HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE ORDINAIRE A

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HOMÉLIE DU 4E DIMANCHE ORDINAIRE A

So 2, 3 ; 3, 12-13 ; 1 Co 1, 26-31 ; Mt 5, 1-12

Il n’y a rien d’original à fournir des recettes pour être heureux, ou à réciter des litanies de bonheur. Les publicités nous en fournissent à satiété. Les marchands de béatitudes sont légion. Et, selon les experts, le tiercé gagnant est, dans l’ordre, argent, sexe et confort. Quant au super gros lot, il est accordé à qui allie l’avoir, le savoir et le pouvoir. La personne riche est instruite, cultivée et influente. Elle se croit déjà au paradis. Un être comblé. Une vie réussie !
Il y a cependant d’autres propositions particulièrement originales, mais qui n’ont pas pour autant la faveur du public. Il s’agit des béatitudes annoncées par Jésus de Nazareth et que présentent Matthieu et Luc. D’emblée, elles nous plongent en plein paradoxe. Elles se situent en opposition radicale par rapport aux valeurs et aux jugements traditionnels du monde. Elles nous pressent même d’accueillir avec joie ce que nous craignons et de prendre pour objectif ce que d’habitude nous fuyons.
Or, ces béatitudes ne sont pas des publicités, ni une théorie désincarnée, et pas davantage une simple exhortation pieuse destinée à une élite religieuse. Il s’agit en réalité d’un message fondateur, d’un enseignement fondamental. Un programme de vie qui constitue en même temps une sorte d’autoportrait de Jésus, développé ensuite par le sermon sur la montagne. C’est bien ce que le prophète de Nazareth a annoncé et qu’il a accompli. Les huit béatitudes présentées par Matthieu constituent donc le code le plus concis du comportement évangélique et du style de vie du chrétien. Je cite les béatitudes selon saint Matthieu, mais il y a également les quatre de saint Luc. Avec, entre les deux, des différences considérables… Chez Matthieu, les béatitudes définissent les conditions d’accès au Royaume. Elles mettent l’accent sur des exigences évangéliques qui concernent tous ceux et celles, pauvres et riches, qui se réclament de Jésus. Chez Luc, elles annoncent, dit-on, la Bonne Nouvelle de la libération à des gens qui souffrent.
Il ne suffit donc pas de dire : « Je connais les béatitudes » pour bien les comprendre. Il faut les méditer et les re-méditer sans cesse. Mais en faire aussi l’expérience pour en retrouver le sens profond. Restons-en à Matthieu en nous arrêtant à la première béatitude, dont presque toutes les autres dépendent, et qui ne sont en quelque sorte que des conséquences et des applications.
« Heureux les pauvres de cœur », ou mieux encore « ceux qui ont une âme de pauvre ». C’est-à-dire qui ne sont pas comme une baudruche gonflée d’orgueil, qui ne se reposent pas sur leurs richesses, qu’elles soient matérielles, culturelles, affectives et même spirituelles. Pour la plupart des Pères de l’Eglise, la véritable pauvreté est essentiellement une ouverture de tout l’être à Dieu et s’apparente à l’ »humilité ». Parmi les fameuses richesses qui nous fascinent, la plus dangereuse est notre propre « moi », comme égoïsme, repliement sur soi, fermeture à Dieu et au prochain, ou tentative de les accaparer à notre usage.
Le Royaume des cieux, disait saint Léon le Grand, doit être donné à ceux que recommande l’humilité de l’âme plutôt que la pénurie des ressources. Il est d’ailleurs aisé de comprendre que cette disposition d’humilité engendre la douceur, la miséricorde, la transparence, le souci de justice et le courage dans les épreuves.
Cependant, si Matthieu met en évidence la nécessaire disposition intérieure pour tous ceux et celles qui cherchent le Royaume. Et quelle que soit leur situation matérielle au départ, ces dispositions entraînent un détachement effectif par rapport aux biens terrestres et au partage avec les plus démunis. Elle permet de situer les biens de ce monde à leur véritable place. Elle n’est pas une façon commode de fuir la pauvreté tout court. Au contraire, elle y pousse, en développant l’esprit de service et non pas l’esprit de possession personnelle. Elle nous fait rechercher le bien commun et non pas notre seul avantage.
Les béatitudes constituent avant tout la proclamation et la réalisation de l’infinie miséricorde de Dieu à l’égard des pauvres, des affligés, des affamés, des persécutés, des sans voix, des marginalisés, des pécheurs, et plus généralement de toutes nos détresses humaines. Dieu prend parti pour ces pauvres, toutes catégories et nous demande de faire de même. A nous d’en tirer les conséquences pratiques dans notre vie personnelle et familiale, paroissiale et professionnelle, économique et politique. Comme les premiers auditeurs de Jésus, nous avons à prendre notre propre responsabilité dans le monde d’aujourd’hui, qui est le nôtre.

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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