HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE CARÊME, A

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HOMÉLIE DU 3E DIMANCHE DE CARÊME, A

Ex 17, 3-7 ; (Rm 5, 1-2, 5-8 ) ; Jn 4, 5-42

Avez-vous remarqué dans les textes proclamés que tout le monde est fatigué, et tout le monde a soif : soif d’eau et soif d’amour. Autrement dit,  » en manque « . Ce qui peut entraîner découragement et récriminations, comme les Hébreux au désert :  » Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, ou bien n’y est-il pas ? « .
Dans la Bible, il y a toujours un lien très étroit entre les événements de la vie et les perspectives de la foi. Autrement dit, la foi nous fait découvrir des interpellations de Dieu dans les événements.
Le futur saint Augustin, au 4e siècle, se demandait pourquoi la Bible se perdait en détails de géographie, de vêtement, de parfum. Est-il possible que l’inspirateur des Saintes Ecritures ait perdu son temps à des préoccupations aussi futiles ? Certainement pas. Mais si le récit s’appesantit sur de nombreux détails, explique Augustin, c’est pour nous avertir de les lire au sens figuré, comme un symbole.
Aujourd’hui, on se rend mieux compte que  » la distance culturelle entre le monde de la Bible et le nôtre est considérable. Ce qui était clair et compréhensible en ce temps-là, nous est aujourd’hui inconnu ou étrange « . D’autant plus que dans cette civilisation ancienne, le symbolisme est roi. Alors que la nôtre ne jure que par le pratique, le rationnel et l’efficace. Il ne suffit donc pas de lire, mais de comprendre. Et il n’est pas facile de comprendre si on se contente de lire ou d’écouter de temps en temps quelques lignes isolées de leur contexte, comme c’est le cas chaque dimanche.
Selon le mythe fondateur d’Israël, les Hébreux ont fui l’esclavage égyptien. Ils sont dans le désert, soumis à l’épreuve de la soif. Sans eau, ils sont condamnés à mort. Durant cette période éprouvante, ils ont donc connu des moments de doute, de désespoir et même de révolte. A qui la faute ? Sinon au chef qui les a entraînés dans cette aventure. Moïse a sans doute failli plus d’une fois être lynché. Heureusement, il a trouvé de l’eau. Le peuple a repris confiance, et en Moïse et en Dieu. Peu importe ce qui s’est passé réellement dans le détail. La leçon du récit est dans la richesse symbolique de l’ensemble.
Ces tribus nomades ont vécu douloureusement l’importance vitale de l’eau. Elle était dès lors un élément sacré. Mais il n’y a pas que la vie physique. Pour que la vie sociale soit possible, les Hébreux ont adopté le Décalogue, Dix Paroles d’amour, offertes par Moïse au nom de Dieu. Dix règles de vie, aussi sacrées que l’eau de source. Et toutes deux indispensables pour vivre. Les Hébreux parleront donc de l’eau de la Loi.
Selon les vieilles traditions bibliques, Dieu aurait révélé à Moïse non seulement les Dix Paroles de Vie, mais également des lois rituelles, l’organisation du peuple, et jusqu’aux plans du Temple et de son ameublement, etc. Tout cela, en une seule fois au Sinaï, l’Horeb, la Montagne de Dieu. C’est pourquoi, le Dieu d’Israël sera appelé le Rocher d’où jaillit l’eau de la Loi. La Loi est donc une parole qui abreuve. Le Seigneur est bien  » le rocher qui nous sauve « , car c’est du rocher que jaillit l’eau vive.
Plus tard, quand Paul évoquera l’eau jaillissant du rocher dans le désert, il dira :  » C’est une figure de Jésus. Ce rocher, c’était le Christ « . Et en saint Jean, le Christ déclare :  » Qu’il boive, celui qui croit en moi ! « . C’est dans cette même perspective qu’il nous faut méditer l’épisode de la Samaritaine. On y trouve à nouveau l’humble réalité quotidienne : la fatigue, le doute. Ajoutez-y la soif d’eau et la soif d’amour, et vous avez tout un ensemble de signes. Autrement dit, la moindre requête humaine, même matérielle, le moindre événement de l’actualité, n’est jamais sans parenté avec les réalités spirituelles. On éclaire sa route avec la Bible et le journal.
L’épisode de la Samaritaine (1), très probablement symbolique, en est un magnifique exemple. Au départ, c’est le pur hasard. Ce qui veut dire que bien des choses étonnantes peuvent être amorcées à l’occasion d’une rencontre, d’une démarche toute ordinaire, ou incongrue, ou interdite. Par exemple, qu’un Juif s’adresse à une Samaritaine. Non seulement c’est une femme, mais elle est de la région nord, et lui de la région sud. Deux provinces en conflit pour des raisons religieuses. Lui c’est un pur, elle c’est une schismatique, une quasi païenne. Or, Jésus n’est pas arrêté par ces barrières artificielles de conventions ethniques, sexistes, politiques et religieuses, qui, souvent, séparent, condamnent et divisent. Jésus ne va pas l’accabler de leçons morales à cause de ses aventures amoureuses. Mais, en partant de cette soif d’amour, il lui dira comment la sublimer, la dépasser, en allant jusqu’au bout de son désir. Il éveillera la femme à la soif d’un amour plus généreux, sans frontières. La soif du Royaume, de la Bonne Nouvelle. A tel point qu’elle deviendra capable d’étancher elle aussi la soif des gens qu’elle rencontrera. Et même en commençant par ceux et celles qui la méprisaient… Voyez tout ce qui peut nous arriver et nous être révélé dans nos déserts intérieurs…
La campagne de carême n’a pas repris pour autant le thème de l’eau pour orienter nos partages vers tant d’êtres humains de par le monde, qui en manquent dangereusement, ou en sont trop souvent privés. Mais il est tout autant urgent de « faire reculer la faim ! ». On parle aujourd’hui de 850 millions de personnes souffrant de la faim, dont, étonnamment, deux tiers sont des agriculteurs ! (2)… Mais il ne suffit pas de s’en émouvoir, mais bien d’y répondre par une initiative de partage « pour que la Terre tourne plus juste », comme nous y invite « Entraide et Fraternité ».

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008

Voir aussi : Un livre du cardinal Danneels « Si tu connaissais le don de Dieu » – commentaire pastoral de saint Jean, Ed. Fidélité, 271 pp., 19,50 €.
« Juste Terre ! » n° 61, mars-avril 2008, bimestriel d’Entraide et Fraternité. rue du Gouvernement Provisoire, 32 – B – 1000 Bruxelles, tél. 02 227 66 80, www.entraide.be

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