Archive pour le 31 mars, 2017

La Résurrection de Lazare – Van Gogh

31 mars, 2017

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HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE DE CARÊME A

31 mars, 2017

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HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE DE CARÊME A

Ez 37, 12-14 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45

La Bible parle beaucoup de vie et de mort. Ce qui n’a rien d’étonnant. De leur côté, les évangélistes nous révèlent le Christ, vainqueur de la mort et ressuscité. Mais pour décrire l’indescriptible, toutes les civilisations utilisent le symbole. La Révélation n’est pas une Parole qui tombe du ciel. Il faut donc partir d’en bas, de l’expérience humaine.
Voyez Ezéchiel, exilé avec des milliers d’autres juifs. Durant des années, il a vu dans le désert des charniers où les cadavres de ses compatriotes se décomposaient au soleil. Il a constaté que les chairs pourrissent, mais que les os résistent. Ce qui lui fera penser au meilleur de lui-même et de son peuple, l’âme et l’esprit. D’où, l’idée d’utiliser cette découverte pour nourrir l’espérance des exilés et prophétiser le retour au pays. Plus tard, c’est l’un de ses disciples qui va traduire son message en une grande fresque symbolique : « La vision des ossements desséchés ». Elle représente le peuple d’Israël, mis en pièces et sans espérance. Mais ces débris vont brusquement retrouver nerfs, chair et peau, puis le souffle de vie (lisez le chapitre 37, versets 1 à 14 du livre d’Ezéchiel).
Dans l’évangile de Jean, c’est Jésus qui déclare à Marthe : « … Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais… ». … Il n’empêche que Lazare est mort. Jésus dira plus précisément qu’il dort. Ce qui lui donnera l’occasion de le réveiller. A l’époque, les témoins vont se diviser en deux camps : les pour et les contre. Yeshoua ben Josef, prophète pour les uns, mais suppôt de Satan pour les autres. Alors que, pour l’occupant romain, il s’agit en tout cas d’un homme dangereux.
Notre handicap aujourd’hui, c’est d’être trop sensibles aux aspects physiques des miracles et trop peu aux enseignements qui s’adressent à la foi. Les évangiles parlent généralement de « signes ». Là où un évangéliste, c’est-à-dire un catéchète, a voulu donner un enseignement, nous lisons un événement réel et historique. Ce qui n’est pas nécessairement le cas. Il faut donc inlassablement se rappeler qu’il ne s’agit pas de reportage pris sur le vif. Les évangiles, écrits plusieurs dizaines d’années après la mort de Jésus, font écho à la prédication des apôtres, à la catéchèse, à l’expérience des premières communautés chrétiennes. Nous sommes au cœur même du monde de la foi, de l’enseignement religieux, du langage symbolique et du témoignage.
Si Jean avait été journaliste, il n’aurait pas raconté l’épisode de l’aveugle-né en consacrant au miracle 2 versets sur 41. Et il aurait plutôt interviewé Lazare sur ses impressions de réanimé, après 4 jours vécus au-delà de la mort. Un scoop !
Mais les vedettes du récit évangélique ne sont ni Lazare ni l’aveugle. C’est Jésus qui est au centre. Et ici, c’est la mort du Seigneur et sa résurrection qui sont évoquées et préfigurées. Jean a fait de l’épisode de Lazare une page essentielle de la catéchèse baptismale. Il s’adresse à ceux et celles qui vont descendre dans l’eau de la rivière ou du lac, comme dans le tombeau de la mort, pour en ressortir re-nés, ressuscités pour une vie nouvelle. Le baptême est déjà une re-naissance, une résurrection. Non pas en un instant, car c’est aussi une affaire de temps. C’est chaque jour que le Christ nous permet de mourir au péché et de ressusciter avec lui.
Et que proclame saint Paul ? C’est l’Esprit qui est votre vie. C’est lui qui ouvre nos tombeaux dans lesquels nous entraînent l’orgueil et la vanité, l’esclavage de nos intérêts et de nos jalousies, nos peurs et nos gourmandises. Et dans ce cercueil, nous pouvons déjà sentir mauvais sans être physiquement morts. Autrement dit : nous sommes nos propres fossoyeurs. Nous creusons notre tombe quand nous faisons confiance aveugle à nos seules lumières et à nos seules forces. Chaque fois que nos options, nos décisions, nos actions, sont inspirées par l’esprit du monde et non pas par l’Esprit du Christ.
Il n’empêche que la chair est singulièrement digne et respectable, puisque le Verbe de Dieu s’est fait chair. De par sa nature, elle est certes destinée à la mort. Mais l’être humain est capable de se laisser éclairer et guider par l’Esprit qui est à l’œuvre en ceux et celles qui l’accueillent. La résurrection n’est-elle pas déjà à l’œuvre chaque fois que nous nous laissons inspirer par cet Esprit qui nous conduit à la recherche de ce qui fait vraiment vivre : amour et paix, justice et vérité. Tout ce qui humanise davantage l’humanité.
La campagne de carême organisée par « Entraide et Fraternité » concrétise parfaitement cet objectif majeur en nous invitant, notamment, à découvrir « un monde où règnent la famine et la malnutrition », alors qu’il y a « suffisamment d’alimentation produite pour nourrir la planète »… « Donnez-leur vous-mêmes à manger, nous répète sans doute Jésus aujourd’hui… Ce qu’il a dit jadis à ses disciples.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008