Archive pour le 1 février, 2017
FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR – HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
1 février, 2017MESSE AVEC LES MEMBRES DES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET DES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE
EN LA FÊTE DE LA PRÉSENTATION DU SEIGNEUR
- XVIIe JOURNÉE DE LA VIE CONSACRÉE
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique vaticane
Samedi 2 février 2013
Chers frères et sœurs !
Dans son récit de l’enfance de Jésus, saint Luc souligne que Marie et Joseph étaient fidèles à la loi du Seigneur. Avec une profonde dévotion, ils accomplissent tout ce qui est prescrit après la naissance d’un garçon premier-né. Il s’agit de deux prescriptions très anciennes : l’une concerne la mère et l’autre l’enfant nouveau-né. Pour la femme, il est prescrit de s’abstenir des pratiques rituelles pendant quarante jours, et d’offrir ensuite un double sacrifice : un agneau en holocauste, et un pigeon ou une tourterelle pour le péché ; mais si la femme est pauvre, elle peut offrir deux tourterelles ou deux pigeons (cf. Lv 12, 1-8). Saint Luc précise que Marie et Joseph offrirent le sacrifice des pauvres (cf. 2, 24), pour souligner que Jésus est né dans une famille de gens simples, humble mais très croyante : une famille appartenant aux pauvres d’Israël, qui forment le véritable peuple de Dieu. Pour le fils premier-né, qui, selon la loi de Moïse, est la propriété de Dieu, le rachat était en revanche prescrit et établi au moyen de l’offre de cinq sicles, à payer à un prêtre n’importe où. Ceci pour faire éternellement mémoire du fait qu’au temps de l’Exode, Dieu épargna les premiers-nés des juifs (cf. Ex 13, 11-16).
Il est important d’observer que pour ces deux actes — la purification de la mère et le rachat de l’enfant — il n’était pas nécessaire d’aller au Temple. Pourtant, Marie et Joseph veulent tout accomplir à Jérusalem, et saint Luc montre comment toute la scène converge vers le Temple, et se concentre ensuite sur Jésus qui y entre. Et voici que, précisément à travers les prescriptions de la Loi, l’événement principal devient un autre, c’est-à-dire la « présentation » de Jésus au Temple de Dieu, qui signifie l’acte d’offrir le Fils du Très-Haut au Père qui l’a envoyé (cf Lc 1, 32.35).
Ce récit de l’évangéliste trouve un écho dans les paroles du prophète Malachie que nous avons entendues au début de la première lecture : « “Voici que je vais envoyer mon messager, pour qu’il fraye un chemin devant moi. Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ; et l’Ange de l’alliance que vous désirez, le voici qui vient !” dit le Seigneur… Il purifiera les fils de Lévi… et ils deviendront pour le Seigneur ceux qui présentent l’offrande selon la justice » (3, 1.3). Il est clair qu’on ne parle pas ici d’un enfant, et pourtant, cette parole trouve un accomplissement en Jésus, parce que « soudain », grâce à la foi de ses parents, Il a été amené au Temple ; et dans l’acte de sa « présentation », ou de son « offrande » personnelle à Dieu le Père, transparaît clairement le thème du sacrifice et du sacerdoce, comme dans le passage du prophète. L’enfant Jésus, qui est tout de suite présenté au Temple, est le même qui, une fois adulte, purifiera le Temple (cf. Jn 2, 13-22 ; Mc 11, 15, 19) et surtout, fera de lui-même le sacrifice et le prêtre suprême de la Nouvelle Alliance.
Telle est également la perspective de la Lettre aux Hébreux, dont un passage a été proclamé dans la deuxième lecture, de sorte que le thème du nouveau sacerdoce est renforcé : un sacerdoce — celui inauguré par Jésus — qui est existentiel : « Car du fait qu’il a lui-même souffert par l’épreuve, il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés » (He 2, 18). Et ainsi, nous trouvons également le thème de la souffrance, très accentué dans le passage de l’Évangile, lorsque Syméon prononce sa prophétie sur l’Enfant et sur la Mère : « Vois ! Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction, et toi-même [Marie], une épée te transpercera l’âme ! » (Lc 2, 34-35). Le « salut » que Jésus apporte à son peuple, et qu’il incarne en lui-même, passe par la croix, par la mort violente qu’Il vaincra et transformera avec le sacrifice de la vie par amour. Ce sacrifice est déjà entièrement annoncé dans le geste de présentation au Temple, un geste certainement motivé par les traditions de l’Ancienne Alliance, mais intimement animé par la plénitude de la foi et de l’amour qui correspond à la plénitude des temps, à la présence de Dieu et de son Saint Esprit en Jésus. L’Esprit, en effet, plane sur toute la scène de la Présentation de Jésus au Temple, en particulier sur la figure de Syméon, mais également d’Anne. C’est l’Esprit « Paraclet », qui apporte le « réconfort » d’Israël et anime les pas et les cœurs de ceux qui l’attendent. C’est l’Esprit qui suggère les paroles prophétiques de Syméon et d’Anne, paroles de bénédiction, de louange à Dieu, de foi dans son Consacré, d’action de grâce parce que finalement nos yeux peuvent voir et nos bras embrasser « son salut » (cf. 2, 30).
« Lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël » (2, 32) : c’est ainsi que Syméon définit le Messie du Seigneur, au terme de son chant de bénédiction. Le thème de la lumière, qui fait écho au premier et au second poème du Serviteur du Seigneur dans le Deutéro-Isaïe (cf. Is 42, 6 ; 49, 6), est fortement présent dans cette liturgie. En effet, elle s’est ouverte par une procession à laquelle ont participé les supérieurs généraux et les supérieures générales des Instituts de vie consacrée ici représentés, qui ont porté des cierges allumés. Ce signe, propre à la tradition liturgique de cette fête, est très expressif. Il manifeste la beauté et la valeur de la vie consacrée comme reflet de la lumière du Christ ; un signe qui rappelle l’entrée de Marie dans le Temple : la Vierge Marie, la Consacrée par excellence, portait dans ses bras la Lumière même, le Verbe fait chair, venu dissiper les ténèbres de ce monde avec l’amour de Dieu.
Chers frères et sœurs consacrés, vous avez tous été représentés dans ce pèlerinage symbolique qui, en l’Année de la foi, exprime encore plus votre rassemblement dans l’Église, pour être confirmés dans la foi et renouveler le don de vous-mêmes à Dieu. A chacun de vous et à vos Instituts, j’adresse avec affection mes salutations les plus cordiales et je vous remercie de votre présence. Dans la lumière du Christ, à travers les multiples charismes de vie contemplative et apostolique, vous coopérez à la vie et à la mission de l’Église dans le monde. Dans cet esprit de reconnaissance et de communion, je voudrais vous adresser trois invitations, afin que vous puissiez entrer pleinement dans cette « porte de la foi » qui est toujours ouverte pour nous (cf. Lettre apost. Porta fidei, n. 1).
Je vous invite en premier lieu à alimenter une foi capable d’illuminer votre vocation. Je vous exhorte pour cela à vous rappeler, comme dans un pèlerinage intérieur, du « premier amour » par lequel Seigneur Jésus Christ a réchauffé votre cœur, non par nostalgie, mais pour alimenter cette flamme. Et pour cela, il faut demeurer avec Lui, dans le silence de l’adoration ; et ainsi, réveiller la volonté et la joie d’en partager la vie, les choix, l’obéissance de la foi, la béatitude des pauvres, la nature radicale de l’amour. À partir toujours à nouveau de cette rencontre d’amour, vous quittez tout pour être avec Lui et vous placer comme Lui au service de Dieu et des frères (cf. Exhort. apost. Vita consecrata, n. 1).
En second lieu, je vous invite à une foi qui sache reconnaître la sagesse de la faiblesse. Dans les joies et dans peines du temps présent, quand la dureté et le poids de la croix se font sentir, ne doutez pas que la kénose du Christ est déjà victoire pascale. Précisément dans la limite et dans la faiblesse humaine, nous sommes appelés à vivre la conformation au Christ dans une orientation radicale qui anticipe, dans la mesure possible du temps, la perfection eschatologique (ibid., nn. 16). Dans les sociétés de l’efficacité et de la réussite, votre vie marquée par la « minorité » et par la faiblesse des petits, par l’empathie avec ceux qui n’ont pas de voix, devient un signe évangélique de contradiction.
Enfin, je vous invite à renouveler la foi qui fait de vous des pèlerins vers l’avenir. De par sa nature, la vie consacrée est un pèlerinage de l’esprit, à la recherche d’un Visage qui parfois se manifeste et parfois se voile, i>«« Faciem tuam, Domine, requiram » (Ps 26, 8). Que cela soit le désir constant de votre cœur, le critère fondamental qui guide votre chemin, tant dans les petites étapes quotidiennes que dans les décisions les plus importantes. Ne vous unissez pas aux prophètes de malheur qui proclament la fin ou le non sens de la vie consacrée dans l’Eglise de nos jours ; mais revêtez-vous plutôt de Jésus Christ et revêtez les armes de lumière — comme exhorte saint Paul (cf. Rm 13, 11-14) — en demeurant éveillés et vigilants. Saint Chromace d’Aquilée écrivait : « Puisse le Seigneur éloigner de nous ce péril, afin que jamais nous ne nous laissions appesantir par le sommeil de l’infidélité ; mais qu’il nous accorde sa grâce et sa miséricorde, afin que nous puissions toujours veiller en Lui étant fidèles. En effet, notre fidélité peut veiller dans le Christ » (Sermon/i> 32, 4).
Chers frères et sœurs, la joie de la vie consacrée passe nécessairement par la participation à la Croix du Christ. Il en a été ainsi pour la Très Sainte Vierge Marie. Sa souffrance est la souffrance du cœur qui ne fait qu’un avec le Cœur du Fils de Dieu, transpercé par amour. Que de cette blessure jaillisse la lumière de Dieu, et qu’également des souffrances, des sacrifices, du don d’eux-mêmes que les personnes consacrées vivent par amour de Dieu et des autres, rayonne la même lumière qui évangélise les nations. En cette Fête, je souhaite en particulier à vous, personnes consacrées, que votre vie ait toujours le goût de la parrhésie évangélique, afin qu’en vous, la Bonne nouvelle soit vécue, témoignée, annoncée et resplendisse comme Parole de vérité (cf. Lettre apost. Porta fidei, 6). Amen.