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ET SI C’EST UN HOMME, POÈME LIMINAIRE DE PRIMO LEVI – 27 JANVIER JOURNÉÈ DE LA MÉMOIRE
26 janvier, 2017http://etab.ac-poitiers.fr/coll-champdeniers/IMG/pdf/histoire_primolevi.pdf
ET SI C’EST UN HOMME, POÈME LIMINAIRE DE PRIMO LEVI – 27 JANVIER JOURNÉÈ DE LA MÉMOIRE
?En quoi l’œuvre de Primo Levi est-t-elle un témoignage de l’univers concentrationnaire nazi ?
Poème liminaire : « Si c’est un homme »
Vous qui vivez en toute quiétude Bien au chaud dans vos maisons, Vous qui trouvez le soir en rentrant La table mise et des visages amis, Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain, Qui meurt pour un oui pour un non. Considérez si c’est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux Et jusqu’à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N’oubliez pas que cela fut,
Non, ne l’oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur. Pensez-y chez vous, dans la rue, En vous couchant, en vous levant ; Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s’écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.
Primo Levi (1919-1987)
Primo Lévi est né à Turin en 1919, dans une famille juive peu pratiquante. Il est mort dans la même ville en 1987. Après avoir suivi des études de chimie, il part s’installer à Milan. En 1943, il s’engage dans la Giustizia e Liberta (organisation antifasciste installée dans les Alpes italiennes) et se fait arrêter le 13 décembre de la même année, à l’âge de 24 ans, par la milice fasciste. Il est interné au camp de Carpi-Fossoli, tout près de la frontière autrichienne.
En février 1944, le camp, qui était jusque-là géré par une administration italienne, passe en mains allemandes : c’est la déportation vers Auschwitz. Il est libéré le 27 janvier 1945, date de la libération du camp par les soviétiques. Une fois la guerre finie, il épousera Lucia Morpugo, aura 2 enfants et dirigera une entreprise de produits chimiques. Pendant les derniers mois de sa vie, Primo Levi fut très affecté par la montée du révisionnisme et de l’indifférence. Profondément déprimé, le 11 avril 1987, il se jette dans la cage d’escalier de son immeuble. Son livre autobiographique est publié dès 1947. C’est un des premiers témoignages sur le système concentrationnaire.
L’histoire de son œuvre :
Primo Levi commence l’écriture de Si c’est un homme dès son
retour d’Aushwitz, l’ayant déjà imaginé lors de sa déportation. Il
propose alors à Einaudi, grand éditeur, de le publier mais celui-ci
refuse. Une petite maison d’édition lui accorde une publication en
1947 mais son oeuvre ne connait pas immédiatement un grand
succès : les gens ne sont pas prêts pour prendre véritablement
conscience de la Shoah, on ne croit pas à ce témoignage.
Cependant, quelques années plus tard, à Turin, s’ouvre une
exposition sur la déportation et c’est alors comme une
renaissance pour le témoignage de Primo Levi. Einaudi lui
proposera donc une nouvelle publication en 1958 qui, cette fois,
connaîtra une audience considérable : très vite le livre est traduit
en plusieurs langues et devient mondialement connu. Dès lors,
cette oeuvre ne cessera d’être réimprimée. Jusqu’à sa mort,
Primo Levi continuera de témoigner, de raconter son expérience,
comment il fut brisé et comment il réussit à conserver sa dignité :
en témoignant.
Description / Analyse rapide:
Il s’agit du poème au début du livre portant le même nom, un récit autobiographique sur la
détention au camp d’Auschwitz. L’auteur interpelle toute l’humanitépar le« Vous », premier mot de
la première ligne. Il pose la question : « Considérez si c’est un homme », et énumère tout ce que l’on
a retiré à cet homme
:
La paix : « peine dans la boue », « pas de repos », le pain : « se bat pour un quignon », Le droit de vivre, le droit à la justice : « meurt pour un oui pour un non », les cheveux, le nom, les souvenirs, la chaleur : « sein froid ». A la fin de cette énumération, l’être humain est comparé à une grenouille, il y a une déshumanisation.
« Pensez-y » : Il ne demande pas seulement de se souvenir : il ne s’agit pas d’un simple devoir de mémoire (au sens où l’on conserverait un souvenir en archives pour le sortir de temps en temps). Il s’agit de méditer, de réfléchir. Levi appelle à une vigilance constante.
Le texte se clôt par une malédiction, si l’on venait à oublier de manquer à ce devoir. Elle occupe trois
lignes, et maudit cette personne dans ses biens (« la maison »), sa santé, l’affection de ses enfants.