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LA PRIÈRE DES PSAUMES

7 février, 2017

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LA PRIÈRE DES PSAUMES

Soeur Étienne Reynaud de Pradines

Le livre des Louanges
La prière des psaumes n’est pas réservée aux moines et aux moniales, c’est l’élément de base de la prière chrétienne, en tout cas de l’Église en prière.
Il faut reconnaître pourtant que les moines et moniales, plus que d’autres, ont mis la prière des psaumes au rang des observances privilégiées, célébrant sept fois le jour les louanges de Dieu. De même que la matrone romaine donnait à sa servante au début de la journée son pensum, c’est-à-dire une certaine quantité de laine à filer, de même saint Benoît donne-t-il à la communauté monastique un certain nombre de psaumes à dire, nuit et jour.
Mais comment la communauté se construit-elle en se tenant ainsi à la psalmodie ? La vie fraternelle «en présence des anges» serait-elle aussi angélique qu’elle en a l’air ? Ou est-ce que se tenir à la psalmodie ne maintiendrait pas plutôt la communauté dans une solidarité vraie avec le monde ?
Pour ne pas rester à une réflexion seulement théorique, j’ai choisi de faire appel à un pratiquant qui n’est pas pour nous un modèle mais un frère et un témoin crédible, Frère Christophe, moine de Tibhirine en Algérie, mort égorgé avec 6 de ses Frères le 21 mai 1996, dont je citerai plusieurs fois le Journal.

Psalmodier ensemble

L’introduction de la psalmodie en deux choeurs alternés dans les diverses Églises d’Orient et d’Occident est un fait important dans les annales de la liturgie. Il confirme que la liturgie est la prière «à l’état social», une prière qui correspond à la nature visible du Corps de l’Église. Ce n’est pas un exercice de piété individuel. La psalmodie donne à voir un espace organisé selon un dispositif qui peut varier selon les monastères, mais qui toujours sépare et réunit deux choeurs qui se renvoient alternativement les versets des psaumes. Le choeur décrit un espace qui est là mais qui n’est pas de là. Car, au milieu de la communauté qui prie, se tient «Quelqu’un» et entre elle et Lui, il y a du jeu ! La psalmodie donne à entendre une manifestation vocale la plus pro­che possible de la récitation parlée, entièrement régie par la parole poétique, dont l’unité de base et de sens est le verset ; par la bonne diction, sur une formule mélodique toujours répétée, des syllabes et des mots ; par le balancement des membres parallèles, l’harmonieuse succession des versets ou des strophes. La psalmodie est un exercice avant d’être un chant, une «discipline», c’est une manière de dire ensemble le psaume, c’est l’acte d’un corps priant d’une seule voix portée par un même souffle, selon le jeu d’une alternance à la fois régulière, alerte et calme. Dans la psalmodie, ce qui relève du rythme est premier. Rythme verbal fondé sur un parlé non routinier, qui mâche et goûte les mots sans avaler les syllabes, sans précipitation mais aussi sans lenteur ni mollesse qui engluent la parole. Une telle psalmodie est évidemment la manifestation vocale d’une manière de vivre, d’une vie régulière et commune, menée à un rythme soutenu et sur un mode qui articule trois pôles : chacun, tous ensemble et les uns et les autres. Déjà au XIIème siècle, en voyant une communauté psalmodier à l’unisson, Guillaume de Saint-Thierry ne pouvait retenir cette exclamation : «Les frères semblent offrir et consacrer à Dieu, pour une semblable consonance, une mélodie de vies, de mœurs, de bonnes affections, composées non point d’après les règles de la musique mais d’après celles de la charité». Nous savons bien ce que cette mélodie de vies exige de chacun au quotidien. Quand nous nous tenons debout pour psalmodier, il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que notre esprit concorde avec notre voix, mais aussi de nous établir dans un juste rapport les uns aux autres. C’est cette vérité qui s’exprime à plusieurs reprises dans le Journal de Frère Christophe :
• « Impatience et agressivité non contenues à l’office. On me dira : c’est pas le lieu ni le moment. Plutôt : profiter du dire des psaumes et me laisser aller plus loin… jusqu’à cette force reçue de pouvoir dire ensemble Notre Père ».
• « Turbulences dans le choeur. Tenir bon : voix posée. On m’a demandé de servir à cette place. Ne pas me dérober trop vite… »
• « Hier soir, gros orage dans le chœur à Vêpres ! J’aspire, tu le sais, au Chant nouveau. Et personne n’a pu apprendre ce chant sinon les 144 000 rachetés du monde ».
On le voit, il faut parfois beaucoup de courage pour tenir bon, pour tenir ensemble à la psalmodie. Car même à l’office peuvent se manifester les turbulences, impatiences et agressivités qui existent dans la communauté. Le choeur est un lieu de conversion et Frère Christophe le note avec lucidité : « Je vois pour ma part que les lieux où la violence s’exprime au préjudice de l’un ou de l’autre, et de la communauté, sont aussi ceux où elle peut se convertir peu à peu : dans la liturgie, en chants et paroles priants, dans le travail en force dépensée, donnée dans la vie fraternelle en charité».

Psalmodier avec sagesse

Pratique communautaire, la psalmodie laisse à chacun la liberté de faire une expérience originale que l’on pourrait qualifier à la fois de psychosomatique, de spirituelle et de mystique. Si le Psautier a été si cher à la tradition chrétienne, c’est justement à cause de son extraordinaire pouvoir de modeler celui qui psalmodie à l’image du seul vrai Psalmiste, le Christ. « Psalmodiez avec sagesse » comme dit la Règle de saint Benoît, c’est psalmodier non seulement avec art, avec intelligence, avec zèle, avec goût, mais aussi avec profit ; « en profitant du dire des psaumes », comme l’écrit si bien Frère Christophe, pour se laisser travailler, guérir, transformer. Selon saint Athanase, évêque d’Alexandrie au IVème siècle, « celui qui psalmodie correctement règle son âme ». De fait, comme production vive, la psalmodie a un pouvoir stimulant et régulateur. C’est un exercice qui, en associant les mots au rythme et au chant, apaise et met de l’ordre dans l’âme. Les anciens ont été très sensibles à ce pouvoir qu’a la musique d’introduire de l’ordre, par la médiation du temps, de la respiration, du souffle; de « trou­bler l’être intérieur s’il est trop sec et de l’apaiser si l’émotion le submerge ». Mais la grâce propre au livre des Psaumes c’est surtout de révéler à chacun les mouvements de son âme. En effet, le Psautier possède en propre cette aptitude merveilleuse : les mouvements de chaque âme, les changements et redressements de celle-ci y sont enregistrés et décrits. Les psaumes permettent au coeur humain d’exprimer devant Dieu en toutes circonstances ce qui l’habite : désirs, plaintes, questions, peurs et même violence. Ils nous donnent le droit de parler à Dieu de notre existence concrète, à partir d’un corps désirant et fragile, c’est-à-dire comme Jésus parle dans son humanité. C’est en cela qu’ils exercent, selon saint Athanase, une fonction thérapeutique, si bien que l’on peut parler de la psalmodie comme d’une « psalmothérapie » ! « Les psaumes permettent au lecteur de saisir en chacun d’eux ses propres passions et sa psychologie et sur chaque problème la règle et la doctrine à suivre… il apprend ce qu’il lui faut dire et faire pour guérir son mal. Profiter du dire des psaumes, c’est, finalement, pour saint Athanase, se laisser travailler et traverser par le souffle qui les a inspirés et qui est l’Esprit même de Jésus priant filialement le Père. » En nous permettant d’avoir en nous les sentiments qui furent en lui aux jours de sa chair, la psalmodie nous rend littéralement conformes au Christ.
C’est en donnant maintenant la parole à Frère Christophe que je voudrais montrer à partir d’exemples concrets comment la psalmodie façonne jour après jour une existence conforme au Christ.
En la fête des Saints Innocents, le 28 décembre 1993 – quelques jours après la première incursion dans le monastère des hommes du GIA, la nuit de Noël, Frère Christophe écrit : « Au commun des martyrs… cette nuit, nous avons chanté le psaume 32. Le verset 11 m’a réveillé : Le plan du Seigneur demeure pour toujours, les projets de son coeur subsistent d’âge en âge. Et je lis la suite avec délice : Heureux (en marche) le peuple dont tu es le Seigneur.
En marche les humiliés du souffle. Oui, tu nous fais courir au chemin de tes ordres… Pas si facile à entendre bien. Nous sommes un corps à l’écoute ».
Un an après, le 29 décembre 1994, le lendemain de l’assassinat de quatre Pères Blancs à Tizi-Ouzou : « À Vigiles, j’ai chanté et j’ai reconnu ton chant, ta force sur mes lèvres (mon corps finira-t-il par s’accorder en toute justesse et beauté ?) : Guerrier valeureux, porte l’épée de noblesse et d’honneur. Ton honneur, c’est de courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité ».
Au début de l’année 1995, alors que l’armée entoure le monastère pour le protéger « de son bras musclé , frère Christophe, continue de méditer sur la mort d’Alain, Jean, Charlie, Christian, tes disciples assassinés : J’ai à prier en ami pour vos assassins. Laudes : Face à mes ennemis s’ouvre ma bouche. Demander cette grâce de parole désarmée, nue, droite ».
Frère Christophe trouve dans les Psaumes chantés en situation liturgique les mots qui expriment et éclairent ce qu’il est en train de vivre dans la situation de violence en Algérie. Il en est impressionné – dirait saint Athanase – comme s’il parlait lui-même de lui-même. Il prononce des paroles qui semblent avoir été écrites pour lui et qui le concernent. Pour lui, psalmodier avec sagesse, c’est se laisser réveiller par un verset de psaumes qui prend tout à coup saveur d’Évangile et qu’il goûte avec délice ; c’est y reconnaître le chant du Christ sur ses propres lèvres et y accorder son cœur ; c’est le faire sien et en recevoir la grâce d’une parole désarmée, face à ses ennemis.

Une psalmodie solidaire

Je voudrais poursuivre en évoquant une autre expérience de la psalmodie comme acte lié à l’identité même de la communauté monastique. « Je vois bien, écrit Frère Christophe, que notre mode particulier d’existence – moines en communauté – eh bien, ça résiste, ça tient et ça vous maintient. Ainsi, pour détailler un peu, l’office : les mots des psaumes résistent, font corps avec la situation de violence, d’angoisse, de mensonge et d’injustice. Oui, il y a des ennemis. On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu’on les aime, sans faire injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s’accroît. Dieu saint, Dieu fort, viens à notre aide. Vite, au secours ! » Oui, les mots des psaumes résistent et c’est pour cela que la communauté monastique se tient au coeur de l’actualité la plus brûlante, celle dont parlent les journaux et la télévision. Plus profondément, dans le coeur du Christ, elle se tient dans une solidarité qui donne la parole aux humiliés, aux opprimés, aux pauvres.
C’est en moine psalmodiant que Frère Christian, prieur de Tibhrine, s’exprime dans le journal «La Croix» du 24 février 1994, peu après le massacre des douze techniciens croates égorgés à l’arme blanche près du monastère : « C’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, qu’on nous traite en bétail d’abattoir. Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu Seigneur ? C’est ce psaume 43 qui accompagnait notre office, ce mercredi-là, comme les autres mercredis. Mais il prenait une actualité bouleversante. Nous venions tout juste d’apprendre le massacre de la veille au soir. Ignorant alors ce qui allait se passer, nous avions chanté, sans doute machinalement, un autre verset de psaume qui prenait sens tragiquement, là, à notre porte : Ne laisse pas la Bête égorger la Tourterelle, n’oublie pas sans fin la vie de tes pauvres ».
Frère Christophe, quelques jours plus tard dans son Journal, fait appel au même psaume pour inscrire l’actualité de la violence dans le monde et au plus près du monastère. Il le fait de telle manière qu’on saisit sur le vif le rapport fécond entre psalmodie au choeur et rumination des psaumes dans la prière continuelle, en lien avec les événements : « Jour après jour il faut continuer d’encaisser les coups de l’Adversaire. Dans la mosquée d’Hébron, l’ennemi a tout saccagé, il a rugi dans une assemblée de maronites au Liban, et autour de nous, la demeure de ton Nom – l’homme vivant – est profanée. On coupe les têtes, on égorge. Prier. À Jérusalem, au Liban, en Algérie, à Sarajevo… partout, c’est dangereux. Le priant est vulnérable, désarmé. » Voilà comment les mots d’un psaume, proférés de bouche durant l’office, font leur chemin dans le coeur du moine. Il s’est laissé gagner par ce qu’il a dit, et comme dans le coeur de Marie, la parole a pris chair.
Elle a pris ce jour-là, l’épaisseur de l’histoire tragique vécue par des hommes et des femmes à Jérusalem, au Liban, en Algérie, à Sarajevo, cette histoire humaine assumée par Jésus, l’Agneau égorgé – la Tourterelle du psaume 73 – désarmé et cependant pour toujours vainqueur de la Bête.
Et pour conclure ces quelques réflexions, je laisserai encore résonner les mots du psaume sur lesquels s’a­chève le Journal de frère Christophe, le 19 mars 1996, huit jours avant l’arrestation des sept Frères: « Saint Joseph. J’ai été heureux de présider l’Eucharistie. J’ai comme entendu la voix de Joseph m’invitant à chanter, avec lui et l’Enfant, le psaume 100 : Je chanterai justice et bonté… J’irai par le chemin le plus parfait. Quand viendras-tu jusqu’à moi… Je marcherai d’un coeur parfait ». La psalmodie fait entrer dans une longue lignée de priants, d’obscurs témoins d’une espérance. Invités à chanter avec eux et « l’Enfant », la communauté monastique et chacun de ses membres y puisent l’élan pour se hâter vers la partie céleste et y parvenir tous ensemble.

Soeur Étienne Reynaud
Moniale bénédictine de Pradines

LA COMPRÉHENSION ET LA FOI

7 février, 2017

http://www.lelivredevie.com/les-regles-de-l-existence/la-comprehension-et-la-foi.php

LA COMPRÉHENSION ET LA FOI

(1) Au-dessus de tout, l’homme doit veiller sur l’ensemble des êtres que Dieu a placés sous ses pieds.

Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, dit David,
La Lune et les étoiles que tu as créées :
Qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ?
Et le Fils de l’homme, pour que tu prennes garde à lui ?
Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu,
Et tu l’as couronné de gloire et de magnificence.
Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains,
Tu as tout mis sous ses pieds,
Les brebis comme les boeufs,
Et les animaux des champs,
Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
Tout ce qui parcourt le sentier des mers.
Éternel, notre Seigneur !
Que ton nom est magnifique sur toute la Terre !

Tirée des psaumes, cette citation exprime la grandeur humaine. Toutefois, vous seuls, les élus, en mesurez les profondeurs. En effet, attribuant le sens de la vie au hasard qui aurait fait évoluer la bête en homme, et croyant que le Seigneur Dieu qui crée toutes choses est une légende, les athées ne peuvent nullement avancer dans la connaissance. Comment alors pourraient-ils savoir que les hommes sont de peu inférieurs aux anges ? Au rang des insensés ils sont, à leur rang ils resteront.

Sur les aptitudes des élus
(2) Vous convenez maintenant qu’il faut peu de réflexions sur l’activité de la matière pour comprendre la formation des satellites, des planètes, du Soleil et de toutes les étoiles. Il est pour cela incontestable que l’homme saint d’esprit peut appréhender le cycle perpétuel de la matière et faire envoler le mystère de l’éternité, comme nous l’avons fait. Après quoi, il sait que l’âme est le fruit du vécu, destinée à des renaissances. Il perçoit l’existence de l’âme comme il perçoit l’existence du Soleil, c’est-à-dire à partir de tout ce qui amène à elle. Ce qui met alors un terme à la mort. Ainsi, devant lui, ne reste que la vie éternelle, qu’il acquiert aisément en s’élevant jusqu’au Créateur.
(3) Veillez alors à ne point vous mésestimer, vous qui faites cette ascension, parce que vous êtes comme moi : ce que je vois, vous le verrez ; ce que je fais, vous le ferez ; et là où je suis, vous y viendrez. Interrogez celui qui escalade une montagne jusqu’à son sommet. Il vous dira que d’en haut et dans la pureté des cimes, il voit toutes choses fort loin. Il en est de même pour celui qui s’élève jusqu’au sommet de la montagne de l’Éternel, depuis lequel il voit d’en haut ce qui ne peut être vu d’en bas. Et c’est là où vous me rejoindrez avant d’aller dans le royaume, car le rachat de votre âme dépend de cette élévation, que chacun de vous, les circoncis, peut effectuer avec facilité.

Sur l’identité des enfants de Dieu
(4) Vous devez aussi savoir que la foi n’est pas suffisante pour ouvrir les yeux et ressusciter, parce que seule la compréhension de la science de Dieu réalise ce prodige. Et c’est après avoir ressuscité que vous irez dans le royaume où vous ne pourrez plus mourir. Si donc vous mourez conformément à ma mort et ressuscitez conformément à ma résurrection, la mort ne pourra plus vous atteindre. Cela aussi l’Écriture en témoigne.
(5) Mais si vous ne parvenez pas à vous convaincre que je suis le premier-né d’entre vous, comment pourrez-vous savoir qui vous êtes sur Terre ? Vous ignorerez alors pourquoi le royaume annoncé arrive aujourd’hui. Et c’est aussi en raison de cela que Jean dit, dans son épître :
Et maintenant, petits enfants (c’est vous), demeurez en lui, afin que, lorsqu’il paraîtra, nous ayons de l’assurance, et qu’à son avènement nous ne soyons pas confus et éloignés de lui.
Puis il ajoute par ailleurs :
Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est.

(6) Indépendamment du fait qu’il annonce, là aussi, la venue du Fils, Jean parlerait-il de la sorte s’il avait assisté à l’avènement de Jésus autrement que par l’esprit ? Cet avènement, dont le but est d’emmener les circoncis de coeur sous de nouveaux cieux, ne peut se produire que le jour où l’homme peut saisir sa propre nature. Ceux qui s’éclairent ce jour-là comprennent en effet qu’ils sont semblables au Fils, parce qu’ils voient qu’il est lui-même semblable à tous les hommes et le plus moyen d’entre eux. Faites donc de lui votre bannière et votre salut, parce qu’il est le maître de justice que le monde devait recevoir pour le jour où la Terre serait visitée. Et vous êtes arrivés dans ce jour-là.

(7) Dès le départ, je vous ai fait comprendre que la venue de cet homme (du Schilo) se produit le moment venu dans chaque monde du ciel, sans quoi ce monde périrait. Et, bien qu’il soit placé à la tête du monde par les prophètes, ce fils, que le Très-Haut a oint, est un homme accessible par quiconque.
(8) Si je reparle de vous tous les élus et du Fils, c’est afin que la gloire de Dieu éclate sur la Terre entière ; car sa gloire est la manifestation de son peuple, et la pâque assurément ! J’ai longuement expliqué que la pâque consiste à manger l’agneau et à effectuer le passage du monde de ténèbres dans le monde de lumière qui commence. Voilà pourquoi vous devez manger le pain du ciel que le Fils représente en lui-même (comme si vous mangiez sa chair) et boire ses paroles (comme si vous buviez son sang), car tout est vrai dans sa bouche.
(9) C’est pourquoi, ce n’est nullement pour l’un de ceux qui règnent, ni pour quiconque d’autre, qu’il est écrit dans le quarante-cinquième psaume :

Ton trône, ô Dieu, est à toujours ;
Le sceptre de ton règne est un sceptre d’équité.
Tu aimes la justice, et tu hais la méchanceté :
C’est pourquoi, ô Dieu, ton Dieu t’a oint
D’une huile de joie, par privilège sur tes collègues.

Effectivement, celui que le prophète appelle Dieu, comme Dieu, aime la justice et hait la méchanceté. Et ceux qu’il vient combattre avec son épée à double tranchant en mesureront les effets. Peut-être sauront-ils alors pourquoi Josué (le chef des hébreux) se prosterne en personne devant cet homme qui se tient soudainement debout devant lui, son épée nue dans la main, et auquel il demande :

Es-tu des nôtres ou de nos ennemis ? Il répondit : Non, mais je suis le chef
de l’armée de l’Éternel, j’arrive maintenant. Et Josué tomba le visage
contre terre et se prosterna à nouveau.
Certes, je ne vous demande point d’agir de même, vous qui êtes semblables au Fils, car vous connaissez encore mieux que Josué celui qui vient combattre le monde avec son épée. Comprenez seulement le sens de ce qui est montré ici par l’Écriture.

Sur l’homme et la femme
(10) Toutefois, pour que votre résurrection soit accomplie et que le nouveau monde devienne réalité, vous devez également avoir une compréhension parfaite des caractéristiques de l’homme et de la femme que Dieu se choisit. Tout d’abord, pour définir leur nature et leur caractère, revenons momentanément en arrière, pour nous apercevoir qu’ils sont comparables à l’image du courant créatif, composé d’un côté par l’apport et de l’autre par la dépense. En cela, on peut comparer Adam au Soleil qui apporte, et Eve à la planète qui dépense. On reconnaît ainsi les éléments distinctifs propres à chacun d’eux, ainsi que le tout qu’ils forment ensemble et qui leur permet de procréer.
(11) Il a été longuement expliqué que sans dépense il ne peut y avoir d’apport et que sans apport il ne peut y avoir de dépense, et que tous deux sont le principe d’existence des astres et des êtres. Par conséquent, il n’y a aucune supériorité ou infériorité de l’une de ces deux parties de sens contraires et similaires. Il ne faut donc pas voir la femme inférieure à l’homme ou l’homme inférieur à la femme, d’autant que de telles pensées ne peuvent être que la manifestation d’une grande déficience du raisonnement.
(12) Certes, l’homme est supérieur à la femme pour porter des sacs de grains, et la femme est supérieure à l’homme pour faire des ouvrages délicats, car leur rôle dans la vie est complémentaire. Le fameux principe d’existence avec lequel nous avons démontré l’univers, indique à qui veut le voir que, dans leur couple, l’homme est esprit et la femme est vie. C’est d’ailleurs parce qu’il en est bien ainsi que, partout où il n’y a point de femmes, tout semble mort. Mais parce qu’elle est vie, il est naturel qu’elle soit davantage attachée aux choses matérielles dont elle a immédiatement besoin pour sa famille, qu’à l’étude des choses spirituelles qui incombe davantage à l’homme auquel elle se confie. Ainsi, la femme se préoccupe plus des choses immédiates que des choses à venir qui concernent davantage son époux. Ce qui, parfois, peut les entraîner dans quelques petits malentendus…
(13) Remarquez avec attention que l’homme produit ce dont sa famille a besoin (comme le fait le Soleil), et que la femme reçoit ce qu’il lui donne et qu’elle prépare pour tous les siens (comme le fait la terre). On voit ainsi que la femme est le pivot de la famille. C’est pourquoi l’homme produit et apporte, tandis que la femme reçoit et dépense, même pour enfanter. Telle est leur condition. Et tout est bien ainsi, car il s’agit de l’ordre originel dans lequel, à la manière des astres, chacun trouve sa place, son rôle, sa joie.

Sur le polissage des mœurs
(14) Étant Adam que Dieu appelle sur le soir, je connais Eve. C’est pourquoi je dis que la femme n’est vraiment heureuse que lorsqu’elle se trouve sous les regards de l’homme dont elle est éprise et sous l’aile protectrice duquel elle se range pour fonder une famille. Il s’agit là d’un besoin essentiel de la femme, qui découle de l’ordre même du principe d’existence.
(15) Mais, dans ce monde de confusion, j’ai constaté que beaucoup d’hommes employaient parfois des méthodes singulières pour exercer quelque autorité sur leur épouse. Je vis, selon les peuples, les uns enfermer leur femme et leurs filles de peur qu’elles ne s’éloignent, d’autres les couvrir d’un sac de la tête aux pieds pour qu’on ne puisse voir leurs formes et leur visage ; et un très grand nombre, en tous pays, avoir moins de considération pour la femme qu’ils n’en avaient pour le bétail. Je vis cela dans ce monde qui s’achève, et que les femmes se désespéraient de ne point voir leur seigneur dans leur mari.
(16) Si les filles n’étaient pas conduites sur les sentiers de la corruption, mais dans les voies de Dieu, nul n’aurait besoin d’avoir recours à de telles pratiques, car la femme qui craint Dieu est toujours exemplaire dans sa conduite. Vous donc les fils de Sion, vous devez beaucoup changer pour que vos épouses trouvent en vous celui auprès duquel il fait bon vivre. Car vous les entraîniez bien souvent dans ce qui leur occasionnait souffrance et amertume. En obéissant à vos pasteurs de néant et à tous ceux qui gouvernent, vous faisiez mourir leurs enfants sous leurs yeux ; et vous les emmeniez dans les brumes jusqu’à ce qu’elles se retrouvent seules, désespérées et sans devenir. Tout cela augmentait la douleur de leur grossesse, parce qu’elles éprouvaient beaucoup d’angoisse d’enfanter dans un monde de ténèbres, voué à disparaître. Et c’est bien ce que Dieu prédit à Eve au matin du monde, lorsqu’il lui dit qu’il augmenterait les douleurs de ses grossesses pour s’être laissée séduire par les paroles enchanteresses du serpent ; et pour avoir, après cela, entraîné son mari à faire ce qu’il ne faut pas.
(17) C’est pourquoi, vous les femmes insouciantes, si vous aviez écouté Dieu et non ceux qui s’emparent de vos enfants dès leur naissance, aujourd’hui vous n’enfanteriez pas dans la douleur, mais dans la joie. Et pour être constamment à la recherche de ceux qui perdent le monde, vous êtes grandement coupables de ce qui arrive. Cela, parce que vous n’avez d’yeux que pour les riches et ceux qui sont élevés, alors qu’ils sont les pires hommes que la Terre ait enfantés. C’est pourquoi, bien que je vous pardonne vos péchés, sachez que vous n’êtes point étrangères aux malheurs qui s’abattent sur le monde. Ne pouviez-vous lire les psaumes, Ésaïe, les proverbes, et la loi, disant : tu ne mentiras point ? Tu ne convoiteras point ce qui appartient à autrui ? Tu ne commettras point d’adultère ? Apparemment, ce n’est point ce que vous pratiquiez lorsque vous convoitiez les maris de vos semblables, malgré la souffrance que cela occasionnait sur vos soeurs, en faisant de leurs petits enfants des victimes innocentes.
(18) On ne bâtit pas sa demeure sur le malheur d’autrui, femmes, car quiconque fait cela est maudit de Dieu. Je ne vous accable pas. Je montre pourquoi beaucoup d’entre vous sont devenues insensibles aux maux d’autrui, vénales, effrontées, impudiques, orgueilleuses, hautaines, jalouses, médisantes, et desquelles il faut se méfier ! Cupides et insatiables, ces femmes-là ne pensent désormais qu’à l’argent, au paraître, à la séduction et aux plaisirs de la chair. Et bien que je parle ainsi, je ne salis pas vos visages ; je les lave au contraire, parce qu’ils en ont besoin au soir du monde. Si le Fils ne le fait pas, qui le fera ? Et s’il ne le faisait, qu’adviendrait-il de vous ?
(19) La récolte de ce monde n’aura pas lieu, femmes, il n’a aucun fruit à vous donner. Et Ésaïe vous le dit haut et fort :

Femmes insouciantes,
Levez-vous, écoutez ma voix !
Filles indolentes,
Prêtez l’oreille à ma parole !
Dans un an et quelques jours,
Vous tremblerez, indolentes ;
Car c’en est fait de la vendange,
La récolte n’arrivera pas.
Soyez dans l’effroi, insouciantes !
Tremblez, indolentes !
Déshabillez-vous, mettez-vous à nu
Et ceignez vos reins !

(20) Ésaïe est en colère contre vous, et il n’a pas tort. Mais pourquoi dit-il que vous tremblerez dans un an et quelques jours et que c’en est fait de la vendange ? Parce que cette parole, qui fut écrite hier pour être entendue aujourd’hui, indique que vous tremblerez dans les jours qui suivent l’avènement du Fils de l’homme. L’année qui suit ma venue dans le monde, est une année de grâce de la part du Seigneur, une année de calme pour que l’homme lève les yeux de ses travaux et me regarde. C’est après qu’il tremble ; et c’est pour la même raison qu’il est écrit que la Terre tremble lorsque le Fils est crucifié. Et vous les femmes, vous n’y êtes pas étrangères. Je vous pardonne volontiers cependant, parce que vous n’aviez pas conscience de ce que vous faisiez dans ces temps de l’ignorance où personne ne discernait rien. Aussi, ne craignez pas, les prophètes vous gourmandent pour vous faire lever et vous sauver. Ceignez donc vos reins comme Ésaïe vous le demande, et ne persistez pas dans les voies des fils de la perdition. Pensez à la circoncision du coeur de l’homme pour ne plus vous tromper dans vos choix, car tout ce qui n’est pas du domaine du coeur est accessoire.
(21) Pour connaître Dieu, il faut connaître toute la vérité comme je l’enseigne dans le temple. C’est pourquoi beaucoup sont dignes de mon pardon aujourd’hui, même si elles ont mâchuré leurs joues et leur front. Marie est donc le nom de toutes les circoncises de coeur qui, aujourd’hui, naissent de Sion. Si donc vous portez la grâce du Père sur vos visages, en étant douces, discrètes, dévouées, avenantes, zélées, pleines d’allant, croyantes, exemplaires dans le langage, la tenue et la conduite, ne craignez rien d’ici la fin ; vous êtes des filles du ciel que Dieu protège jalousement.
(22) Cependant, il vous faut savoir que le Père se détourne de celles qui ne cultivent pas leur féminité et qui veulent gouverner, car cette façon d’être est contraire au principe d’existence et à son ordre. La planète commande-t-elle le Soleil ? Il n’en est rien. Et cela doit être semblable pour les femmes envers les hommes, sinon elles sont contre nature et vont à la perdition.
(23) Soyez donc comme celles que je décris et qui sont féminines, désireuses d’apprendre, délicates, fidèles, vaillantes, belles à contempler et humbles comme les petits enfants ; parce que c’est ainsi qu’on appartient au peuple de Dieu et au monde des anges ! Eloignez-vous alors de celles qui s’évaluent à un prix fort élevé, et qui sont versatiles, volages, indiscrètes ; et aussi de celles qui commettent l’adultère. Tenez-vous pareillement à l’écart de celles qui affirment qu’on ne vit qu’une fois et qui perdent leur âme avec de telles pensées, car elles croient alors que tout est permis. Ce sont ces femmes-là qui nuisent au monde car, en piétinant les valeurs, elles tarissent les sources du bonheur.

Sur la prière
(24) Ce n’est qu’en sachant ce que l’on est, que l’on sait ce que l’on fait. C’est pourquoi, vous tous qui naissez de Sion derrière moi, je vous montre qui vous êtes et vous place sur la voie avec des commandements simples, afin que vous ne détruisiez plus la Terre et vos âmes. Toutefois, ce n’est pas moi, mais Dieu qui sonde vos coeurs et qui guidera vos pieds jusque dans son royaume. Vous devez alors prier le Père seul, et non son fils ni personne d’autre.
(25) Et quand vous priez Dieu de vous aider à surmonter un moment difficile, faites-le en secret, à l’abri des regards. N’agissez pas comme les hypocrites religieux qui font semblant de prier le Père en remuant les lèvres et en déformant leur visage, pour qu’on les observe et que l’on voit combien est douloureuse leur foi et immense leur souffrance… Ces gens-là, le Fils les méprise et le Père les abomine ! Je vous montre ce qu’il en est pour que Dieu exauce vos prières. Sinon, il ne vous entendra pas, il détournera de vous ses regards, comme il le fait envers ces hypocrites. Mais si vous avez toujours le coeur et l’esprit de votre jeunesse, et si vous aimez Dieu de toute votre âme, alors, avant même que vous lui demandiez quelque chose, vous serez exaucés.
(26) La prière consiste à s’adresser au Père avec déférence, secrètement et sans intermédiaire. Et quand on le sollicite, il faut le faire en silence, sans feindre et avec humilité. Pour cela, il n’existe ni heure, ni jour, ni édifice, ni lieu, ni pays particulier pour prier Dieu. Mais que celui qui ne l’aime pas d’un coeur pur, ne le prie pas, car c’est Sa colère qu’il attirerait sur lui ! Sachez donc que la prière est toujours individuelle et jamais collective, et que seule est entendue celle qui est faite avec sincérité et en secret. C’est pourquoi ceux qui prient en se donnant en spectacle, n’entreront pas dans le royaume d’où ils sont exclus.

Sur les devoirs envers Dieu
(27) Les personnes qui font semblant de prier Dieu, sont aussi celles qui veulent toujours descendre dans les profondeurs de la vie, sans même en connaître la surface ! Vous n’êtes pas sur Terre pour vous abîmer l’esprit dans ce qui est du ressort du Créateur, ni pour connaître la vie qui est en vous, mais pour profiter de tout ce qui est bon. Or, dans ce monde agité et sans lumière, beaucoup s’enferment dans des murs au nom d’une religion ou d’une conviction, pour méditer et servir Dieu, disent-ils ! Mais vous, les élus, écoutez-moi ! Si vous aviez un frère ou une soeur qui s’enferme de la sorte pour servir votre père, en quoi le servirait-il ? Et comment votre père les regarderait-il ? Non, ceux qui se retirent ainsi du monde, en vivant hommes avec hommes et femmes avec femmes, ou qui se retirent du monde pour vivre seuls, ne sont pas des serviteurs de Dieu. Ce sont au contraire des paresseux et des lâches qui préfèrent abandonner les leurs et s’abstenir de tout, plutôt que de fonder une famille pour l’Éternel.
(28) Celui qui veut servir Dieu, commence par épouser l’une de ses filles. Celui-là ne se retire pas loin du monde et ne s’abstient pas d’agir ; car s’il commet une faute il la corrige, s’il pèche il se repent, et s’il commet une mauvaise action par inadvertance, la loi est là pour le redresser. Son âme ne risque pas de se perdre, alors qu’elle se meurt en n’ayant pas à choisir entre le bien et le mal. En effet, avec quel vécu les ermites peuvent-ils former les précieuses écritures de l’âme qui sont destinées à la vie éternelle ? En contemplant leurs souliers ? En chantant des cantiques ? En se parfumant le crâne ? Il les fallait assurément, mais seulement pour que le Fils montre qu’ils font partie du néant et que dans le néant ils resteront. Car, que font-ils d’extraordinaire, et de quoi le Père peut-il leur savoir gré ? Ils se sont retirés, mais pour s’exclure du royaume et de la vie éternelle. Si donc ils persistent et ne se repentent, les portes du royaume leur resteront fermées.
(29) Adam et Eve doivent s’épouser pour fonder une famille. Ne pas le faire, c’est rester seul, dépourvu de toute utilité, jusqu’au point de préférer la mort. Ce qui en conduit beaucoup à dire : Je ne sers à rien sur cette Terre ! Ou bien : Que la vie est difficile ! Ou encore : Comment dois-je vivre ? N’était-ce pas vos cris ? Pour que cela cesse, Dieu m’envoie pour vous éclairer sur le masculin et le féminin, et pour vous donner une loi qui fait descendre la paix sur le monde entier. Acceptez donc ma venue, et ne mésestimez pas les conseils que je vous donne.