HOMÉLIE DU 31E DIMANCHE ORDINAIRE C
28 octobre, 2016http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 31E DIMANCHE ORDINAIRE C
Sg 11, 23 – 12,2 ; 2 Th 1, 11 – 2,2 ; Lc 19, 1-10
Les stratèges en chambre sont légion. Nous aimons volontiers jouer au chef d’état-major et au premier ministre, à l’évêque et au pape. Confortablement installés et le verre à la main, nous livrons des combats d’idées, nous gagnons des batailles de mots sans risque ni danger. Nous refaisons ainsi régulièrement le monde et la nation, la cité et l’Eglise, avec un succès garanti et à peu de frais. Après de telles victoires, on se sent incontestablement meilleur.
Réformateurs intransigeants et juges impitoyables, nous collons volontiers des étiquettes, nous classons par catégorie : bons d’un côté, mauvais de l’autre, gens de gauche et de droite, intelligents et bornés, élite et masse. Il y a aussi les croyants et les athées, ceux qui fréquentent l’église et ceux qui ne pratiquent pas. Tout cela est clair, précis, bien à sa place. Un avantage incontestable : nous sommes toujours situés dans la meilleure des catégories, dignes d’éloges et candidats permanents au prix de vertu.
Sur le parcours que doit emprunter le Christ, nous sommes au premier rang des partisans et des admirateurs, les bras chargés de fleurs, la bouche remplie de louanges. Nous allons pouvoir l’applaudir, croiser son regard, le toucher, hurler son nom. Quel honneur et quelle joie, quel privilège aussi pour ceux qui le recevront à table !
Maintenant, il est là, parole et vie, Dieu fait homme, vérité et sagesse. Jésus s’arrête. La foule retient son souffle et fait silence. Le maître a levé les yeux et des centaines d’yeux se lèvent. « Zachée, descends, il faut que j’aille chez toi ! ». C’est la consternation. « Tous récriminaient ». Comment, en effet, ne pas être profondément scandalisé de voir le prophète s’adresser au chef des collecteurs d’impôts, symbole méprisé de la corruption et de la collaboration avec l’occupant ! Un riche de surcroît, nourri de l’argent des pauvres. Et Jésus s’invite chez lui. Il est allé manger et loger chez un pécheur public ! Où vont donc la religion, la morale et les convenances ?
Ieshoua qui ne manque aucune occasion de rectifier ce qui est tordu a tout simplement choisi le pécheur conscient de l’être et sa capacité d’accueil sincère. Il a refusé par contre les applaudissements superficiels et la prétention de ceux qui se croyaient justes.
Le geste inattendu et bienveillant du prophète a bouleversé le petit homme méprisé. Il reconnaît ses fautes et décide sur le champ de changer de conduite. Ses torts, il les réparera, non pas selon les limites de la loi, mais dans la générosité de l’amour dont il vient lui-même de bénéficier.
Le voici donc libéré des chaînes de l’avarice et de la passion du profit. Désormais, « l’autre » ne sera plus objet de convoitise ou brebis à tondre, mais un frère ou une sœur à respecter.
Contrit et repentant, il produit aussitôt des fruits de pénitence et de conversion. Zachée était mort, et le voici qui renaît à une vie nouvelle. L’exclu, le marginal, que les justes montrent du doigt et méprisent de leur jugement, est déclaré par Jésus authentique fils d’Abraham. Le monde à l’envers !
C’est à nous, les disciples et les fidèles, que la leçon est donnée. Car Dieu, comme l’explique la première lecture, nous reprend peu à peu, nous avertit et nous rappelle en quoi nous péchons, pour que nous puissions nous détourner du mal et vraiment croire en lui.
Nous sommes d’ailleurs invités par Jésus à la rencontre et au repas de l’eucharistie… Mais peut-être ne sommes-nous pas aussi pressés et enthousiastes que Zachée pour nous y rendre ? Au cours du banquet, la Parole de Dieu aussi nous interpelle. Et c’est peut-être avec joie que nous la recevons, devenue pain, dans l’intimité de la communion. Sommes-nous cependant bouleversés comme Zachée, au point d’être transformés et de changer comme lui quelque chose dans notre vie ?
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008