rome et Constantinople en 1054. Le tout, assorti d’excommunications réciproques, qui furent enfin abandonnées en 1965, au lendemain du Concile. Sans résoudre pour autant l’épineux problème de la forme d’exercice de la primauté romaine.
Depuis lors, heureusement, l’aspiration œcuménique s’est développée, grâce, notamment, à des « Frère Roger, de Taizé » : Une vie offerte pour la réconciliation entre toutes les familles chrétiennes. Un prophète lui aussi « crucifié ».
Le grand mouvement œcuménique nous a conduits à une situation nouvelle. Au point qu’en 1995, Jean Paul II déclarait vouloir encourager, et même participer à la recherche d’une forme d’exercice de la primauté, en tenant compte davantage des impératifs de la collégialité chère à l’Orient et à Vatican II. Mais ce n’est ni le moment ni le lieu d’en débattre.
Par contre, c’est ici et maintenant qu’il nous faut répondre à la question posée par Jésus, qui veut faire de nous des pierres vivantes de son Eglise. Des rocs ! Que pouvons-nous améliorer pour mieux le suivre et mieux en témoigner ? Il ne suffit certainement pas de proclamer le credo, mais bien de répondre dans le secret de notre cœur. Nous pourrions donc, pour une fois, remplacer notre profession de foi habituelle par quelques minutes de réflexion personnelle silencieuse. C’est bien à chacun de nous que Jésus s’adresse : Pour toi, qui suis-je ?

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

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