HOMÉLIE DU 22E DIMANCHE ORDINAIRE C

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HOMÉLIE DU 22E DIMANCHE ORDINAIRE C

Si 3, 17-18, 20, 28-29 ; He 12, 18-19, 22-24a ; Lc 14, 1a, 7-14

Dans les grands repas officiels ou les célébrations solennelles qui se déroulent dans la société civile comme dans la société religieuse, les responsables du protocole se trouvent souvent confrontés à de véritables casse-tête quand il s’agit de respecter scrupuleusement toutes les exigences et les subtilités des préséances exigées par la qualité des invités, généralement susceptibles. Je me souviens même qu’un jour, revêtu des ornements liturgiques, je me dirigeais vers le fond de l’église pour accueillir la famille d’un défunt, je me suis fait interpeller par un ecclésiastique titré, dont j’ignorais tout à fait la présence, et qui manifestait son droit à disposer d’un prie-dieu dans le chœur, ce qui est en effet conforme au règlement. Mais le moment était vraiment mal choisi. Humaine faiblesse ! Jésus a connu pire quand, avant la dernière Cène, il a entendu ses disciples « se quereller pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand ». Et il a pu, bien des fois, observer ces traditionnelles ruées des invités vers les meilleures places, lors des banquets de tout genre. Mais que faut-il penser des leçons que Jésus tire de ces observations du comportement quelque peu vaniteux ou prétentieux des convives ? En tenant compte de l’éclairage donné par la première lecture, nous pouvons dire qu’il y a déjà une leçon d’humilité, de modestie et une mise en garde contre les manifestations de l’orgueil dont la racine est en nous. L’humilité étant la communion à l’esprit de Jésus qui a choisi cette voie très dérangeante de la pauvreté, de la douceur, du respect, de l’amour et de la paix, qui s’oppose à l’esprit du monde, qui est désir de force et de puissance. L’humble est donc celui ou celle qui se situe à sa vraie place par rapport à Dieu, et c’est là qu’il trouve sa véritable grandeur. Il est, comme dit Ben Sirac, « une oreille qui écoute ». C’est bien ce que recommande S. Benoît dans le prologue de sa Règle : « Ecoute, mon fils, les enseignements du Maître et prête l’oreille de ton cœur ». Deuxième leçon très concrète : Chaque fois que vous avez l’intention d’élargir votre table pour quelque fête ou événement que ce soit, invitez aussi des personnes qui souffrent de la solitude, des voisins peu argentés, des chômeurs en difficulté, des handicapés et des immigrés. Parole du Seigneur.

Qu’en pensez-vous ? Voici un conseil particulièrement troublant et même choquant. Il est d’ailleurs en contradiction avec ce que Jésus lui-même a fait. Nous sommes en plein paradoxe évangélique et c’est peu dire, car le commandement que Jésus donne prend le contre-pied de toute sagesse humaine. Il ne s’agit donc pas de vouloir appliquer rigoureusement la matérialité de la lettre. Quoiqu’il serait bon, recommandable et profitable de tenter l’une ou l’autre fois l’expérience d’inviter à notre table des isolés, des esseulés, des déshérités et autres laissés pour compte. Ce n’est guère facile, mais le Christ nous presse aujourd’hui d’y réfléchir. Ces deux paraboles qui s’adressent, l’une à ceux qui sont invités, et l’autre à ceux qui invitent, ne nous proposent pas pour autant un simple code de bonne conduite et de savoir-vivre, pour nous apprendre à bien nous comporter en société. L’Evangile est une catéchèse et tout renvoie au royaume de Dieu et au chemin qu’il faut prendre pour y entrer. Et quand l’évangéliste évoque un festin de noces, comme c’est le cas ici , il renvoie toujours à des noces éternelles, c’est-à-dire au royaume définitif. Ces paraboles nous enseignent la loi du royaume. Cette loi est précisée dans la première conclusion : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ». Ce qui est bien l’opposé de l’esprit du monde. Même sorte d’enseignement quand Jésus dit par ailleurs : « Si vous aimez seulement ceux qui vous aiment, que faites-vous là d’extraordinaire ? Vous, aimez vos ennemis, faites du bien sans rien attendre en retour ». Ou encore : « Qui est le plus petit parmi vous, c’est celui-là qui est grand ». C’est bien pourquoi Jésus s’est fait, sans le moindre calcul et sans attendre d’être payé en retour, l’ami des petits, des pauvres, des déshérités, des malades. Au risque même de sa vie. Ces propos de table de Jésus nous invitent finalement à méditer souvent et patiemment sur la qualité et les exigences de trois sortes de repas. Nos repas en famille, les festins de nos tables humaines, qui ont aussi à témoigner des mœurs du royaume de Dieu déjà parmi nous. Le repas eucharistique, qui se doit d’être une modeste préfiguration du banquet éternel. Une assemblée accueillante, qui ne soit discriminatoire pour personne, une assemblée très soucieuse des lois du royaume de Dieu déjà parmi nous. Le repas éternel, celui du ciel, rassemblement des pécheurs, ouvert à tous ceux et celles qui ont appris à aimer et à servir sans rien attendre en retour, plutôt que de constamment s’affirmer contre les autres, de les dominer par la force ou la séduction, de jouer des coudes pour être toujours au premier rang. Il y a du pain sur la planche !

P. Fabien Deleclos, franciscain (T)

1925 – 2008

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