HOMÉLIE DU 15E DIMANCHE ORDINAIRE A – LE SEMEUR
14 juillet, 2017http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 15E DIMANCHE ORDINAIRE A
Is 55, 10-11 ; Rm 8, 18-23 ; Mt 13, 1-23
Aujourd’hui, les textes bibliques sont destinés à redonner espoir aux découragés et aux déçus, toutes catégories… Isaïe s’adresse à des compatriotes, expulsés de leur maison, humiliés et ruinés, qui ont souffert sur les routes de l’exil et se sentent abandonnés de Dieu et des autres humains. Paul s’adresse aux chrétiens de Rome, déchirés entre ceux qui refusent toute référence à Israël et d’autres qui restent accrochés aux pratiques juives traditionnelles. Matthieu présente sa version de l’Evangile au moment où la jeune Eglise fait déjà l’expérience de la persécution. D’où, la parabole de la semence et des quatre terrains, bien adaptée aux temps d’inquiétude et de découragement.
Mais pour retrouver l’espoir, il ne faut pas s’évader dans le rêve, ni dans une spiritualité désincarnée, ni compter constamment sur des miracles. Car si Dieu ne fait jamais défaut, il respecte aussi la liberté qu’il a donnée aux êtres humains. La puissance de Dieu est en quelque sorte soumise aux faiblesses et aux obstacles que nous accumulons nous-mêmes.
Par exemple : Les prédicateurs et les pratiquants de l’Evangile s’étonnent parfois des oppositions ou de l’indifférence qu’ils rencontrent, ou encore de la fragilité des conversions. Ils ont beau semer et encore semer la meilleure graine, les récoltes sont maigres et parfois rien ne lève… comme semblerait l’évoquer l’ »audit » de la pratique dominicale et des rituels de passage de l’Eglise catholique belge (1).
Comme des parents aussi, qui multiplient les conseils, renforcés par leur témoignage de vie, mais ne récoltent parfois que des ronces, des épines ou de jeunes pousses sans racines. La foi ne se transmet ni avec les chromosomes ni avec le lait de la nourrice (J.M. Verlinde). Il en va de même pour les invitations du Christ. Ses appels, ses invitations, ses conseils, ses reproches, semés sur nos terres intérieures, ne portent pas toujours les fruits espérés. Et nous sommes parfois découragés en contemplant le piètre état de nos jardins intérieurs. Il faut cependant garder l’espérance ou la retrouver.
Or, LA PAROLE EST EFFICACE. Mais entre les semailles et la moisson, il faut accepter patiemment des mois ou des années de lente croissance. Les premières pousses sont fragiles. Elles sont menacées par les ronces et les herbes sauvages, et ont donc besoin de soins adaptés et attentifs. On ne fait pas germer les graines à coups de fouet ni en les écrasant de nos impatiences. Encore moins en les mettant en péril par nos négligence et nos refus.
La semence possède en puissance une récolte infinie. Or, cette minuscule merveille est condamnée à la stérilité, si elle ne rencontre pas au moins un petit bout de terre accueillante. L’enseignement du Christ nous rappelle donc les lois déroutantes de la croissance, de la patience et de la liberté. « On plante un pin, écrit Isaïe. Mais c’est la pluie qui le fait grandir ».
Evidemment, la semence peut tomber sur un terrain et y être écrasée et piétinée. Sur un autre, les premières pousses seront étouffées. Sur un troisième, elles seront polluées et resteront stériles. Un quatrième champ sera plus accueillant et offrira à la semence l’occasion de faire des merveilles.
De toute manière, comme l’affirme Isaïe, et c’est formidable : « La Parole qui sort de la bouche du Seigneur ne lui reviendra pas sans résultat… sans avoir accompli sa mission ». D’autant plus que Dieu est patient. « Il jette à pleines mains sa Parole de Vie dans les sillons de notre vie, sans se soucier de nos refus, de nos indifférences, de nos négligences, persuadé qu’il y aura toujours quelques grains qui parviendront à s’enraciner » (J. M. Verlinde). Autrement dit, malgré les oppositions, les obstacles, les refus et les trahisons, la Parole créatrice peut toujours atteindre çà et là un petit espace hospitalier pour y déposer son germe de vie. Il faudra ensuite le protéger des broussailles ou des eaux qui risquent de l’étouffer.
Ainsi, disait Grégoire le Grand, méfiez-vous des richesses. Elles sont agréables. En réalité, elles constituent un terrain plein d’épines acérées. De toute manière, elles ne feront pas disparaître la pauvreté de votre âme. La Parole, disait-il encore, « est une nourriture. Mais il faut la conserver dans les profondeurs de la mémoire. Sinon, elle est comparable à une nourriture avalée à la hâte, puis rejetée par un estomac malade ».
En faisant corps autour de la table de la Parole et du Pain partagé, nous sommes venus à la rencontre et à l’écoute du Semeur. Alors, en ce jour de repos, que ferons-nous de cette surprenante Parole toujours à l’œuvre, et qui attend un terrain, suffisamment accueillant pour qu’elle puisse y prendre racines ? Sera-t-elle ruminée dans le silence de notre cœur ? Sera-t-elle partagée en famille pour être accueillie dans la terre de notre quotidien ? Sera-t-elle priée et contemplée ? C’est à chacun de répondre.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
(1) Voir La Libre Belgique du 9 juillet 2008.