HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE ORDINAIRE A

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HOMÉLIE DU 2E DIMANCHE ORDINAIRE A

Is 49, 3. 5-6 ; 1 Co 1, 1-3 ; Jn 1, 29-34

Je n’ai pas pris mon petit déjeuner avec Angelo Mozilo, le PDG et cofondateur de la banque de crédit immobilier Countrywide Financial. Dommage ! car il va partir avec un « parachute doré » de 115 millions de dollars. De plus, il bénéficiera de l’avion de la compagnie et aura ses cotisations à son club de golf payées jusqu’en 2011 (1). A l’échelle mondiale, il n’est certes pas le plus lourd des poids lourds.
Mais il n’y a pas de quoi se laisser impressionner. Chacun de nous a aussi du poids ou du prix aux yeux du Seigneur. Comme le disait le prophète en prenant conscience que sa plus grande force et sa richesse la plus sûre était plutôt sa confiance en Dieu et sa vocation de serviteur.
Quand S. Paul écrira aux chrétiens de Corinthe, il évoquera leur petite communauté blessée par des divisions et des discordes, des procès entre frères et des cas d’inconduite. Il n’en dira pas moins : « Vous êtes comblés de toutes les richesses et il ne vous manque aucun don, puisque vous avez été sanctifiés dans le Christ Jésus par le baptême et appelés à être saints ». Pas nécessairement des saints canonisés, ni des produits de grande marque, mais au moins des produits blancs, de vrais saints quand même, que l’on peut reconnaître, non pas à leur étiquette, mais à leur comportement de serviteur du Royaume de Dieu, à leur témoignage de vie selon le Christ, qui en font des artisans de réconciliation, de solidarité et de paix. En effet, nous sommes saints dans la mesure même où nous restons unis au Christ et où nous nous efforçons progressivement et de plus en plus d’imprégner notre vie quotidienne de son esprit.
C’est notre portrait idéal que décrit le livre d’Isaïe. C’est notre mission qu’il précise. Puiser sa force dans le Seigneur, accepter d’être un instrument, un serviteur de son projet d’unité, rayonner la lumière du Christ et annoncer sa Bonne Nouvelle au-delà de toute frontière, qu’elle soit familiale, religieuse ou politique. Ce portrait du serviteur est repris par le psaume, sous forme de prière : Mettre son espoir dans le Seigneur, se tenir à sa disposition : « Voici que je viens, Seigneur, faire ta volonté ». Mais comment ? En cherchant les instructions et les directives dans le Livre où « est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse ». Ensuite, prendre plaisir à faire la volonté de Dieu, mettre sa loi au fond du cœur. Reste encore à ne pas garder ses lèvres closes, car la Bonne Nouvelle du Christ et sa justice doivent être annoncées et proclamées en public.
Ce portrait est primitivement un autoportrait, celui que le prophète a fait de lui-même. Mais en le poussant à sa perfection totale, on a le portrait et la mission du Christ. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle « l’Eglise primitive a retrouvé les traits du Christ dans le portrait de ce prophète ». Et c’est en relisant cette page du second Isaïe aujourd’hui que les chrétiens peuvent y découvrir leur propre idéal. Par le baptême dans l’eau et dans l’Esprit, ils sont aussi des fils ou des filles bien-aimés de Dieu. Ils ont du poids aux yeux du Seigneur.
Les trois textes de ce jour nous renvoient à notre baptême. Etre chrétien n’est rien si ce n’est pas aussi une tâche à accomplir, une mission à remplir. C’est-à-dire coopérer à l’accomplissement de la mission du Christ. En même temps, nous sommes appelés à développer constamment nos richesses spirituelles pour qu’elles pénètrent toute notre vie ou, en d’autres mots, la sanctifient.
On n’est donc pas chrétien une fois pour toutes, mais on a constamment à le devenir. Et on le devient au fur et à mesure que l’on connaît mieux le Christ et que l’on vit davantage selon son Evangile. Ce qui veut dire que nous ne pouvons jamais nous contenter d’un acquis définitif dans la connaissance de Jésus Christ. Prétendre le contraire serait nous dispenser de continuer notre recherche et d’approfondir notre foi. Cette foi qui n’est jamais un acquis définitif. Elle implique que nous restions constamment à l’école du Maître, pour mieux le comprendre, l’approfondir, nous imprégner de son esprit et en témoigner dans tous les secteurs de la vie quotidienne.
Aujourd’hui encore, je me souviens du drame des affrontements fratricides en ex-Yougoslavie. A l’époque, un chrétien de ces régions, évêque de surcroît, déclarait : « Même si mon adversaire détruit ma maison ou mon église, je dois défendre la sienne ». Un témoignage évangélique exemplaire, et plus précisément héroïque. Mais, dans ces mêmes régions, un autre évêque, apôtre du Christ, et donc artisan de réconciliation et de paix, n’hésitait pas à proclamer « la fin de l’œcuménisme » et en appelait à « revenir à l’Ancien Testament, où il est écrit : « Œil pour œil, dent pour dent, et un jeune homme pour un jeune homme… ». Qu’avait-il donc fait de son baptême ? Une question que nous devons aussi nous poser régulièrement à nous-mêmes.

Frère Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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