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HOMÉLIE DU 29E DIMANCHE ORDINAIRE C
14 octobre, 2016http://parolesdudimanche.blogs.lalibre.be/
HOMÉLIE DU 29E DIMANCHE ORDINAIRE C
Ex 17, 8-13 ; 2 Tm 3, 14 – 4, 2 ; Lc 18, 1-8
« Il faut toujours prier, sans se décourager ». Voilà bien une formule évangélique fort connue. Un cantique moderne nous l’a même fait chanter : « Crier vers Dieu sans perdre cœur ». Bien connue aussi l’expression : « Demandez et vous recevrez » (Jn 16, 24). Mais la précision donnée par l’apôtre Jacques nous est moins familière : « Vous n’obtenez pas parce que vous ne demandez pas » (4, 2). Et, ajoute-t-il, « Si vous demandez sans recevoir, c’est parce que vous demandez mal » (4, 3). Il est vrai que nous sommes bien souvent tentés d’appeler Dieu à la rescousse, parfois même pour des motifs futiles, et de lui dicter les réponses que nous souhaitons.
Quoi qu’il en soit, la prière de demande est la pratique religieuse la plus connue, la plus familière et la plus généralisée. Même la publicité s’en mêle, jusqu’à nous inviter parfois à prier, mais d’une manière irrespectueuse et grotesque. Comme celle qui annonçait : « Le vendredi 13, la St Veinard, c’est aujourd’hui ! Amateurs de jeux et de loteries, ne laissez pas la chance aux autres ! ». Voilà pour la petite histoire.
Mais pour la grande histoire, rappelons-nous que les armées allemandes, en 14 et en 40, confiantes dans leur « Gott mit uns », sont parties à la conquête de terres convoitées, tandis que leurs victimes françaises consacraient leur patrie au Sacré-Cœur et que, des deux côtés du Rhin, on priait dans toutes les églises et les temples : « Seigneur, Seigneur, donne-nous la victoire ! ».
On pourrait donc se poser la question : Mais pour qui Dieu prendra-t-il parti ? Qui va-t-il exaucer ? Au temps de l’auteur du livre de l’Exode, le raisonnement était simple : Dieu nous a arraché à l’esclavage égyptien, nous sommes le peuple préféré, le peuple élu, malheur à qui s’opposera à notre marche vers une terre de liberté. Dieu exercera sa justice, il sera notre pointe de lance et notre bouclier. Et s’il le faut, il viendra venger les siens. S. Augustin a d’ailleurs utilisé ce texte pour asseoir sa théorie de la « guerre juste ».
Les auditeurs de Luc, eux, avaient baissé les bras devant l’échec de leur prière. Ils avaient adhéré au Christ, ils faisaient partie du nouveau peuple élu et ils se trouvaient, eux les fidèles, incompris, exclus et persécutés. Où est donc la justice de Dieu ? Réponse de Luc par la parabole : Dieu fera justice à ses élus qui persévèrent dans la prière et crient vers lui jour et nuit.
Mais, mais… Dieu n’est pas un distributeur automatique de santé, de paix, de travail ou de beau temps. Et il ne suffit pas de lever les bras, car on peut prier « en se trompant de religion ». La prière, en effet, peut être aussi inspirée par l’orgueil, la jalousie, l’égoïsme…
Le dernier verset de l’évangile nous en avertit : la prière suppose la foi. Et la foi, rappelle Paul à Timothée, se nourrit, non pas de bons sentiments ni d’émotions romantiques, mais de la Parole de Dieu. C’est elle qui communique la sagesse, c’est elle qui conduit au salut par la foi, c’est elle qui éduque nos justices et qui nous fournit les vraies armes pour participer à la victoire du Christ. C’est elle qui purifie nos désirs pour nous faire entrer dans les vues de Dieu et qu’ainsi nous puissions les accomplir.
Dans cette source inépuisable de prière qu’est le Livre des Psaumes, vous trouverez en tête du premier psaume cette merveilleuse invocation : « Heureux qui prend son plaisir dans la loi de Yahvé et murmure sa Tora jour et nuit ». Tout comme nous pourrions dire aujourd’hui : Heureux qui rumine l’Evangile jour et nuit. Il est en effet le fondement de l’état de prière. Car la prière plonge ses racines dans l’Ecriture. Elle se nourrit de sa sève pour porter des fruits « dans l’aujourd’hui du monde et dans les engagements humains ».
ans nos prières de demande, nous sommes aisément gourmands et impatients, à l’affût de résultats immédiats. Mais la plus belle des prières de demande est celle qu’a pratiquée Jésus : « Père, que ta volonté soit faite et non pas la mienne ». Et que nous a-t-il appris dans le Notre Père ? … « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». C’est-à-dire que la prière efficace n’est pas une récitation ni une incantation. Il ne suffit pas de la mettre sur disque et d’attendre les bras croisés sans rien faire.
Accueillants et généreux, nous communions par exemple chaque dimanche aux intentions de la prière universelle, notamment pour que le monde soit évangélisé, pour que les affamés puissent être nourris, les malades guéris, et que les belligérants retrouvent la paix. Nous invoquons le Seigneur pour que les chômeurs trouvent du travail, les sans-abris un toit. Mais la prière n’est pas un vœu pieux, même très sincère. Elle est un combat. La prière engage. Car Dieu compte sur nos initiatives personnelles et communautaires pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée, mais aussi pour que les affamés soient nourris, les nus vêtus, et que ceux qui n’ont pas de travail puissent en trouver. La foi doit partir à l’assaut de la misère et de l’exclusion qui est, dit-on aujourd’hui sur tous les tons, le péché le plus grave de notre temps. Prier et agir sans attendre béatement, naïvement et paresseusement des miracles.
Oui, sans aucun doute, il faut toujours prier avec une grande patience, sans se décourager, sans perdre cœur, avec foi, même si elle n’atteint pas le volume d’une graine de moutarde. L’essentiel étant de cultiver le souci de nous conformer à la Parole de Dieu, pour que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Rappelez-vous Jésus au jardin des oliviers, trahi par les siens, menacé d’arrestation. Et il supplie son Père de l’exaucer : « Père, que ce calice s’éloigne de moi »… Et il a dû le boire jusqu’à la lie.
Des enfants peuvent aussi nous donner une leçon sur la prière. Ainsi, dans un reportage télévisé, un capitaine de l’Armée du Salut racontait l’histoire d’une classe qui préparait un pique-nique pour le lendemain. Une gamine délurée annonça qu’elle allait prier pour qu’il fasse beau demain. Mais, le lendemain, ce fut le déluge. D’où les remarques désobligeantes de quelques-unes de ses copines : Le Seigneur n’a même pas entendu ta prière ! Et de répondre énergiquement : Si, il m’a entendue. Il a dit non ! … C’est d’ailleurs la réponse d’amour que les parents donnent à leurs enfants quand c’est vraiment pour leur bien.
Nous avons tous à apprendre à déchiffrer, à décrypter les réponses et les silences de Dieu. En définitive, c’est la fidélité dans l’amour qui nous fait persévérer dans la prière. Car la prière n’est pas un monologue, elle est une conversation avec Dieu et nous aimons vraiment quand nous lui faisons part de nos soucis et de nos joies.
P. Fabien Deleclos, franciscain (T)
1925 – 2008