HOMÉLIE DU DIMANCHE DE LA SAINTE TRINITÉ, A
Raffaello , Étendard de la Très Sainte Trinité, (Wiki, histoire, intéressant à lire:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Stendardo_della_Santissima_Trinit%C3%A0
HOMÉLIE DU DIMANCHE DE LA SAINTE TRINITÉ, A
Ex 34, 4b-6, 8-9 ; 2 Co 13, 11-13 ; Jn 3, 16-18
Chaque fois que nous faisons le signe de la croix, chaque fois que nous proclamons le credo, nous évoquons le Père, le Fils et l’Esprit. Une affirmation de foi et un signe typiquement et uniquement chrétiens. C’est ainsi que, dans toutes les communautés chrétiennes, anglicane, protestante, réformée, orthodoxe, catholique romaine…, le baptême est conféré au nom du Père, du Fils et de l’Esprit, fondement d’une unité déjà réalisée. Une unité de base.
Par ailleurs, on conçoit aisément qu’il ne peut y avoir qu’un seul Dieu, même si on peut aller à lui par des chemins différents. Mais il est vrai aussi que l’image, l’idée ou la conception que l’on peut se faire de lui n’est pas unique (1). Ainsi, on l’a fait marcher avec les armées hitlériennes : « Gott mit uns ». Kamikazes et tueurs de tous genres prétendent que c’est lui qui arme leur bras. Et c’est au nom du Dieu unique que des femmes sont mutilées, humiliées, lapidées… Des chrétiens aussi ont persécuté ou tué au nom du seul vrai Dieu. Nous sommes encore toujours tentés de donner à Dieu un visage en fonction de nos peurs, de nos besoins de sécurité ou de puissance, de nos rêves ou de nos ambitions. Des images de Dieu parfois désastreuses.
Or, nul n’a jamais vu Dieu, dit S. Jean, qui ajoute aussitôt que Jésus, lui, nous l’a fait connaître. C’est grâce à son témoignage que les Evangiles nous parlent du Père, du Fils et de l’Esprit. Et c’est à partir de là que des théologiens grecs, à la fin du IIe siècle, ont parlé de la Sainte Triade. Ce qu’il faudrait traduire, écrivait un théologien français, « Le saint Trio ». C’est également à la fin du IIe siècle, mais du côté latin, que Tertullien de Carthage parlera pour la première fois de « la Trinité d’une seule divinité, Père, Fils et Esprit Saint ». Trinitas étant un mot qui suggère à la fois le pluriel avec « tri » et l’unité, « unitas ».
Je ne vais pas vous entraîner dans une bataille de mots et de formules, ni dans une aventure millénaire de mathématique sacrée et de spéculation intellectuelle. Ce qui n’est pas sans importance, car la notion même de trinité pose problème, puisqu’il s’agit d’un scandale pour les Juifs et d’un blasphème pour les Musulmans. Nous ne devons pas pour autant être tous capables de jongler avec l’ »un » et le « trois », avec personne et nature, essence et substance, personne et hypostase, relation et « procession » (2). Il s’agit là de notions d’origine philosophique, utilisées pour tenter de dire quelque chose de l’intimité de l’être même de Dieu. Ce qui constitue le plus grand des mystères, inaccessible à la seule raison. Cependant, si l’on peut en parler, c’est grâce à la Parole et à l’expérience même de Jésus. Il nous a mis sur la piste. Il nous apporte la lumière d’une révélation. Il n’y a donc pas que l’approche dogmatique, intellectuelle et spéculative de ce mystère. Pour nous aussi, il peut y avoir une approche expérimentale, qui débouche sur une pratique, une manière de vivre au quotidien.
Si nous sommes créés comme à l’image et à la ressemblance de Dieu, le mystère de notre être et de notre vie, nos aspirations les plus profondes, nos besoins spirituels les plus intenses, doivent, en toute logique, être un peu les mêmes qu’en Dieu. Le mystère de la vie intime de Dieu doit correspondre à quelque chose qui est également essentiel et vital pour nous. Le moindre éclairage de ce mystère a donc une incidence sur notre vie quotidienne, aussi bien personnelle que communautaire ou sociale.
Si Dieu est amour, rien qu’amour, et donc l’amour absolu, il n’est pas éternelle solitude. Il est nécessairement échange permanent, dynamisme de communication permanente, relation réussie, communion parfaite, dialogue éternel, respect infini, don perpétuel, liberté suprême… Ce qui faisait dire et répéter au philosophe et scientifique Gaston Bachelard et, après lui, le prêtre mystique Maurice Zundel : « Au commencement est La Relation ». Ce qui veut dire que certaines expériences humaines très fortes et les plus fortes, dont celles de l’amour, de l’amitié, d’une fraternité idéale, peuvent nous faire entrevoir un petit quelque chose de la vie intime de Dieu. Et de l’autre côté, nous pouvons ainsi percevoir un modèle, un éclairage, une perfection, et donc aussi une exigence, pour les relations d’amour et de charité que nous essayons tant bien que mal de vivre, tant au niveau personnel que familial et social, à tous les niveaux. La Trinité pourrait donc se définir « un Art de vivre ».
Nous voici dans le concret quotidien et non plus dans l’abstrait. A l’image de Dieu, nous sommes par nature vie et don, relation et communication, partage et désir de communion. Et donc communion avec d’autres, et avec ce Tout-Autre et ce Tout-Semblable qui se veut si proche. Ce qui veut dire que toutes les relations familiales et conjugales, sociales et autres, qui existent entre les êtres humains, et donc aussi entre nous, traduisent finalement l’image et l’idée que nous nous faisons de Dieu. Ce qui entraîne un témoignage à rendre… Ainsi, celui d’Irina Sendler, cette héroïne polonaise. Elle a sauvé 2.500 enfants juifs du ghetto de Varsovie, car « éduquée dans l’idée qu’il faut sauver quelqu’un qui se noie, sans tenir compte de sa religion ou de sa nationalité… ».
D’où, cette interrogation : Comment les autres, qu’ils soient proches ou lointains, chrétiens, juifs ou musulmans, peuvent-ils entrevoir en nous observant, en nous voyant vivre, le Dieu d’amour et de paix, de pardon et de miséricorde dont parle S. Paul ?
C’est pourquoi, après le périple de l’année liturgique qui s’est clôturé par la Pentecôte, l’Eglise nous demande, en ce dimanche de la Trinité, si nous savons qui est Dieu. Et bien, ce n’est pas croire en quelque chose d’abstrait. C’est découvrir quelqu’un qui nous aime et qui attend que nous soyons des témoins de l’amour infini dont nous pouvons déjà faire l’expérience.
Mais tout peut se dire, en sept mots : « Si tu vois la charité, dit S. Augustin, tu vois la Trinité ».
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
Cf l’Exposition « Traces du sacré », le retour du divin, à Beaubourg, au centre Pompidou jusqu’au 11 août (LLB 08.05.08, p 20, et « La Vie », 30.04.08, p 20-24)
Le fait de procéder du Père et du Fils
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