Archive pour février, 2017
« LECTIO DIVINA » DU PAPE BENOÎT XVI (pour la carême)
28 février, 2017RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DU DIOCÈSE DE ROME
« LECTIO DIVINA » DU PAPE BENOÎT XVI (pour la carême)
Salle des Bénédictions
Jeudi 18 février 2010
Eminence,
chers frères dans l’épiscopat
et dans le sacerdoce,
C’est pour moi une tradition très heureuse et également importante de pouvoir toujours commencer le carême avec mes prêtres, les prêtres de Rome. Ainsi, en tant qu’Eglise locale de Rome, mais également en tant qu’Eglise universelle, nous pouvons entreprendre ce chemin essentiel avec le Seigneur vers la Passion, vers la Croix, le chemin pascal.
Cette année, nous voulons méditer sur les passages de la Lettre aux Hébreux qui viennent d’être lus. L’auteur de cette Lettre a ouvert une nouvelle voie pour comprendre l’Ancien Testament comme livre qui parle du Christ. La tradition précédente avait considéré le Christ surtout, et essentiellement, sous l’angle de la promesse davidique, du véritable David, du véritable Salomon, du véritable Roi d’Israël, véritable Roi car homme et Dieu. Et l’inscription sur la Croix avait réellement annoncé au monde cette réalité: à présent, il y a le véritable Roi d’Israël, qui est le Roi du monde, le Roi des juifs est sur la Croix. Il s’agit d’une proclamation de la royauté de Jésus, de l’accomplissement de l’attente messianique de l’Ancien Testament qui, au fond du cœur, est une attente de tous les hommes, qui attendent le vrai Roi, qui apporte justice, amour et fraternité.
Mais l’Auteur de la Lettre aux Hébreux a découvert une citation que, jusqu’alors, personne n’avait notée: Psaume 110, 4 – « Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de Melchisédech ». Cela signifie que Jésus non seulement accomplit la promesse davidique, l’attente du véritable roi d’Israël et du monde, mais qu’il réalise également la promesse du véritable Prêtre. Dans une partie de l’Ancien Testament, en particulier également dans les manuscrits de Qumrân, il existe deux lignes distinctes d’attente: le Roi et le Prêtre. L’Auteur de la Lettre aux Hébreux, en découvrant ce verset, a compris que deux promesses sont unies dans le Christ: le Christ est le véritable Roi, le Fils de Dieu – selon le Psaume 2, 7 qu’il cite – mais il est également le véritable Prêtre.
Ainsi, tout le monde cultuel, toute la réalité des sacrifices, du sacerdoce, qui est à la recherche du véritable sacerdoce, du véritable sacrifice, trouve dans le Christ sa clé, son accomplissement et, avec cette clé, peut relire l’Ancien Testament et montrer que précisément la loi cultuelle également, qui est abolie après la destruction du Temple, en réalité allait vers le Christ; et donc, elle n’est pas simplement abolie, mais renouvelée, transformée, car tout trouve son sens dans le Christ. Le sacerdoce apparaît alors dans sa pureté et dans sa vérité profonde.
De cette façon, la Lettre aux Hébreux présente le thème du sacerdoce du Christ, le Christ prêtre, sur trois niveaux: le sacerdoce d’Aaron, celui du Temple, Melchisédech; et le Christ lui-même, comme le véritable prêtre. Le sacerdoce d’Aaron aussi, bien qu’étant différent de celui du Christ, bien qu’étant, pour ainsi dire, uniquement une recherche, un chemin en direction du Christ, est toutefois un « chemin » vers le Christ, et déjà dans ce sacerdoce se définissent les éléments essentiels. Puis, Melchisédech – nous reviendrons sur ce point – qui est un païen. Le monde païen entre dans l’Ancien Testament, entre dans une figure mystérieuse, sans père, sans mère – dit la Lettre aux Hébreux, apparaît simplement et en lui apparaît la véritable vénération du Dieu très-haut, du Créateur du ciel et de la terre. Ainsi, c’est également du monde païen que proviennent l’attente et la préfiguration profonde du mystère du Christ. Dans le Christ lui-même, tout est synthétisé, purifié et guidé à son terme, à sa véritable essence.
Voyons à présent les éléments particuliers, dans la mesure du possible, en ce qui concerne le sacerdoce. De la Loi, du sacerdoce d’Aaron, nous apprenons deux choses, nous dit l’Auteur de la Lettre aux Hébreux: un prêtre, pour être réellement médiateur entre Dieu et l’homme, doit être homme. Cela est fondamental et le fils de Dieu s’est fait homme précisément pour être prêtre, pour pouvoir réaliser la mission du prêtre. Il doit être homme – nous reviendrons sur ce point – mais il ne peut pas seul devenir médiateur de Dieu. Le prêtre a besoin d’une autorisation, d’une institution divine, et ce n’est qu’en appartenant aux deux sphères – celle de Dieu et celle de l’homme – qu’il peut être médiateur, qu’il peut être un « pont ». Telle est la mission du prêtre: allier, relier ces deux réalités apparemment aussi séparées, c’est-à-dire le monde de Dieu – éloigné de nous, souvent méconnu de l’homme – et notre monde humain. La mission du sacerdoce est d’être médiateur, un pont qui relie, et ainsi conduire l’homme à Dieu, à sa rédemption, à sa véritable lumière, à sa véritable vie.
Comme premier point donc, le prêtre doit être du côté de Dieu; et ce n’est que dans le Christ que ce besoin, cette situation de la médiation se réalise pleinement. C’est pourquoi ce Mystère était nécessaire: le Fils de Dieu se fait homme afin qu’il existe un véritable pont, qu’il existe une véritable médiation. Les autres doivent avoir au moins une autorisation de Dieu, ou, dans le cas de l’Eglise, le Sacrement, c’est-à-dire introduire notre être dans l’être du Christ, dans l’être divin. Ce n’est qu’à travers le Sacrement, cet acte divin qui nous crée prêtres dans la communion avec le Christ, que nous pouvons réaliser notre mission. Et cela me semble un premier point de méditation pour nous: l’importance du Sacrement. Personne ne se fait prêtre lui-même; seul Dieu peut m’attirer, peut m’autoriser, peut m’introduire dans la participation au mystère du Christ; seul Dieu peut entrer dans ma vie et me prendre par la main. Cet aspect du don, de la précédence divine, de l’action divine, que nous ne pouvons pas réaliser, notre passivité – être élus et pris par la main par Dieu – est un point fondamental dans lequel entrer. Nous devons revenir toujours au Sacrement, revenir à ce don dans lequel Dieu me donne ce que je ne pourrais jamais donner: la participation, la communion avec l’être divin, avec le sacerdoce du Christ.
Faisons de cette réalité également un facteur concret dans notre vie: s’il en est ainsi, un prêtre doit être véritablement un homme de Dieu, il doit connaître Dieu de près, et il le connaît en communion avec le Christ. Nous devons alors vivre cette communion et ainsi la célébration de la Messe, la prière du bréviaire, toute la prière personnelle sont des éléments qui contribuent à être avec Dieu. Notre être, notre vie, notre cœur, doivent être fixés sur Dieu, sur ce point dont nous ne devons pas nous détacher, et cela se réalise, se renforce jour après jour, même à travers de brèves prières dans lesquelles nous nous relions à Dieu et nous devenons toujours plus hommes de Dieu, qui vivent dans sa communion et peuvent ainsi parler de Dieu et conduire à Dieu.
L’autre élément est que le prêtre doit être homme. Homme dans tous les sens, c’est-à-dire qu’il doit vivre une véritable humanité, un véritable humanisme; il doit avoir une éducation, une formation humaine, des vertus humaines; il doit développer son intelligence, sa volonté, ses sentiments, ses affections; il doit être réellement homme, homme selon la volonté du Créateur, du Rédempteur, car nous savons que l’être humain est blessé et la question de « ce qu’est l’homme » est obscurcie par le fait du péché, qui a blessé la nature humaine jusque dans ses profondeurs. Ainsi, on dit: « il a menti », « il est humain »; « il a volé », « il est humain »; mais cela n’est pas la véritable nature de l’être humain. Humain signifie être généreux, être bon, être homme de la justice, de la véritable prudence, de la sagesse. Donc sortir, avec l’aide du Christ, de cet assombrissement de notre nature pour arriver à être véritablement humain à l’image de Dieu, est un processus de vie qui doit commencer dans la formation au sacerdoce, mais qui doit se réaliser ensuite et continuer tout au long de notre existence. Je pense que les deux choses vont fondamentalement de pair: être de Dieu et avec Dieu et être réellement homme dans le véritable sens qu’a voulu le Créateur en façonnant cette créature que nous sommes.
Etre homme: la Lettre aux Hébreux souligne une particularité de notre humanité qui nous surprend, car elle dit: ce doit être une personne « en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse » (5, 2) et ensuite – de manière encore plus forte – « pendant les jours de sa vie mortelle, il a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé » (5, 7). Pour la Lettre aux Hébreux, l’élément essentiel de notre humanité est la compassion, le fait de souffrir avec les autres: il s’agit de la véritable humanité. Ce n’est pas le péché, car le péché n’est jamais solidarité, mais il est toujours une désolidarisation, il est une manière de prendre la vie pour soi-même, au lieu de la donner. La véritable humanité est de participer réellement à la souffrance de l’être humain, cela veut dire être un homme de compassion – metriopathèin, dit le texte grec – c’est-à-dire se trouver au centre de la passion humaine, porter réellement avec les autres leurs souffrances, les tentations de notre temps: « Dieu, où es-tu en ce monde? ».
Cette humanité du prêtre ne répond pas à l’idéal platonicien et aristotélicien, selon lequel l’homme véritable serait celui qui ne vit que dans la contemplation de la vérité, et est ainsi bienheureux, heureux, car il n’entretient de l’amitié qu’avec les belles choses, avec la beauté divine, mais ce sont les autres qui font « les travaux ». Cela est une supposition, alors que l’on suppose ici que le prêtre entre comme le Christ dans la misère humaine, la porte avec lui, va vers les personnes souffrantes, s’en occupe, et pas seulement extérieurement, mais qu’il prend intérieurement sur lui, recueille en lui-même la « passion » de son temps, de sa paroisse, des personnes qui lui sont confiées. C’est ainsi que le Christ a montré le véritable humanisme. Son cœur est bien sûr toujours ferme en Dieu, il voit toujours Dieu, il est toujours intimement en conversation avec Lui, mais Il porte, dans le même temps, tout l’être, toute la souffrance humaine entre dans la Passion. En parlant, en voyant les hommes qui sont petits, sans pasteur, Il souffre avec eux et nous, les prêtres, nous ne pouvons pas nous retirer dans un Elysium, mais nous sommes plongés dans la passion de ce monde et nous devons, avec l’aide du Christ et en communion avec Lui, chercher à le transformer, à le conduire vers Dieu.
Il faut précisément dire cela, à travers le texte suivant qui est réellement stimulant: « ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications » (He 5, 7). Il ne s’agit pas seulement d’une mention de l’heure de l’angoisse sur le Mont des Oliviers, mais c’est un résumé de toute l’histoire de la passion, qui embrasse toute la vie de Jésus. Des larmes: Jésus pleurait devant la tombe de Lazare, il était réellement touché intérieurement par le mystère de la mort, par la terreur de la mort. Des personnes perdent leur frère, comme dans ce cas, leur mère et leur fils, leur ami: tout l’aspect terrible de la mort, qui détruit l’amour, qui détruit les relations, qui est un signe de notre finitude, de notre pauvreté. Jésus est mis à l’épreuve et il se confronte jusqu’au plus profond de son âme avec ce mystère, avec cette tristesse qui est la mort, et il pleure. Il pleure devant Jérusalem, en voyant la destruction de cette belle cité à cause de la désobéissance; il pleure en voyant toutes les destructions de l’histoire dans le monde; il pleure en voyant que les hommes se détruisent eux-mêmes, ainsi que leurs villes dans la violence, dans la désobéissance.
Jésus pleure, en poussant de grands cris. Les Evangiles nous disent que Jésus a crié de la Croix, il a crié: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mc 15, 34; cf. Mt 27, 46) et, à la fin, il a crié encore une fois. Et ce cri répond à une dimension fondamentale des Psaumes: dans les moments terribles de la vie humaine, de nombreux Psaumes constituent un cri puissant vers Dieu: « Aide-nous, écoute-nous! » Précisément aujourd’hui, dans le bréviaire, nous avons prié dans ce sens: Où es-tu Dieu? « Tu nous traites en bétail de boucherie » (Ps 44, 12). Un cri de l’humanité qui souffre! Et Jésus, qui est le véritable sujet des Psaumes, apporte réellement ce cri de l’humanité à Dieu, aux oreilles de Dieu: « Aide-nous et écoute-nous! ». Il transforme toute la souffrance humaine, en l’assumant en lui-même, en un cri aux oreilles de Dieu.
Et ainsi, nous voyons que précisément de cette manière se réalise le sacerdoce, la fonction du médiateur, en transportant en soi, en assumant en soi la souffrance et la passion du monde, en la transformant en cri vers Dieu, en l’apportant devant les yeux et entre les mains de Dieu, et en l’apportant réellement ainsi au moment de la Rédemption.
En réalité, la Lettre aux Hébreux dit qu’« il offrit des implorations et des supplications », « une clameur et des larmes » (5, 7). C’est une juste traduction du verbe prosphèrein, qui est une parole cultuelle et qui exprime l’acte de l’offrande des dons humains à Dieu, qui exprime précisément l’acte de l’offertoire, du sacrifice. Ainsi, avec ce terme cultuel appliqué aux prières et aux larmes du Christ, elle démontre que les larmes du Christ, l’angoisse du Mont des Oliviers, le cri de la Croix, toute sa souffrance font partie de sa grande mission. Précisément de cette manière, Il offre le sacrifice, il fait le prêtre. La Lettre aux Hébreux, avec cet « il offrit », prosphèrein, nous dit: il s’agit de l’accomplissement de son sacerdoce, il conduit ainsi l’humanité vers Dieu, il devient ainsi le médiateur, il fait ainsi le prêtre.
Disons, précisément, que Jésus n’a pas offert quelque chose à Dieu, mais qu’il s’est offert lui-même et que cet acte de s’offrir lui-même se réalise précisément dans cette compassion, qui transforme en prière et en cri au Père la souffrance du monde. Dans ce sens, notre sacerdoce ne se limite pas lui non plus à l’acte cultuel de la Messe, dans lequel tout est remis entre les mains du Christ, mais toute notre compassion envers la souffrance de ce monde si éloigné de Dieu, est un acte sacerdotal, est prosphèrein, est offrir. C’est pourquoi, il me semble que nous devons comprendre et apprendre à accepter plus profondément les souffrances de la vie pastorale; car précisément là se trouvent l’action sacerdotale, la médiation, le fait d’entrer dans le mystère du Christ, de communiquer avec le mystère du Christ, très réel et essentiel, existentiel et ensuite sacramentel.
Dans ce contexte, un deuxième terme est important. Il est dit que le Christ – à travers cette obéissance – est rendu parfait, en grec teleiothèis (cf. He 5, 8-9). Nous savons que dans toute la Torah, c’est-à-dire dans toute la législation cultuelle, le mot tèleion, ici utilisé, indique l’ordination sacerdotale. La Lettre aux Hébreux nous dit que c’est précisément en accomplissant cela que Jésus a été fait prêtre, que son sacerdoce s’est réalisé. Notre ordination sacerdotale sacramentelle doit être réalisée et concrétisée de manière existentielle, mais également de manière christologique, précisément dans cette manière de porter le monde avec le Christ et au Christ et, avec le Christ, à Dieu: ainsi nous devenons réellement des prêtres, teleiothèis. Le sacerdoce n’est donc pas quelque chose qui dure quelques heures, mais il se réalise précisément dans la vie pastorale, dans ses souffrances et dans ses faiblesses, dans ses tristesses et naturellement également dans ses joies. Nous devenons ainsi toujours plus des prêtres en communion avec le Christ.
La Lettre aux Hébreux résume, enfin, toute cette compassion dans le mot hypakoèn, obéissance: tout cela est obéissance. C’est un mot qui ne nous plaît pas, à notre époque. L’obéissance apparaît comme une aliénation, comme une attitude servile. La personne n’utilise pas sa liberté, sa liberté se soumet à une autre volonté, la personne n’est donc plus libre, mais elle est déterminée par un autre, alors que l’autodétermination, l’émancipation serait la véritable existence humaine. Au lieu du terme « obéissance », nous voulons comme parole-clef anthropologique celle de « liberté ». Mais en considérant de près ce problème, nous voyons que les deux choses vont de pair: l’obéissance du Christ est la conformation de sa volonté à la volonté du Père; c’est une manière de porter la volonté humaine à la volonté divine, à la conformation de notre volonté avec la volonté de Dieu.
Saint Maxime le Confesseur, dans son interprétation du Mont des Oliviers, de l’angoisse exprimée dans la prière de Jésus, « non pas ma volonté mais la tienne », a décrit ce processus, que le Christ porte en lui comme vrai homme, avec la nature, la volonté humaine; dans cet acte – « non pas ma volonté, mais la tienne » – Jésus a résumé tout le processus de sa vie, c’est-à-dire celui de porter la vie naturelle humaine à la vie divine et, de cette manière, celui de transformer l’homme: divinisation de l’homme et ainsi rédemption de l’homme, parce que la volonté de Dieu n’est pas une volonté tyrannique, ce n’est pas une volonté qui est hors de notre être, mais c’est précisément la volonté créatrice, c’est précisément le lieu où nous trouvons notre véritable identité.
Dieu nous a créés et nous sommes nous-mêmes si nous sommes conformes à sa volonté; ainsi seulement nous entrons dans la vérité de notre être et nous ne sommes pas aliénés. Au contraire, l’aliénation naît, précisément, lorsque l’on sort de la volonté de Dieu, parce que ce cette manière, nous sortons du dessein de notre être, nous ne sommes plus nous-mêmes et nous tombons dans le vide. En vérité, l’obéissance à Dieu, c’est-à-dire la conformité, la vérité de notre être, est la vraie liberté, parce que c’est la divinisation. Jésus, en portant l’homme, l’être homme, en lui-même et avec lui-même, conformément à Dieu, dans la parfaite obéissance, c’est-à-dire dans la parfaite conformation entre les deux volontés, nous a rachetés et la rédemption est toujours ce processus de porter la volonté humaine dans la communion avec la volonté divine. C’est un processus sur lequel nous prions chaque jour: « Que ta volonté soit faite ». Et nous voulons prier réellement le Seigneur, pour qu’il nous aide à voir intimement que cela est la liberté, et à entrer, ainsi, avec joie dans cette obéissance et à « recueillir » l’être humain pour le porter – à travers notre exemple, notre humilité, notre prière, notre action pastorale – dans la communion avec Dieu.
En poursuivant la lecture, suit une phrase difficile à interpréter. L’auteur de la Lettre aux Hébreux dit que Jésus a prié, avec une violente clameur et des larmes, Dieu qui pouvait le sauver de la mort et qu’en raison de sa piété, il est exaucé (cf. 5, 7). Ici, nous voudrions dire: « Non, ce n’est pas vrai, il n’a pas été exaucé, il est mort ». Jésus a prié d’être libéré de la mort, mais il n’a pas été libéré, il est mort de manière très cruelle. C’est pourquoi le grand théologien libéral Harnack a dit: « Il manque ici une négation », il faut écrire: « Il n’a pas été exaucé » et Bultmann a accepté cette interprétation. Il s’agit toutefois d’une solution qui n’est pas une exégèse, mais une violence faite au texte. Dans aucun des manuscrits n’apparaît la négation, mais bien « il a été exaucé »; nous devons donc apprendre à comprendre ce que signifie cet « être exaucé », malgré la Croix.
Je vois trois niveaux de compréhension de cette expression. A un premier niveau, on peut traduire le texte grec ainsi: « il a été racheté de son angoisse » et en ce sens Jésus est exaucé. Ce serait donc une allusion à ce que raconte saint Luc, qu’« un ange a réconforté Jésus » (cf. Lc 22, 43), de façon qu’après le moment de l’angoisse, il puisse aller droit et sans crainte vers son heure, comme nous le décrivent les Evangiles, en particulier celui de saint Jean. Il aurait été exaucé, au sens où Dieu lui donne la force de pouvoir porter tout ce poids et il est ainsi exaucé. Mais, pour ma part, il me semble que ce n’est pas une réponse tout à fait suffisante. Exaucé de manière plus profonde – le père Vanhoye l’a souligné – cela veut dire: « il a été racheté de la mort », mais pas en ce moment, pas à ce moment-là, mais pour toujours, dans la Résurrection: la vraie réponse de Dieu à la prière d’être racheté de la mort est la Résurrection et l’humanité est rachetée de la mort précisément dans la Résurrection, qui est la vraie guérison de nos souffrances, du mystère terrible de la mort.
Ici est déjà présent un troisième niveau de compréhension: la Résurrection de Jésus n’est pas seulement un événement personnel. Il semble qu’il peut être utile d’avoir à l’esprit le bref texte dans lequel saint Jean, dans le chapitre 12 de son Evangile, présente et raconte, de manière très synthétique, l’épisode du Mont des Oliviers. Jésus dit: « Mon âme est troublée » (Jn 12, 27), et, dans toute l’angoisse du Mont des Oliviers, que puis-je dire? « Père, sauve-moi de cette heure ou glorifie ton nom » (cf. Jn 12, 27-28). C’est la même prière que celle que nous trouvons dans les Synoptiques: « Si cela est possible, sauve-moi, mais que ta volonté sois faite » (cf. Mt 26, 42; Mc 14, 36; Lc 22, 42) qui, dans le langage johannique, apparaît justement sous la forme: « Père, sauve-moi, Père, glorifie ». Et Dieu répond: « Je t’ai glorifié et de nouveau je te glorifierai » (cf. Jn 12, 28). Telle est la réponse, le vœu exaucé par Dieu: je glorifierai la Croix; c’est la présence de la gloire divine, parce que c’est l’acte suprême de l’amour. Dans la Croix, Jésus est élevé sur toute la terre et attire la terre à lui; dans la croix apparaît à présent le « Kabod », la vraie gloire divine du Dieu qui aime jusqu’à la Croix et transforme ainsi la mort et crée la Résurrection.
La prière de Jésus a été exaucée, au sens où, réellement, sa mort devient vie, devient le lieu d’où racheter l’homme, d’où il attire l’homme à lui. Si la réponse divine, chez Jean, dit: « je te glorifierai », cela signifie que cette gloire transcende et traverse toute l’histoire toujours et à nouveau: depuis ta Croix, présente dans l’Eucharistie, transforme la mort en gloire. Telle est la grande promesse qui se réalise dans la Sainte Eucharistie, qui ouvre toujours à nouveau le ciel. Etre serviteur de l’Eucharistie, c’est donc la profondeur du mystère sacerdotal.
Encore un mot, tout au moins sur Melchisédech. C’est une figure mystérieuse qui apparaît dans Genèse 14 dans l’histoire sacrée: après la victoire d’Abraham sur plusieurs Rois, apparaît le roi de Salem, de Jérusalem, Melchisédech, et il apporte le pain et le vin. Une histoire qui n’est pas commentée et qui est un peu incompréhensible, qui ne réapparaît qu’au psaume 110, comme nous l’avons déjà dit, mais l’on comprend que, par la suite, le judaïsme, le gnosticisme et le christianisme aient voulu réfléchir profondément sur cette parole et qu’ils aient créé leurs interprétations. La Lettre aux Hébreux ne fait pas de spéculation, mais elle rapporte uniquement ce que dit l’Ecriture et ce sont plusieurs éléments: il est Roi de justice, il habite dans la paix, il est Roi là où il y a la paix, il vénère et adore Dieu Très-Haut, le Créateur du ciel et de la terre et il porte le pain et le vin (cf. He 7, 1-3; Gn 14, 18-20). Il n’y a pas de commentaires sur le fait qu’apparaît ici le Souverain Prêtre du Dieu Très-Haut, Roi de la paix, qui adore avec le pain et le vin le Dieu créateur du ciel et de la terre. Les Pères ont souligné que c’est l’un des saints païens de l’Ancien Testament et cela montre qu’à partir du paganisme, il existe aussi une route vers le Christ et que les critères sont: adorer le Dieu Très-Haut, cultiver la justice et la paix, et vénérer Dieu de manière pure. Ainsi, avec ces éléments fondamentaux, le paganisme est lui aussi un chemin vers le Christ, il rend, d’une certaine manière, présente la lumière du Christ.
Dans le canon romain, après la Consécration, nous avons la prière supra quae, qui mentionne certaines préfigurations du Christ, de son sacerdoce et de son sacrifice: Abel, le premier martyr, avec son agneau; Abraham, qui sacrifie dans l’intention son fils Isaac, remplacé par l’agneau donné par Dieu; et Melchisédech, Souverain Prêtre du Dieu Très-Haut, qui apporte le pain et le vin. Cela veut dire que le Christ est la nouveauté absolue de Dieu et, dans le même temps, qu’il est présent dans toute l’histoire, et que l’histoire va à la rencontre du Christ. Et non seulement l’histoire du peuple élu, qui est la véritable préparation voulue par Dieu, dans laquelle se révèle le mystère du Christ, mais à partir du paganisme également se prépare le mystère du Christ, il y a des chemins vers le Christ, qui porte tout en lui-même.
Cela me semble important dans la célébration de l’Eucharistie: ici est recueillie toute la prière humaine, tout le désir humain, toute la vraie dévotion humaine, la vraie recherche de Dieu, qui se trouve finalement réalisée dans le Christ. Enfin, il faut dire qu’à présent, le ciel est ouvert, le culte n’est plus énigmatique, dans des signes relatifs, mais il est vrai, parce que le ciel est ouvert et l’on n’offre pas quelque chose, mais l’homme devient un avec Dieu et cela est le culte véritable. C’est ce que dit la Lettre aux Hébreux: « nous avons un pareil grand prêtre qui s’est assis à la droite du trône de la Majesté des cieux, ministre du sanctuaire et de la Tente, la vraie, celle que le Seigneur, non un homme, a dressée » (cf. 8, 1-2).
Revenons sur le fait que Melchisédech est le roi de Salem. Toute la tradition davidique s’en est appelée à cela, en disant: « Le lieu est ici, Jérusalem est le lieu du culte véritable, la concentration du culte à Jérusalem remonte déjà aux temps d’Abraham, Jérusalem est le lieu véritable de la vénération juste de Dieu ».
Franchissons à nouveau une étape: la Jérusalem véritable, le Salem de Dieu, est le Corps du Christ, l’Eucharistie est la paix de Dieu avec l’homme. Nous savons que saint Jean dans le Prologue, appelle l’humanité de Jésus « la tente de Dieu » eskènosen en hemìn (Jn 1, 14). Ici, Dieu lui-même a créé sa tente dans le monde et cette tente, cette Jérusalem nouvelle, véritable, est, dans le même temps sur la terre et au ciel, parce que ce Sacrement, ce sacrifice se réalise toujours entre nous et arrive toujours jusqu’au trône de la Grâce, à la présence de Dieu. C’est ici que se trouve la Jérusalem véritable, dans le même temps, céleste et terrestre, la tente, qui est le Corps de Dieu, qui comme Corps ressuscité demeure toujours Corps et embrasse l’humanité et, dans le même temps, étant Corps ressuscité, nous unit avec Dieu. Tout cela se réalise toujours à nouveau dans l’Eucharistie. Et nous, en tant que prêtres, nous sommes appelés à être des ministres de ce grand Mystère, dans le Sacrement et dans la vie. Prions le Seigneur qu’il nous fasse comprendre toujours mieux ce Mystère, de vivre toujours mieux ce Mystère et ainsi d’offrir notre aide afin que le monde s’ouvre à Dieu, afin que le monde soit racheté par Jésus. Merci.
Pour sa lectio divina, le Pape Benoît XVI s’est appuyé sur les trois passages de la Lettre aux Hébreux que nous publions ci-dessous:
He 5, 1-10
He 7, 26-28
He 8, 1-2
(L’Osservatore Romano Ed. hebdomadaire, 2 mars 2010)
icone de Greta Maria Lesko
27 février, 2017BENOÎT XVI – MERCREDI DES CENDRES (2011)
27 février, 2017http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2011/documents/hf_ben-xvi_aud_20110309.html
BENOÎT XVI – MERCREDI DES CENDRES
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, marqués par le symbole austère des cendres, nous entrons dans le temps de carême, en commençant un itinéraire spirituel qui nous prépare à célébrer dignement les mystères pascals. La cendre bénie, imposée sur notre tête, est un signe qui nous rappelle notre condition de créatures, nous invite à la pénitence et à intensifier l’engagement de conversion pour suivre toujours plus le Seigneur.
Le carême est un chemin, qui consiste à accompagner Jésus qui monte à Jérusalem, lieu de l’accomplissement de son mystère de passion, de mort et de résurrection; il nous rappelle que la vie chrétienne est un «chemin» à parcourir, qui consiste moins en une loi à observer que dans la personne même du Christ à rencontrer, à accueillir, à suivre. En effet, Jésus nous dit: «Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix chaque jour, et qu’il me suive» (Lc 9, 23). C’est-à-dire qu’il nous dit que pour arriver avec Lui à la lumière et à la joie de la résurrection, à la victoire de la vie, de l’amour, du bien, nous devons nous aussi nous charger de la croix de chaque jour, comme nous y exhorte une belle page de l’Imitation du Christ: «Prenez donc votre Croix et suivez Jésus, et vous parviendrez à l’éternelle félicité. Il vous a précédés portant sa Croix (Jn 19, 17) et il est mort pour vous sur la Croix afin que vous aussi vous portiez votre Croix, et que vous aspiriez à mourir sur la Croix. Car si vous mourez avec lui, vous vivrez aussi avec lui; et si vous partagez ses souffrances, vous partagerez sa gloire» (Livre 2, chap. 12, n. 2). Dans la Messe du premier dimanche de carême, nous prions: «O Dieu, notre Père, avec la célébration de ce carême, signe sacramentel de notre conversion, accorde à tes fidèles de croître dans la connaissance du mystère du Christ et de témoigner de Lui par une digne conduite de vie» (Collecte). Il s’agit d’une invocation que nous adressons à Dieu car nous savons que Lui seul peut convertir notre cœur. Et c’est surtout dans la Liturgie, dans la participation aux saints mystères, que nous sommes conduits à parcourir ce chemin avec le Seigneur; nous devons nous mettre à l’école de Jésus, reparcourir les événements qui nous ont apporté le salut, mais pas comme une simple commémoration, un souvenir des faits passés. Dans les actions liturgiques, le Christ se rend présent à travers l’œuvre de l’Esprit Saint, les événements salvifiques deviennent actuels. Il existe un mot-clé qui revient souvent dans la liturgie pour indiquer cela: le mot «aujourd’hui»; et celui-ci doit être entendu dans son sens originel et concret, et non pas métaphorique. Aujourd’hui, Dieu révèle sa loi et il nous est donné de choisir entre le bien et le mal, entre la vie et la mort (cf. Dt 30, 19); aujourd’hui «le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à l’Evangile» (Mc 1, 15); aujourd’hui le Christ est mort sur le Calvaire et il est ressuscité d’entre les morts; il est monté au ciel et siège à la droite du Père; aujourd’hui, l’Esprit Saint nous est donné; aujourd’hui est le temps favorable. Participer à la liturgie signifie alors plonger sa vie dans le mystère du Christ, parcourir un chemin dans lequel nous entrons dans sa mort et sa résurrection pour avoir la vie.
Dans les dimanches de carême, de manière tout à fait particulière en cette année liturgique du cycle a, nous sommes amenés à vivre un itinéraire baptismal, comme à reparcourir le chemin des catéchumènes, de ceux qui se préparent à recevoir le Baptême, pour raviver en nous ce don et pour faire en sorte que notre vie retrouve les exigences et les engagements de ce sacrement, qui est à la base de notre vie chrétienne. Dans le Message que j’ai envoyé pour ce carême, j’ai voulu rappeler le lien particulier qui lie le Temps quadragésimal au Baptême. Depuis toujours, l’Eglise associe la Veillée pascale à la célébration du Baptême: en lui se réalise ce grand mystère en raison duquel l’homme, mort au péché, participe à la vie nouvelle dans le Christ ressuscité et reçoit l’Esprit de Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (cf. Rm 8, 11). Les lectures que nous écouterons dans les dimanches à venir et auxquelles je vous invite à prêter une attention particulière, sont reprises de la tradition antique, qui accompagnait le catéchumène dans la découverte du Baptême: elles sont la grande annonce de ce que Dieu fait dans ce Sacrement, une extraordinaire catéchèse baptismale adressée à chacun de nous. Le premier dimanche, appelé Dimanche de la tentation, parce qu’il présente les tentations de Jésus dans le désert, nous invite à renouveler notre décision définitive pour Dieu et à affronter avec courage la lutte qui nous attend pour lui demeurer fidèles. Il y a toujours cette nécessité de décision, de résister au mal, de suivre Jésus. En ce dimanche, l’Eglise, après avoir entendu le témoignage des parrains et des catéchistes, célèbre l’élection de ceux qui sont admis aux sacrements pascals. Le deuxième dimanche est dit d’Abraham ou de la Transfiguration. Le baptême est le sacrement de la foi et de la filiation divine; comme Abraham, père des croyants, nous aussi, nous sommes invités à partir, à sortir de notre terre, à quitter les sécurités que nous nous sommes construites, pour placer notre confiance en Dieu; le but s’entrevoit dans la transfiguration du Christ, le Fils bien-aimé, dans lequel nous aussi nous devenons «fils de Dieu». Les dimanches suivants, le baptême est présenté à travers les images de l’eau, de la lumière et de la vie. Le troisième dimanche nous fait rencontrer la Samaritaine (cf. Jn 4, 5-42). Comme Israël lors de l’Exode, nous aussi dans le Baptême nous avons reçu l’eau qui sauve; Jésus, comme il le dit à la Samaritaine, a une eau de vie, qui étanche toutes les soifs; cette eau c’est son Esprit lui-même. L’Eglise, en ce dimanche, célèbre le premier scrutin des catéchumènes, et pendant la semaine, elle leur remet le Symbole: la profession de foi, le Credo. Le quatrième dimanche nous fait réfléchir sur l’expérience de l’«Aveugle de naissance» (cf. Jn 9, 1-41). Dans le Baptême, nous sommes libérés des ténèbres du mal et nous recevons la lumière du Christ pour vivre en fils de la lumière. Nous aussi devons apprendre à voir la présence de Dieu sur le visage du Christ et ainsi la lumière. Dans le chemin des catéchumènes est célébré le second scrutin. Enfin, le cinquième dimanche nous présente la résurrection de Lazare (cf. Jn 11, 1-45). A travers le Baptême, nous sommes passés de la mort à la vie et nous sommes à présent en mesure de plaire à Dieu, de faire mourir le vieil homme pour vivre de l’Esprit du Ressuscité. Pour les catéchumènes, le troisième scrutin est célébré et au cours de la semaine leur est remise la prière du Seigneur: le Notre Père.
Cet itinéraire quadragésimal que nous sommes invités à parcourir au cours du carême se caractérise, dans la tradition de l’Eglise, par certaines pratiques: le jeûne, l’aumône et la prière. Le jeûne signifie l’abstinence de nourriture, mais il comprend d’autres formes de privation pour une vie plus sobre. Mais tout cela n’est pas encore la pleine réalité du jeûne: c’est le signe extérieur d’une réalité intérieure, de notre engagement, avec l’aide de Dieu, de nous abstenir du mal et de vivre de l’Evangile. Personne ne jeûne vraiment s’il ne sait pas se nourrir de la Parole de Dieu.
Le jeûne, dans la tradition chrétienne, est ensuite étroitement lié à l’aumône. Saint Léon le Grand enseignait dans l’un de ses discours sur le carême: «Ce que chaque chrétien est tenu de faire en chaque moment, il doit à présent le pratiquer avec une plus grande sollicitude et dévotion, pour que s’accomplisse la règle apostolique du jeûne quadragésimal qui consiste dans l’abstinence non seulement de la nourriture, mais aussi et surtout des péchés. Ensuite, on ne peut associer aucune œuvre plus utile que l’aumône à ces saints jeûnes que l’on doit respecter, celle-ci embrassant de nombreuses bonnes œuvres sous le nom unique de “miséricorde”. Le domaine des œuvres de miséricorde est immense. Il n’y a pas que les riches et ceux qui ont des possessions qui peuvent faire du bien aux autres avec l’aumône, mais aussi ceux de condition modeste et pauvre. Ainsi, inégaux dans les biens de la richesse, tous peuvent être égaux dans les sentiments de piété de l’âme» (Discours 6 sur le carême, 2: pl 54, 286). Saint Grégoire le Grand rappelait, dans sa Règle pastorale, que le jeûne est rendu saint par les vertus qui l’accompagnent, en particulier par la charité, par chaque geste de générosité, qui donne aux pauvres et aux indigents le fruit d’une privation (cf. 19, 10-11).
En outre, le carême est un temps privilégié pour la prière. Saint Augustin dit que le jeûne et l’aumône sont «les deux ailes de la prière» qui lui permettent de prendre plus facilement son élan et de parvenir jusqu’à Dieu. Il affirme: «De cette manière, notre prière, faite en humilité et en charité, dans le jeûne et dans l’aumône, dans la tempérance et dans le pardon des offenses, en donnant de bonnes choses et en ne rendant pas les mauvaises, en s’éloignant du mal et en faisant le bien, recherche la paix et l’obtient. Avec les ailes de ces vertus, notre prière vole de manière assurée et est conduite plus facilement jusqu’au ciel, où le Christ notre paix nous a précédés» (Sermon 206, 3 sur le carême: pl 38, 1042). L’Eglise sait qu’en raison de notre faiblesse, il est difficile d’être en silence pour se présenter devant Dieu et prendre conscience de notre condition de créatures qui dépendent de Lui et de pécheurs ayant besoin de son amour: c’est pourquoi, en ce carême, elle nous invite à une prière plus fidèle et intense et à une méditation prolongée sur la Parole de Dieu. Saint Jean Chrysostome nous exhorte: «Embellis ta maison de modestie et d’humilité avec la pratique de la prière. Rends ton habitation splendide avec la lumière de la justice: orne tes murs avec les bonnes œuvres comme une patine d’or pur et, à la place des murs et des pierre précieuses, place la foi et la magnanimité surnaturelle, en mettant au dessus de tout, sur le faîte, la prière pour parfaire la décoration de tout l’ensemble. Ainsi, tu prépares une demeure digne pour le Seigneur, ainsi, tu l’accueilles dans un palais splendide. Il t’accordera de transformer ton âme en temple de sa présence» (Homélie 6 sur la prière: pg 64, 446).
Chers amis, sur ce chemin quadragésimal, soyons attentifs à saisir l’invitation du Christ à le suivre de manière plus décidée et cohérente, en renouvelant la grâce et les engagements de notre baptême, pour abandonner le vieil homme qui est en nous et nous revêtir du Christ, afin d’arriver renouvelés à la Pâque et pouvoir dire avec saint Paul: «Je vis mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi» (Ga 2, 20). Bon chemin de carême à tous! Merci!
LE CHRÉTIEN DOIT-IL OBSERVER LE SABBAT ?
25 février, 2017http://www.bibliquest.net/Auteurs_divers/sabbat.htm
LE CHRÉTIEN DOIT-IL OBSERVER LE SABBAT ?
(cette étude me semble proposé par une Eglise de la Réforme, si elle est ainsi, il est intéressant de noter que l’homme dans l’Eglise catholique est pas «désespérément corrompu et perdu »)
1. La doctrine chrétienne sur le sabbat.
Une simple lecture des épîtres du Nouveau Testament, montre que le Sabbat n’occupe pas une place primordiale dans la doctrine chrétienne, et qu’il ne convient pas que le croyant s’y attarde trop. L’expérience montre toutefois que celui qui a été mal enseigné sur ce sujet, éprouve beaucoup de difficultés à se libérer de l’obligation du sabbat. Même s’il ne l’observe plus, il conserve souvent le sentiment de désobéir à la volonté de Dieu. Que le Seigneur bénisse, pour une personne qui serait dans cet état, la lecture de ce texte rédigé dans un esprit d’entraide fraternelle.
Rappelons d’abord l’autorité et le but de la loi, avant d’expliquer la position du chrétien à l’égard du sabbat. Le lecteur pourra constater ainsi que nous ne négligeons aucune partie de la Parole de Dieu.
1.1. L’autorité et l’importance de la loi et du sabbat
La loi a été donnée à Israël au Sinaï de la manière la plus solennelle : « … il y eut des tonnerres et des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne et un son de trompette très fort ; et tout le peuple qui était dans le camp trembla… Et toute la montagne de Sinaï fumait, parce que l’Eternel descendit en feu sur elle » (Exode 19. 16,18 ). L’Ancien Testament tout entier atteste l’autorité de la loi, car il y va de la gloire de l’Eternel qui l’a donnée. Les prophètes insistent autant sur le côté moral de la loi, que sur le sabbat qui en est le quatrième commandement. Le Nouveau Testament est également très net quant à l’autorité de la loi : « Jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, un seul iota ou un seul trait de lettre ne passera point de la loi, que tout ne Soit accompli. » (Matthieu 5. 18 ; voir aussi tout le paragraphe.) Cette autorité sera enfin pleinement reconnue quand Dieu jugera les secrets des coeurs : « Tous ceux qui ont péché sous la loi, seront jugés par la loi. » (Romains 2. 12; voir aussi Jean 5. 45)
On comprend bien qu’un chrétien pieux s’interroge à propos de la loi et du sabbat. Il ne s’agit pas de lui dire que la loi est vieillie ou annulée. Pour celui qui respecte la Parole, une telle explication est insuffisante : n’est-ce pas Dieu qui a donné la loi ? Voyons plutôt dans quel but elle a été donnée et à qui elle s’applique, c’est-à-dire qui est tenu de la suivre.
1.2. Quel est le rôle de la loi ?
La loi a été donnée à Israël et la vie était promise à celui qui l’accomplirait. Seulement aucun homme n’a pu l’observer parfaitement, si ce n’est le Seigneur Jésus. Dieu a pourtant permis cette expérience pour nous prouver que l’homme ne peut obtenir la vie par lui-même en réalisant la loi. Il voulait ainsi nous amener au seul moyen de salut : Jésus Christ. La loi est donc notre conducteur jusqu’à Christ ; c’est elle qui nous fait connaître le péché (Galates 3. 24; Romains 3. 20; 7. 7 et Galates 3. 19).
D’autre part, l’Écriture nous dit que la loi est la puissance du péché (1 Corinthiens 15. 56). Le péché trouve toute sa force dans l’homme quand il y a un commandement légal à transgresser. C’est pour cela que la loi devient un ministère de malédiction et de mort (2 Corinthiens 3. 7,9 ; Galates 3. 13) : placez un homme sous la loi, elle devient une malédiction pour lui, parce qu’il est incapable de l’accomplir.
Mais alors comment échapper à cette malédiction de la loi tout en reconnaissant son origine divine et son autorité immuable ? Eh bien, le chrétien n’est plus obligé vis-à-vis de la loi parce qu’il est mort à cette loi (Galates 2. 19) qui reste pourtant éternellement valable en elle-même. Regardons donc quelle est la véritable position du croyant.
1.3. La position chrétienne
Le Nouveau Testament nous enseigne que l’homme est irrémédiablement mauvais (Romains 3. 9,20) et perdu. Il n’y a qu’une issue à sa terrible situation : la mort. C’est en fait ce qui se passe pour le croyant : il est mort, mais mort avec Christ (Romains 6.5-11) et par conséquent mort au péché (Romains 6. 11) et mort à la loi (Romains 7. 4 et Galates 2. 19). Il n’existe plus dans son premier état, ni en tant qu’enfant d’Adam responsable selon sa conscience, ni en tant qu’enfant d’Israël légalement obligé de se soumettre à la loi. Sa vie, la seule qu’il reconnaît comme sienne, est une vie de résurrection. D’une part elle est cachée avec le Christ en Dieu (Colossiens 3. 3), d’autre part elle est la vie même de Christ en lui. « Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi. » (Galates 2. 20)
En devenant chrétien l’homme meurt quant à sa première condition et son obligation vis-à-vis de la loi est à tout jamais annulée (Romains 7. 1-4). Il est maintenant uni à Christ : sa seule règle de conduite consiste à imiter Dieu, Dieu dans un homme, c’est-à-dire Jésus Christ (Éphésiens 5. 1-2). Cette règle s’exprime non par des ordonnances précises, mais plutôt par des principes : marcher dans l’amour, dans la lumière, par le Saint Esprit.
Une telle marche est moralement plus élevée que celle qu’imposait la loi. Par exemple la loi dit : « Tu ne déroberas point » (Exode 20. 15), alors que l’apôtre exhorte : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais plutôt qu’il travaille… afin qu’il ait de quoi donner. » (Éphésiens 4. 28) La grâce non seulement condamne le vol, mais de plus encourage à donner selon l’élan d’un coeur rendu capable d’aimer, et par la puissance du Saint Esprit. Si bien que : « Celui qui aime les autres a accompli la loi. » (Romains 13. 8,10) Dans ces conditions, puisque le chrétien a une nature et une énergie qui se situent au-dessus de ce qu’exige la loi, pourquoi n’observe-t-il pas spontanément le sabbat qui fait partie de la loi ? La réponse à cette question – qui a troublé plus d’un croyant sincère – est que le sabbat occupe une place particulière dans la loi.
1.4. La place du sabbat dans la loi
Le sabbat a une place très importante dans la loi. Si l’on regarde aux ordonnances de Moïse, on s’aperçoit que le sabbat est rattaché à chacune d’elles ; si l’on regarde aux prophètes on constate de même qu’ils insistent presque tous sur le sabbat (par exemple Jérémie 17. 19-27). Enfin, parmi les dix commandements donnés au Sinaï, le sabbat a une place particulière, puisqu’avec le devoir d’honorer ses parents, il comporte un côté positif, celui de se souvenir du repos de Dieu lors de la création alors que les autres sont uniquement constitués d’interdictions. On comprend par conséquent que l’Israélite pieux ait trouvé ses délices à le tenir en honneur (Esaïe 58. 13).
Le sabbat a une autre particularité qui le distingue totalement des autres commandements : il se rattache seulement à l’autorité de Dieu. Pourquoi fallait-il observer le sabbat ? Parce que l’Éternel l’avait dit. C’était la seule raison, alors que pour les autres commandements, il y en avait une deuxième dans le fait qu’ils correspondaient au langage de la conscience.
La loi a deux côtés
- un côté moral qui correspond à la conscience naturelle de tout homme. Ainsi, un païen guidé par sa seule conscience pourrait suivre la plupart des commandements de la loi (Romains 2. 14-15).
- un côté relationnel qui ne concerne que le peuple d’Israël, le peuple terrestre de Dieu auquel la loi a été donnée comme alliance. Vu sous cet aspect, le sabbat est le commandement essentiel de la loi ; il est en lui-même une alliance, un signe entre l’Éternel et son peuple terrestre : « Pendant six jours le travail se fera, et le septième jour est le sabbat de repos consacré à l’Éternel : quiconque fera une oeuvre le jour du sabbat, sera certainement mis à mort. Et les fils d’Israël garderont le sabbat, pour observer le sabbat en leurs générations, – une alliance perpétuelle. C’est un signe entre moi et les fils d’Israël, à toujours ; car en six jours l’Éternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il s’est reposé, et a été rafraîchi. » (Exode 31. 15-17 et Ézéchiel 20. 12) Ce signe correspond au désir de Dieu d’associer son peuple terrestre à son repos dans la création.
Dans ce sens le sabbat est même antérieur à la loi (Exode 16. 22-30) quoique repris par elle dans le quatrième commandement ; il correspond exactement au rachat du peuple d’Israël de la servitude de l’Égypte : « … l’Éternel, ton Dieu, t’a fait sortir de là (l’Égypte) à main forte et à bras étendu ; c’est pourquoi l’Éternel ton Dieu, t’a commandé de garder le jour du sabbat. » (Deutéronome 5. 12-15)
Si la circoncision était le signe de l’élection en Abraham (Genèse 17. 11), le sabbat était le signe de l’alliance avec l’Eternel qui s’était sanctifié un peuple pour qu’il jouisse de son repos dans la première création (Exode 33. 14). Pour être réellement un signe distinctif, le sabbat devait être neutre par rapport à la conscience.
1.5. Le chrétien et le sabbat
La loi mosaïque, et par conséquent le sabbat, demeure toujours revêtue de l’autorité divine. Le chrétien, tout en reconnaissant cela, ne lui est plus assujetti. En effet, il est délivré de la malédiction de cette loi qui était au-dessus de son pouvoir, parce qu’il est mort avec Christ, et en particulier mort à la loi, et qu’il est ressuscité avec Christ pour lequel il doit vivre désormais par la puissance du Saint Esprit.
Cette vie de résurrection accomplit spontanément le côté moral de la loi en harmonie avec la conscience naturelle. Par contre elle n’a rien à voir avec le côté relationnel de la loi, lequel concernait le peuple d’Israël. Le sabbat, signe d’alliance et de communion entre l’Eternel et son peuple terrestre, sans rapport avec la conscience, appartient uniquement à ce deuxième côté de la loi. Le chrétien est donc libre à son égard.
2. Le sabbat dans le Nouveau Testament.
Les développements doctrinaux présentés jusqu’ici devraient être suffisants pour affranchir le croyant qui hésiterait à propos du sabbat. Regardons cependant comment le sabbat a été observé par le Seigneur et par l’Église à son début. Le sabbat est cité une soixantaine de fois (Ce compte exclut les passages où le mot grec « sabbaton » signifie « semaine ».) dans le Nouveau Testament ; la plupart des mentions se trouve dans les Évangiles et les Actes des Apôtres ; un seul emploi est fait dans les Épîtres.
2.1. Le sabbat dans les Évangiles
Né « sous la loi » (Galates 4. 4), le Seigneur fut circoncis son huitième jour et observa le sabbat comme les autres fêtes juives. Cependant, tout en suivant la loi, le Seigneur montre qu’un nouveau mode de relations avec Dieu va être établi. Ainsi, pour plusieurs mentions du sabbat dans les évangiles, l’accent est mis sur le fait que le Seigneur heurtait la pensée des Juifs à ce sujet. Si la volonté de Dieu était que nous l’observions, il n’en serait certainement pas ainsi. Le Seigneur donne trois raisons principales qui lui permettent d’enfreindre le sabbat :
*D’abord il est « Seigneur du sabbat. » (Matthieu 12. 1-8) Les sacrificateurs profanaient le sabbat à l’occasion du service du temple parce que ce dernier avait la prééminence sur le sabbat. Combien plus celui-ci s’efface-t-il devant la Personne du Seigneur qui est infiniment plus que le temple. Il peut disposer du sabbat parce que c’est lui qui a établi cette ordonnance : il en est le seigneur. Prenons l’exemple d’une maison dans laquelle le maître a interdit l’accès à une chambre. Lui seul peut y entrer et bien sûr y faire entrer ceux qu’il s’associe. Les disciples qui faisaient un avec leur maître n’étaient pas coupables à l’égard du sabbat. Nous savons que nous sommes nous-mêmes unis encore plus intimement au Seigneur en toutes choses (Romains 8. 14-17).
* Ensuite le Seigneur précise que le sabbat a été fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat (Marc 2. 23-28 et lire tout le paragraphe). Le sabbat a été donné pour que l’homme se repose et jouisse du fruit de son labeur et non pour que l’homme devienne esclave du sabbat. Là aussi, Jésus, le Fils de l’homme, peut disposer du sabbat en prenant la même liberté à l’égard des ordonnances que celle prise par David quand il était rejeté et dans le besoin. D’autre part le Seigneur apporte à l’homme pécheur un repos combien supérieur à celui du septième jour.
* Enfin, le Seigneur parle du sabbat en relation avec l’activité du Père : « Mon Père travaille et moi je travaille. » (Jean 5. 17) Après les six jours de la création, Dieu, voyant que tout ce qu’il avait fait était très bon, pouvait se reposer (Genèse 2. 2) : tout était parfait, il n’y avait plus rien à faire. Mais depuis que le péché est entré dans le monde, Dieu ne peut plus se reposer, il a comme recommencé à travailler et cela principalement sur le plan de la nouvelle création. Il n’y a plus de repos dans une création souillée (Michée 2. 10). Le Fils, l’envoyé du Père, travaille comme Lui et cela même le jour du sabbat.
2.2. Le sabbat dans les Actes des Apôtres
Le sabbat est cité neuf fois dans les Actes des Apôtres. La première mention précise une distance qui correspondait au chemin que les Juifs étaient autorisés par la tradition à parcourir le jour du sabbat (Actes 1. 12). Les autres mentions (Actes 13.14,27,42,44; Actes 15. 21 ; 16.13; 17. 2; 18.4) nous montrent que Paul et ses compagnons saisissaient l’occasion fournie par le repos hebdomadaire national du septième jour pour rencontrer les Juifs, soit dans leurs synagogues, soit dans les lieux où ils étaient assemblés. Cela ne doit pas nous surprendre parce que Paul annonçait d’abord l’Evangile aux Juifs et, en serviteur zélé et intelligent, il s’adaptait aux habitudes du judaïsme établi, pour enseigner avec efficacité (1 Corinthiens 9. 20). Ne déduisons donc pas de ces passages que les chrétiens doivent se réunir dans les synagogues et le jour du sabbat. Par contre, il faut noter que c’était le dimanche qu’ils célébraient la cène (Actes 20. 7).
Enfin, en conclusion de la réunion qui fut appelée plus tard par certains le « concile de Jérusalem », les apôtres, les anciens et les frères déclarèrent aux croyants des nations qu’ils n’avaient aucune ordonnance juive à respecter, si ce n’est de s’abstenir des choses sacrifiées aux idoles, du sang, de ce qui est étouffé et de la fornication (Actes 15. 28-29).
2.3. Le sabbat dans les Épîtres
Le mot sabbat n’est employé qu’une fois dans l’ensemble des Épîtres qui fixent la doctrine chrétienne. Cela devrait suffire à montrer que l’on ne doit pas lui attribuer une importance primordiale. De plus, le passage qui le cite exhorte le croyant à se détacher des formes légales et en particulier du sabbat : « Que personne donc ne vous juge en ce qui concerne le manger ou le boire, ou à propos d’un jour de fête ou de nouvelle lune, ou de sabbat, qui sont une ombre des choses à venir ; mais le corps est du Christ. » (Colossiens 2. 17) Ainsi il ne faut absolument pas faire du sabbat ou des autres éléments judaïques un sujet de discussion ou de jugement entre les chrétiens. Ces choses doivent être mises maintenant au second plan dans les valeurs spirituelles car elles étaient seulement l’ombre de celles qui devaient venir. Laissons donc les ombres pour nous attacher à la réalité, c’est-à-dire à Christ Lui-même.
Dans l’Épître aux Hébreux nous trouvons encore l’expression « repos sabbatique. » (Hébreux 4. 9).
Comme cela sera expliqué plus loin, elle ne correspond pas au repos du septième jour, mais à un état de repos encore futur pour Israël et au repos de la foi pour le chrétien
3. Comparaison entre le premier et le septième jour de la semaine.
La division du temps en semaines de sept jours est issue de l’oeuvre de Dieu en création. En effet elle ne s’appuie sur aucun phénomène naturel contrairement aux divisions en mois et en années.
Le premier et le dernier jour de la semaine, le dimanche et le samedi, ont une valeur symbolique et chacun d’eux caractérise une époque donnée dans les relations de Dieu avec les hommes.
Historiquement c’est le dernier jour de la semaine qui a d’abord été mis en valeur.
3.1. Le samedi et l’époque de la loi
On peut relever plusieurs éléments spécifiques du samedi :
a) C’est le dernier jour de la semaine.
b) C’était le jour auquel se rapportait un commandement de la loi, le quatrième.
c) C’était pour Israël le jour de repos dans le travail matériel, (précisons que le mot sabbat ne signifie pas « samedi » ou « septième jour » mais « repos » et qu’il y avait d’autres jours de sabbat que le septième jour (Lévitique 23. 30-32).
On peut établir un parallèle entre ces trois éléments et les traits caractéristiques du temps de la loi :
a) Dans un système légal, la bénédiction est toujours vue à la fin d’une période d’effort comme le repos était à la fin de la semaine de travail.
b) C’était une époque où les relations de Dieu avec les hommes étaient réglées par des commandements autoritaires pour l’accomplissement desquels l’homme ne trouvait aucune ressource en lui-même.
c) C’était enfin une époque où la bénédiction consistait avant tout en une prospérité matérielle. La vie était promise à celui qui accomplissait la loi (Lévitique 18. 5 par exemple) mais quand on parlait de vie, il s’agissait de relations heureuses avec Dieu dans le cadre des choses terrestres. C’était donc une communion avec le Dieu créateur ; Israël avait et aura toujours une vocation terrestre. Notons que bientôt Dieu parlera à nouveau de bénédictions terrestres quand les relations avec Israël seront rétablies sur la base du sang de Christ : le sabbat retrouvera alors normalement sa place (Ésaïe 66. 23 et Ezéchiel 46. 3).
3.2. Le dimanche et l’époque de la grâce
Le dimanche a, lui aussi, des caractères particuliers.
a) C’est un point de départ, le premier jour de la semaine.
b) C’est le jour de la résurrection du Seigneur Jésus.
c) C’est enfin le « huitième jour », notion que l’on trouve dans les ordonnances lévitiques, c’est-à-dire un jour de renouveau, un jour qui échappe au cycle de la première création, un jour où l’esprit de Dieu est répandu (On voit dans la loi cette notion de huitième jour dans le « lendemain du sabbat » : Lévitique 23. 11-16 et voir aussi Lévitique 9. 1, 23-24).
Le parallèle avec l’époque de la grâce est bien significatif :
a) Dans cette période, la vie est donnée comme point de départ à toute carrière chrétienne : « Si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. » (Jean 3. 3)
b) Quand on parle de vie, il s’agit d’une vie de résurrection, quelque chose de tout à fait étranger à la nature : « Si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création, les choses vieilles sont passées ; voici toutes choses sont faites nouvelles et toutes sont de Dieu. » (2 Corinthiens 5. 17)
C) L’époque de la grâce est caractérisée par la venue du Saint Esprit, un dimanche, le jour de Pentecôte (Actes 2. 1). D’une part les croyants furent « baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps » (1 Corinthiens 12. 13), le peuple céleste de Dieu, d’autre part « les miracles du siècle à venir » (Hébreux 6. 5) qui eurent lieu, anticipèrent le grand huitième jour sur la terre, le jour du millénium.
Puisque le premier jour de la semaine caractérise ainsi l’époque de la grâce, on peut être surpris qu’il n’y ait pas d’enseignement précis sur le respect de ce jour. En fait, cela souligne une autre opposition entre le premier et le dernier jour de la semaine : le dimanche n’est en aucun cas le « sabbat chrétien », car le chrétien n’observe pas des jours, des mois, des temps et des années (Galates 4. 10-11). Le Seigneur ne s’impose pas à ses rachetés, il ne leur répète pas de nombreuses fois ses désirs, il voudrait que nos coeurs soient attentifs à la plus légère expression de sa volonté : cela est aussi vrai pour la manière d’adorer le Père que pour le jour où il est souhaitable de le faire en assemblée. Nous considérons donc comme un privilège, et non comme un commandement, de pouvoir nous réunir en assemblée chaque dimanche pour l’adoration et la célébration de la cène.
Pour bien nous faire comprendre sa pensée à ce sujet, le Seigneur s’est trouvé avec ses disciples les deux premiers dimanches après sa résurrection (Jean 20. 19-26). De plus c’était le dimanche que les premiers chrétiens se réunissaient pour « rompre le pain » (Actes 20. 6-7 et 1 Corinthiens 10. 16 ; 11. 23 54. 1 Corinthiens 16. 2) en mémoire de l’oeuvre du Seigneur Jésus. Enfin signalons que les collectes pour les croyants dans le besoin se faisaient également le premier jour de la semaine, et que le Seigneur a choisi ce même jour, pour confier les dernières révélations des Écritures à l’apôtre Jean (Apocalypse 1. 10).
En conclusion, le premier jour de la semaine, le dimanche, est réellement le « jour du Seigneur. » (Dimanche vient de « jour du Seigneur » en latin « dies dominica » ; voir aussi Apocalypse 1. 10) Il est comme sanctifié pour le chrétien qui se rappelle qu’après avoir passé le sabbat dans le sépulcre, le Seigneur est ressuscité victorieux, le premier jour de la semaine. Ce fait touche profondément le coeur du croyant et beaucoup de beaux cantiques y font écho :
« Vainqueur de Satan et du monde,
Le Fils de Dieu sort du tombeau
Aux horreurs d’une nuit profonde
Succède le jour le plus beau. »
4. Réponse à quelques questions.
4.1. Genèse 2. 3: « Dieu bénit le septième jour et le sanctifia ». Ce passage ne montre-t-il pas que le sabbat est immuable et pour tous les hommes ?
Le verset cité ne contient aucun ordre : Dieu bénit le septième jour et le sanctifie pour lui-même, d’une manière probablement immuable, mais rien n’est demandé aux hommes dans ce passage. Le sabbat d’ailleurs n’a pas été connu pendant les siècles qui s’écoulèrent avant Moïse. Les détails ne manquent pas sur la vie religieuse des patriarches, il est question d’autel, de sacrifice, de dîme, de fête, de circoncision, mais pas un mot ne laisse supposer l’observation du sabbat.
Le sabbat a été connu par Moïse seulement après que le peuple eut été racheté d’Egypte, d’abord à l’occasion de la collecte de la manne (Exode 16. 23,29-30), puis plus précisément au Sinaï lors de la promulgation de la loi (Exode 20. 1,2,8-11). C’est là seulement que la signification du sabbat en rapport avec l’oeuvre de Dieu en création a été révélée comme le précise un verset de Néhémie : « Et tu descendis sur la montagne de Sinaï… Tu leur fis connaître ton saint sabbat. » (Néhémie 9. 13-14)
En conclusion, malgré la mention du septième jour dès le début de la Genèse, le sabbat n’a pas été connu avant Moïse (Deutéronome 5. 2-3) et ne concerne que le peuple d’Israël pour lequel il constitue un signe d’alliance comme cela a déjà été expliqué.
4. 2 Exode 20. 8: « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier ». Faisant partie des dix commandements et non de la loi cérémonielle, le sabbat ne doit-il pas être observé par les chrétiens ?
Les dix commandements sont distingués effectivement du reste de la loi par le côté solennl de leur promulgation (Exode 19 et 20), par le fait qu’ils ont été écrits du doigt de Dieu (Exode 31. 18) et qu’ils ont été placés dans l’arche (Deutéronome 10. 5). Cette distinction était utile au peuple pour qu’il craigne Dieu (Exode 20. 20). Néanmoins Dieu n’a pas permis que les tables de la loi soient conservées, probablement afin qu’elles ne deviennent pas un objet d’idolâtrie comme ce fut le cas pour le serpent d’airain (2 Rois 18. 4).
Après les livres de Moïse, il n’y a plus de distinction concernant les dix commandements dans la Parole.
Dans le Nouveau Testament, la loi est vue comme un tout, sans que jamais une insistance particulière ne soit faite sur les dix commandements. Au contraire, le Seigneur Jésus déclare que le plus grand des commandements est celui d’aimer le Seigneur (Matthieu 22. 36-39), puis il ajoute que le second est celui d’aimer son prochain comme soi-même ; ces deux injonctions ne font pas partie du décalogue. La seconde est d’ailleurs présentée comme résumant plusieurs des dix commandements (Romains 13. 9).
Bien que l’on puisse faire la différence entre les « ordonnances pour le culte » (Hébreux 9. 1) et l’enseignement moral, il est faux de dire que l’on peut distinguer le décalogue du reste de la loi dans le Nouveau Testament. Des tournures comme « Dieu a commandé » ou « Moïse a dit » y sont employées indifféremment (Matthieu 15. 4 et Marc 7.10-11. Comparer les 2 versets parallèles.) et souvent « la loi de Moïse » comprend manifestement tout l’enseignement de Dieu dans le Pentateuque (Luc 24. 44 et Actes 28. 23).
Quelle que soit la place du sabbat dans la loi, rappelons que la liberté du chrétien à l’égard du sabbat ne vient pas du fait que la loi serait partiellement ou totalement abolie, mais que c’est le chrétien qui est mort à la loi (Cf paragraphe 1. 5).
4.3. Matthieu 24.20 : « Priez que votre fuite n’ait pas lieu en hiver ni un jour de sabbat. » Ces paroles du Seigneur prouvent-elles que le sabbat sera observé à l’avenir ?
Oui, effectivement, mais il s’agit d’un temps encore futur. Le peuple Juif apostat sera alors rassemblé et le temple rebâti sera souillé par « l’abomination de la désolation ». A cette époque, l’Église aura déjà été enlevée (1 Thessaloniciens 4. 15-18 ; Apocalypse 3. 10).
On peut penser que le sabbat sera alors observé en Israël comme il l’est actuellement dans les milieux juifs et que cela constituera une entrave pour les fuyards du peuple, auxquels s’adresse l’évangile de Matthieu.
Redisons encore que le sabbat sera légitimement observé pendant le millénium (Ésaïe 66. 23 et Ézéchiel 46. 3). En effet le désir inchangé de Dieu que l’homme entre dans son repos sera réalisé sur la terre, en vertu de l’oeuvre de la rédemption, pendant le règne de Christ.
4.4. Hébreux 4. 9 – « Il reste donc un repos sabbatique pour le peuple de Dieu ». Quelle est la signification de ce verset ?
La dernière partie du chapitre 3 et le chapitre 4 des Hébreux présentent quelques difficultés de compréhension. Voici, semble-t-il, l’essentiel du raisonnement de l’auteur de l’épître : Dieu a racheté un peuple pour qu’il jouisse de son repos sur la terre et lui a donné, en quelque sorte, le sabbat comme arrhes de cette bénédiction (Exode 33. 14 et Néhémie 9. 14). A cause de son incrédulité la plus grande partie du peuple a péri dans le désert et ceux que Josué a introduits en Canaan ne sont eux-mêmes pas entrés dans le repos de Dieu, puisque l’exhortation à y entrer a été faite en David longtemps après : « Il reste donc un repos sabbatique pour le peuple de Dieu »… Dans ce chapitre, le lieu du repos n’est pas donné, mais nous savons par ailleurs que pour le peuple terrestre de Dieu, ce sera le millénium en Israël, alors que la maison du Père est le repos attendu de l’Église. Par contre, les conditions pour entrer dans le repos sont bien précisées : ce sont la foi et l’obéissance. Par la foi, nous entrons dès à présent dans le repos de la conscience ; par l’obéissance au Seigneur nous pouvons participer maintenant au travail de sa grâce et nous préparer à partager aussi demain le repos de son amour dans le ciel comme Israël le fera sur la terre (Sophonie 3. 17). Le repos sabbatique de ce chapitre n’est donc pas le repos hebdomadaire du septième jour, mais un état de repos durable et encore futur dans lequel on ne peut entrer que par la foi.
4.5. Le sabbat et la liberté chrétienne : celle-ci nous permet-elle d’observer volontairement le sabbat sans rien perdre de ce qu’apporte la grâce ?
Non certainement pas, parce que la liberté chrétienne consiste justement à être libéré des oeuvres de la loi pour servir Dieu par l’Esprit : « Toutes choses me sont permises, mais je ne me laisserai, moi, asservir par aucune. » (1 Corinthiens 6. 12) Toute l’épître aux Galates est là pour condamner avec une extrême gravité ceux qui mélangent la grâce et la loi. Citons quelques versets : « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant ; tenez-vous donc fermes et ne soyez pas de nouveau retenus sous un joug de servitude. » (Galates 5. 1) « Je suis mort à la loi afin que je vive à Dieu » (Galates 2. 19), ce qui sous-entend « je suis mort au sabbat afin que je vive à Dieu » ; sinon je ne peux vivre à Dieu, l’aimer et le servir librement.
Encore une citation de la même épître : « Je proteste de nouveau – dit l’apôtre Paul – à tout homme circoncis qu’il est tenu d’accomplir toute la loi » (Galates 5. 3) . Pour le sabbat, nous pourrions lire tout aussi bien -. « Je proteste de nouveau à tout homme qui observe le sabbat, qu’il est tenu d’accomplir toute la loi ». Et l’apôtre Jacques ajoute : « Quiconque gardera toute la loi et faillira en un seul point est coupable Sur tous. » (Jacques 2. 10). Quel terrible engrenage que de vouloir ajouter un quelconque commandement légal à l’évangile de la grâce ! L’apôtre emploie les expressions les plus fortes pour que les yeux de « ses enfants pour l’enfantement desquels il travaillait de nouveau » (Paraphrase de Galates 4. 19) soient ouverts. Puissent-ils l’être pour chacun de nos lecteurs.
Pour l’apôtre, mélanger la loi et la grâce, c’est :
- « un évangile différent, qui n’en est pas un autre. » (Galates 1.6)
- annuler la grâce de Dieu et la portée de la mort de Christ (Galates 2. 21).
- avoir commencé par l’Esprit et finir par la chair (Galates 3. 3).
avoir souffert en vain pour le Seigneur (Galates 3. 4). se remettre sous la malédiction (Galates 3. 10).
être retenu sous un joug de servitude (Galates 5. 1), être déchu de la grâce (Galates 5. 4).
L’épître aux Colossiens traite aussi abondamment cette question qui touche à la base de nos relations avec Dieu, mais nous ne désirons pas allonger. Citons seulement comme conclusion l’exemple de l’apôtre Paul parlant de la merveilleuse justice que nous avons en Christ seul : « J’ai fait la perte de toutes choses et je les estime comme des ordures, afin que je gagne Christ et que je sois trouvé en lui n’ayant pas ma justice qui est de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui est de Dieu moyennant la foi. » (Philippiens 3. 8-9)
HOMÉLIE DU 8E DIMANCHE ORDINAIRE A
24 février, 2017http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 8E DIMANCHE ORDINAIRE A
Is 49, 14-15 ; 1 Co 4, 1-5 ; Mt 6, 24-34
Une paroissienne du quatrième âge, courageuse et singulièrement accablée par plusieurs deuils, me disait ces paroles que le prophète Isaïe a mises dans la bouche de Jérusalem : « Le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée… ». La voici seule et handicapée… une terrible épreuve. Un drame parmi tant d’autres. Que dire ? Que répondre ? La parole de foi est celle d’Isaïe : « Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même si elle pouvait l’oublier, moi je ne t’oublierai pas, dit le Seigneur ».
Ce n’est pas une histoire du passé, mais un événement d’aujourd’hui. Non une réponse théorique adressée à des mystiques d’un autre âge. C’est la parole d’aujourd’hui et de toujours que Dieu adresse à tous ceux et celles qui croient en lui… Même ce genre de montagnes, la foi peut les soulever.
Ceux qui ont écrit, chanté et prié les psaumes étaient des hommes et des femmes de chair et d’os, que les épreuves n’ont pas épargnés. Mais malgré cela ou à cause de cela, ils ont pu dire : « Dieu seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle ; je suis inébranlable… Vous, le peuple, comptez sur lui en tout temps. Devant lui, épanchez votre cœur : Dieu est pour nous un refuge… ». C’est la première leçon d’aujourd’hui.
Tout cela peut paraître énorme, surhumain, peut-être même inhumain. C’est cependant l’attitude fondamentale que Dieu nous propose en fonction d’une échelle de valeurs où l’essentiel est bien à la première place.
L’Evangile peut nous apparaître aussi un peu excessif et même naïf, au point de nous faire sourire. Il ne faut pas nous faire tant de soucis pour notre vie, notre corps, notre vêtement, mais nous ne pouvons pas non plus vivre avec l’insouciance des oiseaux du ciel ou des lis des champs…
Le vrai centre de la leçon est plus loin : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice. » Ce n’est pas seulement une comparaison, un exemple, une parabole, une image excessive : c’est un conseil, une condition de vie, un ordre que donne le Maître à ses disciples. Voilà ce que devrait être notre souci le plus important, en sachant que la justice dont il est question consiste à vivre conformément à ce que Dieu attend de nous. Elle est respect de l’alliance de foi et d’amour contractée entre Dieu et nous, entre Dieu et la communauté des croyants.
Il n’y a qu’une devise authentique pour un chrétien : « Dieu premier servi ». Toutes légitimes qu’elles soient, toutes nos autres préoccupations devraient être conditionnées, éclairées et relativisées par la première. Jésus veut nous remettre les pieds sur terre, le cœur et l’esprit à l’endroit. La vie est plus que la vie terrestre, l’être plus que l’avoir.
Généralement, nous n’en sommes pas là. Les préoccupations que nous qualifions de spirituelles ou de religieuses passent aisément après d’autres soucis. L’utilisation de notre capital temps, argent, santé, dons et compétences, n’est pas volontiers répartie suivant les critères proposés par Jésus, même si l’on se réclame de lui. Ne préférons-nous pas le plus souvent les compromis qui laissent finalement au prioritaire et à l’essentiel la « part du pauvre » ?
Il ne s’agit pas pour autant de mal se nourrir, de mal se vêtir, de négliger la culture et les loisirs, mais bien de ne pas reléguer l’essentiel à la dernière place ou de ne lui réserver que des miettes.
Comment être fidèle au Christ sans lui accorder de temps pour le rencontrer, l’écouter, s’imprégner de sa pensée, de ses conseils ? Il est impossible de vivre sa foi sans la nourrir, l’éclairer, la rafraîchir. Alors, tous les aléas de la vie quotidienne, les grands problèmes et les grands drames, peuvent être vus et vécus dans l’éclairage de l’amour de Dieu, c’est-à-dire en fonction de l’essentiel.
Quel est le moteur de notre existence ? Qu’est-ce qui nous fait, au fond de notre cœur, lutter, entreprendre, courir ? Avoir toujours plus ou être davantage ? Nous encombrer de ce qui passe ou décupler en nous notre pouvoir d’aimer ?
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008
JEUDI, 7ÈME – S. POLYCARPE, ÉVÊQUE ET MARTYR
23 février, 2017http://www.aelf.org/2017-02-23/romain/lectures
JEUDI, 7ÈME – S. POLYCARPE, ÉVÊQUE ET MARTYR
LETTRE DE L’ÉGLISE DE SMYRNE SUR LE MARTYRE DE S. POLYCARPE
Lorsque le bûcher fut prêt, Polycarpe enleva lui-même tous ses vêtements et détacha sa ceinture ; puis il voulut se déchausser lui-même. Il ne le faisait pas auparavant, parce que chacun des fidèles s’empressait toujours pour être le premier à toucher son corps : même avant son martyre, il était toujours entouré de vénération à cause de la sainteté de sa vie.
Aussitôt donc on plaça autour de lui les matériaux préparés pour le bûcher. Comme on allait l’y clouer, il dit : « Laissez-moi ainsi. Celui qui me donne la force de supporter le feu me donnera aussi, même sans la garantie de vos clous, de rester immobile sur le bûcher. » On ne le cloua donc pas, mais on l’attacha.
Ainsi ligoté, avec les mains ramenées derrière le dos, il était comme un bélier de choix pris dans un grand troupeau pour être offert en sacrifice, holocauste préparé pour être agréable à Dieu. Levant les yeux au ciel, il dit :
« Seigneur, Dieu tout-puissant, Père de ton enfant bien-aimé et béni, Jésus Christ, par qui nous avons reçu la connaissance de ton nom. Dieu des anges, des puissances, de toute la création et de toute la race des justes qui vivent en ta présence : je te bénis parce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure, pour que je prenne part, dans la troupe des martyrs, à la coupe de ton Christ, en vue de la résurrection du corps et de l’âme à la vie éternelle, dans l’immortalité donnée par l’Esprit Saint. Je souhaite d’être admis aujourd’hui en ta présence avec eux, comme un sacrifice riche et agréable, ainsi que tu l’avais préparé et manifesté d’avance, ainsi que tu l’as réalisé, Dieu sincère et véritable.
« Aussi je te loue pour toute chose, je te bénis, je te glorifie par le grand prêtre éternel et céleste, Jésus Christ, ton enfant bien-aimé. Par lui, gloire à toi, à lui et à l’Esprit Saint, maintenant et dans les siècles futurs. Amen. »
Quand il eut fait monter cet amen et achevé sa prière, les hommes du feu allumèrent le brasier.
Une grande flamme brilla, et nous avons vu une merveille, nous à qui il fut accordé de le voir et qui avions été gardés pour annoncer aux autres ces événements. Le feu présenta la forme d’une voûte, comme la voile d’un navire gonflée par le vent qui entourait comme d’un rempart le corps du martyr. Celui-ci était au milieu, non comme une chair qui brûle, mais comme un pain qui cuit, ou comme de l’or et de l’argent étincelant dans la fournaise. Et nous sentions un parfum pareil à celui d’une exhalaison d’encens ou d’un autre aromate précieux.
PAPE FRANÇOIS – 11. L’ESPÉRANCE NE DÉÇOIT PAS (CF. RM 5,1-5)
22 février, 2017PAPE FRANÇOIS – 11. L’ESPÉRANCE NE DÉÇOIT PAS (CF. RM 5,1-5)
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 15 février 2017
Chers frères et sœurs, bonjour!
Dès notre enfance, on nous enseigne qu’il n’est pas beau de se vanter. Dans ma terre, on appelle ceux qui se vantent des «paons». Et c’est juste, parce que se vanter de ce que l’on est ou de ce que l’on a, dénote, outre un certain orgueil, également un manque de respect à l’égard des autres, en particulier à l’égard de ceux qui ont moins de chance que nous. Mais dans ce passage de la lettre aux Romains, l’apôtre Paul nous surprend, car il nous invite au moins à deux reprises à nous vanter. De quoi alors est-il juste de se vanter? Parce que si lui exhorte à se vanter, alors c’est qu’il existe quelque chose dont il est juste de se vanter. Et comment peut-on faire cela, sans offenser les autres, sans exclure personne?
Dans le premier cas, nous sommes invités à nous enorgueillir de l’abondance de la grâce dont nous sommes comblés en Jésus Christ, au moyen de la foi. Paul veut nous faire comprendre que, si nous apprenons à lire chaque chose à la lumière de l’Esprit Saint, nous nous apercevons que tout est grâce! Tout est don! Si nous faisons attention, en effet, à agir — dans l’histoire comme dans notre vie — ce n’est pas seulement nous, mais c’est avant tout Dieu. C’est Lui le protagoniste absolu, qui crée toute chose comme un don d’amour, qui tisse la trame de son dessein de salut et qui le porte à son accomplissement pour nous, à travers son Fils Jésus. Il nous est demandé de reconnaître tout cela, de l’accueillir avec gratitude et d’en faire un motif de louange, de bénédiction et de grande joie. Si nous faisons cela, nous sommes en paix avec Dieu et nous faisons l’expérience de la liberté. Et cette paix s’étend ensuite à tous les domaines et à toutes les relations de notre vie: nous sommes en paix avec nous-mêmes, nous sommes en paix en famille, dans notre communauté, au travail et avec les personnes que nous rencontrons chaque jour sur notre chemin.
Paul, toutefois, nous exhorte à nous enorgueillir également dans les épreuves. Cela n’est pas facile à comprendre. Cela nous apparaît plus difficile et il peut sembler que cela n’a rien à voir avec la condition de paix que l’on vient de décrire. Cela en constitue en revanche le présupposé le plus authentique, le plus vrai. En effet, la paix que nous offre et nous garantit le Seigneur ne doit pas être entendue comme l’absence de préoccupations, de déceptions, de manquements, de motifs de souffrance. S’il en était ainsi, dans le cas où nous réussissions à être en paix, ce moment finirait bientôt et nous tomberions inévitablement dans le désespoir. La paix qui jaillit de la foi est au contraire un don: c’est la grâce de faire l’expérience que Dieu nous aime et est toujours proche de nous, ne nous laisse pas seuls ne serait-ce qu’un instant de notre vie. Et cela, comme l’affirme l’apôtre, engendre la patience, parce que nous savons que, même dans les moments les plus difficiles et bouleversants, la miséricorde et la bonté du Seigneur sont plus grandes que toute chose et rien ne nous arrachera de ses mains et de la communion avec Lui.
Voilà donc pourquoi l’espérance chrétienne est solide, voilà pourquoi elle ne déçoit pas. Elle ne déçoit jamais. L’espérance ne déçoit pas! Elle n’est pas fondée sur ce que nous pouvons faire ou être, ni sur ce en quoi nous pouvons croire. Son fondement, c’est-à-dire le fondement de l’espérance chrétienne, est ce qu’il peut y avoir de plus fidèle et de plus sûr, c’est-à-dire l’amour que Dieu lui-même nourrit pour chacun de nous. Il est facile de dire: Dieu nous aime. Nous le disons tous. Mais pensez un peu: chacun de nous est-il capable de dire: je suis sûr que Dieu m’aime? Il n’est pas si facile de le dire. Mais cela est vrai. C’est un bon exercice, que de se dire à soi-même: Dieu m’aime. C’est la racine de notre sécurité, la racine de l’espérance. Et le Seigneur a déversé avec abondance dans nos cœurs l’Esprit — qui est l’amour de Dieu — comme artisan, comme garant, précisément afin de pouvoir alimenter en nous la foi et maintenir vivante cette espérance. Et cette sécurité: Dieu m’aime. «Mais en ce moment difficile?» — Dieu m’aime. «Et moi, qui ai fait cette chose laide et mauvaise?» — Dieu m’aime. Personne ne peut nous ôter cette sécurité. Et nous devons le répéter comme une prière: Dieu m’aime. Je suis sûr que Dieu m’aime. Je suis sûr que Dieu m’aime.
A présent, nous comprenons pourquoi l’apôtre Paul nous exhorte à nous vanter toujours de tout cela. Je me vante de l’amour de Dieu parce qu’il m’aime. L’espérance qui nous a été donnée ne nous sépare pas des autres, et ne nous conduit pas non plus à les discréditer ou à les marginaliser. Il s’agit en revanche d’un don extraordinaire, dont nous sommes appelés à devenir les «canaux», avec humilité et simplicité, pour tous. Et alors, notre gloire la plus grande sera d’avoir comme Père un Dieu qui ne fait pas de préférences, qui n’exclut personne, mais qui ouvre sa maison à tous les êtres humains, à partir des derniers et de ceux qui sont loin, afin que, en tant que ses fils, nous apprenions à nous réconforter et à nous soutenir les uns les autres. Et n’oubliez pas: l’espérance ne déçoit pas.
Je suis heureux de saluer les pèlerins de langue française, en particulier les jeunes et les paroisses venant de France et de Suisse. Que l’Esprit Saint ouvre nos cœurs à l’amour dont Dieu nous a comblés pour que nous devenions en Jésus-Christ les témoins de l’espérance auprès de tous, en particulier des petits et des pauvres. Que Dieu vous bénisse !
LA FOI COMME RÉPONSE À UN APPEL
22 février, 2017http://www.interbible.org/interBible/source/rencontres/2013/ren_130120.html
LA FOI COMME RÉPONSE À UN APPEL
Le cycle des origines ou des récits fondateurs étant clos (Genèse 1-11), commence alors la grande fresque de l’histoire du salut. Dieu entre dans l’histoire et s’adresse à Abraham : Yahvé dit à Abram : Va et quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père, vers le pays que je te ferai voir, de sorte que je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je rendrai grand ton nom pour être une bénédiction, je bénirai ceux qui te béniront et réprouverai qui te maudira de sorte que se béniront par toi tous les clans de la terre. Abram s’en alla comme le lui avait dit Yahvé et Lot s’en alla avec lui (Gn 12, 1-4a).
La tradition interprétera cette intervention divine dans la vie d’Abraham comme un récit de vocation. Mais si on le compare à d’autres récits de vocation (Moïse, Jérémie), on n’y trouve pas d’énoncé de mission ni d’objection de la part de l’appelé. Abraham sera une bénédiction (ce qui peut être associé à une mission), mais celle-ci contient en elle-même son efficacité à la mesure de l’accueil qu’on réservera à Abraham.
Abraham est placé devant la promesse d’un pays et d’une descendance. C’est en fait le rêve de tout semi-nomade : s’établir dans l’espace et établir la pérennité de son nom. Son obéissance ne s’exprime pas en parole mais par une mise en route. L’auteur de la Lettre aux Hébreux saisit bien la nature du rapport d’Abraham avec Dieu : Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait (He 11,8). Abraham est appelé à la foi : telle est sa vocation. On peut en énumérer quatre caractéristiques.
Abraham est appelé comme individu, mais il est mis en relation avec une multitude d’autres personnes: avec son peuple, mais aussi avec le monde entier. Toutes les familles de la terre seront bénies en lui. Dans chaque vocation, il y donc un rapport entre le personnel et l’universel. Abraham est appelé pour tous et non en parallèle avec d’autres appelés. Les autres, par contre, seront appelés par Dieu en solidarité avec Abraham, le premier appelé.
La vocation d’Abraham a un caractère générique, du fait qu’elle est une vocation de départ. C’est un début, et comme pour tout début, on ne peut savoir d’avance le parcours qui conduira à la réalisation du projet, ni quelle forme il prendra. Il est demandé à Abraham d’avoir confiance et de prendre la route, de cheminer dans la foi sans trop savoir où sa foi le conduira. Il marche sur la seule base de sa confiance en Dieu. Il ne lui est pas demandé de rassembler un peuple, comme Yahvé le demandera à Moïse. Il lui est juste dit qu’un peuple naîtra de sa foi. Abraham ne verra pas cependant le fruit de sa foi.
L’expérience de l’appel d’Abraham est une invitation. Il était libre de partir. S’il n’était pas parti, Abraham aurait probablement poursuivi son petit train-train quotidien. Du point de vue de l’histoire du salut, il n’y aurait pas eu la création d’un peuple croyant, car la situation préalable du monde, décrite par l’auteur yahviste, est plutôt lamentable. Le fossé n’avait cessé de s’élargir entre les hommes et Dieu. Dieu ne menace Abraham d’aucun châtiment, s’il ne part pas. Il lui montre un avenir, mais Abraham est libre de le saisir. Plus tard, avec la conclusion de l’alliance avec Moïse, le caractère obligatoire de l’alliance sera plus apparent, car il y aura un enjeu important: accepter l’alliance, c’est vivre; la refuser, c’est mourir. Il faut choisir et en accepter les conséquences. L’appel que Dieu lance à Abraham, « tend à le rendre responsable au sujet de son avenir et de celui de son peuple », comme l’écrit le cardinal Martini (Bible et vocation, Médiaspaul, p. 41). Abraham est lié au destin d’autres personnes.
L’appel d’Abraham provoque une rupture avec le passé. L’idée d’un retour en arrière est exclue de l’expérience d’Abraham. Cette vocation de départ est un aller simple; c’est une marche vers l’avenir avec un détachement de la précédente manière de vivre. Les pérégrinations d’Abraham le conduiront toujours de l’avant. Il ne retournera jamais en Mésopotamie quand la famine se fera sentir en Canaan. Au niveau de son pèlerinage de foi, Abraham ne répétera jamais le passé; sa route est toujours neuve.
Yves Guillemette, ptre