Archive pour le 4 janvier, 2017
HOMÉLIE DE L’EPIPHANIE DU SEIGNEUR
4 janvier, 2017http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DE L’EPIPHANIE DU SEIGNEUR
Is 60, 1-6 ; Ep 3, 2-3a, 5-6 ; Mt 2, 1-12
Un film comique, « Les roi mages » présente Gaspard, Melchior et Balthasar en balade dans le Paris du 21e siècle. L’idée est intéressante, mais de nombreux critiques le qualifient de navet. Ce n’est donc pas là que nous pourrons comprendre ce qu’a voulu enseigner Matthieu à des juifs de son temps devenus chrétiens, ni quelles leçons nous pouvons en tirer nous-mêmes pour notre vie chrétienne aujourd’hui.
Rappelons d’abord que les auteurs bibliques décrivent souvent les choses et exposent leur enseignement sous forme imagée et symbolique.
Et vous constaterez, par exemple, que Matthieu ne parle pas de roi, et s’il évoque des mages, il ne dit nulle part qu’ils étaient trois. Pour la liturgie, ce n’est pas la fête des rois, mais bien l’Epiphanie. Un mot grec qui signifie « manifestation ». Jésus est la manifestation visible de Dieu. C’est d’ailleurs la première fête de Noël avant qu’on l’ait fixée au 25 décembre. Et aujourd’hui, en Orient, on fête la naissance de Jésus le jour de l’Epiphanie.
Mais pourquoi Matthieu fait-il intervenir des étrangers païens ?
Pour montrer que le message de Jésus n’était pas réservé au seul peuple d’Israël. Il s’adresse tout autant aux étrangers, à ces païens que les bons croyants ne pouvaient fréquenter. Or, prétendre que les adorateurs d’idoles pouvaient aussi être des héritiers du Royaume de Dieu, était une nouvelle tout à fait révolutionnaire. Matthieu voudra donc leur montrer et leur prouver que cette nouveauté correspondait parfaitement aux annonces faites par les prophètes d’Israël. Comme l’a d’ailleurs rappelé la première lecture, Isaïe avait annoncé que des païens découvriraient la vraie lumière au Temple de Jérusalem et qu’un jour ils viendraient à dos de chameau apporter de l’or et de l’encens pour louer le Seigneur.
Matthieu devait aussi expliquer pourquoi les plus pieux et les plus pratiquants des juifs, même les mieux informés, y compris le grand prêtre et son conseil sacerdotal, qui tous attendaient un messie, non seulement ne l’avaient pas reconnu, mais combattu, et même dénoncé comme blasphémateur.
L’Epiphanie est souvent appelée la fête des signes. Et c’est bien vrai. Pourquoi parler des mages, par exemple ? Parce que, dans la tradition de Babylone, la naissance des grands personnages était généralement annoncée par l’apparition d’un astre. Ce qui, d’une certaine manière, renvoie à la Bible, car elle évoque le messie comme un astre, une étoile : « De Jacob se lèvera un astre. D’Israël surgira un chef ». Voilà en très bref les ingrédients de la composition catéchétique de Matthieu.
Mais venons-en aux leçons pour aujourd’hui. C’est le principal. Nous ne sommes pas propriétaires de la vérité. On ne possède pas la foi à la manière d’un compte en banque. La foi est un chemin d’amour et non pas « un point de vue arrêté, complet, établi une fois pour toutes ». Elle est une vie, et donc une croissance.
Les chrétiens ne constituent pas un peuple de privilégiés, détenteurs de grâces divines, tandis que les autres en seraient privés. Or, nous risquons parfois, comme les gens de Jérusalem, de camper fermement sur nos certitudes définitives, au point de ne pas voir une lumière qui vient d’ailleurs.
Par contre, il peut y avoir des étrangers à notre foi, qui désirent la lumière, qui la cherchent, et qui, dans une autre religion ou même dans des rites païens, peuvent trouver un message authentique de Dieu. De même, il peut nous arriver à nous chrétiens de ne pas reconnaître le Messie, alors qu’il est tout proche. On peut également être pape, évêque, chef des prêtres, brillant théologien, chrétien engagé, et avoir une frousse bleue d’être dérangé dans ses traditions et ses habitudes religieuses. Rappelez-vous l’époque des grandes réformes conciliaires dans les années 60.
D’autres, au contraire, restent constamment en quête de vérité, sont avides de connaître, restent disponibles à la nouveauté et toujours à l’affût d’un signe du ciel, c’est-à-dire d’une lumière évangélique.
Les mages cherchaient un roi. Ils ne trouvent qu’un enfant pauvre encore incapable de parler. Dieu se laisse donc reconnaître sous des traits inattendus. Et encore aujourd’hui.
Les mages sont des étrangers pour le peuple d’Israël ou d’ailleurs la magie est interdite. Ce sont surtout des chercheurs en quête de vérité et de lumière. Ils se laissent interpeller par les évènements ordinaires de leur vie quotidienne. Ils acceptent de sortir de leur train-train journalier, et même de prendre la route de l’aventure, au risque de dangers et de grosses surprises.
A Jérusalem, tout au contraire, les croyants n’ont pas bougé. Ils n’ont pas pris au sérieux les Ecritures. Ils ont eu peur d’être bousculés dans le ronron et l’assurance de leurs certitudes. Les croyants de Jérusalem, comme cela nous arrive parfois, sont restés assis, sûrs d’eux-mêmes. Ils ont raté leur rendez-vous avec le Messie.
Et dans l’évangile, la conclusion est toujours la même : Si vous ne voulez pas m’écouter et mettre en pratique ma Parole, je me tournerai vers les étrangers. Ils passeront devant vous dans mon royaume.
Ce qui me fait penser à un sketch télévisé de Michel Boujenah. Il se présentait comme l’interprète de Dieu et il arpentait la scène sous le coup d’une colère qui ressemblait à un douloureux dépit amoureux. Il martelait une petite phrase : « J’ai fabriqué des sourds. Je me suis fait avoir. J’aurais mieux fait ce jour-là de faire la sieste ». Le pire, c’est que « ces sourds lui reprochent, à lui, de ne rien entendre ».
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008