HOMÉLIE DU 13E DIMANCHE ORDINAIRE A

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les Béatitudes

HOMÉLIE DU 13E DIMANCHE ORDINAIRE A

2 R 4, 8-11, 14-16 : Rm 6, 3-4, 8-11 ; Mt 10, 37-42

Les paroles de Jésus, auxquelles Matthieu fait écho, pourraient nous choquer. Mais Luc utilise des termes encore plus forts pour dire la même chose. Il parle même de « haïr », mais c’est au sens « d’aimer moins ». Sa liste des liens à sacrifier pour le Christ est plus longue encore, puisqu’il y ajoute : femme, frère ou sœur. On peut se demander pourquoi Jésus semble jeter le trouble dans nos affections. Mais, peut-être avons-nous une conception trop étroite ou même erronée de ce qu’est l’amour.
La question ici n’est pas de savoir pour qui mon cœur bat le plus fort. Il ne s’agit pas d’attirance ou de sentiment, mais d’option et de décision volontaire. Il ne s’agit pas non plus de concurrence ou de choix entre deux amours : Le Christ ou mon mari, le Christ ou ma femme. Comme si un véritable amour conjugal, parental, filial ou amical, signifiait un amoindrissement de notre amour envers Dieu ou une infidélité à notre alliance avec lui.
En réalité, il n’y a qu’une source d’amour authentique. Il n’y a qu’un Amour. Il n’y a qu’une seule véritable manière d’aimer, qui vaut tant pour l’amour de son conjoint que pour celui des amis ou même des étrangers et des ennemis.
Or, c’est précisément en nous mettant à l’école du Christ que nous pourrons découvrir ce qu’est vraiment l’amour et comment atteindre une qualité d’amour qui nous rende capable d’aimer vraiment. C’est-à-dire sans succomber à l’égoïsme, à la jalousie, la possessivité, la lassitude, et le refus de pardon.
Ce qui n’est pas toujours facile à comprendre et à croire, c’est que plus l’amour pour Jésus est intense, plus on devient capable d’aimer. Quand on entre dans cet amour prioritaire, on découvre le secret, la qualité et les exigences de toutes les relations humaines. Celles de l’harmonie et de la communion. Mais pour tendre à cette perfection et en faire l’expérience, il faut beaucoup plus que des spots publicitaires. Tel celui de la « Régie française pour la paix des ménages », il y a quelques années.
De toute façon, il y a un prix à payer. Et d’abord, arracher constamment en soi-même les obstacles à l’amour et les ersatz d’amour.
De même, il faut lutter contre les assauts insidieux et répétés des amours égoïstes aveuglément possessifs et jaloux. On peut rencontrer des pères et des mères dotés d’un amour tellement passionné pour leurs enfants qu’ils s’efforcent par tous les moyens de garder intact le cordon ombilical affectif qui les relie à leur progéniture. Un amour qui n’a plus rien à voir avec l’amour, et qui étouffe au lieu de libérer, qui détruit au lieu d’épanouir, qui rend l’autre esclave de l’ego possessif.
Autre volet, autre thème de l’évangile de ce jour : l’amour véritable est une affaire d’accueil et d’hospitalité. Si l’on exclut les raisons d’intérêt, l’accueil, l’hospitalité, relèvent plus de la foi que de la spontanéité. L’autre est facilement considéré comme un étranger, voire un intrus. Voyez le Christ. « Il est venu dans son propre bien, et les siens ne l’ont pas accueilli ». Cela peut encore arriver aujourd’hui.
L’expérience quotidienne et les récits bibliques, montrent que Dieu, c’est-à-dire le tout autre, mais également tous les autres, font souvent un peu peur. Notamment à cause de leurs différences de langue, de culture ou de mentalité, de leurs qualités ou de leurs défauts, de leur sensibilité religieuse. Ils risquent toujours de déranger, de bouleverser nos habitudes, d’ébranler nos certitudes, etc. Ils peuvent même menacer nos privilèges, contester nos préjugés et nos avis définitifs.
Or, l’amour véritable, tout comme l’accueil et l’hospitalité, est fait de respect de l’autre, d’écoute, d’échange, d’humilité et de partage. Mais il est difficile d’écouter et de respecter. Les exemples pullulent dans la Bible, dans l’actualité et l’expérience quotidienne. Tout cela existe également au niveau des couples et des communautés, dans les rencontres de tous genres, dans les réunions. Trop souvent, chacun a peur des remarques et critiques des autres. On est prêt à repousser toutes griffes dehors ce qui pourrait ternir tant soit peu son point de vue, sa vérité et son option. C’est pourquoi, la Bible lie indissolublement l’accueil de Dieu et l’accueil de l’autre. « Qui vous accueille, m’accueille », enseignera Jésus.
Ainsi, dans toute attitude bienveillante, dans l’attention à l’autre et à tout autre, il y a toujours l’accueil de l’Autre. Ce n’est facile pour personne.
Or, dans le rassemblement eucharistique, nous avons l’occasion d’accueillir le Seigneur et les autres dans un même mouvement. Accueillir sa Parole qui renverse la dictature de l’ego. Une Parole qui établit des ponts, permettant ainsi des communions, et un surcroît de force pour aimer à la manière de Jésus lui-même, conjoint et enfants, parents et amis, étrangers, et même ennemis, avec respect et attention, en toute vérité.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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