Archive pour février, 2017

HOMÉLIE DU 6E DIMANCHE ORDINAIRE A

10 février, 2017

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HOMÉLIE DU 6E DIMANCHE ORDINAIRE A

Si 15, 15-20 ; 1 Co 2, 6-10 ; Mt 5, 17-37

Quand il y a de la pagaille dans un groupe ou dans la société, il y a des risques de dérives, de laisser-aller, de laisser-faire. L’un des premiers réflexes de sécurité c’est de vouloir rétablir l’ordre. Par les menaces ou la persuasion. Il s’agira en priorité d’en revenir aux règles et principes de base. Aux dix commandements, dirions-nous en langage biblique. C’est ce que nous pouvons constater dans les trois situations évoquées ce dimanche.
La première se situe près de deux siècles avant Jésus Christ. Le très religieux professeur de sagesse à Jérusalem, Jésus Ben Sirac, est inquiet de voir ses contemporains, surtout les jeunes, s’enticher des nouvelles idées venues de Grèce où fleurissent les religions, sagesses et sectes païennes. Conséquence : les commandements de Dieu sont de plus en plus négligés et les multiples réglementations de la loi de Moïse mises au rancart. Ben Sirac va réagir en publiant un ouvrage de foi et d’expérience, pour montrer combien la sagesse biblique est supérieure à toutes les soi-disant sagesses à la mode.
Paul, un demi-siècle après Jésus, est bien conscient que les jeunes communautés sont confrontées aux cultes païens, au supermarché des sectes et aux sagesses venues d’Orient. Mais aussi à des tensions intérieures. Une partie des baptisés vient du judaïsme et une autre partie des religions païennes et des philosophies laïques. Ce qui provoque des discussions intellectuelles sans fin, au risque d’en oublier le trésor de sagesse qu’est l’Evangile. Il vaudrait mieux vous comporter comme des adultes dans la foi, leur écrit Paul. Laissez-vous former et recycler pour faire travailler votre foi et votre raison. C’est indispensable afin de mieux saisir les richesses de la sagesse évangélique et en vivre. Retour aux sources !
Matthieu, lui aussi, est confronté à des communautés où les judaïsants majoritaires veulent imposer les traditions de leur enfance aux baptisés venus du paganisme et minoritaires. Pour les premiers, il s’agit de respecter à la lettre toutes les prescriptions de la loi de Moïse, et même de la manière qui leur a été enseignée par les scribes et les pharisiens qui, eux, avaient fait de la loi un code figé, constitué de règles intangibles, définitives et donc irréformables.
Dans les trois cas, il s’agit, pour le prophète et les disciples, d’en revenir aux sources de la loi, à son auteur, et plus précisément à l’esprit et donc à l’intention de celui qui a inspiré les dix commandements.
Au mot de « commandement », on a peut-être envie de se mettre au garde à vous. Mais les commandements de Dieu ne sont pas du tout de type militaire. Même si, dans l’Eglise, l’armée a été plus d’une fois citée en exemple. Un modèle qui n’est vraiment pas celui choisi par le Christ. L’histoire nous apprend ainsi que le quatrième pape, St. Clément, a pris l’armée romaine comme modèle. C’est même à la communauté de Corinthe qu’il écrivait avec enthousiasme : « Considérons les soldats qui servent sous vos chefs : quelle discipline, quelle docilité, quelle soumission pour exécuter les ordres ! ». Et il clôturait sa missive par un très pieux mais ferme commandement : « Dressons nos femmes au bien ! ».
Dans la Bible, les commandements proclamés par Moïse sont surtout appelés « les dix paroles d’amour », car c’est dans une perspective d’amour que la loi a été promulguée. « Soyez saints, car moi le Seigneur votre Dieu je suis saint » (Lév. 35 et 19, 2). Tout comme Jésus dira : « Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).
Cependant, ces grands principes de base doivent nécessairement se monnayer, s’expliquer et donc s’interpréter, pour pouvoir être traduits et incarnés dans les situations concrètes de la vie quotidienne. C’est là que s’opposent la lettre et l’esprit. Ainsi, le légalisme ne voit que l’énoncé matériel de la loi et méconnaît l’intention de Dieu, auteur de la loi. Ce qui conduit à une justice et à une conduite purement légales et extérieures, formalistes. Et finalement à une mentalité à œillères
C’est pourquoi Jésus va critiquer radicalement, non pas la loi de Moïse, mais l’interprétation étroite, rigide et définitive qu’en donnaient les scribes et les pharisiens. Une loi surchargée d’une quantité de préceptes, provenant souvent de traditions qu’ils décrétaient eux-mêmes. Tandis que Jésus, lui, est venu accomplir la loi à la perfection, en conformité à l’Esprit. Il s’agit d’un retour aux sources, un retour à l’esprit, comme l’avaient déjà fait des prophètes avant lui.
Ainsi, Ben Sirac le sage disait déjà à ses contemporains : C’est très bien de venir au Temple pour offrir des sacrifices, ils sont utiles et même nécessaires. C’est d’ailleurs la loi. Mais si l’agneau, la colombe ou le taureau que tu sacrifies sur l’autel est pris sur les biens des pauvres, par exemple, c’est exactement comme si tu immolais un fils sous les yeux de son père. »
L’exemple semblable donné par Jésus sur le même thème est, lui aussi, très exigeant. Ainsi, dirions-nous aujourd’hui, c’est très bien de venir à la messe pour accomplir son devoir dominical, réciter le Notre Père et sa demande de pardon, communier à la Parole, au Corps et au Sang du Christ. Mais si, te souvenant que quelqu’un a quelque chose contre toi, tu ne commences pas par te réconcilier, au moins dans ton cœur, avec celui ou celle qui est coupable envers toi, tu n’auras pas accompli l’esprit de la loi, mais seulement la lettre d’une pratique purement extérieure. Il manque en effet l’essentiel, c’est-à-dire un désir, une volonté de pardonner.

Voici un beau thème de méditation.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

LA PRIÈRE DES PSAUMES

7 février, 2017

http://www.abbaye-tamie.com/communaute-tamie/la_liturgie/etudes_liturgie/la-priere-des-psaumes

LA PRIÈRE DES PSAUMES

Soeur Étienne Reynaud de Pradines

Le livre des Louanges
La prière des psaumes n’est pas réservée aux moines et aux moniales, c’est l’élément de base de la prière chrétienne, en tout cas de l’Église en prière.
Il faut reconnaître pourtant que les moines et moniales, plus que d’autres, ont mis la prière des psaumes au rang des observances privilégiées, célébrant sept fois le jour les louanges de Dieu. De même que la matrone romaine donnait à sa servante au début de la journée son pensum, c’est-à-dire une certaine quantité de laine à filer, de même saint Benoît donne-t-il à la communauté monastique un certain nombre de psaumes à dire, nuit et jour.
Mais comment la communauté se construit-elle en se tenant ainsi à la psalmodie ? La vie fraternelle «en présence des anges» serait-elle aussi angélique qu’elle en a l’air ? Ou est-ce que se tenir à la psalmodie ne maintiendrait pas plutôt la communauté dans une solidarité vraie avec le monde ?
Pour ne pas rester à une réflexion seulement théorique, j’ai choisi de faire appel à un pratiquant qui n’est pas pour nous un modèle mais un frère et un témoin crédible, Frère Christophe, moine de Tibhirine en Algérie, mort égorgé avec 6 de ses Frères le 21 mai 1996, dont je citerai plusieurs fois le Journal.

Psalmodier ensemble

L’introduction de la psalmodie en deux choeurs alternés dans les diverses Églises d’Orient et d’Occident est un fait important dans les annales de la liturgie. Il confirme que la liturgie est la prière «à l’état social», une prière qui correspond à la nature visible du Corps de l’Église. Ce n’est pas un exercice de piété individuel. La psalmodie donne à voir un espace organisé selon un dispositif qui peut varier selon les monastères, mais qui toujours sépare et réunit deux choeurs qui se renvoient alternativement les versets des psaumes. Le choeur décrit un espace qui est là mais qui n’est pas de là. Car, au milieu de la communauté qui prie, se tient «Quelqu’un» et entre elle et Lui, il y a du jeu ! La psalmodie donne à entendre une manifestation vocale la plus pro­che possible de la récitation parlée, entièrement régie par la parole poétique, dont l’unité de base et de sens est le verset ; par la bonne diction, sur une formule mélodique toujours répétée, des syllabes et des mots ; par le balancement des membres parallèles, l’harmonieuse succession des versets ou des strophes. La psalmodie est un exercice avant d’être un chant, une «discipline», c’est une manière de dire ensemble le psaume, c’est l’acte d’un corps priant d’une seule voix portée par un même souffle, selon le jeu d’une alternance à la fois régulière, alerte et calme. Dans la psalmodie, ce qui relève du rythme est premier. Rythme verbal fondé sur un parlé non routinier, qui mâche et goûte les mots sans avaler les syllabes, sans précipitation mais aussi sans lenteur ni mollesse qui engluent la parole. Une telle psalmodie est évidemment la manifestation vocale d’une manière de vivre, d’une vie régulière et commune, menée à un rythme soutenu et sur un mode qui articule trois pôles : chacun, tous ensemble et les uns et les autres. Déjà au XIIème siècle, en voyant une communauté psalmodier à l’unisson, Guillaume de Saint-Thierry ne pouvait retenir cette exclamation : «Les frères semblent offrir et consacrer à Dieu, pour une semblable consonance, une mélodie de vies, de mœurs, de bonnes affections, composées non point d’après les règles de la musique mais d’après celles de la charité». Nous savons bien ce que cette mélodie de vies exige de chacun au quotidien. Quand nous nous tenons debout pour psalmodier, il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que notre esprit concorde avec notre voix, mais aussi de nous établir dans un juste rapport les uns aux autres. C’est cette vérité qui s’exprime à plusieurs reprises dans le Journal de Frère Christophe :
• « Impatience et agressivité non contenues à l’office. On me dira : c’est pas le lieu ni le moment. Plutôt : profiter du dire des psaumes et me laisser aller plus loin… jusqu’à cette force reçue de pouvoir dire ensemble Notre Père ».
• « Turbulences dans le choeur. Tenir bon : voix posée. On m’a demandé de servir à cette place. Ne pas me dérober trop vite… »
• « Hier soir, gros orage dans le chœur à Vêpres ! J’aspire, tu le sais, au Chant nouveau. Et personne n’a pu apprendre ce chant sinon les 144 000 rachetés du monde ».
On le voit, il faut parfois beaucoup de courage pour tenir bon, pour tenir ensemble à la psalmodie. Car même à l’office peuvent se manifester les turbulences, impatiences et agressivités qui existent dans la communauté. Le choeur est un lieu de conversion et Frère Christophe le note avec lucidité : « Je vois pour ma part que les lieux où la violence s’exprime au préjudice de l’un ou de l’autre, et de la communauté, sont aussi ceux où elle peut se convertir peu à peu : dans la liturgie, en chants et paroles priants, dans le travail en force dépensée, donnée dans la vie fraternelle en charité».

Psalmodier avec sagesse

Pratique communautaire, la psalmodie laisse à chacun la liberté de faire une expérience originale que l’on pourrait qualifier à la fois de psychosomatique, de spirituelle et de mystique. Si le Psautier a été si cher à la tradition chrétienne, c’est justement à cause de son extraordinaire pouvoir de modeler celui qui psalmodie à l’image du seul vrai Psalmiste, le Christ. « Psalmodiez avec sagesse » comme dit la Règle de saint Benoît, c’est psalmodier non seulement avec art, avec intelligence, avec zèle, avec goût, mais aussi avec profit ; « en profitant du dire des psaumes », comme l’écrit si bien Frère Christophe, pour se laisser travailler, guérir, transformer. Selon saint Athanase, évêque d’Alexandrie au IVème siècle, « celui qui psalmodie correctement règle son âme ». De fait, comme production vive, la psalmodie a un pouvoir stimulant et régulateur. C’est un exercice qui, en associant les mots au rythme et au chant, apaise et met de l’ordre dans l’âme. Les anciens ont été très sensibles à ce pouvoir qu’a la musique d’introduire de l’ordre, par la médiation du temps, de la respiration, du souffle; de « trou­bler l’être intérieur s’il est trop sec et de l’apaiser si l’émotion le submerge ». Mais la grâce propre au livre des Psaumes c’est surtout de révéler à chacun les mouvements de son âme. En effet, le Psautier possède en propre cette aptitude merveilleuse : les mouvements de chaque âme, les changements et redressements de celle-ci y sont enregistrés et décrits. Les psaumes permettent au coeur humain d’exprimer devant Dieu en toutes circonstances ce qui l’habite : désirs, plaintes, questions, peurs et même violence. Ils nous donnent le droit de parler à Dieu de notre existence concrète, à partir d’un corps désirant et fragile, c’est-à-dire comme Jésus parle dans son humanité. C’est en cela qu’ils exercent, selon saint Athanase, une fonction thérapeutique, si bien que l’on peut parler de la psalmodie comme d’une « psalmothérapie » ! « Les psaumes permettent au lecteur de saisir en chacun d’eux ses propres passions et sa psychologie et sur chaque problème la règle et la doctrine à suivre… il apprend ce qu’il lui faut dire et faire pour guérir son mal. Profiter du dire des psaumes, c’est, finalement, pour saint Athanase, se laisser travailler et traverser par le souffle qui les a inspirés et qui est l’Esprit même de Jésus priant filialement le Père. » En nous permettant d’avoir en nous les sentiments qui furent en lui aux jours de sa chair, la psalmodie nous rend littéralement conformes au Christ.
C’est en donnant maintenant la parole à Frère Christophe que je voudrais montrer à partir d’exemples concrets comment la psalmodie façonne jour après jour une existence conforme au Christ.
En la fête des Saints Innocents, le 28 décembre 1993 – quelques jours après la première incursion dans le monastère des hommes du GIA, la nuit de Noël, Frère Christophe écrit : « Au commun des martyrs… cette nuit, nous avons chanté le psaume 32. Le verset 11 m’a réveillé : Le plan du Seigneur demeure pour toujours, les projets de son coeur subsistent d’âge en âge. Et je lis la suite avec délice : Heureux (en marche) le peuple dont tu es le Seigneur.
En marche les humiliés du souffle. Oui, tu nous fais courir au chemin de tes ordres… Pas si facile à entendre bien. Nous sommes un corps à l’écoute ».
Un an après, le 29 décembre 1994, le lendemain de l’assassinat de quatre Pères Blancs à Tizi-Ouzou : « À Vigiles, j’ai chanté et j’ai reconnu ton chant, ta force sur mes lèvres (mon corps finira-t-il par s’accorder en toute justesse et beauté ?) : Guerrier valeureux, porte l’épée de noblesse et d’honneur. Ton honneur, c’est de courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité ».
Au début de l’année 1995, alors que l’armée entoure le monastère pour le protéger « de son bras musclé , frère Christophe, continue de méditer sur la mort d’Alain, Jean, Charlie, Christian, tes disciples assassinés : J’ai à prier en ami pour vos assassins. Laudes : Face à mes ennemis s’ouvre ma bouche. Demander cette grâce de parole désarmée, nue, droite ».
Frère Christophe trouve dans les Psaumes chantés en situation liturgique les mots qui expriment et éclairent ce qu’il est en train de vivre dans la situation de violence en Algérie. Il en est impressionné – dirait saint Athanase – comme s’il parlait lui-même de lui-même. Il prononce des paroles qui semblent avoir été écrites pour lui et qui le concernent. Pour lui, psalmodier avec sagesse, c’est se laisser réveiller par un verset de psaumes qui prend tout à coup saveur d’Évangile et qu’il goûte avec délice ; c’est y reconnaître le chant du Christ sur ses propres lèvres et y accorder son cœur ; c’est le faire sien et en recevoir la grâce d’une parole désarmée, face à ses ennemis.

Une psalmodie solidaire

Je voudrais poursuivre en évoquant une autre expérience de la psalmodie comme acte lié à l’identité même de la communauté monastique. « Je vois bien, écrit Frère Christophe, que notre mode particulier d’existence – moines en communauté – eh bien, ça résiste, ça tient et ça vous maintient. Ainsi, pour détailler un peu, l’office : les mots des psaumes résistent, font corps avec la situation de violence, d’angoisse, de mensonge et d’injustice. Oui, il y a des ennemis. On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu’on les aime, sans faire injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s’accroît. Dieu saint, Dieu fort, viens à notre aide. Vite, au secours ! » Oui, les mots des psaumes résistent et c’est pour cela que la communauté monastique se tient au coeur de l’actualité la plus brûlante, celle dont parlent les journaux et la télévision. Plus profondément, dans le coeur du Christ, elle se tient dans une solidarité qui donne la parole aux humiliés, aux opprimés, aux pauvres.
C’est en moine psalmodiant que Frère Christian, prieur de Tibhrine, s’exprime dans le journal «La Croix» du 24 février 1994, peu après le massacre des douze techniciens croates égorgés à l’arme blanche près du monastère : « C’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, qu’on nous traite en bétail d’abattoir. Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu Seigneur ? C’est ce psaume 43 qui accompagnait notre office, ce mercredi-là, comme les autres mercredis. Mais il prenait une actualité bouleversante. Nous venions tout juste d’apprendre le massacre de la veille au soir. Ignorant alors ce qui allait se passer, nous avions chanté, sans doute machinalement, un autre verset de psaume qui prenait sens tragiquement, là, à notre porte : Ne laisse pas la Bête égorger la Tourterelle, n’oublie pas sans fin la vie de tes pauvres ».
Frère Christophe, quelques jours plus tard dans son Journal, fait appel au même psaume pour inscrire l’actualité de la violence dans le monde et au plus près du monastère. Il le fait de telle manière qu’on saisit sur le vif le rapport fécond entre psalmodie au choeur et rumination des psaumes dans la prière continuelle, en lien avec les événements : « Jour après jour il faut continuer d’encaisser les coups de l’Adversaire. Dans la mosquée d’Hébron, l’ennemi a tout saccagé, il a rugi dans une assemblée de maronites au Liban, et autour de nous, la demeure de ton Nom – l’homme vivant – est profanée. On coupe les têtes, on égorge. Prier. À Jérusalem, au Liban, en Algérie, à Sarajevo… partout, c’est dangereux. Le priant est vulnérable, désarmé. » Voilà comment les mots d’un psaume, proférés de bouche durant l’office, font leur chemin dans le coeur du moine. Il s’est laissé gagner par ce qu’il a dit, et comme dans le coeur de Marie, la parole a pris chair.
Elle a pris ce jour-là, l’épaisseur de l’histoire tragique vécue par des hommes et des femmes à Jérusalem, au Liban, en Algérie, à Sarajevo, cette histoire humaine assumée par Jésus, l’Agneau égorgé – la Tourterelle du psaume 73 – désarmé et cependant pour toujours vainqueur de la Bête.
Et pour conclure ces quelques réflexions, je laisserai encore résonner les mots du psaume sur lesquels s’a­chève le Journal de frère Christophe, le 19 mars 1996, huit jours avant l’arrestation des sept Frères: « Saint Joseph. J’ai été heureux de présider l’Eucharistie. J’ai comme entendu la voix de Joseph m’invitant à chanter, avec lui et l’Enfant, le psaume 100 : Je chanterai justice et bonté… J’irai par le chemin le plus parfait. Quand viendras-tu jusqu’à moi… Je marcherai d’un coeur parfait ». La psalmodie fait entrer dans une longue lignée de priants, d’obscurs témoins d’une espérance. Invités à chanter avec eux et « l’Enfant », la communauté monastique et chacun de ses membres y puisent l’élan pour se hâter vers la partie céleste et y parvenir tous ensemble.

Soeur Étienne Reynaud
Moniale bénédictine de Pradines

LA COMPRÉHENSION ET LA FOI

7 février, 2017

http://www.lelivredevie.com/les-regles-de-l-existence/la-comprehension-et-la-foi.php

LA COMPRÉHENSION ET LA FOI

(1) Au-dessus de tout, l’homme doit veiller sur l’ensemble des êtres que Dieu a placés sous ses pieds.

Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, dit David,
La Lune et les étoiles que tu as créées :
Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ?
Et le Fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui ?
Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu,
Et tu l’as couronné de gloire et de magnificence.
Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains,
Tu as tout mis sous ses pieds,
Les brebis comme les boeufs,
Et les animaux des champs,
Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
Tout ce qui parcourt le sentier des mers.
Éternel, notre Seigneur !
Que ton nom est magnifique sur toute la Terre !

Tirée des psaumes, cette citation exprime la grandeur humaine. Toutefois, vous seuls, les élus, en mesurez les profondeurs. En effet, attribuant le sens de la vie au hasard qui aurait fait évoluer la bête en homme, et croyant que le Seigneur Dieu qui crée toutes choses est une légende, les athées ne peuvent nullement avancer dans la connaissance. Comment alors pourraient-ils savoir que les hommes sont de peu inférieurs aux anges ? Au rang des insensés ils sont, à leur rang ils resteront.

Sur les aptitudes des élus
(2) Vous convenez maintenant qu’il faut peu de réflexions sur l’activité de la matière pour comprendre la formation des satellites, des planètes, du Soleil et de toutes les étoiles. Il est pour cela incontestable que l’homme saint d’esprit peut appréhender le cycle perpétuel de la matière et faire envoler le mystère de l’éternité, comme nous l’avons fait. Après quoi, il sait que l’âme est le fruit du vécu, destinée à des renaissances. Il perçoit l’existence de l’âme comme il perçoit l’existence du Soleil, c’est-à-dire à partir de tout ce qui amène à elle. Ce qui met alors un terme à la mort. Ainsi, devant lui, ne reste que la vie éternelle, qu’il acquiert aisément en s’élevant jusqu’au Créateur.
(3) Veillez alors à ne point vous mésestimer, vous qui faites cette ascension, parce que vous êtes comme moi : ce que je vois, vous le verrez ; ce que je fais, vous le ferez ; et là où je suis, vous y viendrez. Interrogez celui qui escalade une montagne jusqu’à son sommet. Il vous dira que d’en haut et dans la pureté des cimes, il voit toutes choses fort loin. Il en est de même pour celui qui s’élève jusqu’au sommet de la montagne de l’Éternel, depuis lequel il voit d’en haut ce qui ne peut être vu d’en bas. Et c’est là où vous me rejoindrez avant d’aller dans le royaume, car le rachat de votre âme dépend de cette élévation, que chacun de vous, les circoncis, peut effectuer avec facilité.

Sur l’identité des enfants de Dieu
(4) Vous devez aussi savoir que la foi n’est pas suffisante pour ouvrir les yeux et ressusciter, parce que seule la compréhension de la science de Dieu réalise ce prodige. Et c’est après avoir ressuscité que vous irez dans le royaume où vous ne pourrez plus mourir. Si donc vous mourez conformément à ma mort et ressuscitez conformément à ma résurrection, la mort ne pourra plus vous atteindre. Cela aussi l’Écriture en témoigne.
(5) Mais si vous ne parvenez pas à vous convaincre que je suis le premier-né d’entre vous, comment pourrez-vous savoir qui vous êtes sur Terre ? Vous ignorerez alors pourquoi le royaume annoncé arrive aujourd’hui. Et c’est aussi en raison de cela que Jean dit, dans son épître :
Et maintenant, petits enfants (c’est vous), demeurez en lui, afin que, lorsqu’il paraîtra, nous ayons de l’assurance, et qu’à son avènement nous ne soyons pas confus et éloignés de lui.
Puis il ajoute par ailleurs :
Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est.

(6) Indépendamment du fait qu’il annonce, là aussi, la venue du Fils, Jean parlerait-il de la sorte s’il avait assisté à l’avènement de Jésus autrement que par l’esprit ? Cet avènement, dont le but est d’emmener les circoncis de coeur sous de nouveaux cieux, ne peut se produire que le jour où l’homme peut saisir sa propre nature. Ceux qui s’éclairent ce jour-là comprennent en effet qu’ils sont semblables au Fils, parce qu’ils voient qu’il est lui-même semblable à tous les hommes et le plus moyen d’entre eux. Faites donc de lui votre bannière et votre salut, parce qu’il est le maître de justice que le monde devait recevoir pour le jour où la Terre serait visitée. Et vous êtes arrivés dans ce jour-là.

(7) Dès le départ, je vous ai fait comprendre que la venue de cet homme (du Schilo) se produit le moment venu dans chaque monde du ciel, sans quoi ce monde périrait. Et, bien qu’il soit placé à la tête du monde par les prophètes, ce fils, que le Très-Haut a oint, est un homme accessible par quiconque.
(8) Si je reparle de vous tous les élus et du Fils, c’est afin que la gloire de Dieu éclate sur la Terre entière ; car sa gloire est la manifestation de son peuple, et la pâque assurément ! J’ai longuement expliqué que la pâque consiste à manger l’agneau et à effectuer le passage du monde de ténèbres dans le monde de lumière qui commence. Voilà pourquoi vous devez manger le pain du ciel que le Fils représente en lui-même (comme si vous mangiez sa chair) et boire ses paroles (comme si vous buviez son sang), car tout est vrai dans sa bouche.
(9) C’est pourquoi, ce n’est nullement pour l’un de ceux qui règnent, ni pour quiconque d’autre, qu’il est écrit dans le quarante-cinquième psaume :

Ton trône, ô Dieu, est à toujours ;
Le sceptre de ton règne est un sceptre d’équité.
Tu aimes la justice, et tu hais la méchanceté :
C’est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t’a oint
D’une huile de joie, par privilège sur tes collègues.

Effectivement, celui que le prophète appelle Dieu, comme Dieu, aime la justice et hait la méchanceté. Et ceux qu’il vient combattre avec son épée à double tranchant en mesureront les effets. Peut-être sauront-ils alors pourquoi Josué (le chef des hébreux) se prosterne en personne devant cet homme qui se tient soudainement debout devant lui, son épée nue dans la main, et auquel il demande :

Es-tu des nôtres ou de nos ennemis ? Il répondit : Non, mais je suis le chef
de l’armée de l’Éternel, j’arrive maintenant. Et Josué tomba le visage
contre terre et se prosterna à nouveau.
Certes, je ne vous demande point d’agir de même, vous qui êtes semblables au Fils, car vous connaissez encore mieux que Josué celui qui vient combattre le monde avec son épée. Comprenez seulement le sens de ce qui est montré ici par l’Écriture.

Sur l’homme et la femme
(10) Toutefois, pour que votre résurrection soit accomplie et que le nouveau monde devienne réalité, vous devez également avoir une compréhension parfaite des caractéristiques de l’homme et de la femme que Dieu se choisit. Tout d’abord, pour définir leur nature et leur caractère, revenons momentanément en arrière, pour nous apercevoir qu’ils sont comparables à l’image du courant créatif, composé d’un côté par l’apport et de l’autre par la dépense. En cela, on peut comparer Adam au Soleil qui apporte, et Eve à la planète qui dépense. On reconnaît ainsi les éléments distinctifs propres à chacun d’eux, ainsi que le tout qu’ils forment ensemble et qui leur permet de procréer.
(11) Il a été longuement expliqué que sans dépense il ne peut y avoir d’apport et que sans apport il ne peut y avoir de dépense, et que tous deux sont le principe d’existence des astres et des êtres. Par conséquent, il n’y a aucune supériorité ou infériorité de l’une de ces deux parties de sens contraires et similaires. Il ne faut donc pas voir la femme inférieure à l’homme ou l’homme inférieur à la femme, d’autant que de telles pensées ne peuvent être que la manifestation d’une grande déficience du raisonnement.
(12) Certes, l’homme est supérieur à la femme pour porter des sacs de grains, et la femme est supérieure à l’homme pour faire des ouvrages délicats, car leur rôle dans la vie est complémentaire. Le fameux principe d’existence avec lequel nous avons démontré l’univers, indique à qui veut le voir que, dans leur couple, l’homme est esprit et la femme est vie. C’est d’ailleurs parce qu’il en est bien ainsi que, partout où il n’y a point de femmes, tout semble mort. Mais parce qu’elle est vie, il est naturel qu’elle soit davantage attachée aux choses matérielles dont elle a immédiatement besoin pour sa famille, qu’à l’étude des choses spirituelles qui incombe davantage à l’homme auquel elle se confie. Ainsi, la femme se préoccupe plus des choses immédiates que des choses à venir qui concernent davantage son époux. Ce qui, parfois, peut les entraîner dans quelques petits malentendus…
(13) Remarquez avec attention que l’homme produit ce dont sa famille a besoin (comme le fait le Soleil), et que la femme reçoit ce qu’il lui donne et qu’elle prépare pour tous les siens (comme le fait la terre). On voit ainsi que la femme est le pivot de la famille. C’est pourquoi l’homme produit et apporte, tandis que la femme reçoit et dépense, même pour enfanter. Telle est leur condition. Et tout est bien ainsi, car il s’agit de l’ordre originel dans lequel, à la manière des astres, chacun trouve sa place, son rôle, sa joie.

Sur le polissage des mœurs
(14) Étant Adam que Dieu appelle sur le soir, je connais Eve. C’est pourquoi je dis que la femme n’est vraiment heureuse que lorsqu’elle se trouve sous les regards de l’homme dont elle est éprise et sous l’aile protectrice duquel elle se range pour fonder une famille. Il s’agit là d’un besoin essentiel de la femme, qui découle de l’ordre même du principe d’existence.
(15) Mais, dans ce monde de confusion, j’ai constaté que beaucoup d’hommes employaient parfois des méthodes singulières pour exercer quelque autorité sur leur épouse. Je vis, selon les peuples, les uns enfermer leur femme et leurs filles de peur qu’elles ne s’éloignent, d’autres les couvrir d’un sac de la tête aux pieds pour qu’on ne puisse voir leurs formes et leur visage ; et un très grand nombre, en tous pays, avoir moins de considération pour la femme qu’ils n’en avaient pour le bétail. Je vis cela dans ce monde qui s’achève, et que les femmes se désespéraient de ne point voir leur seigneur dans leur mari.
(16) Si les filles n’étaient pas conduites sur les sentiers de la corruption, mais dans les voies de Dieu, nul n’aurait besoin d’avoir recours à de telles pratiques, car la femme qui craint Dieu est toujours exemplaire dans sa conduite. Vous donc les fils de Sion, vous devez beaucoup changer pour que vos épouses trouvent en vous celui auprès duquel il fait bon vivre. Car vous les entraîniez bien souvent dans ce qui leur occasionnait souffrance et amertume. En obéissant à vos pasteurs de néant et à tous ceux qui gouvernent, vous faisiez mourir leurs enfants sous leurs yeux ; et vous les emmeniez dans les brumes jusqu’à ce qu’elles se retrouvent seules, désespérées et sans devenir. Tout cela augmentait la douleur de leur grossesse, parce qu’elles éprouvaient beaucoup d’angoisse d’enfanter dans un monde de ténèbres, voué à disparaître. Et c’est bien ce que Dieu prédit à Eve au matin du monde, lorsqu’il lui dit qu’il augmenterait les douleurs de ses grossesses pour s’être laissée séduire par les paroles enchanteresses du serpent ; et pour avoir, après cela, entraîné son mari à faire ce qu’il ne faut pas.
(17) C’est pourquoi, vous les femmes insouciantes, si vous aviez écouté Dieu et non ceux qui s’emparent de vos enfants dès leur naissance, aujourd’hui vous n’enfanteriez pas dans la douleur, mais dans la joie. Et pour être constamment à la recherche de ceux qui perdent le monde, vous êtes grandement coupables de ce qui arrive. Cela, parce que vous n’avez d’yeux que pour les riches et ceux qui sont élevés, alors qu’ils sont les pires hommes que la Terre ait enfantés. C’est pourquoi, bien que je vous pardonne vos péchés, sachez que vous n’êtes point étrangères aux malheurs qui s’abattent sur le monde. Ne pouviez-vous lire les psaumes, Ésaïe, les proverbes, et la loi, disant : tu ne mentiras point ? Tu ne convoiteras point ce qui appartient à autrui ? Tu ne commettras point d’adultère ? Apparemment, ce n’est point ce que vous pratiquiez lorsque vous convoitiez les maris de vos semblables, malgré la souffrance que cela occasionnait sur vos soeurs, en faisant de leurs petits enfants des victimes innocentes.
(18) On ne bâtit pas sa demeure sur le malheur d’autrui, femmes, car quiconque fait cela est maudit de Dieu. Je ne vous accable pas. Je montre pourquoi beaucoup d’entre vous sont devenues insensibles aux maux d’autrui, vénales, effrontées, impudiques, orgueilleuses, hautaines, jalouses, médisantes, et desquelles il faut se méfier ! Cupides et insatiables, ces femmes-là ne pensent désormais qu’à l’argent, au paraître, à la séduction et aux plaisirs de la chair. Et bien que je parle ainsi, je ne salis pas vos visages ; je les lave au contraire, parce qu’ils en ont besoin au soir du monde. Si le Fils ne le fait pas, qui le fera ? Et s’il ne le faisait, qu’adviendrait-il de vous ?
(19) La récolte de ce monde n’aura pas lieu, femmes, il n’a aucun fruit à vous donner. Et Ésaïe vous le dit haut et fort :

Femmes insouciantes,
Levez-vous, écoutez ma voix !
Filles indolentes,
Prêtez l’oreille à ma parole !
Dans un an et quelques jours,
Vous tremblerez, indolentes ;
Car c’en est fait de la vendange,
La récolte n’arrivera pas.
Soyez dans l’effroi, insouciantes !
Tremblez, indolentes !
Déshabillez-vous, mettez-vous à nu
Et ceignez vos reins !

(20) Ésaïe est en colère contre vous, et il n’a pas tort. Mais pourquoi dit-il que vous tremblerez dans un an et quelques jours et que c’en est fait de la vendange ? Parce que cette parole, qui fut écrite hier pour être entendue aujourd’hui, indique que vous tremblerez dans les jours qui suivent l’avènement du Fils de l’homme. L’année qui suit ma venue dans le monde, est une année de grâce de la part du Seigneur, une année de calme pour que l’homme lève les yeux de ses travaux et me regarde. C’est après qu’il tremble ; et c’est pour la même raison qu’il est écrit que la Terre tremble lorsque le Fils est crucifié. Et vous les femmes, vous n’y êtes pas étrangères. Je vous pardonne volontiers cependant, parce que vous n’aviez pas conscience de ce que vous faisiez dans ces temps de l’ignorance où personne ne discernait rien. Aussi, ne craignez pas, les prophètes vous gourmandent pour vous faire lever et vous sauver. Ceignez donc vos reins comme Ésaïe vous le demande, et ne persistez pas dans les voies des fils de la perdition. Pensez à la circoncision du coeur de l’homme pour ne plus vous tromper dans vos choix, car tout ce qui n’est pas du domaine du coeur est accessoire.
(21) Pour connaître Dieu, il faut connaître toute la vérité comme je l’enseigne dans le temple. C’est pourquoi beaucoup sont dignes de mon pardon aujourd’hui, même si elles ont mâchuré leurs joues et leur front. Marie est donc le nom de toutes les circoncises de coeur qui, aujourd’hui, naissent de Sion. Si donc vous portez la grâce du Père sur vos visages, en étant douces, discrètes, dévouées, avenantes, zélées, pleines d’allant, croyantes, exemplaires dans le langage, la tenue et la conduite, ne craignez rien d’ici la fin ; vous êtes des filles du ciel que Dieu protège jalousement.
(22) Cependant, il vous faut savoir que le Père se détourne de celles qui ne cultivent pas leur féminité et qui veulent gouverner, car cette façon d’être est contraire au principe d’existence et à son ordre. La planète commande-t-elle le Soleil ? Il n’en est rien. Et cela doit être semblable pour les femmes envers les hommes, sinon elles sont contre nature et vont à la perdition.
(23) Soyez donc comme celles que je décris et qui sont féminines, désireuses d’apprendre, délicates, fidèles, vaillantes, belles à contempler et humbles comme les petits enfants ; parce que c’est ainsi qu’on appartient au peuple de Dieu et au monde des anges ! Eloignez-vous alors de celles qui s’évaluent à un prix fort élevé, et qui sont versatiles, volages, indiscrètes ; et aussi de celles qui commettent l’adultère. Tenez-vous pareillement à l’écart de celles qui affirment qu’on ne vit qu’une fois et qui perdent leur âme avec de telles pensées, car elles croient alors que tout est permis. Ce sont ces femmes-là qui nuisent au monde car, en piétinant les valeurs, elles tarissent les sources du bonheur.

Sur la prière
(24) Ce n’est qu’en sachant ce que l’on est, que l’on sait ce que l’on fait. C’est pourquoi, vous tous qui naissez de Sion derrière moi, je vous montre qui vous êtes et vous place sur la voie avec des commandements simples, afin que vous ne détruisiez plus la Terre et vos âmes. Toutefois, ce n’est pas moi, mais Dieu qui sonde vos coeurs et qui guidera vos pieds jusque dans son royaume. Vous devez alors prier le Père seul, et non son fils ni personne d’autre.
(25) Et quand vous priez Dieu de vous aider à surmonter un moment difficile, faites-le en secret, à l’abri des regards. N’agissez pas comme les hypocrites religieux qui font semblant de prier le Père en remuant les lèvres et en déformant leur visage, pour qu’on les observe et que l’on voit combien est douloureuse leur foi et immense leur souffrance… Ces gens-là, le Fils les méprise et le Père les abomine ! Je vous montre ce qu’il en est pour que Dieu exauce vos prières. Sinon, il ne vous entendra pas, il détournera de vous ses regards, comme il le fait envers ces hypocrites. Mais si vous avez toujours le coeur et l’esprit de votre jeunesse, et si vous aimez Dieu de toute votre âme, alors, avant même que vous lui demandiez quelque chose, vous serez exaucés.
(26) La prière consiste à s’adresser au Père avec déférence, secrètement et sans intermédiaire. Et quand on le sollicite, il faut le faire en silence, sans feindre et avec humilité. Pour cela, il n’existe ni heure, ni jour, ni édifice, ni lieu, ni pays particulier pour prier Dieu. Mais que celui qui ne l’aime pas d’un coeur pur, ne le prie pas, car c’est Sa colère qu’il attirerait sur lui ! Sachez donc que la prière est toujours individuelle et jamais collective, et que seule est entendue celle qui est faite avec sincérité et en secret. C’est pourquoi ceux qui prient en se donnant en spectacle, n’entreront pas dans le royaume d’où ils sont exclus.

Sur les devoirs envers Dieu
(27) Les personnes qui font semblant de prier Dieu, sont aussi celles qui veulent toujours descendre dans les profondeurs de la vie, sans même en connaître la surface ! Vous n’êtes pas sur Terre pour vous abîmer l’esprit dans ce qui est du ressort du Créateur, ni pour connaître la vie qui est en vous, mais pour profiter de tout ce qui est bon. Or, dans ce monde agité et sans lumière, beaucoup s’enferment dans des murs au nom d’une religion ou d’une conviction, pour méditer et servir Dieu, disent-ils ! Mais vous, les élus, écoutez-moi ! Si vous aviez un frère ou une soeur qui s’enferme de la sorte pour servir votre père, en quoi le servirait-il ? Et comment votre père les regarderait-il ? Non, ceux qui se retirent ainsi du monde, en vivant hommes avec hommes et femmes avec femmes, ou qui se retirent du monde pour vivre seuls, ne sont pas des serviteurs de Dieu. Ce sont au contraire des paresseux et des lâches qui préfèrent abandonner les leurs et s’abstenir de tout, plutôt que de fonder une famille pour l’Éternel.
(28) Celui qui veut servir Dieu, commence par épouser l’une de ses filles. Celui-là ne se retire pas loin du monde et ne s’abstient pas d’agir ; car s’il commet une faute il la corrige, s’il pèche il se repent, et s’il commet une mauvaise action par inadvertance, la loi est là pour le redresser. Son âme ne risque pas de se perdre, alors qu’elle se meurt en n’ayant pas à choisir entre le bien et le mal. En effet, avec quel vécu les ermites peuvent-ils former les précieuses écritures de l’âme qui sont destinées à la vie éternelle ? En contemplant leurs souliers ? En chantant des cantiques ? En se parfumant le crâne ? Il les fallait assurément, mais seulement pour que le Fils montre qu’ils font partie du néant et que dans le néant ils resteront. Car, que font-ils d’extraordinaire, et de quoi le Père peut-il leur savoir gré ? Ils se sont retirés, mais pour s’exclure du royaume et de la vie éternelle. Si donc ils persistent et ne se repentent, les portes du royaume leur resteront fermées.
(29) Adam et Eve doivent s’épouser pour fonder une famille. Ne pas le faire, c’est rester seul, dépourvu de toute utilité, jusqu’au point de préférer la mort. Ce qui en conduit beaucoup à dire : Je ne sers à rien sur cette Terre ! Ou bien : Que la vie est difficile ! Ou encore : Comment dois-je vivre ? N’était-ce pas vos cris ? Pour que cela cesse, Dieu m’envoie pour vous éclairer sur le masculin et le féminin, et pour vous donner une loi qui fait descendre la paix sur le monde entier. Acceptez donc ma venue, et ne mésestimez pas les conseils que je vous donne.

The Sermon on the Mount

4 février, 2017

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http://bibleencyclopedia.com/pictures/Matthew_5_Jesus’_Sermon_on_the_Mount.htm

HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE ORDINAIRE A

4 février, 2017

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HOMÉLIE DU 5E DIMANCHE ORDINAIRE A

Is 58, 7-10 ; 1 Co 2, 1-5 : Mt 5, 13-16

Ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit des félicitations et des encouragements. Mais c’est bien le cas aujourd’hui. Ce matin, le Christ nous a rassemblés, comme il le faisait avec ses disciples, que nous sommes aussi. C’est à eux, c’est à nous, qu’il lance des compliments : Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde. Restons cependant prudents, car le meilleur sel peut perdre sa saveur. Et la lampe la plus forte n’éclaire rien du tout si elle est placée sous une couverture ou si elle n’est pas branchée sur le courant.
Sans image ni comparaison, Paul disait la même chose aux Corinthiens : Pour être chrétien, il ne suffit pas de proclamer ou de chanter le credo, ni de prononcer des homélies. Pour être un sel qui relève le goût, et une lumière qui perce les ténèbres, le croyant doit vivre conformément à sa foi. Laisser parler sa vie. Ce n’est donc pas le diplôme, ni le prestige, ni la publicité qui font un témoin, mais la manière dont il vit, la façon dont il se comporte.
Le psaume graduel nous brosse d’ailleurs la silhouette du vrai croyant de tous les temps.  » Il s’est levé dans les ténèbres un être humain de justice, de tendresse et de pitié. Une personne de bien, qui partage et donne aux pauvres à pleines mains « .
La meilleure façon d’annoncer l’Evangile, c’est donc d’en vivre. C’est le discours le plus convaincant, le témoignage le plus crédible, car il s’agit alors d’une Parole incarnée, mise en pratique dans les réalités de la vie quotidienne. Ce que tout le monde peut alors comprendre. Dans un reportage au Nicaragua, dans le petit trou perdu du village de El Cacao, le prêtre d’une petite communauté de pauvres et de laissés pour compte, disait à ses ouailles : Pourquoi voulez-vous écouter l’Evangile ? Et un vieil homme lève le bras en disant : Pour le vivre. N’oublions cependant jamais que le croyant, le plus convaincu, le plus fidèle, même s’il porte un grand trésor, le porte dans un vase fragile. Il n’empêche que Jésus nous fait confiance et compte même sur nous pour être ses témoins, partout où nous sommes, partout où nous allons. Ce qui faisait dire à un auteur allemand du 14e siècle : « Nous sommes la seule Bible que le public lit encore. Nous sommes le dernier message de Dieu, écrit en actes et en paroles… « .
La semaine dernière, les Béatitudes nous étaient présentées comme la charte du Royaume de Dieu : un Royaume de justice et de paix, de pardon et de réconciliation. L’accent étant mis sur les dispositions intérieures, celles du cœur et de l’esprit. Le moteur. Et les poumons. Ce qui donne du souffle. Or, nous manquons de souffle pour marcher, pour lutter. En marche, les artisans de paix, traduit Chouraqui. Les Béatitudes sont comme un ordre de marche. C’est en marchant qu’on trouve le bonheur. Ce dimanche, avec l’Evangile, illustré et pour ainsi dire commenté par la première lecture, nous découvrons la charte du vrai témoin de ce Royaume. Il ne s’agit pas simplement d’une invitation à passer à l’action, mais bien de prendre nos responsabilités évangéliques face aux problèmes d’aujourd’hui, aussi bien personnels que locaux ou internationaux, ceux de la faim, du chômage, de la santé et de la maladie, des injustices à tous les niveaux.
Nous ne sommes donc pas venus ici pour fuir les mauvaises nouvelles des attentats, des catastrophes et autres drames quotidiens, mais pour apprendre à y répondre.
La vie chrétienne, en effet, ne se résume pas dans la prière, le culte ou la morale personnelle. Rencontrer Dieu, l’écouter et lui être fidèle, ne se mesure pas à l’intensité des émotions et des satisfactions spirituelles, ni à la longueur des prières. Mais plutôt à la manière dont le comportement de chacun, dans tous les domaines, se modifie peu à peu dans le sens du respect de l’être humain. Ce qui est, précisément le comportement de Jésus lui-même. La première lecture, remise dans son contexte historique, nous le fait bien comprendre. Le prophète, en effet, y dénonce vigoureusement l’attitude des croyants qui consultent le Seigneur et l’invoquent, multiplient les jeûnes, prières et autres pratiques, mais dont la conduite s’accommode d’injustices et de méchancetés, d’avarices, de violences, de fraudes. Or, pour être sel et lumière, il faut, d’une part, faire disparaître toutes les formes de violence, les oppressions , les menaces, les paroles malfaisantes. Et, d’autre part, combattre pour plus de justice et de solidarité, semer aussi les Béatitudes dans les réalités sociales, économiques et politiques, à tous les niveaux, à la maison et dans le quartier, dans la paroisse et au travail, et sur le terrain des sports. Le vrai disciple du Christ n’est pas un doux rêveur ni une lumière cachée sous la table, ni un moulin à prières ou un levain conservé au frigo. Il se nourrit de la Parole, se laisse pénétrer par l’Esprit, pour devenir de plus en plus conforme au Christ, jusqu’à s’incarner dans la pâte du monde pour y faire les gestes de Dieu, et même ses miracles.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008A

The Presentation (Meeting) of the Lord in the Temple

1 février, 2017

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FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

1 février, 2017

http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2013/documents/hf_ben-xvi_hom_20130202_vita-consacrata.html

MESSE AVEC LES MEMBRES DES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET DES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE

EN LA FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR

- XVIIe JOURNÉE DE LA VIE CONSACRÉE

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique vaticane

Samedi 2 février 2013

Chers frères et sœurs !

Dans son récit de l’enfance de Jésus, saint Luc souligne que Marie et Joseph étaient fidèles à la loi du Seigneur. Avec une profonde dévotion, ils accomplissent tout ce qui est prescrit après la naissance d’un garçon premier-né. Il s’agit de deux prescriptions très anciennes : l’une concerne la mère et l’autre l’enfant nouveau-né. Pour la femme, il est prescrit de s’abstenir des pratiques rituelles pendant quarante jours, et d’offrir ensuite un double sacrifice : un agneau en holocauste, et un pigeon ou une tourterelle pour le péché ; mais si la femme est pauvre, elle peut offrir deux tourterelles ou deux pigeons (cf. Lv 12, 1-8). Saint Luc précise que Marie et Joseph offrirent le sacrifice des pauvres (cf. 2, 24), pour souligner que Jésus est né dans une famille de gens simples, humble mais très croyante : une famille appartenant aux pauvres d’Israël, qui forment le véritable peuple de Dieu. Pour le fils premier-né, qui, selon la loi de Moïse, est la propriété de Dieu, le rachat était en revanche prescrit et établi au moyen de l’offre de cinq sicles, à payer à un prêtre n’importe où. Ceci pour faire éternellement mémoire du fait qu’au temps de l’Exode, Dieu épargna les premiers-nés des juifs (cf. Ex 13, 11-16).
Il est important d’observer que pour ces deux actes — la purification de la mère et le rachat de l’enfant — il n’était pas nécessaire d’aller au Temple. Pourtant, Marie et Joseph veulent tout accomplir à Jérusalem, et saint Luc montre comment toute la scène converge vers le Temple, et se concentre ensuite sur Jésus qui y entre. Et voici que, précisément à travers les prescriptions de la Loi, l’événement principal devient un autre, c’est-à-dire la « présentation » de Jésus au Temple de Dieu, qui signifie l’acte d’offrir le Fils du Très-Haut au Père qui l’a envoyé (cf Lc 1, 32.35).
Ce récit de l’évangéliste trouve un écho dans les paroles du prophète Malachie que nous avons entendues au début de la première lecture : « “Voici que je vais envoyer mon messager, pour qu’il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ; et l’Ange de l’alliance que vous désirez, le voici qui vient !” dit le Seigneur… Il purifiera les fils de Lévi… et ils deviendront pour le Seigneur ceux qui présentent l’offrande selon la justice » (3, 1.3). Il est clair qu’on ne parle pas ici d’un enfant, et pourtant, cette parole trouve un accomplissement en Jésus, parce que « soudain », grâce à la foi de ses parents, Il a été amené au Temple ; et dans l’acte de sa « présentation », ou de son « offrande » personnelle à Dieu le Père, transparaît clairement le thème du sacrifice et du sacerdoce, comme dans le passage du prophète. L’enfant Jésus, qui est tout de suite présenté au Temple, est le même qui, une fois adulte, purifiera le Temple (cf. Jn 2, 13-22 ; Mc 11, 15, 19) et surtout, fera de lui-même le sacrifice et le prêtre suprême de la Nouvelle Alliance.
Telle est également la perspective de la Lettre aux Hébreux, dont un passage a été proclamé dans la deuxième lecture, de sorte que le thème du nouveau sacerdoce est renforcé : un sacerdoce — celui inauguré par Jésus — qui est existentiel : « Car du fait qu’il a lui-même souffert par l’épreuve, il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés » (He 2, 18). Et ainsi, nous trouvons également le thème de la souffrance, très accentué dans le passage de l’Évangile, lorsque Syméon prononce sa prophétie sur l’Enfant et sur la Mère : « Vois ! Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction, et toi-même [Marie], une épée te transpercera l’âme ! » (Lc 2, 34-35). Le « salut » que Jésus apporte à son peuple, et qu’il incarne en lui-même, passe par la croix, par la mort violente qu’Il vaincra et transformera avec le sacrifice de la vie par amour. Ce sacrifice est déjà entièrement annoncé dans le geste de présentation au Temple, un geste certainement motivé par les traditions de l’Ancienne Alliance, mais intimement animé par la plénitude de la foi et de l’amour qui correspond à la plénitude des temps, à la présence de Dieu et de son Saint Esprit en Jésus. L’Esprit, en effet, plane sur toute la scène de la Présentation de Jésus au Temple, en particulier sur la figure de Syméon, mais également d’Anne. C’est l’Esprit « Paraclet », qui apporte le « réconfort » d’Israël et anime les pas et les cœurs de ceux qui l’attendent. C’est l’Esprit qui suggère les paroles prophétiques de Syméon et d’Anne, paroles de bénédiction, de louange à Dieu, de foi dans son Consacré, d’action de grâce parce que finalement nos yeux peuvent voir et nos bras embrasser « son salut » (cf. 2, 30).
« Lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël » (2, 32) : c’est ainsi que Syméon définit le Messie du Seigneur, au terme de son chant de bénédiction. Le thème de la lumière, qui fait écho au premier et au second poème du Serviteur du Seigneur dans le Deutéro-Isaïe (cf. Is 42, 6 ; 49, 6), est fortement présent dans cette liturgie. En effet, elle s’est ouverte par une procession à laquelle ont participé les supérieurs généraux et les supérieures générales des Instituts de vie consacrée ici représentés, qui ont porté des cierges allumés. Ce signe, propre à la tradition liturgique de cette fête, est très expressif. Il manifeste la beauté et la valeur de la vie consacrée comme reflet de la lumière du Christ ; un signe qui rappelle l’entrée de Marie dans le Temple : la Vierge Marie, la Consacrée par excellence, portait dans ses bras la Lumière même, le Verbe fait chair, venu dissiper les ténèbres de ce monde avec l’amour de Dieu.
Chers frères et sœurs consacrés, vous avez tous été représentés dans ce pèlerinage symbolique qui, en l’Année de la foi, exprime encore plus votre rassemblement dans l’Église, pour être confirmés dans la foi et renouveler le don de vous-mêmes à Dieu. A chacun de vous et à vos Instituts, j’adresse avec affection mes salutations les plus cordiales et je vous remercie de votre présence. Dans la lumière du Christ, à travers les multiples charismes de vie contemplative et apostolique, vous coopérez à la vie et à la mission de l’Église dans le monde. Dans cet esprit de reconnaissance et de communion, je voudrais vous adresser trois invitations, afin que vous puissiez entrer pleinement dans cette « porte de la foi » qui est toujours ouverte pour nous (cf. Lettre apost. Porta fidei, n. 1).
Je vous invite en premier lieu à alimenter une foi capable d’illuminer votre vocation. Je vous exhorte pour cela à vous rappeler, comme dans un pèlerinage intérieur, du « premier amour » par lequel Seigneur Jésus Christ a réchauffé votre cœur, non par nostalgie, mais pour alimenter cette flamme. Et pour cela, il faut demeurer avec Lui, dans le silence de l’adoration ; et ainsi, réveiller la volonté et la joie d’en partager la vie, les choix, l’obéissance de la foi, la béatitude des pauvres, la nature radicale de l’amour. À partir toujours à nouveau de cette rencontre d’amour, vous quittez tout pour être avec Lui et vous placer comme Lui au service de Dieu et des frères (cf. Exhort. apost. Vita consecrata, n. 1).
En second lieu, je vous invite à une foi qui sache reconnaître la sagesse de la faiblesse. Dans les joies et dans peines du temps présent, quand la dureté et le poids de la croix se font sentir, ne doutez pas que la kénose du Christ est déjà victoire pascale. Précisément dans la limite et dans la faiblesse humaine, nous sommes appelés à vivre la conformation au Christ dans une orientation radicale qui anticipe, dans la mesure possible du temps, la perfection eschatologique (ibid., nn. 16). Dans les sociétés de l’efficacité et de la réussite, votre vie marquée par la « minorité » et par la faiblesse des petits, par l’empathie avec ceux qui n’ont pas de voix, devient un signe évangélique de contradiction.
Enfin, je vous invite à renouveler la foi qui fait de vous des pèlerins vers l’avenir. De par sa nature, la vie consacrée est un pèlerinage de l’esprit, à la recherche d’un Visage qui parfois se manifeste et parfois se voile, i>«« Faciem tuam, Domine, requiram » (Ps 26, 8). Que cela soit le désir constant de votre cœur, le critère fondamental qui guide votre chemin, tant dans les petites étapes quotidiennes que dans les décisions les plus importantes. Ne vous unissez pas aux prophètes de malheur qui proclament la fin ou le non sens de la vie consacrée dans l’Eglise de nos jours ; mais revêtez-vous plutôt de Jésus Christ et revêtez les armes de lumière — comme exhorte saint Paul (cf. Rm 13, 11-14) — en demeurant éveillés et vigilants. Saint Chromace d’Aquilée écrivait : « Puisse le Seigneur éloigner de nous ce péril, afin que jamais nous ne nous laissions appesantir par le sommeil de l’infidélité ; mais qu’il nous accorde sa grâce et sa miséricorde, afin que nous puissions toujours veiller en Lui étant fidèles. En effet, notre fidélité peut veiller dans le Christ » (Sermon/i> 32, 4).
Chers frères et sœurs, la joie de la vie consacrée passe nécessairement par la participation à la Croix du Christ. Il en a été ainsi pour la Très Sainte Vierge Marie. Sa souffrance est la souffrance du cœur qui ne fait qu’un avec le Cœur du Fils de Dieu, transpercé par amour. Que de cette blessure jaillisse la lumière de Dieu, et qu’également des souffrances, des sacrifices, du don d’eux-mêmes que les personnes consacrées vivent par amour de Dieu et des autres, rayonne la même lumière qui évangélise les nations. En cette Fête, je souhaite en particulier à vous, personnes consacrées, que votre vie ait toujours le goût de la parrhésie évangélique, afin qu’en vous, la Bonne nouvelle soit vécue, témoignée, annoncée et resplendisse comme Parole de vérité (cf. Lettre apost. Porta fidei, 6). Amen.

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