Archive pour juillet, 2017

SUR LES TRACES DE JÉSUS EN TERRE SAINTE

31 juillet, 2017

http://bible.archeologie.free.fr/lieuxjesus.html

SUR LES TRACES DE JÉSUS EN TERRE SAINTE dans JÉSUS EN TERRE SAINTE capharnaumsynagogue2

Les ruines de la synagogue de Capharnaum. Datant du IVe s.

SUR LES TRACES DE JÉSUS EN TERRE SAINTE

(l’étude est très longue, vous pouvez aller sur le site, de nombreuses images)

(biblelieux.com)
Visiter un pays chargé d’Histoire en suivant les pas du fondateur d’une religion aurait peu de sens si l’on ne connaissait pas sa vie et sa spiritualité. Replongeons-nous un instant dans les évangiles.
Jésus de Nazareth quitte le foyer familial vers trente ans afin de mener sa vie publique à travers la terre d’Israël. Il se rend d’abord sur les rives du Jourdain, où il est baptisé par Jean, puis il se retire dans le désert en solitaire pour se préparer à sa mission. De retour en Galilée après quarante jours, il entreprend un ministère itinérant auprès des populations rurales. Accompagné de douze apôtres qu’il a choisis, il s’adresse aux habitants avec éloquence et opère de spectaculaires guérisons miraculeuses auprès des personnes malades et handicapées. Sa renommée d’orateur et de thaumaturge se diffuse dans tout le pays et l’on vient en foule pour le rencontrer.
La théologie de Jésus s’exprime à travers des paraboles inspirées de la vie ordinaire et dotées d’un sens moral et spirituel. Il décrit la relation avec un Dieu totalement bienveillant, qui invite chaque être humain à construire sa vie sur un altruisme pacifique, l’invitant à se mettre au service de ses semblables au point de s’effacer lui-même. Aimer son prochain à l’exemple de Jésus, soutenir les personnes en difficulté, ne pas thésauriser, éviter de juger, pardonner en toutes circonstances, être confiant dans la prière : tous les efforts consentis ne seront rien devant le bénéfice réel attendu d’En-haut.
Une importance première est accordée au souci des personnes défavorisées, que Jésus délivre de leurs maux tout en leur transmettant la « bonne nouvelle », un message d’espoir pour l’Au-delà. Pourtant il ne cache pas qu’après la mort une sélection est faite entre les âmes en fonction des actes accomplis sur Terre. Le royaume céleste est promis à ceux qui font preuve d’une grande humanité. Pour cela Jésus veut sauver toutes les consciences égarées, préconisant la conversion des pécheurs par la patience et la prière plutôt que leur condamnation. Toute prière peut être exaucée avec une foi profonde, et même les miracles sont à la portée de chacun.
Jésus se réclame du judaïsme auquel il veut cependant donner une dimension nouvelle. Tout en respectant la loi hébraïque, il la libère de la rigidité d’une pratique trop littérale. La conception d’un Dieu juste et autoritaire fait place à celle d’un Dieu d’amour et de compassion. Pourtant son interprétation de la Loi dérange les habitudes des prêtres et des docteurs, dont il fustige l’hypocrisie. Il entre peu à peu en conflit avec le pouvoir religieux du Temple, celui-ci considérant qu’il blasphème lorsqu’il déclare être le fils de Dieu.
Son enseignement se transmet oralement lors des déplacements en Terre sainte à travers la Galilée, la Judée, la Samarie et occasionnellement dans les pays limitrophes.
Bien qu’il soit impossible de reconstituer l’itinéraire exact qu’il suivit, un grand nombre de lieux qu’il traversa sont aujourd’hui assez bien identifiés. Quelques-uns sont marqués par la tradition locale ou sont sortis de terre à la suite de fouilles archéologiques.
Capharnaüm
Les écritures font en quelque sorte de Capharnaüm la seconde patrie de Jésus après Nazareth. Elles rapportent en effet que Jésus s’y rendit plusieurs fois et qu’il y résida : « Puis, quittant Nazareth, il habita Capharnaüm aux bords de la mer ». Il y accomplit plusieurs miracles, notamment les guérisons du serviteur d’un centurion, de la belle-mère de l’apôtre Pierre et d’un paralytique. Il enseigna dans la synagogue de cette ville, où il guérit également un possédé.
La ville fut identifié en 1838 par l’archéologue américain Edouard Robinson au site désolé de Tel Hun, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade. Le terrain fut acheté par l’ordre des franciscains en 1894, qui y mena plusieurs campagnes de fouilles dont la plus importante fut conduite entre 1968 et 1986 par les pères Virgilio Corbo et Stanislao Loffreda.
L’occupation du site est attestée à partir du IIème siècle avant notre ère. Ce village de pêcheurs était également un poste-frontière avec la Transjordanie et comprenait un bureau de douane. La présence d’une garnison romaine est évoquée dans les évangiles, qui précisent que le centurion dont Jésus guérit le serviteur avait fait construire la synagogue de cette cité.
Une ancienne borne militaire trouvée en 1975 près des ruines de Capharnaüm porte les noms de plusieurs citoyens romains. Bien qu’en partie illisible, cette pierre atteste d’une présence romaine en ce point qui contrôlait la route principale vers Damas.
Les restes d’un antique bâtiment prestigieux se dressent encore dans la plaine, constitué de hautes colonnes de calcaire blanc et d’un seul pan de mur, qui tiennent sur une vaste terrasse dallée. Les parois et les chapiteaux des piliers sont ornés de nombreux motifs sculptés évoquant la liturgie hébraïque : un chandelier à sept branches, l’Arche d’Alliance et plusieurs espèces d’animaux. Il s’agit visiblement des restes d’une synagogue dont la construction remonte au IVème siècle de notre ère.
La structure repose sur un soubassement de basalte noir, qui contraste avec la clarté du dallage en calcaire. Sa position surélevée suggéra aux fouilleurs qu’elle pouvait dissimuler un monument plus ancien construit en-dessous. C’est ce que l’équipe du père Corbo tenta de révéler à partir de 1969, en retirant une partie du dallage de la terrasse. On exhuma en effet de vieux murs d’habitations et une seconde cour qui semblait appartenir à un monument public. Il s’agissait vraisemblablement d’une autre synagogue plus ancienne. Celle-ci fut datée du Ier siècle de l’ère chrétienne, ce qui permit de l’identifier à celle que Jésus devait fréquenter lorsqu’il séjournait à Capharnaüm.
Une autre découverte d’importance majeure a été faite à une trentaine mètres au sud de la synagogue. Au milieu des ruines d’anciennes habitations, la base d’une petite église byzantine du IVème siècle furent mise au jour, curieusement disposée selon un plan en deux octogones concentriques. Sous cette structure se trouvaient les restes d’une simple habitation, qui portait les traces explicites d’un christianisme primitif. Plusieurs graffiti inscrits sur les restes des murs portent en effet les noms de Jésus et de Pierre, ainsi que les mots « Messie », « Seigneur », « Dieu », de même que des dessins de croix, de navires et de poissons.
Les moines qui ont examiné ces précieuses inscriptions ont fait un rapprochement avec le contenu d’un document littéraire susceptible de se rapporter à ce site. C’est le récit de voyage de la pèlerine Egérie (IVème siècle), qui nous apprend que : « A Capharnaüm, la maison du prince des apôtres (Pierre) est devenue une église. Les murs sont restés jusqu’aujourd’hui tels qu’ils étaient ». Il est possible que ce texte concerne la maison aux graffiti, puisqu’une église paléochrétienne de l’époque d’Egérie lui est superposée. Ces éléments menèrent à la conclusion que cette maison n’était autre que la demeure de saint Pierre, et que Jésus-Christ lui-même avait vécu dans cette habitation.
Depuis la découverte de la « maison de Pierre », les vestiges de Capharnaüm sont redevenus un lieu de pèlerinage. Juste au-dessus des fouilles a été récemment construit un bâtiment contemporain surélevé, dont le plancher partiellement vitré offre de l’intérieur une vue sur les anciens murs.
Tibériade
Sur les rives du lac auquel elle a donné son nom, la ville de Tibériade fut fondée vers l’an 26 de notre ère par le tétrarque Hérode Antipas, pour honorer l’empereur romain alors en place. Elle est citée une fois dans l’évangile de Jean (6, 23) alors que Jésus parcourt la Galilée et la région du lac. Il n’est pas précisé si Jésus s’est rendu à Tibériade. Cependant, les ruines de cette cité ont réservé aux archéologues de belles surprises.
Bien identifiée sur la rive occidentale du lac (appelé également lac de Génésareth, ou mer de Galilée), elle est entourée d’une muraille du VIème siècle d’une longueur exceptionnelle, qui escalade les pentes escarpées du mont Bérénice en inclant le sommet dans son périmètre. Ce point culminant a été fouillé en 1990 par Yizhar Hischfeld, du Département des Antiquités d’Israël, qui cherchait alors le palais de la reine Bérénice de Judée. Au lieu d’un palais, c’est en fait un important complexe ecclésiastique et une superbe basilique qui l’attendaient. L’église byzantine du VIème siècle qu’il dégagea était entourée d’une vaste cour et de nombreuses salles aux sols couverts de mosaïques. Les splendides sols multicolores représentaient des oiseaux, des plantes et des motifs géométriques. Les fouilleurs se demandaient ce qui avait pu justifier la construction d’un tel complexe en un tel lieu, lorsqu’ils constatèrent qu’il dissimulait un objet inhabituel.
Sous la base de l’autel principal de la basilique, une plaque de marbre attira l’attention des chercheurs. En la soulevant, ils virent apparaître une fosse contenant une grande pierre taillée d’une manière particulière. Longue de un mètre, sa base était grossièrement taillée en pointe et son centre était percé d’un trou biconique. A quel usage cet objet était-il destiné ? De toute évidence, cette pierre était une ancre de navire. C’est son emplacement qui est le plus surprenant. Pourquoi une ancre était-elle enterrée sous l’autel de cette église ? Si l’on sait que les chrétiens placent parfois des reliques sous leurs autels, on peut supposer que cette ancre en était une. La proximité du lac de Tibériade permet d’envisager un lien avec une barque qui servit à Jésus ou à ses proches. Cependant, si cette ancre a la forme de celles des barques du Ier siècle, sa taille est en revanche nettement supérieure ; elle correspondrait plutôt à une ancre plus ancienne de quelques siècles. L’ « église à l’ancre » n’a pas fourni davantage d’explications.
Gennésareth
Une belle opération d’archéologie de sauvetage fut réalisée à la faveur d’une forte sécheresse, qui marqua l’année 1986 et qui provoqua une baisse exceptionnelle du niveau du lac de Tibériade. Ce fut pour deux pêcheurs israéliens l’occasion de réaliser un vieux rêve.
Les frères Yuval et Moshe Lufan habitaient le village de Kibboutz Ginosar, un port de pêche implanté sur la rive nord-ouest du lac. Ils pratiquaient occasionnellement l’archéologie en amateurs dans l’espoir de découvrir quelque vestige ou épave antique. Ils arpentaient les berges semi-asséchées du lac, lorsqu’ils distinguèrent les contours d’un objet ovale ayant la forme d’une barque qui affleurait dans la boue. En grattant le sable ils virent que l’objet était fait de bois vermoulu. Petite coïncidence, l’instant de la découverte s’accompagna d’un phénomène naturel extrêmement rare : un arc-en-ciel lunaire …
L’existence de l’épave fut signalée au professeur Shelley Wachsmann, spécialiste d’archéologie sous-marine au Département des Antiquités d’Israël. L’expert l’examina et confirma qu’elle semblait très ancienne et qu’elle justifiait un sauvetage. On décida d’extraire l’objet de la boue, entreprise à la fois délicate et urgente avant la remontée des eaux. Une méthode adaptée à la situation fut définie, et l’opération fut menée promptement durant onze jours et onze nuits avec la participation active des villageois.
La méthode consista à créer d’abord une digue d’assèchement, qui permit d’évacuer manuellement la glaise entourant le navire. Puis l’épave fut conditionnée dans une enveloppe de mousse polyuréthane, remise à l’eau ainsi empaquetée et remorquée jusqu’au port de Gennésareth. Arrivé à bon port, le vieux navire fut délivré de sa mousse et plongé dans un bain chimique soigneusement contrôlé. Le traitement avait pour but de remplacer progressivement l’eau imprégnant le bois par de la cire synthétique. L’épave demeura ainsi immergée pendant une durée de sept ans. Ce processus terminé, l’objet fut empaqueté de nouveau et emporté par une grue jusqu’à son lieu de conservation définitif, c’est-à-dire dans le musée Ygal Allon de Kibboutz Ginosar créé pour l’occasion.
L’examen détaillé du navire révéla que c’était un voilier de pêche d’époque romaine. Mesurant plus de huit mètres, il fut construit avec des matériaux de réemploi fixés avec des tenons et des mortaises, et avait subi plusieurs réparations avec des bois d’essences différentes. Le lieu de sa découverte était jonché de clous et d’attaches métalliques, et la coque contenait une petite lampe à huile. Le professeur Richard Steffy, de l’Université du Texas, estima son âge, d’après les techniques employées, à une période comprise entre le Ier siècle avant et le second siècle après J.-C.. Des analyses au carbone 14 complétèrent la datation en donnant une fourchette de 50 avant à 75 après J.-C.
Le navire est désormais l’une des épaves les mieux conservées de cette époque. C’est probablement un navire de ce type qu’utilisèrent Jésus et ses apôtres, ce qui a rendu cet objet célèbre sous le nom de « barque de Jésus ».
Le puits de Jacob – la Samaritaine
Tout voyageur qui se rend par voie terrestre de Judée en Galilée est obligé de traverser la région de Samarie. Si l’on remonte à l’Ancien Testament, les habitants de la Samarie étaient les héritiers de l’ancien royaume du Nord qui avait fait sécession à la mort du roi Salomon. Cette séparation avait laissé dans les esprits une forte animosité. Les Samaritains construisirent même leur propre Temple sur le mont Garizim, ce qui fut une source supplémentaire de différend. Bien que majoritairement déplacée sous la domination assyrienne, la petite communauté des Samaritains subsiste encore aujourd’hui, et a conservé sur place ses rites propres issus de leurs origines hébraïques, toujours pratiqués après trois millénaires.
Jésus traversa la Samarie à plusieurs reprises pour se rendre en Galilée. Le regard qu’il portait sur ses habitants était différent de celui des autres Juifs, comme le montre l’évangile de la femme samaritaine avec laquelle Jésus entra en conversation au bord d’un puits (Jn. 3). Celle-ci s’étonna d’abord qu’il daigne lui parler, puis réalisa sa qualité de prophète lorsqu’il devina sa vie privée. Lorsqu’elle lui demande de quelle montagne le culte devait être rendu, Jésus répondit de manière sibylline : « En esprit et en vérité ». Entendant qu’il était le messie, elle retourna hâtivement en informer les habitants de la ville.
L’évangile précise en outre que ce puits avait jadis appartenu au patriarche Jacob, et que son fils Joseph y avait été enterré au retour d’Egypte (Gn. 34 ; Js. 24, 32).
Non loin de Sichem en Samarie, il existe un « puits de Jacob » que la tradition locale rattache aux récits des deux Testaments. Les premières fouilles furent effectuées en 1893 sur le site du puits. Il est permis de rapprocher ce puits de celui de l’évangile, si l’on tient compte de plusieurs éléments. Le point d’eau semble d’abord très ancien et daterait de plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. De plus, dans sa conversation avec Jésus la Samaritaine désigne une montagne sacrée toute proche ; or le puits de Jacob traditionnel se trouve précisément au pied du mont Garizim. La Samaritaine précise également que le puits est profond, ce qui est le cas de celui-ci qui descend à 46 mètres. Ces caractéristiques correspondent bien aux indications des textes bibliques.
L’histoire du puits de Jacob durant les siècles suivants est assez bien documentée. Au IVème siècle de notre ère, les Byzantins élevèrent au-dessus du puits une petite église grecque en forme de croix. Elle fut rasée au IXème, puis remplacée par une autre en 1150, qui se dégrada. Les moines orthodoxes grecs firent l’acquisition du site en 1860, et entamèrent une nouvelle construction qui resta inachevée. Ce n’est qu’en 2007 que fut menée à son terme la construction d’une église moderne de grandes dimensions. Si l’on descend aujourd’hui dans la crypte de ce vaste sanctuaire, on peut encore s’asseoir comme le fit le Christ sur la margelle du vénérable puits.
La montagne de la Multiplication des pains
L’un des miracles les plus célèbres semble s’être déroulé en un lieu aujourd’hui marqué par une pierre désignant l’endroit exact où il se produisit. Jésus acompagné par la foule s’était éloigné de toute habitation, et la journée était bien avancée lorsque les apôtres soulevèrent le problème du ravitaillement. La foule qui avait suivi Jésus était innombrable, au moins cinq mille personnes est-il écrit. Il prit alors les seuls cinq pains et deux poissons qu’on avait trouvés et les fit distribuer au peuple, qui en reçut en quantité plus que suffisante.
Les indications géographiques données quant au lieu du miracle sont assez floues. La multiplication des pains se serait déroulée « de l’autre côté de la mer de Galilée, de Tibériade ». Il est également précisé qu’ « Il les prit alors avec lui en direction d’une ville appelée Bethsaïde », qu’ « Ils partirent donc en barque pour gagner un lieu solitaire, isolé » et qu’ « Il y avait en cet endroit beaucoup d’herbe ». Le souvenir du lieu a été perdu au VIIème siècle, lorsque le pays fut dévasté par l’invasion perse. Sa redécouverte fut possible des siècles plus tard grâce aux écrits de la pèlerine Egérie, une voyageuse espagnole du IVème siècle. Son témoignage décrit le lieu du miracle comme un lieu verdoyant placé en bordure du lac :
« Dans ces lieux-mêmes (non loin de Capharnaüm), face à la mer de Galilée, est une terre où l’eau abonde, où pousse une végétation luxuriante, aux nombreux arbres et palmiers. A proximité se trouvent sept sources qui fournissent de l’eau en abondance. Dans ce jardin fertile Jésus nourrit cinq mille personnes avec cinq pains et deux poissons. La pierre sur laquelle le Seigneur déposa le pain devint un autel. Les nombreux pèlerins venus sur le site la brisèrent en pièces pour soigner leurs maux. »
Cette description pourrait correspondre à un lieu-dit appelé Tabgha, une vallée fertile située sur la rive nord-ouest du lac entre Capharnaüm et Magdala, et arrosée par plusieurs sources. Le nom de Tabgha est peut-être une déformation arabe du mot grec Heptapegon qui signifie « sept sources ».

 

HOMÉLIE DU 17E DIMANCHE ORDINAIRE A

28 juillet, 2017

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HOMÉLIE DU 17E DIMANCHE ORDINAIRE A

1 R 3, 5. 7-12 ; Rm 8, 28-30 ; Mt 13, 44-52

Un trésor ! Un mot magique en tout lieu et toute époque. Collectionneurs passionnés remuent ciel et terre pour obtenir tel ou tel objet, misant sur une valeur qui relativise tout le reste.
Aujourd’hui, mettons-nous un instant dans la peau de Salomon à qui Dieu apparaît en songe et lui dit : « Fais-moi connaître tes désirs, tes souhaits, je vais les exaucer. » Nous voici probablement bien embarrassés. Qu’allons-nous demander ? Le jackpot ? Le gros lot fait toujours rêver…
Les biographes du livre des Rois, eux, en tout cas, n’étaient pas embarrassés. Leur préoccupation n’était pas de témoigner d’un événement historique, mais de se situer dans une perspective religieuse. Il s’agissait pour eux de présenter un roi idéal, dont les réactions ne pouvaient être qu’exemplaires. D’où, cette réponse sublime d’un Salomon super idéalisé : « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ». Or, précise l’Ecriture, « un cœur attentif, intellige nt et sage » s’acquiert par la méditation de la Loi du Seigneur. Sa Parole. C’est elle qui apprend à juger et à secomporter en toute sûreté et assurance. C’est ce que détaillent les 176 versets du psaume 118, dont quelques-uns sont proposés dans la liturgie de ce jour : « Mon héritage, Seigneur, je l’ai dit : c’est d’observer tes paroles ». « Mon bonheur, c’est la loi de ta bouche plus qu’un monceau d’or ou d’argent ». « Les paroles de ta Loi m’ont donné l’intelligence ». « La vraie sagesse, c’est la parole de Dieu ». C’est grâce à elle que l’on peut acquérir le plus grand des trésors qui soit.
La situation de Salomon est donc comparable à celle du disciple dont parle l’Evangile. C’est pourquoi la liturgie les a réunis ce dimanche. Tout disciple doit pouvoir discerner le bien du mal, le vrai du faux. Et donc, travailler le champ de sa vie pour la gouverner en vue du Royaume.
Les deux paraboles proposées par Jésus sont d’ailleurs toujours d’actualité. Quel que soit le genre de trésor. Et la procédure est de tous les temps. Quand on découvre un bien précieux, quand on tient vraiment à quelque chose ou à quelqu’un, on est prêt à y mettre le prix, et le temps pour l’acquérir. La question est de savoir si nous sommes aussi logiques, aussi attentifs et habiles, aussi décidés quand il s’agit de valeurs d’éternité.
Autrement dit, quel prix sommes-nous prêts à payer pour le Royaume de Dieu qui est non seulement une richesse incomparable pour ici-bas, mais qui conditionne également la qualité et le bonheur de notre vie au-delà de la mort. En fait, nous sommes trop peu passionnés par les richesses d’un Royaume de justice et de paix. Ses valeurs et ses exigences, apparaissent trop souvent synonymes de lois et de commandements, de rigueur et de renoncement, comme autant d’éteignoirs qui freinent la liberté. En réalité, avec la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, l’anonymat des règlements, le visage revêche des commandements, ont cédé le pas à l’amour de quelqu’un. La loi, le chemin, la vérité, la vie, c’est Jésus lui-même. C’est lui le trésor caché, la perle précieuse. Pour établir avec lui une alliance et être fidèle à son amour, il faut y mettre le prix, mais un prix qui est peu de chose, comparé à ce que l’on peut acquérir.
Je crois que nous cultivons trop souvent un vocabulaire et une mentalité de renoncements plutôt que d’attachement. Pendant plus de 30 ans, j’ai reçu des fiancés en vue de leur mariage. Je n’en ai jamais vu en larmes parce qu’ils devaient quitter leurs parents, ni évoquer les douloureux sacrifices auxquels ils devaient consentir en contractant une alliance de vie. Ils se réjouissaient plutôt d’avoir trouvé chacun leur pierre précieuse, leur « trésor ». Tout n’est certes pas terminé pour autant. Il s’agira de persévérer, d’approfondir, d’entretenir, de réparer, de cultiver nos terres intérieures, où l’on trouve des cailloux, des mauvaises herbes, des ronces et des épines.
De même, ceux et celles qui rencontrent le Christ, et découvrent ainsi la perle de grande valeur et le Royaume promis. Alors ils n’hésitent pas à prendre le risque de payer le prix d’une aventure d’amour.
Ici, également, il faudra écarter les obstacles, tailler les branches folles, briser des chaînes, se dépouiller de certains biens. C’est la note à payer, mais son montant est à notre portée. « Déchiffrer ta Parole illumine, chante le psalmiste. Et les gens simples la comprennent » (Psaume 118).
Du trésor des paraboles, on peut constamment tirer du neuf et de l’ancien, de l’inattendu, du plus incarné, du plus adapté. Ce trésor est une Bonne Nouvelle annoncée aujourd’hui, pour aujourd’hui. Elle transforme notre existence personnelle, celle de nos communautés, celle de l’Eglise, celle de la société. Encore faut-il qu’elle puisse prendre racines dans notre vie, pleine d’ambiguïtés et de compromissions.
« Seigneur, accorde-moi ce trésor de la conversion, qui engage ma vie dans une nouvelle direction. Fais-moi la grâce du trésor de la foi, ce nouveau regard du cœur, qui voit autrement les biens de la terre, le présent et le futur, les personnes et les événements de notre histoire » (Michel Hubaut).

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

 

PAPE FRANÇOIS – UNE LUMIÈRE DOUCE, HUMBLE ET PLEINE D’AMOUR (2013)

27 juillet, 2017

http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2013/documents/papa-francesco-cotidie_20130903.html

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Hibiscus

PAPE FRANÇOIS – UNE LUMIÈRE DOUCE, HUMBLE ET PLEINE D’AMOUR

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA MAISON SAINTE-MARTHE

Mardi 3 septembre 2013

(L’Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 36 du 5 septembre 2013)

L’humilité, la douceur, l’amour, l’expérience de la croix sont les moyens à travers lesquels le Seigneur vainc le mal. Et la lumière que Jésus a apportée dans le monde vainc la cécité de l’homme, souvent aveuglé par la fausse lumière du monde, plus puissante mais trompeuse. C’est à nous de savoir discerner quelle lumière vient de Dieu. Tel est le sens de la réflexion proposée par le Pape François au cours de la Messe célébrée mardi 3 septembre.
En commentant la première lecture, le Saint-Père s’est arrêté sur la « belle parole » que saint Paul adresse aux Thessaloniciens : « Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres… tous vous êtes des fils de la lumière, des fils du jour. Nous ne sommes pas de la nuit, des ténèbres » (1 Th 5, 1-6.9-11). Ce que veut dire l’apôtre, a expliqué le Pape, est clai: « L’identité chrétienne est une identité de lumière, et non pas de ténèbres ». Et Jésus a apporté cette lumière dans le monde. « Saint Jean — a précisé le Pape François — dans le premier chapitre de son Évangile nous dit “la lumière est descendue dans le monde”, lui, Jésus ». Une lumière que « le monde n’a pas appréciée », mais qui, toutefois, « nous sauve des ténèbres, des ténèbres du péché ». Aujourd’hui, a poursuivi le Pape, on pense qu’il est possible d’obtenir cette lumière qui déchire les ténèbres à travers de nombreuses découvertes scientifiques et autres inventions de l’homme, grâce auxquelles « on peut tout connaître, on peut posséder une science sur tout ». Mais « la lumière de Jésus — a averti le Pape François — est une autre chose ».
Mais comment se présente la lumière que nous offre Jésus ? Nous pouvons la reconnaître — a expliqué le Saint-Père — parce que c’est une lumière humble. Ce n’est pas une lumière qui s’impose, elle est humble. C’est une lumière douce, qui a la force de la douceur ; c’est une lumière qui parle au cœur et c’est également une lumière qui offre la croix. Si nous, dans notre lumière intérieure, nous sommes des hommes doux, nous entendons la voix de Jésus dans le cœur et nous regardons sans peur la croix dans la lumière de Jésus ». Mais si, au contraire, nous nous laissons aveugler par une lumière qui nous rend sûrs de nous, orgueilleux, et nous conduit à regarder les autres de haut, à les mépriser avec arrogance, il est certain que nous ne nous trouvons pas en présence de la « lumière de Jésus ». C’est au contraire « la lumière du diable travesti en Jésus — a dit l’Évêque de Rome — en ange de lumière. Nous devons toujours faire la distinction ; là où se trouve Jésus se trouve toujours l’humilité, la douceur, l’amour et la croix. Il a parcouru le premier ce chemin de lumière. Nous devons aller derrière lui sans peur », parce que « Jésus a la force et l’autorité de nous donner cette lumière ». « Demandons au Seigneur — a exhorté le Pape François en concluant — de nous donner aujourd’hui la grâce de sa lumière et de nous enseigner à reconnaître lorsqu’une lumière est sa lumière et lorsqu’il s’agit d’une lumière artificielle utilisée par l’ennemi pour nous tromper ».

STS ANNE ET JOACHIM, MÈRE ET PÈRE DE LA SAINTE VIERGE – 26 JUILLET

26 juillet, 2017

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STS ANNE ET JOACHIM, MÈRE ET PÈRE DE LA SAINTE VIERGE – 26 JUILLET

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Saints Anne et Joachim
Mère et père de la Vierge Marie

Anne appartenait à ce peuple choisi qui, dans les desseins de Dieu, devait donner naissance au Sauveur des hommes ; elle était de la tribu de Juda et de la race de David. Ses parents, recommandables par leur origine, devinrent surtout illustres entre tous leurs concitoyens par l’éclat d’une vie pleine de bonnes œuvres et de vertus. Dieu, qui avait prédestiné cette enfant à devenir l’aïeule du Sauveur, la combla des grâces les plus admirables.
Après Marie, aucune femme plus que sainte Anne ne fut bénie et privilégiée entre toutes les autres. Mais si elle reçut tant de grâces, comme elle sut y répondre par la sainteté de sa vie ! Toute jeune enfant, elle était douce, humble, modeste, obéissante et ornée des naïves vertus de son âge. Plus tard, comme elle sut bien garder intact le lis de sa virginité ! Comme elle dépassait toutes les filles, ses compagnes, par sa piété, par la réserve de sa tenue, son recueillement et la sainteté de toute sa conduite !
Puis, quand il plut à Dieu d’unir son sort à celui de Joachim, combien Anne fut une épouse prévenante, respectueuse, laborieuse, charitable et scrupuleusement fidèle à tous les devoirs de son état, vaquant à propos au travail et à la prière. Dieu lui refusa longtemps de devenir mère ; elle se soumit humblement à cette épreuve et l’utilisa pour sa sanctification. Mais à l’épreuve succéda une grande joie, car de Joachim et d’Anne, déjà vieux, naquit miraculeusement celle qui devait être la Mère du Sauveur et, dans l’ordre de la grâce, la Mère du genre humain. C’est sans doute un grand honneur pour sainte Anne, que d’avoir donné naissance à la Mère de Dieu ; mais il lui revient beaucoup plus de gloire d’avoir formé le cœur de Marie à la vertu et à l’innocence !
L’Église célébrera dans tous les âges la piété maternelle de sainte Anne, et la gloire de sa Fille rejaillira sur elle de génération en génération. Le culte de sainte Anne a subi diverses alternatives. Son corps fut transporté dans les Gaules, au premier siècle de l’ère chrétienne, et enfoui dans un souterrain de l’église d’Apt, en Provence, à l’époque des persécutions. À la fin du VIIIe siècle, il fut miraculeusement découvert et devint l’objet d’un pèlerinage. Mais c’est surtout au XVIIe siècle que le culte de sainte Anne acquit la popularité dont il jouit.
De tous les sanctuaires de sainte Anne, le plus célèbre est celui d’Auray, en Bretagne ; son origine est due à la miraculeuse découverte d’une vieille statue de la grande Sainte, accompagnée des circonstances les plus extraordinaires et suivies de prodiges sans nombre. Sainte-Anne d’Auray est encore aujourd’hui l’objet d’un pèlerinage national.

Joachim, de la tribu de Juda et de l’antique famille de David, était pasteur de brebis à Nazareth. Stolan, père de sainte Anne, lui donna sa pieuse fille en mariage. Les deux époux vécurent dans la crainte du Seigneur et dans la pratique des bonnes œuvres. Ils firent trois parts de leurs biens : l’une était destinée au temple et aux ministres de la religion ; ils répandaient la seconde dans le sein des pauvres ; la dernière servait aux besoins de la famille.
Cependant le bonheur n’était pas dans ce ménage : l’épouse de Joachim était stérile. Depuis vingt ans ils priaient Dieu de les délivrer d’un tel opprobre, lorsqu’ils se rendirent, suivant leur coutume, à la ville sainte pour la fête des Tabernacles. Les enfants d’Israël y venaient offrir des sacrifices au Seigneur, et le grand-prêtre Ruben immolait leurs victimes. Joachim se présenta à son tour. Il portait un agneau ; Anne le suivait, la tête voilée, le cœur plein de soupirs et de larmes. Le grand-prêtre, en les apercevant monter les degrés du temple, n’eut pour eux que des paroles de mépris et de reproche : « Vous est-il permis, leur dit-il, de présenter votre offrande au Seigneur, vous qu’Il n’a pas jugés dignes d’avoir une postérité ? Ne savez-vous pas qu’en Israël l’époux qui n’a pas la gloire d’être père est maudit de Dieu ? » Et en présence du peuple il repoussa leur offrande.
Joachim ne voulut point revenir à Nazareth avec les témoins de son opprobre. Leur présence eût augmenté sa douleur. Anne retourna seule dans sa demeure. Pour lui, il se retira dans une campagne voisine de Jérusalem, où des bergers gardaient ses troupeaux. Le calme silencieux de la vie pastorale, le spectacle touchant de la nature, apportèrent quelque soulagement à la blessure de son cœur. Qui n’a jamais senti que la solitude le rapproche de Dieu ?
Un jour qu’il se trouvait seul dans les champs, l’Ange Gabriel se tint debout devant lui. Joachim se prosterna, tremblant de peur : « Ne crains pas, dit le messager céleste, je suis l’Ange du Seigneur, et c’est Dieu Lui-même qui m’envoie. Il a prêté l’oreille à ta prière, tes aumônes sont montées en Sa présence. Anne, ton épouse, mettra au monde une fille ; vous la nommerez Marie et vous la consacrerez à Dieu dans le temps ; le Saint-Esprit habitera dans son âme dès le sein de sa mère et Il opérera en elle de grandes choses.» Après ces mots, l’Ange disparut.
Joachim vit bientôt se réaliser la prédiction de l’Archange. De son côté, il fut fidèle aux ordres du Seigneur : sa fille reçut le nom de Marie, et, à trois ans, il la confia aux pieuses femmes qui élevaient dans le temple de Jérusalem les jeunes filles consacrées au Seigneur. Elle y vivait depuis huit ans sous le regard de Dieu lorsque Joachim mourut chargé de mérites et de vertus. Anne, son épouse, le fit ensevelir dans la vallée de Josaphat, non loin du jardin de Gethsémani, où elle devait le rejoindre un an plus tard.

Source principale : Abbé L. Jaud -Vie des Saints…- (« Rév. x gpm »).

CANONISATION DE CHARBEL MAKHLUOF (mf 24 luglio) – HOMÉLIE DU PAPE PAUL VI – 1977

24 juillet, 2017

http://w2.vatican.va/content/paul-vi/fr/homilies/1977/documents/hf_p-vi_hom_19771009.html

CANONISATION DE CHARBEL MAKHLUOF (mf 24 luglio) – HOMÉLIE DU PAPE PAUL VI

Saint-Charbel

photo originale

Dimanche, 9 octobre 1977

Vénérables Frères et chers Fils,

L’Eglise entière, de l’Orient à l’Occident, est invitée aujourd’hui à une grande joie. Notre cœur se tourne vers le Ciel, où nous savons désormais avec certitude que saint Charbel Makhlouf est associé au bonheur incommensurable des Saints, dans la lumière du Christ, louant et intercédant pour nous. Nos regards se tournent aussi là où il a vécu, vers le cher pays du Liban, dont Nous sommes heureux de saluer les représentants: Sa Béatitude le Patriarche Antoine Pierre Khoraiche, avec nombre de ses Frères et de ses Fils maronites, les représentants des autres rites catholiques, des orthodoxes, et, au plan civil, la Délégation du Gouvernement et du Parlement libanais que Nous remercions chaleureusement.
Votre pays, chers Amis, avait déjà été salué avec admiration par les poètes bibliques, impressionnés par la vigueur des cèdres devenus symboles de la vie des justes. Jésus lui-même y est venu récompenser la foi d’une femme syro-phénicienne: prémices du salut destiné à toutes les nations. Et ce Liban, lieu de rencontre entre l’orient et l’Occident est devenu de fait la patrie de diverses populations, qui se sont accrochées avec courage à leur terre et à leurs fécondes traditions religieuses. La tourmente des récents événements a creusé des rides profondes sur son visage, et jeté une ombre sérieuse sur les chemins de la paix. Mais vous savez notre sympathie et notre affection constantes: avec vous, Nous gardons la ferme espérance d’une coopération renouvelée, entre tous les fils du Liban.
Et voilà qu’aujourd’hui, nous vénérons ensemble un fils dont tout le Liban, et spécialement l’Eglise maronite, peuvent être fiers: Charbel Makhlouf. Un fils bien singulier, un artisan paradoxal de la paix, puisqu’il l’a recherchée à l’écart du monde, en Dieu seul, dont il était comme enivré. Mais sa lampe, allumée au sommet de la montagne de son ermitage, au siècle dernier, a brillé d’un éclat toujours plus grand, et l’unanimité s’est faite rapidement autour de sa sainteté. Nous l’avions déjà honoré en le déclarant bienheureux le 5 décembre 1965, au moment de la clôture du Concile Vatican II. Aujourd’hui, en le canonisant et en étendant son culte à l’ensemble de l’Eglise, Nous donnons en exemple, au monde entier, ce valeureux moine, gloire de l’ordre libanais maronite et digne représentant des Eglises d’Orient et de leur haute tradition monastique.
Il n’est point nécessaire de retracer en détail sa biographie, d’ailleurs fort simple. II importe du moins de noter à quel point le milieu chrétien de son enfance a enraciné dans la foi le jeune Youssef – c’était son nom de baptème -, et l’a préparé à sa vocation: famille de paysans modestes, travailleurs, unis; animés d’une foi robuste, familiers de la prière liturgique du village et de la dévotion à Marie; oncles voués à la vie érémitique, et surtout mère admirable, pieuse et mortifiée jusqu’au jeûne continuel. Ecoutez les paroles que l’on rapporte d’elle après la séparation de son fils: «Si tu ne devais pas être un bon religieux, je te dirais: Reviens à la maison. Mais je sais maintenant que le Seigneur te veut à son service. Et dans ma douleur d’être séparée de toi, je lui dis, résignée: Qu’il te bénisse, mon enfant, et fasse de toi un saint» (P. PAUL DAHER, Charbel, un homme ivre de Dieu, Monastère S. Maron d’Annaya, Jbail Liban, 1965, p. 63). Les vertus du foyer et l’exemple des parents constituent toujours un milieu privilégié pour l’éclosion des vocations.
Mais la vocation comporte toujours aussi une décision très personnelle du candidat, où l’appel irrésistible de la grâce compose avec sa volonté tenace de devenir un saint: «Quitte tout, viens! Suis-moi!» (Ibid. p. 52; cfr. Marc. 10, 32). A vingt-trois ans, notre futur saint quitte en effet son village de Gégà-Kafra et sa famille pour ne plus jamais y revenir. Alors, pour le novice devenu Frère Charbel, commence une formation monastique rigoureuse, selon la règle de l’ordre libanais maronite de Saint Antoine, au monastère de Notre-Dame de Mayfouk, puis à celui plus retiré de Saint-Maron d’Annaya, après sa profession solennelle, il suit des études théologiques à Saint-Cyprien de Kfifane, reçoit l’ordination sacerdotale en 1859; il mènera ensuite seize ans de vie communautaire parmi les moines d’Annaya et vingt-trois ans de vie complètement solitaire dans l’ermitage des Saints Pierre et Paul dépendant d’Annaya. C’est là qu’il remet son âme à Dieu la veille de Noël 1898, à soixante-dix ans.
Que représente donc une telle vie? La pratique assidue, poussée à l’extrême, des trois vœux de religion, vécus dans le silence et le dépouillement monastiques: d’abord la plus stricte pauvreté pour ce qui est du logement, du vêtement, de l’unique et frugal repas journalier des durs travaux manuels dans le rude climat de la montagne; une chasteté qu’il entoure d’une intransigeance légendaire; enfin et surtout une obéissance totale à ses Supérieurs et même à ses confrères, au règlement des ermites aussi, traduisant sa soumission complète à Dieu. Mais la clé de cette vie en apparence étrange est la recherche de la sainteté, c’est-à-dire la conformité la plus parfaite au Christ humble et pauvre, le colloque quasi ininterrompu avec le Seigneur, la participation personnelle au sacrifice du Christ par une célébration fervente de la messe et par sa pénitence rigoureuse jointe à l’intercession pour les pécheurs. Bref, la recherche incessante de Dieu seul, qui est le propre de la vie monastique, accentuée par la solitude de la vie érémitique.
Cette énumération, que les hagiographes peuvent illustrer de nombreux faits concrets, donne le visage d’une sainteté bien austère, n’est-ce pas? Arrêtons-nous sur ce paradoxe qui laisse le monde moderne perplexe, voire irrité; on admet encore chez un homme comme Charbel Makhlouf une héroïcité hors de pair, devant laquelle on s’incline, retenant surtout sa fermeté au-dessus de la normale. Mais n’est-elle pas «folie aux yeux des hommes», comme s’exprimait déjà l’auteur du livre de la Sagesse? Même des chrétiens se demanderont: le Christ a-t-il vraiment exigé pareil renoncement, lui dont la vie accueillante tranchait avec les austérités de Jean-Baptiste? Pire encore, certains tenants de l’humanisme moderne n’iront-ils pas, au nom de la psychologie, jusqu’à soupçonner cette austérité intransigeante, de mépris, abusif et traumatisant, des saines valeurs du corps et de l’amour, des relations amicales, de la liberté créatrice, de la vie en un mot?
Raisonner ainsi, dans le cas de Charbel Makhlouf et de tant de ses compagnons moines ou anachorètes depuis le début de l’Eglise, c’est manifester une grave incompréhension, comme s’il ne s’agissait que d’une performance humaine; c’est faire preuve d’une certaine myopie devant une réalité autrement profonde. Certes, l’équilibre humain n’est pas à mépriser, et de toute façon les Supérieurs, l’Eglise doivent veiller à la prudence et à l’authenticité de telles expériences. Mais prudence et équilibre humains ne sont pas des notions statiques, limitées aux éléments psychologiques les plus courants ou aux seules ressources humaines. C’est d’abord oublier que le Christ a exprimé lui-même des exigences aussi abruptes pour ceux qui voudraient être ses disciples: «Suis-moi . . . et laisse les morts enterrer leurs morts» (Luc. 9, 59-60). «Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (Ibid. 14, 26). C’est oublier aussi, chez le spirituel, la puissance de l’âme, pour laquelle cette austérité est d’abord un simple moyen, c’est oublier l’amour de Dieu qui l’inspire, l’Absolu qui l’attire; c’est ignorer la grâce du Christ qui la soutient et la fait participer au dynamisme de sa propre Vie. C’est finalement méconnaître les ressources de la vie spirituelle, capable de faire parvenir à une profondeur, à une vitalité, à une maîtrise de l’être, à un équilibre d’autant plus grands qu’il n’ont pas été recherchés pour eux-mêmes: « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît» (Matth. 6, 32).
Et de fait, qui n’admirerait, chez Charbel Makhlouf, les aspects positifs que l’austérité, la mortification, l’obéissance, la chasteté, la solitude ont rendus possibles à un degré rarement atteint? Pensez à sa liberté souveraine devant les difficultés ou les passions de toutes sortes, à la qualité de sa vie intérieure, à l’élévation de sa prière, à son esprit d’adoration manifesté au cœur de la nature et surtout en présence du Saint-Sacrement, à sa tendresse filiale pour la Vierge, et à toutes ces merveilles promises dans les béatitudes et réalisées à la lettre chez notre saint: douceur, humilité, miséricorde, paix, joie, participation, dès cette vie, à la puissance de guérison et de conversion du Christ. Bref l’austérité, chez lui, l’a mis sur le chemin de la sérénité parfaite, du vrai bonheur; elle a laissé toute grande la place à l’Esprit Saint.
Et d’ailleurs, chose impressionnante, le peuple de Dieu ne s’y est pas trompé. Dès le vivant de Charbel Makhlouf, sa sainteté rayonnait, ses compatriotes, chrétiens ou non, le vénéraient, accouraient à lui comme au médecin des âmes et des corps. Et depuis sa mort, la lumière a brillé plus encore au-dessus de son tombeau: combien de personnes, en quête de progrès spirituel, ou éloignées de Dieu, ou en proie à la détresse, continuent à être fascinées par cet homme de Dieu, en le priant avec ferveur, alors que tant d’autres, soi-disant apôtres, n’ont laissé aucun sillage, comme ceux dont parle l’Ecriture (Sap. 5, 10; Epistola ad Missam).
Oui, le genre de sainteté pratiqué par Charbel Makhlouf est d’un grand poids, non seulement pour la gloire de Dieu, mais pour la vitalité de l’Eglise. Certes, dans l’unique Corps mystique du Christ, comme dit saint Paul (Cfr. Rom. 12, 4-8), les charismes sont nombreux et divers; ils correspondent à des fonctions différentes, qui ont chacune leur place indispensable. Il faut des Pasteurs, qui rassemblent le peuple de Dieu et y président avec sagesse au nom du Christ. Il faut des théologiens qui scrutent la doctrine et un Magistère qui y veille. Il faut des évangélisateurs et des missionnaires qui portent la parole de Dieu sur toutes les routes du monde. Il faut des catéchètes qui soient des enseignants et des pédagogues avisés de la foi: c’est l’objet du Synode actuel. Il faut des personnes qui se vouent directement à l’entraide de leurs frères . . . Mais il faut aussi des gens qui s’offrent en victimes pour le salut du monde, dans une pénitence librement acceptée, dans une prière incessante d’intercession, comme Moïse sur la montagne, dans une recherche passionnée de l’Absolu, témoignant que Dieu vaut la peine d’être adoré et aimé pour lui-même. Le style de vie de ces religieux, de ces moines, de ces ermites n’est pas proposé à tous comme un charisme imitable; mais à l’état pur, d’une façon radicale, ils incarnent un esprit dont nul fidèle du Christ n’est dispensé, ils exercent une fonction dont l’Eglise ne saurait se passer, ils rappellent un chemin salutaire pour tous.
Permettez-Nous, en terminant, de souligner l’intérêt particulier de la vocation érémitique aujourd’hui. Elle semble d’ailleurs connaître un certain regain de faveur que n’explique pas seulement la décadence de la société, ni les contraintes que celle-ci fait peser. Elle peut d’ailleurs prendre des formes adaptées, à condition qu’elle soit toujours conduite avec discernement et obéissance.
Ce témoignage, loin d’être une survivance d’un passé révolu, Nous apparaît très important, pour notre monde, comme pour notre Eglise.
Bénissons le Seigneur de nous avoir donné saint Charbel Makhlouf, pour raviver les forces de son Eglise, par son exemple et sa prière. Puisse le nouveau saint continuer à exercer son influence prodigieuse, non seulement au Liban, mais en Orient et dans l’Eglise entière! Qu’il intercède pour nous, pauvres pécheurs, qui, trop souvent, n’osons pas risquer l’expérience des béatitudes qui conduisent pourtant à la joie parfaite! Qu’il intercède pour ses frères de l’ordre libanais maronite, et pour toute I’Eglise maronite, dont chacun connaît les mérites et les épreuves! Qu’il intercède pour le cher pays du Liban, qu’il l’aide à surmonter les difficultés de l’heure, à panser les plaies encore vives, à marcher dans l’espérance! Qu’il le soutienne et l’oriente sur la bonne et juste voie, comme nous le chanterons tout à l’heure! Que sa lumière brille au-dessus d’Annaya, ralliant les hommes dans la concorde et les attirant vers Dieu, qu’il contemple désormais dans la félicité éternelle! Amen!

HOMÉLIE DU 16E DIMANCHE ORDINAIRE A

22 juillet, 2017

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pensieri e fr - Copia

HOMÉLIE DU 16E DIMANCHE ORDINAIRE A

Sg 12, 13, 16-19 ; Rm 8, 26-27 ; Mt 13, 24-43

Il y a quelques années déjà, un candidat à l’émission télévisée du Jeu du Millionnaire devait répondre à la question suivante : Selon la Bible, quel est le saint qui fut ressuscité par Jésus ? Il s’agissait de choisir entre S. Jean Baptiste, S. Lazare, S. Pierre et un quatrième dont j’ai oublié le nom. Grand silence. Le jeune homme avoue son ignorance. Mais, recourant à l’avis d’un ami très cultivé, il répond S. Lazare. Ouf ! On pouvait passer à la question suivante…

« Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ », disait S. Jérôme.

Mais l’ignorance du candidat millionnaire n’était évidemment pas bien grave et celle du journaliste non plus, même si dans la Bible il n’est jamais question de saint ni de sainte, qu’il s’agisse de Marie et Joseph, Lazare, Jean Baptiste ou Pierre. Mais cela m’a rappelé une question posée par Mgr Huard : « Oserions-nous prétendre que notre foi s’alimente vraiment à la fréquentation assidue des Ecritures ?  » (1). Bonne question ! Même si, chaque dimanche, au repas de la Parole et du Pain, nous en recevons quelques miettes comme mise en appétit. C’est bien peu de chose. Et nous y communions ensuite, c’est-à-dire nous y adhérons sans pour autant avoir bien compris, et leur sens, et leurs conséquences concrètes. Or, cette Parole est Bonne Nouvelle pour aujourd’hui. Elle vient parler au cœur de nos vies, non seulement pour nous instruire, mais pour nous transformer. Pour améliorer notre existence et celle de la société. Il faut donc qu’elle soit fréquentée, étudiée, méditée, mangée, ruminée et priée pour qu’elle puisse s’incarner, c’est-à-dire se concrétiser dans notre vie quotidienne.
Dimanche dernier, la parabole nous a posé une question directe et concrète : Que faites-vous, que faisons-nous de la Parole de Dieu qui est régulièrement semée sur notre sol ? Et une question complémentaire : Quelle est la qualité de notre sol ?
Semence de vie, la Parole dite de Dieu doit pouvoir rencontrer une terre favorable, accueillante. Or, parmi les terrains qui reçoivent régulièrement la semence, il y a, disait Jésus, 75 % d’échec. Trois terrains sur quatre sont rocailleux, mal entretenus ou mal ensemencés. Il ne suffit donc pas que la graine soit jetée. Il ne suffit pas que la Parole soit lue, annoncée, proclamée. Il faut y apporter un certain intérêt.
Il ne suffit pas non plus de l’entendre, il faut encore l’écouter. Ecouter avec son cœur… L’écouter ne suffit pas, il faut s’efforcer de la comprendre, et donc de chercher à la déchiffrer, à l’interpréter. Il ne suffit pas de lui accorder de la sympathie ni même de l’admiration, il faut encore l’accueillir, lui donner une place importante, une priorité, jusqu’à vouloir la mettre en pratique, et donc lui permettre de prendre racines. Pour cela, il faut la fréquenter, l’étudier, en discuter, la partager. Nous la connaissons si peu et si mal, alors qu’elle est inépuisable et qu’elle peut constamment nous révéler du neuf et du mieux. C’est comme une plante qu’il faut cultiver, disaient les Pères de l’Eglise.
Cette parabole se prolonge aujourd’hui, avec quelques précisions à propos du bon terrain. Même quand la semence a été bien accueillie et que le grain a pris racines, il va côtoyer de mauvaises graines qui sont en nous, et que nous n’avons pas nécessairement nous-mêmes semées. Ce qui est vrai pour chacun de nous et qui est vrai pour le monde. Le bien et le mal, le bon grain et l’ivraie poussent ensemble. Ainsi, la récolte peut toujours être compromise par l’invasion de mauvaises herbes venues d’un peu partout.
A l’époque, Jésus voulait donner une leçon de patience et une leçon de tolérance à ses disciples un peu trop pressés à vouloir éliminer les pharisiens, semeurs d’ivraie, qui s’attaquaient à Jésus, le bon semeur. Les disciples étaient partisans de la manière forte : se précipiter pour arracher l’ivraie, sanctionner les mauvais semeurs et se barricader dans le ghetto d’une secte de « purs ». Ils oubliaient que dans toute personne, dans toute société, y compris religieuse, le bien et le mal sont entremêlés, la lumière et les ténèbres aussi. Il faut donc de la patience pour faire le tri, pour bien discerner. Il faut de la patience pour supporter sans agressivité ni découragement l’ivraie dans notre propre champ et dans celui des autres. Patience et tolérance pour ne pas arracher à tort et à travers. Permettre aussi au bon grain de se fortifier et de grandir, pour donner à chacun un temps de croissance et donc de conversion. Les bons ne sont pas tous d’un côté, ni les méchants tous de l’autre. Et nous ne sommes ni les juges ni les moissonneurs.
Souvenez-vous de la première lecture. Une prière : Toi Seigneur qui disposes de la force, tu juges avec indulgence. Tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagements. Par ton exemple, tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain. A ceux qui ont péché, tu accordes même la conversion.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

BENOÎT XVI – LECTURE: PS 137, 1-4.8

19 juillet, 2017

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La Terre au centre des sphéres de l’universe - copie du XIII siécle

BENOÎT XVI – LECTURE: PS 137, 1-4.8

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 7 décembre 2005

Action de grâce
Lecture: Ps 137, 1-4.8

1. Placé par la tradition juive sous le patronage de David, même s’il est probablement apparu à une époque successive, l’hymne d’action de grâce que nous venons d’entendre s’ouvre par un chant personnel de l’orant. Il élève sa voix dans le cadre de l’assemblée du temple ou, tout au moins, en ayant comme référence le Sanctuaire de Sion, siège de la présence du Seigneur et de sa rencontre avec le peuple des fidèles.
En effet, le Psalmiste confesse qu’il se « prosterne vers ton temple sacré » de Jérusalem (cf. v. 2): là, il chante devant Dieu qui est dans les cieux avec sa cour d’anges, mais qui est également à l’écoute dans l’espace terrestre du temple (cf. v. 1). L’orant est certain que le « nom » du Seigneur, c’est-à-dire sa réalité personnelle vivante et active, et ses vertus de fidélité et de miséricorde, signes de l’alliance avec son peuple, représentent le soutien de toute confiance et de toute espérance (cf. v. 2).
2. Le regard se tourne alors, l’espace d’un instant, vers le passé, au jour de la souffrance: alors, au cri du fidèle angoissé avait répondu la voix divine. Elle avait diffusé le courage dans l’âme troublée (cf. v. 3). L’original en hébreu parle littéralement du Seigneur qui « a troublé la force dans l’âme » du juste opprimé: comme s’il s’agissait de l’irruption d’un vent impétueux qui balaye les hésitations et les peurs, confère une énergie vitale nouvelle et fait fleurir la force et la confiance.
Après ce début apparemment personnel, le Psalmiste étend alors son regard sur le monde et imagine que son témoignage touche l’horizon tout entier: « tous les rois de la terre », dans une sorte d’adhésion universelle s’associent à l’orant juif dans une louange commune en honneur de la grandeur et de la puissance souveraine du Seigneur (cf. vv. 4-6).
3. Le contenu de cette louange commune qui s’élève de tous les peuples laisse déjà entrevoir la future Eglise des païens, la future Eglise universelle. Ce contenu a comme premier thème la « gloire » et les « chemins du Seigneur » (cf. v. 5), c’est-à-dire ses projets de salut et sa révélation. On découvre ainsi que Dieu est certainement « sublime » et transcendant, mais il « voit les humbles » avec affection, tandis qu’il éloigne de son regard le superbe en signe de rejet et de jugement (v. 6).
Comme le proclamait Isaïe, « Car ainsi parle celui qui est haut et élevé, dont la demeure est éternelle, et dont le nom est saint. Je suis haut et saint dans ma demeure, mais je suis avec l’homme contrit et humilié, pour ranimer les esprits humiliés, pour ranimer les coeurs contrits » (Is 57, 15). Dieu choisit donc de se ranger en défense des faibles, des victimes, des derniers: cela est porté à la connaissance de tous les rois, afin qu’ils sachent quelle doit être leur option dans le gouvernement des nations. Naturellement, cela est dit non seulement aux rois et à tous les gouvernements, mais à nous tous, car nous aussi, nous devons savoir quel choix faire, quelle est l’option: se ranger du côté des humbles, des derniers, des pauvres et des faibles.
4. Après cette référence, au niveau mondial, aux responsables des nations, non seulement de ce temps, mais de tous les temps, l’orant retourne à la louange personnelle (cf. Ps 137, 7-8). Le regard s’étendant vers l’avenir de sa vie, il implore une aide de Dieu également pour les épreuves que l’existence lui réservera encore. Et nous prions tous ainsi, avec cet orant de cette époque.
On parle de façon synthétique de la « fureur de mes ennemis » (v. 7), une sorte de symbole de toutes les hostilités qui peuvent s’élever face au juste au cours de l’histoire. Mais il sait – et avec lui, nous savons – que le Seigneur ne l’abandonnera jamais et étendra sa main pour le secourir et le guider. La fin du Psaume est alors une ultime et passionnée profession de foi en Dieu dont la bonté est éternelle: il « ne délaisse pas l’oeuvre de tes mains », c’est-à-dire sa créature (v. 8). Et nous aussi, devons vivre dans cette confiance, dans cette certitude de la bonté de Dieu.
Nous devons être certains que, aussi lourdes et tumultueuses que soient les épreuves qui nous attendent, nous ne serons jamais abandonnés à nous-mêmes, que les mains du Seigneur ne nous lâcheront pas, ces mains qui nous ont créés et qui à présent nous suivent dans l’itinéraire de notre vie. Comme le confessera saint Paul, « Celui qui a commencé en vous cette oeuvre excellente en poursuivra l’accomplissement » (Ph 1, 6).
5. Nous avons ainsi prié, nous aussi, avec un psaume de louange, d’action de grâce et de confiance. Nous voulons continuer à dérouler ce fil de louange sous forme d’hymne à travers le témoignage d’un chantre chrétien, le grand Ephrém le syrien (IV siècle), auteur de textes d’un extraordinaire parfum poétique et spirituel.
« Aussi grand que soit notre émerveillement face à toi, ô Seigneur, / ta gloire dépasse ce que nos langues peuvent exprimer », chante Ephrém dans un hymne (Hymnes sur la virginité, 7; La harpe de l’Esprit, Rome, 1999, p. 66), et dans un autre: « Gloire à toi, pour lequel toutes les choses sont faciles, /car tu es tout-puissant » (Hymnes sur la Nativité, 11: ibid., p. 48). Et cela représente une ultime raison de notre confiance: Dieu a le pouvoir de la miséricorde, et il utilise son pouvoir pour la miséricorde. Et enfin, une dernière citation: « Gloire à toi de tous ceux qui comprennent la vérité » (Hymnes sur la Foi, 14: ibid., p. 27).

HOMÉLIE DU 15E DIMANCHE ORDINAIRE A – LE SEMEUR

14 juillet, 2017

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PENSIERI E FR Parabole Le semeur - Copia

HOMÉLIE DU 15E DIMANCHE ORDINAIRE A

Is 55, 10-11 ; Rm 8, 18-23 ; Mt 13, 1-23

Aujourd’hui, les textes bibliques sont destinés à redonner espoir aux découragés et aux déçus, toutes catégories… Isaïe s’adresse à des compatriotes, expulsés de leur maison, humiliés et ruinés, qui ont souffert sur les routes de l’exil et se sentent abandonnés de Dieu et des autres humains. Paul s’adresse aux chrétiens de Rome, déchirés entre ceux qui refusent toute référence à Israël et d’autres qui restent accrochés aux pratiques juives traditionnelles. Matthieu présente sa version de l’Evangile au moment où la jeune Eglise fait déjà l’expérience de la persécution. D’où, la parabole de la semence et des quatre terrains, bien adaptée aux temps d’inquiétude et de découragement.
Mais pour retrouver l’espoir, il ne faut pas s’évader dans le rêve, ni dans une spiritualité désincarnée, ni compter constamment sur des miracles. Car si Dieu ne fait jamais défaut, il respecte aussi la liberté qu’il a donnée aux êtres humains. La puissance de Dieu est en quelque sorte soumise aux faiblesses et aux obstacles que nous accumulons nous-mêmes.
Par exemple : Les prédicateurs et les pratiquants de l’Evangile s’étonnent parfois des oppositions ou de l’indifférence qu’ils rencontrent, ou encore de la fragilité des conversions. Ils ont beau semer et encore semer la meilleure graine, les récoltes sont maigres et parfois rien ne lève… comme semblerait l’évoquer l’ »audit » de la pratique dominicale et des rituels de passage de l’Eglise catholique belge (1).
Comme des parents aussi, qui multiplient les conseils, renforcés par leur témoignage de vie, mais ne récoltent parfois que des ronces, des épines ou de jeunes pousses sans racines. La foi ne se transmet ni avec les chromosomes ni avec le lait de la nourrice (J.M. Verlinde). Il en va de même pour les invitations du Christ. Ses appels, ses invitations, ses conseils, ses reproches, semés sur nos terres intérieures, ne portent pas toujours les fruits espérés. Et nous sommes parfois découragés en contemplant le piètre état de nos jardins intérieurs. Il faut cependant garder l’espérance ou la retrouver.
Or, LA PAROLE EST EFFICACE. Mais entre les semailles et la moisson, il faut accepter patiemment des mois ou des années de lente croissance. Les premières pousses sont fragiles. Elles sont menacées par les ronces et les herbes sauvages, et ont donc besoin de soins adaptés et attentifs. On ne fait pas germer les graines à coups de fouet ni en les écrasant de nos impatiences. Encore moins en les mettant en péril par nos négligence et nos refus.
La semence possède en puissance une récolte infinie. Or, cette minuscule merveille est condamnée à la stérilité, si elle ne rencontre pas au moins un petit bout de terre accueillante. L’enseignement du Christ nous rappelle donc les lois déroutantes de la croissance, de la patience et de la liberté. « On plante un pin, écrit Isaïe. Mais c’est la pluie qui le fait grandir ».
Evidemment, la semence peut tomber sur un terrain et y être écrasée et piétinée. Sur un autre, les premières pousses seront étouffées. Sur un troisième, elles seront polluées et resteront stériles. Un quatrième champ sera plus accueillant et offrira à la semence l’occasion de faire des merveilles.
De toute manière, comme l’affirme Isaïe, et c’est formidable : « La Parole qui sort de la bouche du Seigneur ne lui reviendra pas sans résultat… sans avoir accompli sa mission ». D’autant plus que Dieu est patient. « Il jette à pleines mains sa Parole de Vie dans les sillons de notre vie, sans se soucier de nos refus, de nos indifférences, de nos négligences, persuadé qu’il y aura toujours quelques grains qui parviendront à s’enraciner » (J. M. Verlinde). Autrement dit, malgré les oppositions, les obstacles, les refus et les trahisons, la Parole créatrice peut toujours atteindre çà et là un petit espace hospitalier pour y déposer son germe de vie. Il faudra ensuite le protéger des broussailles ou des eaux qui risquent de l’étouffer.
Ainsi, disait Grégoire le Grand, méfiez-vous des richesses. Elles sont agréables. En réalité, elles constituent un terrain plein d’épines acérées. De toute manière, elles ne feront pas disparaître la pauvreté de votre âme. La Parole, disait-il encore, « est une nourriture. Mais il faut la conserver dans les profondeurs de la mémoire. Sinon, elle est comparable à une nourriture avalée à la hâte, puis rejetée par un estomac malade ».
En faisant corps autour de la table de la Parole et du Pain partagé, nous sommes venus à la rencontre et à l’écoute du Semeur. Alors, en ce jour de repos, que ferons-nous de cette surprenante Parole toujours à l’œuvre, et qui attend un terrain, suffisamment accueillant pour qu’elle puisse y prendre racines ? Sera-t-elle ruminée dans le silence de notre cœur ? Sera-t-elle partagée en famille pour être accueillie dans la terre de notre quotidien ? Sera-t-elle priée et contemplée ? C’est à chacun de répondre.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

(1) Voir La Libre Belgique du 9 juillet 2008.

BENOÎT XVI – SAINT BENOÎT DE NURSIE (2008) (FÊTE 11 JUILLET)

10 juillet, 2017

https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2008/documents/hf_ben-xvi_aud_20080409.html

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Saint-Benoît de Nursie

BENOÎT XVI – SAINT BENOÎT DE NURSIE (2008) (FÊTE 11 JUILLET)

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 9 avril 2008

Chers frères et sœurs,

Je voudrais parler aujourd’hui de saint Benoît, fondateur du monachisme occidental, et aussi Patron de mon pontificat. Je commence par une parole de saint Grégoire le Grand, qui écrit à propos de saint Benoît: « L’homme de Dieu qui brilla sur cette terre par de si nombreux miracles, ne brilla pas moins par l’éloquence avec laquelle il sut exposer sa doctrine » (Dial. II, 36). Telles sont les paroles que ce grand Pape écrivit en l’an 592; le saint moine était mort à peine 50 ans auparavant et il était encore vivant dans la mémoire des personnes et en particulier dans le florissant Ordre religieux qu’il avait fondé. Saint Benoît de Nursie, par sa vie et par son œuvre, a exercé une influence fondamentale sur le développement de la civilisation et de la culture européenne. La source la plus importante à propos de la vie de ce saint est le deuxième livre des Dialogues de saint Grégoire le Grand. Il ne s’agit pas d’une biographie au sens classique. Selon les idées de son temps, il voulut illustrer à travers l’exemple d’un homme concret – précisément saint Benoît – l’ascension au sommet de la contemplation, qui peut être réalisée par celui qui s’abandonne à Dieu. Il nous donne donc un modèle de la vie humaine comme ascension vers le sommet de la perfection. Saint Grégoire le Grand raconte également dans ce livre des Dialogues de nombreux miracles accomplis par le saint, et ici aussi il ne veut pas raconter simplement quelque chose d’étrange, mais démontrer comment Dieu, en admonestant, en aidant et aussi en punissant, intervient dans les situations concrètes de la vie de l’homme. Il veut démontrer que Dieu n’est pas une hypothèse lointaine placée à l’origine du monde, mais qu’il est présent dans la vie de l’homme, de tout homme.
Cette perspective du « biographe » s’explique également à la lumière du contexte général de son époque: entre le V et le VI siècle, le monde était bouleversé par une terrible crise des valeurs et des institutions, causée par la chute de l’Empire romain, par l’invasion des nouveaux peuples et par la décadence des mœurs. En présentant saint Benoît comme un « astre lumineux », Grégoire voulait indiquer dans cette situation terrible, précisément ici dans cette ville de Rome, l’issue de la « nuit obscure de l’histoire » (Jean-Paul II, Insegnamenti, II/1, 1979, p. 1158). De fait, l’œuvre du saint et, en particulier, sa Règle se révélèrent détentrices d’un authentique ferment spirituel qui transforma le visage de l’Europe au cours des siècles, bien au-delà des frontières de sa patrie et de son temps, suscitant après la chute de l’unité politique créée par l’empire romain une nouvelle unité spirituelle et culturelle, celle de la foi chrétienne partagée par les peuples du continent. C’est précisément ainsi qu’est née la réalité que nous appelons « Europe ».
La naissance de saint Benoît se situe autour de l’an 480. Il provenait, comme le dit saint Grégoire, « ex provincia Nursiae » – de la région de la Nursie. Ses parents, qui étaient aisés, l’envoyèrent suivre des études à Rome pour sa formation. Il ne s’arrêta cependant pas longtemps dans la Ville éternelle. Comme explication, pleinement crédible, Grégoire mentionne le fait que le jeune Benoît était écoeuré par le style de vie d’un grand nombre de ses compagnons d’étude, qui vivaient de manière dissolue, et qu’il ne voulait pas tomber dans les mêmes erreurs. Il voulait ne plaire qu’à Dieu seul; « soli Deo placere desiderans » (II Dial. Prol. 1). Ainsi, avant même la conclusion de ses études, Benoît quitta Rome et se retira dans la solitude des montagnes à l’est de Rome. Après un premier séjour dans le village d’Effide (aujourd’hui Affile), où il s’associa pendant un certain temps à une « communauté religieuse » de moines, il devint ermite dans la proche Subiaco. Il vécut là pendant trois ans complètement seul dans une grotte qui, depuis le Haut Moyen-âge, constitue le « coeur » d’un monastère bénédictin appelé « Sacro Speco ». La période à Subiaco, une période de solitude avec Dieu, fut un temps de maturation pour Benoît. Il dut supporter et surmonter en ce lieu les trois tentations fondamentales de chaque être humain: la tentation de l’affirmation personnelle et du désir de se placer lui-même au centre, la tentation de la sensualité et, enfin, la tentation de la colère et de la vengeance. Benoît était en effet convaincu que ce n’était qu’après avoir vaincu ces tentations qu’il aurait pu adresser aux autres une parole pouvant être utile à leur situation de besoin. Et ainsi, son âme désormais pacifiée était en mesure de contrôler pleinement les pulsions du « moi » pour être un créateur de paix autour de lui. Ce n’est qu’alors qu’il décida de fonder ses premiers monastères dans la vallée de l’Anio, près de Subiaco.
En l’an 529, Benoît quitta Subiaco pour s’installer à Montecassino. Certains ont expliqué ce déplacement comme une fuite face aux intrigues d’un ecclésiastique local envieux. Mais cette tentative d’explication s’est révélée peu convaincante, car la mort soudaine de ce dernier n’incita pas Benoît à revenir (II Dial. 8). En réalité, cette décision s’imposa à lui car il était entré dans une nouvelle phase de sa maturation intérieure et de son expérience monastique. Selon Grégoire le Grand, l’exode de la lointaine vallée de l’Anio vers le Mont Cassio – une hauteur qui, dominant la vaste plaine environnante, est visible de loin – revêt un caractère symbolique: la vie monastique cachée a sa raison d’être, mais un monastère possède également une finalité publique dans la vie de l’Eglise et de la société, il doit donner de la visibilité à la foi comme force de vie. De fait, lorsque Benoît conclut sa vie terrestre le 21 mars 547, il laissa avec sa Règle et avec la famille bénédictine qu’il avait fondée un patrimoine qui a porté des fruits dans le monde entier jusqu’à aujourd’hui.
Dans tout le deuxième livre des Dialogues, Grégoire nous montre la façon dont la vie de saint Benoît était plongée dans une atmosphère de prière, fondement central de son existence. Sans prière l’expérience de Dieu n’existe pas. Mais la spiritualité de Benoît n’était pas une intériorité en dehors de la réalité. Dans la tourmente et la confusion de son temps, il vivait sous le regard de Dieu et ne perdit ainsi jamais de vue les devoirs de la vie quotidienne et l’homme avec ses besoins concrets. En voyant Dieu, il comprit la réalité de l’homme et sa mission. Dans sa Règle, il qualifie la vie monastique d’ »école du service du Seigneur » (Prol. 45) et il demande à ses moines de « ne rien placer avant l’Œuvre de Dieu [c'est-à-dire l'Office divin ou la Liturgie des Heures] » (43, 3). Il souligne cependant que la prière est en premier lieu un acte d’écoute (Prol. 9-11), qui doit ensuite se traduire par l’action concrète. « Le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par les faits à ses saints enseignements », affirme-t-il (Prol. 35). Ainsi, la vie du moine devient une symbiose féconde entre action et contemplation « afin que Dieu soit glorifié en tout » (57, 9). En opposition avec une réalisation personnelle facile et égocentrique, aujourd’hui souvent exaltée, l’engagement premier et incontournable du disciple de saint Benoît est la recherche sincère de Dieu (58, 7) sur la voie tracée par le Christ humble et obéissant (5, 13), ne devant rien placer avant l’amour pour celui-ci (4, 21; 72, 11) et c’est précisément ainsi, au service de l’autre, qu’il devient un homme du service et de la paix. Dans l’exercice de l’obéissance mise en acte avec une foi animée par l’amour (5, 2), le moine conquiert l’humilité (5, 1), à laquelle la Règle consacre un chapitre entier (7). De cette manière, l’homme devient toujours plus conforme au Christ et atteint la véritable réalisation personnelle comme créature à l’image et à la ressemblance de Dieu.
A l’obéissance du disciple doit correspondre la sagesse de l’Abbé, qui dans le monastère remplit « les fonctions du Christ » (2, 2; 63, 13). Sa figure, définie en particulier dans le deuxième chapitre de la Règle, avec ses qualités de beauté spirituelle et d’engagement exigeant, peut-être considérée comme un autoportrait de Benoît, car – comme l’écrit Grégoire le Grand – « le saint ne put en aucune manière enseigner différemment de la façon dont il vécut » (Dial. II, 36). L’Abbé doit être à la fois un père tendre et également un maître sévère (2, 24), un véritable éducateur. Inflexible contre les vices, il est cependant appelé à imiter en particulier la tendresse du Bon Pasteur (27, 8), à « aider plutôt qu’à dominer » (64, 8), à « accentuer davantage à travers les faits qu’à travers les paroles tout ce qui est bon et saint » et à « illustrer les commandements divins par son exemple » (2, 12). Pour être en mesure de décider de manière responsable, l’Abbé doit aussi être un personne qui écoute « le conseil de ses frères » (3, 2), car « souvent Dieu révèle au plus jeune la solution la meilleure » (3, 3). Cette disposition rend étonnamment moderne une Règle écrite il y a presque quinze siècles! Un homme de responsabilité publique, même à une petite échelle, doit toujours être également un homme qui sait écouter et qui sait apprendre de ce qu’il écoute.
Benoît qualifie la Règle de « Règle minimale tracée uniquement pour le début » (73, 8); en réalité, celle-ci offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu’à aujourd’hui. Paul VI, en proclamant saint Benoît Patron de l’Europe le 24 octobre 1964, voulut reconnaître l’œuvre merveilleuse accomplie par le saint à travers la Règle pour la formation de la civilisation et de la culture européenne. Aujourd’hui, l’Europe – à peine sortie d’un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après l’effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies – est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas reconstruire l’Europe. Sans cette sève vitale, l’homme reste exposé au danger de succomber à l’antique tentation de vouloir se racheter tout seul – une utopie qui, de différentes manières, a causé dans l’Europe du XX siècle, comme l’a remarqué le Pape Jean-Paul II, « un recul sans précédent dans l’histoire tourmentée de l’humanité » (Insegnamenti, XIII/1, 1990, p. 58). En recherchant le vrai progrès, nous écoutons encore aujourd’hui la Règle de saint Benoît comme une lumière pour notre chemin. Le grand moine demeure un véritable maître à l’école de qui nous pouvons apprendre l’art de vivre le véritable humanisme.

HOMÉLIE DU 14E DIMANCHE ORDINAIRE A

7 juillet, 2017

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HOMÉLIE DU 14E DIMANCHE ORDINAIRE A

Za 9, 9-10 ; Ps 144 ; Rm 8, 9, 11-13 ; Mt 11, 25-30

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Jésus et les enfants

Les prophètes bibliques ont souvent utilisé les situations politiques pour en faire des paraboles de révélation messianique. Les manifestations sportives aussi, constituent un excellent matériau pour créer des paraboles. Ainsi, Paul, cet athlète de la foi, a utilisé des images sportives pour exprimer le sens de l’existence chrétienne (1 Co 9, 24-27). Et Isaïe annonçait déjà un Seigneur qui serait juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux (Is 2, 4)…
Si, aujourd’hui, « le sport est devenu une religion sans Dieu, qui divinise l’homme », les peuples ont toujours espéré un sauveur, un messie, qui soit à la fois un vainqueur et un bienfaiteur. Mais il y a des messies politiques et des messies religieux. Il arrive qu’on les confonde. Il y a quelques années, Pat Robertson, le plus célèbre des télévangélistes, a affirmé le rôle messianique de l’Amérique. Il en a même fait la patrie du « peuple de Dieu ».
L’actualité, tant politique que sportive, et d’un bout à l’autre de la planète, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, peut également susciter de nouveau rois ou messies, auxquels un culte, souvent éphémère, est rendu. Gouvernants ou vedettes nationales sont facilement élevés au grade de dieu ou demi-dieu…
Jadis (1e lecture), quand le petit peuple juif, déjà fort éprouvé et souvent déçu, apprend qu’Alexandre le Grand va de victoire en victoire, il se demande si ce conquérant païen ne pourrait pas être LE Messie, si souvent annoncé, si souvent promis. Ou bien faut-il attendre un nouveau roi, juif celui-là, puissant et guerrier, LE vrai messie, qui pourrait faire face à tous les conquérants et les vaincre ?
Oui, le messie sera un roi, répond le prophète. Et même un roi victorieux. Mais sa force ne résidera pas dans ses attitudes orgueilleuses et belliqueuses, ni dans ses armes, ses chars et ses chevaux de combat. Il sera plutôt un briseur de guerre, un bâtisseur de paix. Un homme juste et humble, qui se mettra au service de son peuple.
Le psaume en esquisse le portrait, et donc, toutes proportions gardées, celui, idéal, de ses disciples. C’est-à-dire LE NOTRE. Ce vrai roi, ce vrai pasteur, est lent à la colère et plein d’amour. Il est VRAI en tout ce qu’il dit, FIDELE en tout ce qu’il fait. Il n’écrase pas les accablés. Il n’accable pas ceux qui tombent. Au contraire, il les redresse. Il est en tout et partout un artisan de paix, un stoppeur de conflits, un réconciliateur.
Jésus de Nazareth répond bien à ces critères. Un messie désarmé, qui n’est pas « sous l’emprise de la chair », mais « sous l’emprise de l’Esprit », vient de nous rappeler Paul. C’est-à-dire qu’il n’est pas venu en brandissant la loi, en multipliant et en précisant minutieusement les observances. Il n’y a pas chez lui de raideur doctrinale, pas de vision autoritaire et dominatrice, pas de triomphalisme, ni de rigidité prétentieuse. Pour établir son royaume, il est d’abord allé vers ceux et celles qu’on regarde de haut ou de loin, à distance.
Cependant, ces tout petits, dont parle Matthieu, n’étaient pas pour autant des enfants de chœur ni des enfants de Marie, mais des prostituées, des infirmes, des contagieux, des marginaux de tous genres… Venez à moi, vous tous aussi qui peinez sous le carcan de lois religieuses inadaptées, minutieuses et tatillonnes, accumulées par des législateurs pieux mais désincarnés, et interprétés par des fonctionnaires esclaves de la lettre.
Le joug du Messie est tout autre. C’est celui de l’amour véritable, qui libère de tout esclavage, tant celui de la chair que celui de la loi, dira Paul. Encore faut-il ici ne pas se tromper de « chair ». Car nous sommes encore prisonniers d’une vieille tradition qui n’est ni biblique ni évangélique, et qui réduit les mots « chair » et « charnel » aux seules impulsions sexuelles. Or, la chair n’est pas le péché, mais le chemin par lequel le péché s’introduit dans l’être humain. Un péché qui peut même se servir des prescriptions religieuses. La chair, nous dit la Bible, c’est le corps humain tout entier. Un être de chair et de sang, c’est-à-dire fragile. Une fragilité que n’a pas dédaigné le Verbe qui s’est fait chair. Cette fragilité s’exprime en tendances égoïstes. Y succomber, c’est dès lors accomplir « les oeuvres de la chair », agir sous l’emprise de la chair. C’est déséquilibrer ou rompre l’harmonie qui doit régner entre la chair et l’esprit pour qu’ils puissent s’appuyer l’un sur l’autre, s’enrichir l’un l’autre.
De toute manière, les désirs et les faiblesses de la chair ne se limitent pas aux diverses formes d’impureté et de débauche. Il y a aussi, précise Paul dans une autre lettre, la haine et la discorde, péchés de la chair ! la jalousie et les emportements, péchés de la chair ! les disputes et les dissensions, péchés de la chair ! l’envie, les ripailles et toutes les formes d’idolâtrie, péchés de la chair !… Il est bon de le savoir et d’en tenir compte pour postuler une place de disciple. Car le Christ embauche.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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